lectures de lettres du front
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Alexis Berthomien a survécu à la Grande Guerre. Entre 1914 et 1918, il écrivait souvent à sa femme Marie Robert, qu’il avait épousée en juin 1914, à Trémouilles, petit village de l’Aveyron, deux mois avant d’être mobilisé.
Le 24 août 1915, Ma chère Marinou, J’ai reçu ta lettre du 20 et je m’empresse d’y répondre pour te dire que je suis toujours en bonne santé, et suis heureux de t’en savoir de même. Tu me dis que tu es contente des renseignements que je te donne, mais tu comprends que je suis heureux de pouvoir te dire ce que je sais. Tu veux savoir le poids des obus, je le savais bien au juste, mais maintenant je ne me rappelle pas bien de tous, le 77 pèse 20 à 25 kg et la pièce 25 quintaux ; le 105 pèse 30 à 35 kg et la pièce 45 quintaux ; le 220 pèse 80 kg et la pièce 80 quintaux ; le 320 pèse 150 kg et la pièce 150 quintaux. Maolie
Ils ont aussi des canons monstrueux de 420 qui pèsent 450 quintaux et les obus pèsent 1000 kg. Ceux-là, ils s’en servent pour démolir les forts ou les fortifications, ceux-là sont traînés par des tracteurs automobiles, et l’obus est placé dans la pièce par l’électricité, car c’est impossible aux hommes de remuer un obus. Chaque coût de ses obus leur coûte trente-trois mille francs. Comme artillerie lourde, ils en ont en masse, c’est ce qui les sauve, car ces obus font un ravage terrible. Nous autres, nous commençons à en avoir beaucoup, mais pas comme eux ; les Anglais aussi ont une belle artillerie lourde. L’Italie aussi a une puissante artillerie, leurs canons de campagne sont du même calibre que les nôtres. Maëlys
Quand tu recevras mes cartes, tu l’auras peut-être vue sur les journaux : une belle victoire navale remportée par les Russes sur les Allemands. Ils leur ont coulé trois croiseurs, sept torpilleurs et un grand cuirassé de 22 000 tonnes et ayant à bord mille treize hommes d’équipage. Tu sais que c’est joli ça, ce sont des milliards qui ont coulé au fond de la mer. Et puis ça les empêche de débarquer à Riga, car s’ils avaient pu débarquer des troupes, ils auraient marché sur Saint-Pétersbourg et les Russes étaient perdus. C’est une belle victoire pour les Russes. Je ne t’en dis pas plus long pour aujourd’hui et en attendant toujours de tes chères nouvelles, reçois ma chérie mes meilleures caresses et mes plus doux baisers. Ton mari qui t’aime. Alexis Rozenn
Gaston Biron avait vingt-neuf ans en 1914. Pendant plus de deux ans de guerre, Gaston, qui ne cessait d’écrire à sa mère Joséphine, avait attendu en vain une permission qui ne venait pas. Et puis le grand jour vint, malheureusement chargé d’une épouvantable déception : à l’arrière, il arrivait que le spectacle de ces poilus arrachés à leurs tranchées dérange… Gaston était le fils d’une famille de sept enfants. Ses sœurs Berthe, Hélène, Blanche, Marguerite, Madeleine et Marie apprirent sa disparition à la fin de l’été : blessé le 8 septembre 1916, il mourut de ses blessures le 11 septembre 1916 à l’hôpital de Chartres. Lola
Samedi 25 mars 1916 (après Verdun) Ma chère mère, […] Par quel miracle suis-je sorti de cet enfer, je me demande encore bien des fois s’il est vrai que je suis encore vivant ; pense donc, nous sommes montés mille deux cents et nous sommes redescendus trois cents ; pourquoi suis-je de ces trois cents qui ont eu de la chance de s’en tirer, je n’en sais rien, pourtant j’aurais dû être tué cent fois, et à chaque minute, pendant ces huit longs jours, j’ai cru ma dernière heure arrivée. Nous étions tous montés là-haut après avoir fait le sacrifice de notre vie, car nous ne pensions pas qu’il fût possible de se tirer d’une pareille fournaise. Oui, ma chère mère, nous avons beaucoup souffert et personne ne pourra jamais savoir par quelles transes et quelles souffrances horribles, nous avons passé. Chloé
À la souffrance morale de croire à chaque instant la mort nous surprendre viennent s’ajouter les souffrances physiques de longues nuits sans dormir : huit jours sans boire et presque sans manger, huit jours à vivre au milieu d’un charnier humain, couchant au milieu des cadavres, marchant sur nos camarades tombés la veille ; Liam
ah ! j’ai bien pensé à vous tous durant ces heures terribles, et ce fut ma plus grande souffrance que l’idée de ne jamais vous revoir. Nous avons tous bien vieilli, ma chère mère, et pour beaucoup, les cheveux grisonnants seront la marque éternelle des souffrances endurées ; et je suis de ceux-là. Plus de rires, plus de gaieté au bataillon, nous portons dans notre cœur le deuil de tous nos camarades tombés à Verdun du 5 au 12 mars. Est-ce un bonheur pour moi d’en être réchappé ? Je l’ignore, mais si je dois tomber plus tard, il eut été préférable que je reste là-bas. Tu as raison de prier pour moi, nous avons tous besoin que quelqu’un prie pour nous, et moi-même bien souvent quand les obus tombaient autour de moi, je murmurais les prières que j’ai apprises quand j’étais tout petit, et tu peux croire que jamais prières ne furent dites avec plus de ferveur. […] Ton fils qui te chérit et t’embrasse un million de fois. Gaston Jean