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Thèse

Titre : « Gouverner par les règles : pensée politique et juridique néolibérale. Hayek, Lippmann, Buchanan, Posner. » (Sous la direction d’Arnaud Milanèse et Claude Gautier), soutenue le 16 septembre 2022 à l’ENS de Lyon.

La thèse est disponible en ligne : https://theses.hal.science/tel-03880658.

Cette thèse examine la philosophie politique et juridique néolibérale, à travers le concept de règle, en s'appuyant particulièrement sur les contributions de quatre auteurs : Walter Lippmann, Friedrich Hayek, James Buchanan et Richard Posner. Les néolibéraux doivent affronter trois difficultés relatives à cette problématisation séminale. Tout d'abord, il leur faut traiter de la question normative de la justification des règles du jeu. En refusant la perspective naturaliste sous-jacente au laisser-faire, et par ailleurs tout fondement transcendantal à l'ordre social, les néolibéraux sont amenés à proposer une série d'arguments relatifs à la défense d'une société de marché bien organisée. Ensuite, ces réponses impliquent une seconde question, relative à l'impossibilité d'énoncer les règles du jeu depuis un point de vue épistémiquement valorisé. Enfin, la thèse d'un gouvernement par les règles du jeu, leur énonciation et leur modification, suppose une théorie du droit, à même de penser la forme que doivent prendre les règles, ainsi que les processus de modification de celles-ci.

Je montre que les thèses des différents auteurs de mon corpus sont traversées par ces problèmes, qui constituent également une clef d'interprétation de leurs théories. Je distingue, ainsi, deux grands moments, à savoir un premier temps de formation de la problématique néolibérale, en puisant dans les travaux historiques récents portant sur la constitution du néolibéralisme ; puis je montre, dans un second temps, comment ce problème traverse les positions plus récentes d'auteurs participant de la même réflexion sur la manière de justifier les règles du jeu d'une société libérale Cette thèse entend donc contribuer non seulement à clarifier la philosophie politique et juridique néolibérale comme une thèse portant sur le gouvernement par les règles en vue d'établir une planification libérale légitime, mais aussi à montrer l'importance de prendre en compte ces positions pour informer nos élaborations théoriques contemporaines, puisque les diagnostics néolibéraux constituent autant de manière d'interroger le bestiaire conceptuel de ces théories.

Cette thèse est actuellement en travail pour une soumission, sous format d’ouvrage, à ENS Editions, pour la collection « Gouvernement en question(s) ».

Articles publiés (par ordre chronologique décroissant)

1. Nathanaël Colin-Jaeger, Malte Dold et Alexandre Gascoin, 2022, « Realism and Deliberation in Normative Political Economy: The Fruitful Intellectual Dialogue Between Rawls and Buchanan », in Badei, S. et Griveaux, A. (eds), The Positive and the Normative in Economics, London, Routledge, chap. 6: 108-128. Disponible via : https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781003247289-8/realism-deliberation-normative-economics-nathana%C3%ABl-colin-jaeger-malte-dold-alexandre-gascoin?context=ubx&refId=7bd5c158-89a6-4881-9f88-d9a1599af6cb

L'économie politique constitutionnelle comporte un volet explicatif et un volet justificatif. Le premier explique comment des ensembles alternatifs de règles et d'institutions donnent lieu à différentes formes d'interaction sociale ; le second tente de justifier et de donner un fondement normatif aux règles et aux institutions dans une tradition contractuelle libérale. Ici, la question centrale est la suivante : quels types de règles et d'institutions pouvons-nous imaginer émerger d'un contrat constitutionnel consensuel entre individus ? C'est sur le volet justificatif-normatif de l'économie politique constitutionnelle que nous nous concentrons dans cet article, en entrant dans un dialogue entre deux des principaux courants de pensée de l'économie politique constitutionnelle en entamant un dialogue entre deux des plus éminents partisans de cette approche, James Buchanan et John Rawls. En dépit de leurs orientations politiques différentes, leurs approches respectives partagent un nombre surprenant de points communs. Cependant, nous pensons que ce sont les tensions entre leurs approches qui sont les plus importantes. Nous commençons cet article par la critique que Buchanan fait de la théorie de Rawls, en particulier son accusation selon laquelle le compte-rendu de Rawls serait irréaliste. En dépit de cette critique valable, la théorie de Buchanan n'apporte pas de réponse satisfaisante aux défis qu'il identifie dans la théorie de Rawls. Nous soutenons dans cet article que la solution à la critique de Buchanan consiste en fait en une lecture actualisée et élargie de la théorie de Rawls. Nous proposons ainsi une lecture actualisée et élargie des travaux de Rawls sur la délibération démocratique et le raisonnement public.

