Projet de recherche
La collecte de données de cette enquête par questionnaire, réalisée entre le 25 novembre 2019 et le 31 janvier 2020, s'inscrivait dans le cadre du projet de maitrise de Marie-France Boulay, aujourd'hui candidate au doctorat en psychopédagogie à l'Université Laval. L'enquête visait à décrire les activités de développement professionnel (DP) auxquelles participaient les enseignant.e.s des écoles primaires du Québec (Canada) et à les analyser à l'aune des caractéristiques d'efficacité reconnues dans la littérature pour soutenir la transformation des pratiques enseignantes et les apprentissages faits par les élèves (Desimone, 2009).
Tout d'abord, avant de questionner les enseignant.e.s sur les activités de DP auxquelles ils ou elles avaient participé, nous avons voulu savoir à quoi ressemblaient leurs principales pratiques d'apprentissage professionnel.
Ainsi, il est ressorti de notre étude que leurs pratiques d’apprentissage professionnel sont variées, tant individuelles que collaboratives. Elles font également appel aux exercices réflexifs, au questionnement et à l’expérimentation en classe.
Notre enquête a également montré que les pratiques d’apprentissage professionnel auxquelles semblent le moins recourir les enseignant.e.s renvoient à la consultation et à la mobilisation des résultats de recherche publiés (voir la figure ci-haut). Ces résultats rappellent d’ailleurs ceux obtenus dans d'autres recherches semblables réalisées ailleurs dans le monde et nous portent à croire qu’il existe toujours un certain écueil quant à la mobilisation par les enseignant.e.s des connaissances issues de la recherche et cela, malgré l'omniprésence d'Internet qui arrivent d'ailleurs au 1er rang des pratiques d’apprentissage professionnel préconisées par les enseignant.e.s québécois.e.s.
En conséquence, il demeure toujours d’actualité que les chercheur.e.s en éducation s'engagent dans des projets collaboratifs avec les enseignant.e.s et multiplient leurs efforts de communication et de diffusion de leurs travaux de recherche, afin que ceux-ci puissent être davantage mobilisés en classe.
En ce qui concerne l'offre d’activités à laquelle ont accès les enseignant.e.s pendant l’année, elle est relativement variée, mais se concentre surtout sur les conférences, les présentations, ainsi que sur les ateliers ou les séminaires organisés au sein ou à l’extérieur de l’école.
Ces activités réunissent rarement les caractéristiques d’efficacité et on leur reproche souvent d’avoir moins d’effets sur l'apprentissage professionnel dans la mesure où elles sont trop brèves, isolées, fragmentées, incohérentes et décontextualisées par rapport à la situation que vit l'enseignant.e dans sa classe.
Exemple
Ensemble, essayons de nous mettre à la place d'une enseignante qui se rend dans un colloque pour assister à une conférence très intéressante sur les ateliers de lecture. Une fois revenue dans sa classe, si elle décide de mettre en place ce qu'elle a appris lors de la conférence, l'enseignante devra faire face à différents défis: elle aura à acheter/créer du nouveau matériel, revoir ses modes et ses outils d'évaluation tout en maintenant sa collaboration avec ses collègues. Elle aura aussi à adapter ses pratiques pédagogiques, puis à les ajuster dans le temps en fonction des effets qu'elle percevra sur les apprentissages que font ses élèves.
Ainsi, même avec les meilleures intentions, il est facile de comprendre que le phénomène de l'apprentissage professionnel est complexe et que l'enseignant.e qui s'engage dans son développement professionnel peut faire face à de nombreux défis.
La complexité du processus d'apprentissage professionnel chez les enseignant.e.s ainsi que tous les facteurs qui doivent être pris en compte pour le favoriser mènent d'ailleurs plusieurs chercheur.e.s à s'intéresser aux caractéristiques qui devraient être réunies lors de l'élaboration des formations; des caractéristiques qui permettraient de soutenir un développement professionnel plus efficace, tout en tenant compte des nombreux enjeux qui entourent cette profession.
