La puissance du test de réceptivité
Lorsque je retrouve mes notes sur cette histoire, je réalise que mon client et moi, nous avons failli passer à côté de cette séquence. Nous étions arrivés au terme de notre processus et j’avais prévu de faire avec lui le bilan de nos séances.
Cette perspective d’une clôture de notre processus lui a fait démarrer notre réunion sur les chapeaux de roue, en évoquant une discussion, très orageuse, entre sa DRH et lui, quelques jours avant notre séance. Le genre d’orage qui fait jaser dans les couloirs.
Peu importe les détails, retenons juste que la bataille d’arguments avait tourné à la bataille de chiffonniers.
Je propose alors à mon client de faire un « test de réceptivité », l’un des outils les plus intéressants que je fais découvrir à tous mes participants aux formations à la négociation que j’anime régulièrement.
Pour faire le test
Le test vise, via 4 questions à se poser, à évaluer la réceptivité de notre interlocuteur à une demande que nous voulons lui faire. Cela marche aussi bien pour évaluer la réceptivité de votre patron, de votre collègue, de votre équipe, de votre actionnaire, de votre client, de votre fournisseur, etc...
Pour réussir le test, la clef est d’accepter de se mettre dans les chaussures de l’autre, de regarder la situation comme lui la regarderait.
Compte tenu de l’état émotionnel de mon client ce jour-là, l’exercice ne peut réussir que s’il se sent en sécurité. Heureusement le cadre que j’ai installé avec lui, la confiance qui s’est établie, la confidentialité de nos échanges créent cet espace de protection indispensable.
La première question du test consiste à envisager tous les avantages que l’autre (en l’espèce la RH) pourrait trouver à la proposition de mon client. Facile, mon client a plein d’arguments ! Je lui en fait faire la liste.
La seconde question consiste à faire l’inventaire de tous les inconvénients que l’autre pourrait trouver à l’idée de mon client. Là encore, facile, la dispute du jour précédent le renseigne bien. Cela dit, il convient de ne pas s’arrêter là. Face à chacun de ces inconvénients, l’exercice consiste à voir si mon client aurait une option à proposer pour réduire cet inconvénient voire à le supprimer carrément.
En général, à ce stade, c’est au gros morceau de la négociation que l’on réfléchit.
Dialogue intérieur
Je laisse mon client gamberger. D’ailleurs je n’ai pas de mal à ça, il parle tout seul. A un moment, j’observe qu’il ne dit plus rien. En revanche les mouvements de son crâne, de ses yeux, voire de son corps, montrent bien que le dialogue avec lui-même continue bien, de l’intérieur !
Au bout d’un moment, plus rien ne bouge. Silence total. Pas un mot, pas un geste, je retiens mon souffle.
Il murmure un truc. Je penche la tête car je tends l’oreille. Il répète son murmure, un peu plus fort et il commence à me regarder, « elle a raison ». Je fronce le sourcil, je mime une sorte d’étonnement, « pardon, que dites-vous, j’ai mal entendu ». Là il répète, très distinctement, « elle a raison ».
Je décide de continuer à jouer l’innocent : « qui a raison ? ». Il me regarde, presque furieux que j’ai l’air de ne pas comprendre, « mais la RH, voyons ! ». « Ah bon, elle a raison ? ». Je rigole : « eh ben dites donc, elle va être contente quand vous irez lui dire, ça va la soulager ».
Il s’amuse aussi. « Bon racontez moi comment vous arrivez à cette conclusion » (j’ai failli ajouter « ébouriffante »).
Et donc il me raconte, il me refait le film intégral, à l’envers.
La suite leur appartient.
Il y avait encore deux questions à parcourir dans mon « test de réceptivité ». Nous avons considéré que ce n’était pas nécessaire d’aller jusque-là. Le test avait montré sa puissance à la moitié du parcours !
Qui sait, j’aurais peut-être un jour une autre histoire à raconter, avec les quatre questions à expliquer !