Marie-Chantal This

Interview, par Alain Cochard


Connaissant bien Marie-Chantal et ses écrits je n’ai pas été surpris au fil de notre entretien de retrouver ce qui me paraît la caractériser : un état d’esprit constamment positif et ouvert aux autres. J’ai, en quelque sorte, tout dit par-là, ou, du moins, l’essentiel. Mais ne nous arrêtons, tout de même, pas qu’à cela !

Marie-Chantal est tourangelle, mais tourangelle d’adoption. C’est dans le Doubs, à Montbéliard où son papa était ingénieur chez Peugeot, qu’elle est née. A l’âge de huit ans, déménagement à Saverne, en Alsace, où le papa est muté comme Directeur d’usine. Marie-Chantal y passera la suite de son enfance et son adolescence. Elle fera ses études secondaires à Strasbourg. Cela la conduira à entrer à l’école Normale de Metz - brillamment. A la sortie, plutôt qu’en école primaire, c’est en collège qu’elle enseigne, en Français et Anglais, les besoins en enseignants étant aigus dans les tous nouveaux CEG et CES. Mariée, elle s’expatrie en Bretagne. Parallèlement à son activité professionnelle, elle suit des cours en Université à Metz et à Rennes et obtient une licence de lettres. Après avoir vécu six années à Dinard elle se fait enseignante migrante. Son mari, Jean-Marie, qui dirige des villages de vacances est appelé à changer périodiquement de lieu d’activité. Elle le suit mais doit, pour faciliter ses propres mutations, rejoindre l’enseignement primaire. Elle y deviendra Directrice d’école. Les Ménuires (en Savoie), le Pradet (près de Toulon), Perpignan seront les étapes de cette migration. A son terme, chemin faisant, une famille de trois enfants se sera constituée. Une vie bien remplie ! En dernier lieu, le couple s’installe à Tours, à la retraite de Jean-Marie, pour se rapprocher des parents de Marie-Chantal qui s’y sont installés. Marie-Chantal y sera Directrice de l’école Jean Macé jusqu’à sa propre retraite.

Et la poésie dans tout cela ? Marie-Chantal explique l’avoir toujours appréciée mais n’avoir guère eu le loisir de la pratiquer au travers de l’écriture avant sa retraite. Cependant… Elle a remporté son premier concours à l’âge de 13 ans ! Et Marie-Chantal indique avoir basé son travail sur la pratique artistique. J’en conclus que, si elle n’a pas toujours beaucoup écrit, elle a enseigné l’écriture poétique aux autres ! En tout cas, elle s’est rattrapée puisqu’elle me dit avoir écrit à ce jour plus de 200 textes. Elle n’a cependant pas édité de recueil – elle projette de le faire. Et elle a peu fait de concours (tout en ayant eu quelques belles satisfactions à ce niveau, notamment : un premier prix de poésie néo-classique aux « Joutes Poétiques de Touraine » et un premier prix de poésie délivré par l'Unicef à l'occasion du 50ème anniversaire de l'Unicef et du 25e anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant). Alors qu’est-ce qui la motive ?

A ma question elle répond :« L’écriture me rend heureuse ». A cela, elle avance deux raisons. Le plaisir des mots en premier lieu. Elle entend cela pas seulement dans l’acte d’écrire en lui-même et dans la lecture silencieuse mais aussi – et, peut-être surtout – dans la lecture à voix haute pour laquelle elle avait des prédispositions dés l’enfance, qu’elle pratiquait dans son enseignement et qu’elle pratique en récital. Elle précise, avec un talent d’expression certain : « l’oralité donne une dimension d’humanité à un texte orphelin, elle donne de la chair aux mots ». En second lieu, dit-elle, le but de son travail d’écriture, c’est d’éterniser le plaisir de l’instant. Voilà toute une philosophie, sa philosophie, telle qu’elle m’était déjà apparue en la fréquentant dans nos activités communes.