Sur un autre plan, les données collectées montrent que les enseignant.e.s participent rarement aux activités qui ne leur ont pas d’abord été offertes. Ces résultats vont dans le même sens que d'autres études réalisées sur le sujet à l’effet que l’offre d’activités de DP et la participation des enseignant.e.s à ces activités sont étroitement liées.
Il s'agit d'un résultat intéressant si l'on garde en tête qu'au Québec, nous n'avons pas de données quant à l'offre réelle de formation existant pour les enseignant.e.s et que les principales activités qui ont été offertes aux enseignant.e.s ayant répondu à l'enquête se concentraient essentiellement sur des activités qui réunissent rarement les caractéristiques des formations reconnues pour soutenir l'apprentissage professionnel et l'amélioration des résultats d'apprentissage des élèves.
Cela laisse entrevoir tout le potentiel de l'élaboration d'une offre d'activités structurée, pertinente et répondant aux besoins d'apprentissage des enseignant.e.s.
Il peut être difficile de juger de l’efficacité d'une activité sans procéder à une analyse plus fine de son contenu et des modes d’apprentissage et d’évaluation qui sont privilégiés. C'est donc pourquoi, dans le cadre de notre enquête, nous avons également demandé aux enseignant.e.s de cibler une seule activité, soit celle pour laquelle ils ou elles avaient consacré le plus de temps au cours de la dernière année, en partant du principe que la durée est une caractéristique d'efficacité.
Ces activités ont par la suite été examinées plus finement afin de pouvoir déterminer si elles prenaient effectivement en compte les critères d’efficacité des dispositifs de formation reconnus pour soutenir l'apprentissage professionnel et l'amélioration des résultats d'apprentissage des élèves.
Les activités privilégiées
Concrètement, tel qu'indiqué dans la figure et le tableau ci-dessus, les activités auxquelles les enseignant.e.s des écoles primaires du Québec ont consacré le plus de temps renvoient aux :
Ateliers ou séminaires tenus à l’école ou à l’extérieur de l’école
Communautés d’apprentissage professionnel (CAP)
Cours universitaires
Premier constat : les ateliers et les séminaires reviennent en force, alors qu'ils sont souvent associés à un développement professionnel moins efficace. En effet, ces activités sont plus souvent qu'autrement de très courtes durées et misent moins sur l'apprentissage actif et collaboratif.
Deuxième constat : ces ateliers ou séminaires côtoient deux autres activités, soit les CAP et les cours universitaires, qui demandent habituellement un engagement beaucoup plus grand de la part des enseignant.e.s, et cela, juste en terme de durée. Nous sommes donc en droit de nous attendre à des résultats d'enquête dont l’étendue pourrait montrer une plus grande variabilité dans les réponses obtenues, notamment à l'égard de la caractéristique traitant de la durée des activités.
Analysons maintenant les activités auxquelles ont participé les enseignant.e.s à partir de chacune des 5 caractéristiques d'efficacité.
Première caractéristique: l'activité est centrée sur un contenu d'apprentissage précis
Précisons d'abord que le fait de mettre l’accent sur des contenus d'apprentissage spécifiques lors d’activités de DP pourrait être la caractéristique la plus influente sur l’efficacité des dispositifs de formation.
Ainsi, dans notre enquête, il est intéressant de voir que les enseignant.e.s ont rapporté dans une forte proportion que l’activité à laquelle ils ou elles ont consacré le plus de temps pendant la période de 12 mois examinée était justement centrée sur des contenus d'apprentissage spécifiques.
En effet, la figure ci-dessus montre que ces activités étaient notamment centrées sur des méthodes d’enseignement et d’apprentissage, sur des moyens pour faire de la différenciation pédagogique et sur l’approfondissement de leurs connaissances des pratiques pédagogiques.
Les enseignant.e.s ont également indiqué dans une forte proportion que l’activité prévoyait aussi des possibilités de mettre en pratique et d’appliquer de nouveaux concepts et savoirs dans leur classe. Ces résultats sont intéressants dans la mesure où la recherche montre que lorsque les enseignant.e.s développent leurs connaissances sur les contenus à enseigner en même temps qu'ils ou elles explorent les pratiques pédagogiques qui permettent aux élèves d’apprendre efficacement ces contenus, et bien, que ces activités de DP ont le potentiel d’avoir des effets plus positifs sur l’amélioration des résultats d’apprentissage des élèves.
