Le temps et les roches
La datation des objets géologiques est une composante essentielle de la géologie, permettant de reconstituer l’histoire de la Terre et de comprendre les processus qui l’ont façonnée.
La datation est cruciale pour plusieurs raisons.
Elle nous permet :
• de situer les événements géologiques dans le temps,
• de comprendre l’évolution des paysages et des écosystèmes, et
• de corréler les formations géologiques à travers le monde.
Sans une datation précise, il serait impossible de reconstruire l’histoire de la Terre de manière cohérente.
I) La Chronologie Relative
La chronologie relative est une méthode fondamentale en géologie qui permet de déterminer l’ordre des événements géologiques sans nécessairement connaître leur âge exact. Cette approche repose sur plusieurs principes et techniques qui, ensemble, permettent de reconstituer l’histoire géologique d’une région.
A) Les Relations Géométriques
Les relations géométriques entre les différentes structures géologiques sont essentielles pour établir une chronologie relative.
Trois principes clés sont utilisés :
• Superposition : Ce principe stipule que dans une séquence de couches sédimentaires non déformées, chaque couche est plus ancienne que celle qui la recouvre. Ainsi, les couches les plus profondes sont les plus anciennes, et les couches les plus superficielles sont les plus récentes.
• Recoupement : Selon ce principe, toute structure géologique (comme une faille ou un dyke) qui en recoupe une autre est plus récente que celle qu’elle recoupe. Par exemple, si une faille traverse plusieurs couches de roches, la faille est plus récente que les couches qu’elle traverse.
• Inclusion : Ce principe indique que tout fragment de roche (inclusion) contenu dans une autre roche est plus ancien que la roche qui l’entoure. Par exemple, des fragments de roche contenus dans une coulée de lave sont plus anciens que la coulée de lave elle-même.
B) Les Fossiles Stratigraphiques
Les fossiles stratigraphiques jouent un rôle crucial dans la datation relative. Ce sont des fossiles d’organismes qui ont vécu pendant des périodes géologiquement courtes mais qui ont eu une large distribution géographique. Leur présence dans les couches de roches permet de caractériser des intervalles de temps spécifiques.
Les fossiles stratigraphiques sont utilisés pour identifier et corréler les couches de roches d’âges similaires dans différentes régions. Ils permettent de subdiviser les temps géologiques en unités plus petites et plus précises.
En identifiant des fossiles stratigraphiques dans des couches de roches, les géologues peuvent attribuer un âge relatif à ces couches. Par exemple, la présence de trilobites dans une couche de roche indique qu’elle date de l’ère Paléozoïque.
C) Corrélations Temporelles
L’identification d’associations fossiles identiques dans des régions géographiquement éloignées permet d’établir des corrélations temporelles entre formations géologiques.
Lorsque des fossiles similaires sont trouvés dans des couches de roches de différentes régions, cela suggère que ces couches se sont formées à peu près au même moment.
Ces corrélations permettent de reconstituer l’histoire géologique à une échelle plus large, en reliant des événements géologiques sur de vastes distances. Par exemple, la présence de fossiles marins similaires en Europe et en Amérique du Nord indique que ces régions étaient autrefois connectées par un même océan.
D) Coupures dans les Temps Géologiques
Les coupures dans les temps géologiques sont établies sur des critères paléontologiques, notamment l’apparition ou la disparition de groupes fossiles.
Les géologues utilisent l’apparition et la disparition de groupes fossiles pour définir des limites entre différentes périodes géologiques. Par exemple, la disparition des dinosaures marque la fin du Crétacé et le début du Paléogène.
Ces événements sont souvent associés à des changements environnementaux majeurs, tels que des extinctions massives ou des changements climatiques, qui peuvent être utilisés pour subdiviser les temps géologiques.
E) Échelle Stratigraphique
La superposition des intervalles de temps, limités par des coupures d’ordres différents (ères, périodes, étages), aboutit à l’échelle stratigraphique.
En combinant les données de différentes couches de roches et les fossiles qu’elles contiennent, les géologues peuvent construire une échelle stratigraphique qui représente l’histoire de la Terre.
L’échelle stratigraphique est divisée en différentes unités de temps, telles que les ères, les périodes et les étages, qui permettent de situer les événements géologiques dans un cadre temporel précis. Par exemple, l’ère Mésozoïque est subdivisée en trois périodes : le Trias, le Jurassique et le Crétacé.