2. Nathanaël Colin-Jaeger, 2022, « Le libéralisme de marché et la justice sociale : peut-on réconcilier Rawls et Hayek ? » Implications Philosophiques.

Disponible sur : https://www.implications-philosophiques.org/justice-sociale-et-defense-des-marches-concurrentiels-peut-on-reconcilier-rawls-et-hayek/

La défense des marchés concurrentiels et celle de la justice sociale sont souvent perçues comme contradictoires. Deux traditions libérales sont opposées, illustrées par deux libéraux emblématiques, Friedrich Hayek et John Rawls. Dans cet article je montre que l’opposition entre justice sociale et marchés concurrentiels n’a pas lieu d’exister, car les défenseurs d’un libéralisme impliquant des institutions capitalistes robustes justifient toujours leur théorie par une conception de la justice sociale. Récemment John Tomasi a montré comment les positions de Hayek et de Rawls pouvaient être conciliées au niveau le plus fondamental de la philosophie politique idéale. Cette défense produit néanmoins des interprétations particulières des idéaux constitutifs du libéralisme, qui impliquent de nouvelles lignes de tension au sein du libéralisme. 

3. Nathanaël Colin-Jaeger, 2022, « Walter Lippmann, la Common Law et le problème
de la justification de l’interventionnisme libéral », Philosophical Enquiries, 11. Disponible sur : https://shs.hal.science/halshs-03793271/.

Walter Lippmann est un des architectes du renouveau du libéralisme dans les années 1930 et 1940, couramment appelé néolibéralisme. Cet article montre comment Lippmann a développé une philosophie politique originale critique à la fois du collectivisme illibéral et du laissez-faire. Son néolibéralisme se fonde ainsi sur une forme d'interventionnisme libéral, puisant dans la tradition juridique du legal realism, notamment de Holmes et Pound. Le gouvernement libéral doit ainsi garantir les règles du jeu au niveau juridique, pour permettre à la concurrence de fonctionner de manière efficiente, comme un processus de libération des individus. Se faisant Lippmann reconnaît dans le marché un premier principe normatif pour juger de l'amélioration du droit. Plusieurs différences avec le legal realism apparaissent ainsi, faisant apparaître la particularité du néolibéralisme comme philosophie politique.

4.  Nathanaël Colin-Jaeger, 2021, « Reconstructing Liberalism: Hayek, Lippmann, and the making of neoliberalism », Oeconomia, 11(2): 281-313. Disponible sur https://journals.openedition.org/oeconomia/10874

Le néolibéralisme est un concept contesté. Le terme a été introduit à la fin des années 1930 et au début des années 1940 pour décrire une théorie émergente, partagée par différents auteurs, tels que Friedrich Hayek, Walter Eucken, Henry Simons, Wilhelm Röpke et d’autres encore. Le Colloque Walter Lippmann de 1938 est généralement considéré comme un moment fondateur pour la reconstruction du libéralisme, mais peu d’attention a été accordée au processus qui a fait de Walter Lippmann la figure de proue du mouvement néolibéral. Cet article montre, en se centrant sur la théorie sociale et politique de Lippmann, que c’est en partant de cet auteur qu’on peut enrichir notre connaissance de la conception du néolibéralisme et ainsi celle d’autres auteurs néolibéraux, au premier rang desquels Hayek.