Sur un autre plan, il semble que, parmi les contenus disciplinaires spécifiques qui peuvent faire partie des activités de formation, ceux liés à la numératie soient plutôt laissés pour compte. Ces résultats sont intéressants dans la mesure où des études (voir ci-bas) ont été menées au cours des dernières années au Québec quant au rapport affectif qu’entretenait les futurs enseignant.e.s du primaire à l’égard des mathématiques et de leur enseignement en particulier. Ces études révélaient malheureusement que plusieurs étudiant.e.s étaient anxieux à l’idée d’enseigner les mathématiques et avaient moins confiance en leurs habiletés à enseigner les mathématiques que les autres matières.
Difficile de dire si les enseignant.e.s en fonction actuellement dans nos écoles primaires partagent également ce même rapport plutôt négatif à l’égard de l’enseignement des mathématiques et que ce rapport puisse être lié à la plus faible participation des enseignant.e.s à des activités dont le contenu est lié spécifiquement à la numératie, mais à notre avis, il s’agit d’une piste intéressante à explorer.
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Theis, L. (2012). Quelle formation mathématique pour les futurs enseignants du primaire et du préscolaire ? À la recherche des mathématiques dans une séquence sur l’enseignement des probabilités. Presses de l’Université du Québec. Québec.
Deuxième caractéristique: l'activité mise sur un mode d'apprentissage actif
Le mode d’apprentissage actif permet aux enseignant.e.s de s’engager dans un processus d’enquête à l’égard de leurs propres pratiques. Il leur permet aussi d'analyser et d'expérimenter les nouvelles stratégies apprises au cours de l’activité pour donner encore plus de sens aux apprentissages faits.
Mais qu'en est-il des activités qui ont été proposées aux enseignant.e.s ayant participé à notre enquête? Misaient-elles sur l'apprentissage actif? Précisons tout de suite qu'il est actuellement difficile de nous prononcer sur cette question. En effet, certains résultats sont plutôt contradictoires. Par exemple, plusieurs enseignant.e.s ont indiqué à une question que leur activité de DP mettait de l’avant l’apprentissage actif. Cependant, l'analyse plus fine des actions réalisées dans le cadre de l’activité nous laisse entrevoir un mode d’apprentissage beaucoup plus passif.
Par exemple, quand on regarde la figure ci-dessus, on remarque que les principales actions réalisées (soit celles au-dessus de la ligne orange) renvoient au fait de participer à des discussions en petit ou grand groupe (75%) ou à écouter une conférence ou une présentation (71 %). Ces actions renvoient habituellement à des modes d'apprentissage plus passifs et sont souvent privilégiées lors des ateliers, des séminaires, des conférences et des présentations, ou même dans les cours universitaires, tel qu’ils sont encore donnés dans bien des cas.
Quant aux actions réalisées qui sont plus directement en lien avec l'apprentissage actif, elles se retrouvent toutes sous la barre orange et de manière assez significative. C'est d'ailleurs pourquoi il nous apparait difficile d’affirmer que le mode d’apprentissage privilégié pendant la tenue de ces activités renvoyait véritablement à un apprentissage actif. Dans ce contexte, il nous apparaitrait intéressant d’explorer davantage la conception que les enseignant.e.s peuvent avoir de l’apprentissage actif.
Troisième caractéristique: l'activité est perçue comme faisant partie d’un programme cohérent d’apprentissage, dont l’objectif principal consiste à soutenir les apprentissages des élèves
Cette cohérence prend forme dans différentes dimensions.