II) La Chronologie Absolue
La chronologie absolue est une méthode de datation qui permet de déterminer l’âge précis des roches, des minéraux et des événements géologiques en utilisant des techniques basées sur la désintégration radioactive. Contrairement à la chronologie relative, qui établit l’ordre des événements sans fournir de dates exactes, la chronologie absolue fournit des âges numériques, souvent exprimés en millions ou milliards d’années.
A) Désintégration Radioactive
La désintégration radioactive est un phénomène naturel et irréversible où un élément radioactif (élément père) se transforme en un autre élément (élément fils) à un taux constant au fil du temps.
La désintégration radioactive se produit de manière continue et irréversible. Une fois qu’un atome d’un élément radioactif se désintègre, il ne peut pas revenir à son état initial.
La demi-vie est le temps nécessaire pour que la moitié des atomes d’un élément radioactif se désintègrent. Chaque élément radioactif a une demi-vie caractéristique, qui peut varier de quelques fractions de seconde à des milliards d’années. Par exemple, la demi-vie de l’uranium-238 est de 4,5 milliards d’années, tandis que celle du carbone-14 est de 5 730 ans.
B) Datation Radiochronologique
La datation radiochronologique repose sur la quantification des éléments père et fils dans un échantillon pour déterminer son âge.
En mesurant les proportions de l’élément père radioactif et de l’élément fils radiogénique dans un échantillon, les géologues peuvent calculer le temps écoulé depuis la formation de cet échantillon. Cette méthode repose sur l’hypothèse que le taux de désintégration est constant et que le système est resté fermé, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu d’ajout ou de perte d’éléments depuis la formation de l’échantillon.
Les minéraux sont souvent utilisés pour la datation car ils peuvent piéger des éléments radioactifs lors de leur formation. Par exemple, le zircon est un minéral couramment utilisé pour la datation car il peut contenir de l’uranium mais pas de plomb au moment de sa formation. En mesurant les proportions d’uranium et de plomb dans un cristal de zircon, les géologues peuvent déterminer son âge.
C) Différents Chronomètres
En géologie, différents chronomètres sont utilisés en fonction de la période de l’élément père et de l’âge supposé de l’objet à dater.
Les chronomètres géologiques sont classés en fonction de la demi-vie de l’élément père. Par exemple, le système uranium-plomb est utilisé pour dater des roches très anciennes, car l’uranium a une demi-vie de plusieurs milliards d’années. En revanche, le système carbone-14 est utilisé pour dater des matériaux organiques récents, car le carbone-14 a une demi-vie de seulement 5 730 ans.
Le choix du chronomètre dépend de l’âge supposé de l’objet à dater. Par exemple, pour dater des roches formées il y a plusieurs milliards d’années, on utilisera des chronomètres à longue demi-vie comme l’uranium-plomb. Pour des objets plus récents, on utilisera des chronomètres à courte demi-vie comme le carbone-14.
D) Application des Méthodes de Datation
Les méthodes de datation sont appliquées principalement aux roches magmatiques et métamorphiques, en utilisant soit les roches totales, soit leurs minéraux isolés.
Les roches magmatiques, formées par la solidification du magma, et les roches métamorphiques, formées par la transformation de roches préexistantes sous l’effet de la chaleur et de la pression, sont particulièrement adaptées à la datation radiochronologique. Ces roches contiennent souvent des minéraux qui piègent des éléments radioactifs lors de leur formation.
La datation peut être effectuée sur des échantillons de roche totale ou sur des minéraux isolés. La datation des minéraux isolés est souvent préférée car elle permet de dater des événements spécifiques, comme la cristallisation d’un minéral, plutôt que l’ensemble de la roche.
E) Âge de Fermeture du Système
L’âge obtenu par datation radiochronologique correspond à l’âge de fermeture du système considéré, c’est-à-dire le moment où le système est devenu fermé à tout échange avec l’environnement.
L’âge de fermeture est le moment où un minéral ou une roche cesse d’échanger des éléments avec son environnement. Par exemple, lorsque le magma se solidifie pour former une roche magmatique, les minéraux qui se forment piègent des éléments radioactifs et le système devient fermé.
Différents minéraux ont des températures de fermeture différentes. Par exemple, le zircon a une température de fermeture élevée, ce qui signifie qu’il reste fermé à des températures élevées, tandis que le biotite a une température de fermeture plus basse. Cela explique pourquoi des mesures effectuées sur un même objet avec différents chronomètres peuvent fournir des âges différents. En combinant les âges obtenus avec différents minéraux, les géologues peuvent reconstituer l’histoire thermique d’une roche.