Le montant des crédits alloués à l'écologie dans les Projets de Loi de Finances successifs, ne visant pour la plupart qu'à inciter à l'initiative individuelle ou entrepreneuriale, ne peut constituer un prisme suffisant pour caractériser la capacité de la puissance publique à agir.
D’une part, sans définition, contrôle et évaluation suffisants et éclairés des éco-conditionnalités, la distribution d’argent public au nom de la transition écologique trouve rapidement ses limites. C’est ce que soulignait le Haut-Conseil pour le Climat dans le résumé exécutif de son rapport annuel 2021 : « L’analyse des conditionnalités des aides publiques liées au climat appelle à étendre leur application, améliorer leur niveau d’ambition et de cohérence ».
D'autre part, l'application du dogme de moins de fonctionnaires est particulièrement lourd à l'issue de ce quinquennat pour le pôle ministériel en charge de l'écologie (mais aussi des transports et des infrastructures, de l'énergie, de la mer, de la cohésion des territoires, du logement, ...). Il aura été l'un des principaux contributeurs à la politique de réduction des effectifs dans la fonction publique de l’État.
Depuis l'Accord de Paris (2015), les plafonds d'emploi du pôle ministériel ont été, année après année, constamment abaissés. Ce sont ainsi 20% des emplois qui auront été détruits à l’État dans le secteur public de l'aménagement du cadre de vie des Françaises et des Français.
"Le plafond d’emplois du pôle ministériel a connu une diminution de 47,96 % depuis 2008 (73 986 ETPT), en raison notamment d’importantes modifications de son périmètre d’intervention [...] Cette baisse des effectifs s’explique à la fois par la contrainte pesant sur les effectifs de la fonction publique d’État et par les transferts ou les abandons de missions".
Cour des Comptes
Du renouveau du service public par M. Rocard en 1989 à Action publique 2022, en passant par la LOLF, la RGPP, la MAP ou la réforme territoriale (RéATE), des procédés identiques sont à l’œuvre, sous couvert de « transformer » le service public, au prétexte de « rendre un meilleur service à l’usager », à « assurer une meilleure visibilité ». Leur résultat commun est constant, aboutissant systématiquement à la disparition de pans entiers du service public républicain.
Au-delà des transferts de mission aux collectivités ou privatisation d'activités, le programme gouvernemental Action Publique 2022 prévoit explicitement et de manière inédite dans une réforme de l’État, l'abandon pur et simple de certaines missions de service public !
Cf. la circulaire Premier Ministre du 27 septembre 2017 relative au Programme Action Publique 2022 (p2)
La radicalité revendiquée du programme gouvernemental Action Publique 2022 et sa recherche de gains de dépense publique à court terme se heurte au développement des politiques publiques qui visent à transformer le cadre de vie résolument, sur le temps long, et non superficiellement, avec des considérations court-termistes.
Les politiques d'atténuation et d'adaptation pour la lutte contre le dérèglement climatique ou celles de préservation de la diversité biologique, considérées comme contraignantes et incomprises de certains acteurs économiques, ont donc été rapidement identifiées pour devenir le réservoir des économies escomptées ; les effets de ces politiques publiques étant intrinsèquement attendus sur un pas de temps bien supérieur à celui du bilan du programme Action Publique 2022.
C'est dans ce cadre que le pôle ministériel en charge de l'écologie, de l'aménagement durable des territoires, des transports, du logement, ... a été mis à contribution dans les proportions décrites ci-avant.
Les préconisations du Comité Action Publique 2022 sont particulièrement interpellantes et paradoxales quand on connaît le sort réservé aux établissements publics spécialisés - tels que le Cerema (principale agence pour la mise en œuvre de la transition écologique) ou Météo France ( qui assure la veille sur les évènements météorologiques dangereux, en charge de l'étude et de la prévision de l'évolution du climat) - qui sont astreints à des baisses d'effectifs doubles de celles imposées au pôle ministériel de l’Écologie.
"concernant le ministère de la transition écologique et solidaire, la politique de l’énergie et de la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution atmosphérique, les politiques de l’urbanisme, de la construction, du logement, des paysages, de la biodiversité, de l’eau, des substances minérales non énergétiques, seraient exercées par l’administration centrale. Toutes les autres missions pourraient être prises en charge par une agence [...]"
Rapport du Comité Action Publique 2022 – Juin 2018
Cette vision technocratique déconnectée du terrain est particulièrement préoccupante quand on connaît l'importance et l'ampleur des chantiers d'adaptation au changement climatique pour réduire notre vulnérabilité à l'intensification des phénomènes extrêmes (inondations, sécheresse, vagues de chaleur, incendie de forêts, tempêtes, submersion marine, ...), tout en poursuivant la nécessaire mise en œuvre des stratégies d’atténuation.
Le gouvernement pourra-t-il y répondre sans services spécialisés ni personnels hautement qualifiés ?
"Notre maison brûle et ... nous fermons les casernes de pompiers ?"