Prendre en compte les caractéristiques et les besoins personnels des enseignant.e.s
Dans un premier temps, les activités doivent prendre en compte les besoins des enseignant.e.s, leurs intérêts, leurs croyances, leurs motivations, leurs connaissances ainsi que leurs expériences. À cet égard, il est intéressant de constater que 80% des enseignant.e.s ont indiqué que l’activité à laquelle ils ont consacré le plus de temps au cours des 12 derniers mois avait une structure cohérente, qu’elle était adaptée à leurs besoins personnels de formation et qu’elle était construite à partir de leurs connaissances préalables.
Prendre en compte les caractéristiques et les besoins des élèves et de l'organisation scolaire
Pour que les activités soient cohérentes, il doit aussi y avoir une certaine adéquation entre les besoins des enseignant.e.s, ceux de leurs élèves et ceux de leur organisation scolaire.
Or, nos résultats montrent que les raisons dites « collectives », donc qui pourraient favoriser cette adéquation, sont plus ou moins importantes quand vient le temps pour les enseignant.e.s de décider s’ils ou elles participeront ou non à une activité de DP. À titre d’exemple, le fait que l’activité ait été proposée par le centre de services scolaire et que l’enseignant.e ait choisi d’y participer, voire que l’équipe-école ou l’équipe-cycle ait pris la décision collective de participer à l’activité recueillent des scores moyens plutôt faibles.
Même chose en ce qui concerne le fait que la direction d’école et l’enseignant.e aient ensemble identifié une activité liée aux besoins personnels de DP de l’enseignant.e: il s’agit de la raison qui a le moins de poids lorsque vient le temps pour l’enseignant.e de décider s’il participera ou non à une activité.
Plus encore, même si les enseignant.e.s ont répondu majoritairement que l’activité répondait à des besoins immédiats de l’école et qu’ils avaient, à cet égard, perçu quelques effets sur l’amélioration des pratiques de l’école, ils rapportent également avoir perçu moins d’effets sur divers changements dans l’organisation ou les structures de l’école.
À la lumière de nos résultats, on soulève donc l’hypothèse que le niveau d’engagement des directions d’école dans l’organisation et le déploiement des activités de DP auxquelles participent les enseignant.e.s québécois.e.s pourrait ici aussi être mis en cause. En effet, seulement 39 % des enseignant.e.s ont indiqué que leur direction d’école avait organisé et/ou dirigé l’activité à laquelle ils ou elles ont consacré le plus de temps. Or, la recherche montre que, lorsque l’identification des besoins d’apprentissage et la planification des activités de DP se font de manière non stratégique et erratique, cela se traduit par un DP inefficace tant pour l’école que pour l’enseignant.e.
Offrir aux enseignant.e.s des moyens qui leur permettent d'évaluer les effets de leur participation à leur DP
Toujours dans un souci de cohérence, les enseignant.e.s devraient pouvoir miser sur le temps et les ressources nécessaires pour évaluer les effets de leur participation à des activités de DP de manière à enrichir leur plan de DP et de cibler leurs intérêts et autres besoins de développement.
À ce sujet, nos résultats montrent que, bien qu’ils ou elles participent plutôt rarement à l’évaluation formelle des apprentissages réalisés au cours de leur activité de DP, les enseignant.e.s québécois.e.s semblent néanmoins se tourner vers leurs collègues ayant ou non participé à l’activité de DP pour discuter des apprentissages réalisés, et dans une moindre mesure, avec leur direction d’école, un.e représentant.e de leur syndicat, de leur centre de services scolaire ou du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur.
Il pourrait d’ailleurs être pertinent d’approfondir la nature et les effets de ces échanges entre collègues dans la mesure où ils pourraient mener à un transfert et à une plus grande mobilisation des connaissances dans les établissements scolaires.
Lever certains obstacles organisationnels et/ou systémiques
Sur un tout autre plan, pour que l’engagement dans le DP soit perçu comme cohérent par les enseignant.e.s, il est essentiel de lever les obstacles organisationnels et/ou systémiques auxquels ils ou elles peuvent être confronté.e.s
Les freins liés à la participation
Par exemple, le principal frein qui empêche les enseignant.e.s de participer à des activités de DP est lié au manque de personnel suppléant; la littérature montrant que les enseignant.e.s sont peu enclin à laisser leur classe s’ils ou elles n'ont pas l'impression d'être remplacé.e.s par du personnel qualifié. Toujours sur le plan des freins viennent ensuite la charge liée à l'emploi du temps professionnel, le coût associé à la participation aux activités de DP, ainsi que le manque de soutien de l’employeur.