5. Nathanaël Colin-Jaeger et Etienne Wiedemann, 2021, « Généalogie de la catégorie d’entrepreneur. Retour sur l’entrepreneur nietzschéen de Schumpeter », Revue de Philosophie économique, 21(2) : 89-124. Disponible via : http://revue-philosophie-economique.com/num/2021-2-vol-n22/origines-nietzscheennes-ambiguites-concept-entrepreneur-schumpeter-lecteur-de-nietzsche/

La figure de l’entrepreneur est aujourd’hui utilisée dans une grande variété de discours publics. Ce travail cherche à remonter à l’une des sources théoriques de la constitution de cette figure : la théorie de l’entrepreneur de Schumpeter. Ce retour montre que Schumpeter, dans son contexte intellectuel et théorique, est amené à importer une anthropologie philosophique en économie, celle de Nietzsche, auteur largement lu dans l’Autriche du début du xxe siècle. En transposant, à l’intérieur de sa théorie économique, certaines caractéristiques majeures du grand homme créatif nietzschéen dans la figure de l’entrepreneur, Schumpeter développe une explication originale de la nature dynamique du marché et de l’évolution économique. Néanmoins, il importe aussi de Nietzsche une série d’ambiguïtés, notamment en ce qui concerne l’origine de l’exceptionnalité individuelle de l’entrepreneur, et plus particulièrement de sa puissance créatrice. Une seconde ambiguïté est très largement héritée, qui concerne l’extension du modèle de l’individu entrepreneur : constitue-t-il une théorie de l’action valable pour tous les individus ou uniquement pour un type d’individus particuliers? Comment concilier exceptionnalité de l’entrepreneur et norme d’un entreprenariat pour tous? La dernière partie de ce travail s’attache ainsi à explorer ces ambiguïtés, qui apparaissent chez Schumpeter et ses successeurs, notamment Israël Kirzner.

6.   Nathanaël Colin-Jaeger et Thomas Delcey, 2020, « Beyond a methodological reading, when the efficient market hypothesis meets Hayek on information », Journal of Economic Methodology, 27(2) : 97-116. Disponible sur : https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1350178X.2019.1675896

Hayek et l'hypothèse de l'efficience des marchés (EMH) sont souvent considérés comme proposant une théorie similaire des prix. Hayek est considéré comme proposant de comprendre les prix comme des vecteurs d'information, incorporant l'information au cours du processus de concurrence, tandis que l'EMH est définie comme le fait que toute l'information dans un marché est intégrée dans les prix des actifs. Cet article explique comment une lignée entre Hayek et l'EMH peut être illustrée tout en tenant compte de ces différences. Nous introduisons, afin de défendre cette affirmation, une distinction entre les différences méthodologiques et épistémologiques : les différences méthodologiques sont considérées comme la manière dont un auteur rend opérationnelles ses conceptions plus larges, tandis que l'épistémologie est définie comme les concepts fondamentaux de sa théorie. Nous souhaitons particulièrement mettre en lumière le glissement homogène que l'on peut identifier dans l'épistémologie de Hayek et de l'EMH. Nous concluons que ce glissement étoffe la compréhension que certains auteurs ont du néolibéralisme.

7. Nathanaël Colin-Jaeger et Carolina Verlengia, 2020, « Les définitions néolibérales de la démocratie, entre critique et recatégorisation », Consecutio Rerum, 5(9) : 7-24. Disponible sur : http://www.consecutio.org/wp-content/uploads/2021/02/0-editoriale.  

Cette introduction au dossier offre un aperçu des différentes relations entre le néolibéralisme et la démocratie. Après avoir défini le concept de néolibéralisme, nous développons une typologie des relations entre le néolibéralisme et la démocratie, en mettant en évidence (i) une opposition des néolibéraux à une certaine conception de la démocratie, entendue comme souveraineté populaire, (ii) une défense d'une démocratie limitée et encadrée, prenant la forme d'une démocratie constitutionnelle, et enfin (iii) une défense de l'idéal normatif de la souveraineté individuelle de l'idéal normatif de la souveraineté individuelle réalisée dans le marché comme convergeant avec le concept de démocratie. Cette introduction propose donc un état des lieux de la recherche contemporaine dans le domaine, mais contribue également à en clarifier les enjeux. Enfin, nous présentons le dossier et la manière dont les contributions s'inscrivent dans notre typologie.

