lectures de lettres du front
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Lettre 5 Mardi 18 avril 1916
Ma chère mère, Merci pour ta bonne lettre que j’ai bien reçue il y a quelques jours. […] Nous sommes toujours à l’arrière dans le camp de Chalons où le bataillon se reforme, et nous avons bien besoin de ce repos, car les quinze jours que nous avons passés à Verdun nous ont plus fatigués et démoralisés que six mois de guerre de tranchées. Je suis heureux que la photographie que je t’ai fait parvenir par Blanche t’ait fait plaisir, c’est un bon petit souvenir, mais ce sera peut-être le dernier que tu auras de moi, car je ne te cacherai pas que, pour nous qui sommes parfois tant exposés, chaque fois que nous écrivons aux nôtres, nous pensons toujours que c’est notre dernière lettre et pour quelques-uns c’est vrai chaque jour qui s’écoule. Maxime
Jusqu’à présent, le hasard a favorisé la famille et, pour moi en particulier, j’ai pu au prix de combien de difficultés m’en tirer sans trop de bobos, mais tu le comprendras ma chère mère, il est presque impossible dans cette guerre interminable de sortir indemne pour celui qui est continuellement exposé et, tu le sais mieux que moi, il est peu de familles qui n’aient pas encore payé par un ou plusieurs deuils sont tribut à cette horrible guerre. La nôtre ne peut pas échapper à cette règle sans exceptions, aussi, je ne t’étonnerai pas en te disant que j’ai depuis longtemps déjà fait le sacrifice de ma vie. Ferdinand
J’attends simplement mon tour sans peur et je ne demande à la Providence qu’une chose, c’est de m’accorder cette dernière grâce : la mort plutôt qu’une horrible infirmité, conséquences de ces terribles blessures, dont nous sommes témoins tous les jours. Léon
Je sais bien qu’il est dur de mourir à trente ans en pleine jeunesse, alors qu’on vient de sacrifier au pays cinq des meilleures années de sa vie, mais que veux-tu, ma chère mère, la mort ne choisit pas, et quand on se trouve en pleine bataille, que le feu fait rage autour de soi, combien et combien qui tombent et qui comme moi n’ont rien fait pour mériter la mort. Et puis je n’ai pas d’enfants, personne ne souffrira si je disparais, Blanche est encore jeune, elle peut se suffire à elle-même, je ne pense donc pas qu’elle soit malheureuse si je ne reviens pas. Voilà, ma chère mère, dans quel état d’esprit j’affronte le danger ; je t’assure que la mort ne me fait pas peur, et si quelques fois dans mes lettres, je laisse percer un certain découragement, je ne voudrais pas que l’on croit que c'est par peur. Si je suis démoralisé, c’est que je m’ennuie affreusement. Deux années de guerre, la souffrance, les privations et Verdun surtout m’ont tué. J’aurais bien voulu venir en permission avant de remonter aux tranchées, cela m’aurait fait du bien et ç'eût été pour moi un grand bonheur de venir vous embrasser tous et de passer quelques journées avec Blanche, mais hélas ! Elles sont supprimées et on ne parle pas de les rétablir. Lison
Dans quelques jours Pâques, mais pour nous ce sera un jour comme les autres. Nous aurons probablement une messe en pleine air, et s’il fait beau beaucoup d’entre nous serons heureux d’y assister. Si tu recevais des nouvelles d’André avant moi, sois assez gentille pour me le faire savoir. Adieu, ma chère mère, je t’embrasse un million de fois de tout cœur. Ton fils qui te chérit Gaston Kaëlig
Ma très chère et très aimée Marie,
Dieu l’a ainsi décidé, cette lettre est la dernière que vous lirez de moi ! Je l’écris après avoir reçu l’ordre de diriger une attaque qui doit entrainer les plus grands sacrifices – le mien en particulier. Je t’offre volontiers [ma vie] à la France. Maelys
Soyez assurée que je vous aime comme je vous ai toujours aimée et que j’emporte dans le cœur notre image chérie, ainsi que celles de mes quatre enfants, dans l’âme desquels vous me ferez revivre. Le temps nous manque pour adresser un dernier adieu à ma bonne et vénérée mère, je vous prie de lui annoncer ma mort au Champ d’Honneur. Venant de vous qu’elle affectionne particulièrement, ce coup lui sera moins rude. Tahitia
dites-lui que son âme a forgé la mienne, et que je l'embrasse du fond de mon cœur. Ainsi que mon père qui fut mon modèle. Je n’oublie aucun des nôtres dans ma dernière vision de la Vie. Mon baiser le plus affectueux à mes chers petits Pierre, Louis, Anne et Charlotte,
à vous, mon plus tendre adieu et au Revoir ! Votre Paul Lison