Enfin, des enseignant.e.s ont l'impression que certaines conditions comme l'ancienneté, l'expérience, les qualifications doivent être réunies pour pouvoir participer à des activités de DP. Hors de tout doute, il s'agit de données qui seraient intéressantes à approfondir au regard de l'accès et de la participation à des activités de DP.
Offrir davantage d'incitatifs
Quant aux incitatifs reçus, de manière générale, il semble que les enseignant.e.s aient peu accès à des mesures variées de soutien lorsqu'ils ou elles participent à des activités de DP.
En fait, le principal incitatif reçu renvoie à l’aménagement du temps d'emploi afin que les enseignant.e.s puissent participer à des activités sur les heures de travail (63%). Viennent ensuite le paiement ou la mise à disposition du matériel nécessaire à leur participation à l’activité et le paiement ou le remboursement de frais divers. Aux derniers rangs vient ce que nous pourrions appeler l’offre de mesures salariales.
À cet égard, nous croyons qu'il pourrait être intéressant de questionner les enseignant.e.s québécois.e.s quant aux principaux incitatifs qui pourraient répondre à leurs besoins et ainsi favoriser leur propre participation à des activités de DP.
Quatrième caractéristique: l'activité de DP est étendue dans le temps
Bien qu’à elle seule, la durée d’une activité ne puisse pas garantir l’efficacité d’une activité de DP, la nature extrêmement complexe et multifactorielle de l’apprentissage professionnel exige que les activités de DP durent quand même suffisamment longtemps.
À cet égard - nous en avons fait allusion plus tôt lorsque nous comparions les activités auxquelles les enseignant.e.s avaient consacré le plus de temps - les résultats obtenus dans notre enquête varient considérablement, allant d’un jour ou moins à une année ou plus (voir la figure ci-haut). Ces résultats demandent cependant à être nuancés compte tenu du fait qu’ils diffèrent des réponses obtenues à une autre question à laquelle une forte proportion d’enseignant.e.s (74%) a indiqué que l’activité à laquelle ils avaient participé s’était déroulée sur une longue période, c’est-à-dire sur plusieurs semaines ou plus.
Quoi qu’il en soit, cette grande variabilité de la durée des activités peut évidemment s’expliquer par les types d’activité privilégiés par les enseignant.e.s. En effet, la participation à un cours universitaire ou à une communauté d’apprentissage professionnel est habituellement plus exigeante en termes de temps que la participation à des activités de courte durée, telles qu’un atelier, un séminaire ou une présentation. Les activités de courte durée, tout comme les activités à l’extérieur de la classe, se retrouvent d’ailleurs souvent sur la liste de ces activités de DP considérées comme moins efficaces. Cela peut s'expliquer notamment par le fait que l’expérimentation et le déploiement de nouvelles pratiques en classe demandent du temps; un temps précieux sur lequel le personnel enseignant doit pouvoir compter.
Il est d'ailleurs intéressant de noter que plusieurs études (Darling-Hammond et al., 2017) examinées sur des activités de DP ayant mené à l'apprentissage professionnel et à l’amélioration des résultats des élèves se sont déroulées sur plusieurs semaines, quelques mois et même sur plus d’une année scolaire. Ces études rassemblaient également plusieurs des caractéristiques d’efficacité énoncées jusqu’à maintenant.
Cela dit, si l’on souhaite voir le personnel enseignant participer à des activités de DP de plus longue durée et réunissant les caractéristiques d’efficacité, la révision et la bonification de l’offre d’activités dites efficaces deviennent prioritaires.