8. Nathanaël Colin-Jaeger, 2020, « L’idéal démocratique contre la démocratie, Buchanan et l’économie politique constitutionnelle », Consecutio Rerum, 5(9) : 97-131. Disponible via : https://shs.hal.science/halshs-03170101/document ou http://www.consecutio.org/2020/12/lideal-democratique-contre-la-democratie-buchanan-et-leconomie-politique-constitutionnelle/

Les néolibéraux sont souvent accusés d'être des théoriciens anti-démocratiques. Buchanan, parmi eux, a été particulièrement visé comme l'un des instigateurs des mouvements anti-démocratiques aux Etats-Unis. Cet article montre, à travers l'exemple spécifique de Buchanan, comment ce récit conduit à une interprétation erronée de la relation entre les théoriciens néolibéraux et les théoriciens de la démocratie. Loin de critiquer simplement la démocratie comme une tyrannie de la majorité ou comme conduisant à des situations de coopération négative, Buchanan a proposé une nouvelle conception de la démocratie libérale en tant que démocratie constitutionnelle. L'idéal démocratique d'une société politique respectant l'autonomie individuelle serait ainsi compatible uniquement avec une forme limitée de démocratie, protégeant les membres de la société politique de l'inflation du Léviathan. Dans cet article, je montre donc comment une conception néolibérale de la démocratie émerge d'une philosophie politique et sociale normative contractualiste qui légitime l'établissement de règles constitutionnelles qui limitent la démocratie, tout en demeurant cohérente avec l’idéal démocratique selon Buchanan.

9. Martin Beddeleem et Nathanaël Colin-Jaeger, 2020, « L’héritage conservateur du néolibéralisme », Astérion, 23 (en ligne). Disponible sur : https://journals.openedition.org/asterion/5452

Les années 1930 et 1940 marquent une période de crise pour le libéralisme. Des auteurs aussi divers que Friedrich Hayek, Wilhelm Röpke, Walter Lippmann ou encore Michael Polanyi et Louis Rougier se réunissent lors de deux événements fondateurs, le colloque Walter Lippmann en 1938 et la création de la Société du Mont-Pèlerin en 1947, pour repenser le libéralisme. Cette refonte du projet libéral les pousse à établir un diagnostic relatif à la crise du libéralisme, remontant, pour les auteurs mentionnés, à la Révolution française. Cet article se propose de montrer la cohérence du projet néolibéral à partir de leur diagnostic historique dans cette période de crise. En effet, en critiquant la Révolution française et ses effets comme participant d’un rationalisme néfaste, ayant donné naissance aussi bien au laissez-faire qu’aux divers collectivismes, les néolibéraux reprennent explicitement des concepts des critiques de la révolution, au premier rang desquels Edmund Burke. Le concept de tradition, compris comme recouvrant des règles sociales et juridiques ayant lentement évolué de façon à constituer des dispositifs de coordination permettant nos actions, est ainsi très largement repris et valorisé par les néolibéraux. Nous interprétons ainsi la théorie néolibérale à partir de cette recatégorisation du concept de tradition, et pointons les affinités des positions néolibérales avec le conservatisme philosophique. Ce rapprochement fait apparaître plusieurs tensions conceptuelles entre d’une part un évolutionnisme culturel et d’autre part la défense de valeurs occidentales substantielles.

10. Nathanaël Colin-Jaeger, 2016, « L’anthropologie politique d’Adam Smith », Consecutio Rerum, 1(1): 133-150. Disponible sur : http://www.consecutio.org/2016/10/lanthropologie-politique-dadam-smith/

Cet article s’attache à présenter les fondements anthropologiques et éthiques de la philosophie d’Adam Smith. On donnera d’abord une illustration de ce que propose la lecture standard de Smith sur un passage connu de tous, celui de la main invisible, pour montrer que la lecture du passage est déterminée par une conception anthropologique sous-jacente. Il faudra conséquemment remonter à l’anthropologie smithienne en affrontant l’objection d’inconsistance qui semble apparaître dans le corpus, obstacle majeur qui pose une coupure conceptuelle nette entre les deux ouvrages majeurs de Smith, la Théorie des Sentiments Moraux et la Richesse des nations, accordant à cette dernière une pure anthropologie égoïste. On pourra alors recomposer la cohérence de l’anthropologie de Smith et la genèse des concepts centraux que sont ceux d’individu et d’intérêt pour montrer le primat de la relation et la nécessaire constitution des catégories politiques et économiques chez cet auteur.