Cette distinction dans les manières d'entreprendre un travail provient des travaux de Claude Lévy-Strauss . Cet anthropologue et ethnologue français, né à Bruxelles, a mis en évidence deux postures qui peuvent être mobilisées lorsqu'il s'agit de réaliser un travail de construction ou de fabrication. Ainsi, il distingue le bricoleur de l'ingénieur.
Le bricoleur est " apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées " mais " il ne subordonne pas chacune d'elles à l'obtention de matières premières et d'outils, conçus et procurés à la mesure de son projet : son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s'arranger avec les "moyens du bord" ". C'est d'ailleurs parfois en travaillant en assemblant des éléments disparates que naît une innovation, une idée nouvelle, un objet nouveau, ... qui n'aurait pu être pensé dans un cadre défini. Ainsi, pour C. Lévy-Strauss, le bricoleur n'est pas déconsidéré par rapport à l'ingénieur ou le savant.
L'ingénieur, ou le savant, a par contre une approche méthodologique différente : le projet nécessite une réflexion préalable, " l'obtention de matières premières et d'outils". Cette attitude face au travail demande la définition d'une procédure, d'un plan d'action, d'un objectif à atteindre. Ceci s'inscrit dans la pensée scientifique, rationnelle définie par Descartes en 1637 : « Je diviserai chacune des difficultés que j’examinerai en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les mieux comprendre et résoudre et je conduirai par ordre mes pensées”.
Lévy-Strauss, C. 1962. La pensée sauvage. Paris : Plon.
Le travail manuel est souvent associé au travail pratique et à la notion de besogne, de labeur et de difficulté physique. Ainsi, si l'on s'en réfère aux travaux de H. Arendt, nous pouvons opposer deux postures de ce que l'on peut nommer dans un premier temps un travailleur manuel.
D'un côté, l'homo faber qui fait, qui ouvrage, de l'autre, l'animal laborans qui peine et assimile. Le premier qui travaille de ses mains à la fois pour fabriquer les outils de son travail et l'objet de son travail. Le second qui utilise des machines existantes qui le substituent dans l'action, soit parce qu'elle est pénible, soit parce qu'elle est trop répétitive, ...
Ainsi, à partir de ces définitions issues des travaux de H. Arendt, homo faber effectuerait bel et bien un travail manuel, il est bien un travailleur manuel. Il serait tout à la fois libre de fabriquer tout outil ou objet et de les détruire. Alors que animal laborans serait apprivoisé par la machine, travaillerait au rythme de celle-ci et en serait en quelque sorte l'esclave, tout entier dévoué à la production de biens destinés à la consommation. Il est un technicien qui gère une machine.