Cinquième caractéristique: miser sur l'apprentissage collaboratif
La cinquième caractéristique relevée par Desimone (2009) favorisant l’efficacité du DP concerne l’aspect collaboratif de l’apprentissage. À cet égard, les activités de DP auxquelles les enseignant.e.s québécois.e.s ont consacré le plus de temps au cours de la période de 12 mois étudiée mettaient justement la collaboration à l’avant-plan.
Or, pour être efficaces, les activités de DP collaboratives doivent répondre à quelques critères, tels que se déployer dans un environnement empreint de confiance et permettant la prise de risque. L’objectif visé consiste à faire en sorte que les enseignant.e.s puissent s’engager dans une démarche réflexive d’observation, d’analyse et d’investigation à l’égard de leurs propres pratiques et de celles de leurs collègues.
Lorsque ces activités arrivent en plus à réunir et à engager la direction ainsi que plusieurs enseignant.e.s d'une même école, les effets positifs des activités de DP collaboratives sur l'apprentissage professionnel peuvent dépasser le seul lieu de la classe. En effet, ces activités permettent le développement d’un cadre commun de savoirs partagés entre les collègues, qui à son tour, favorise une meilleure compréhension des enjeux liés aux divers contextes d’enseignement.
Bien que 70 % des enseignant.e.s aient indiqué avoir eu l’occasion de collaborer avec d’autres collègues lors de leur participation à l’activité de DP, il semble que cette collaboration ait plutôt eu lieu avec des collègues d’autres écoles, puisque seulement 32 % des enseignant.e.s ont indiqué que l’activité rassemblait la plupart des collègues de leur établissement.
Ainsi, s’il nous est plutôt difficile de juger de la qualité du climat de confiance qui a pu s’établir entre les participant.e.s à ces activités, il demeure néanmoins que ce sont les activités de DP qui mettent de l’avant la participation collective du personnel enseignant d’une même école, d’une même discipline ou d’un même cycle qui favoriseraient l'apprentissage professionnel. En effet, cette participation collective permettrait de briser l’isolement des enseignant.e.s; un isolement qui peut nuire à l’examen des pratiques.
L’objectif principal de cette étude visait à décrire, de manière empirique, les activités de DP auxquelles participaient les enseignant.e.s des écoles primaires francophones et anglophones du Québec, puis à analyser ces activités à l’aune des caractéristiques d’efficacité reconnues dans la littérature comme favorisant l'apprentissage professionnel et l'amélioration des résultats des élèves (Desimone, 2009).
L’analyse réalisée nous met face à des résultats équivoques quant à la présence des caractéristiques d’efficacité au sein de l’activité de DP à laquelle les enseignant.e.s ont consacré le plus de temps au cours des 12 mois examinés. En effet, l’étendue des réponses obtenues à chaque question laisse entrevoir des résultats très variés, bien que la discussion menée à partir de notre interprétation des scores moyens tende à montrer que dans la majeure partie des cas, la prise en compte de l’ensemble des caractéristiques d’efficacité pourrait être améliorée.
Il en va de même en ce qui a trait aux finalités attendues du DP efficace, soit l'apprentissage professionnel et l’amélioration des résultats des élèves. Malgré la grande variabilité des réponses collectées, les enseignant.e.s ayant participé à notre enquête ont rapporté en moyenne avoir perçu assez d’effets sur l’amélioration de leurs connaissances et de leurs compétences. Ces effets étaient cependant moins concluants lorsqu’il était question de leur perception de l’amélioration des performances ou des résultats d’apprentissage de leurs élèves.
Cela dit, puisque l’efficacité des dispositifs de formation tend à s’accroitre lorsque toutes les caractéristiques sont réunies, il pourrait être intéressant d’explorer si les enseignant.e.s qui participent à des activités rassemblant lesdites caractéristiques perçoivent davantage d’effets sur leur apprentissage professionnel et sur les résultats des élèves.
*Marie-France Boulay a reçu une bourse du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada pour la réalisation de son mémoire de maitrise. Dans le cadre de son doctorat, elle est maintenant soutenu par une bourse émise par le Fonds de recherche - Société et culture, et cela pour les quatre prochaines années. L'étudiante tient à remercier ces deux organismes subventionnaires pour le soutien reçu.