« Un état d’esprit constamment positif et ouvert aux autres » ai-je écrit au début du présent article. La quête de ce qui peut être positif dans la vie, cette idée de bonheur dans l’écriture et la déclamation en témoigne amplement. L’ouverture aux autres, Marie-Chantal doit l’avoir pratiquée toute sa vie. Il n’y a pas de raison que ce ne soit pas le cas dans ses activités autour de la poésie. L’oralité va avec la volonté de partage. Marie-Chantal est fortement impliquée dans les récitals d’Art-et-Poésie-de-Touraine qu’elle a rejoint en 2009 et du Printemps des Poètes à Tours. Dans ces deux associations elle ne joue pas les figurantes étant membre de leurs Conseils d’Administration respectifs, y cherchant toujours le consensus. Elle l’est aussi du jury de poésie libre du Concours du Jardin de la France, une occasion privilégiée de s’imprégner des textes des autres qu’elle analyse toujours avec sûreté et bienveillance. Mais son plus grand plaisir ce sont ses interventions dans les écoles dans le cadre du Printemps des Poètes.

Avant de terminer il convient de dire quelques mots de la Poésie de Marie-Chantal. Si écrire la rend heureuse, la lire fait du bien. Ses poèmes sèment du bonheur. Son écriture oscille entre poésie libre et poésie régulière. Des échos sonores plutôt que des rimes, des vers aux syllabes presque comptés mais pas tout à fait. Ce n'est pas de la négligence mais un choix qui rend son écriture naturelle tout en lui donnant sa musicalité. De la même façon, pas de lourdes métaphores mais le réel simplement dit, la nature omniprésente, quelques images délicates, de discrets recours aux personnalisations, le tout prenant sens au fil du poème. Cette poésie est la transparence même et cela fait du bien ! Merci, Marie-Chantal, de nous donner le bonheur de te lire et nous attendons ton recueil !

Alain Cochard


Nos petits chemins

Quand tu te trouves loin

Mon Amour, bien trop loin

Souvent j’aime à penser à nos petits chemins

Nos petits chemins galopins

Ceux, tu sais, dont on n’oublie rien

Parfois, j’entends la mer…

Je sens ton corps, le sable doux

Du chemin perdu dans la dune

Quand la lune, cette importune

Baignait nos baisers les plus fous

Parfois, c’est la montagne…

On passait d’abord le ruisseau

Du sentier menant à l’alpage

Seuls au monde, à froisser l’herbage

Tout près du ciel, loin du hameau

Parfois, ce sont des gorges…

Caresse de l’eau sur la peau

Au pied des falaises sauvages

S’aimer, oublier d’être sages

Dans ce grand silence en cadeau

Et parfois, la garrigue…

Oh ! Tes yeux ! Désir mutin

Tu froissais dans tes mains avides

Du thym cueilli près des bastides

Et notre amour était festin

Quand tu te trouves loin

Mon Amour, bien trop loin

Souvent j’aime à penser à nos petits chemins

Ceux, tu sais, dont on n’oublie rien

Tours, le 28 juillet 2022


Le Canebas

Il me suffit

De trois petites pierres

Trois petites pierres vertes et bleues

Posées là,

Souvenir d’une terre d’autrefois

Pour remettre mes pas

Dans ceux d’un cher passé

Pour frôler l’asphodèle

Ou l’asperge sauvage

Pour fouler les restanques

Dévalant le Canebas

Et chercher l’ombre chaude

Grignotée de soleil

D’un pin au bord de l’eau

Et là, jouir encore

D’une crique secrète

L’anse de Coupereau

Où des cabanons rêvent

Où des barques sommeillent

Où le temps n’a plus cours

Il me suffit

De trois petites pierres

Appelant au voyage

Pour faire flotter les îles

Dans la mer de mes yeux

Tours, le 30 mars 2014


Le galet du rivage

Beau comme un pain chaud

Beau comme un sein lourd

Beau comme un silence

Beau comme un secret

Fruit du ventre de la terre

De rondeur et de douceur

De pureté, de volupté

Il est le temps, il est l’espace

Il est mémoire de ce monde

Il est le galet du rivage

Il est le sommeil en beauté

Tours, le 4 novembre 2018


Les hortensias bleus

Ils ont volé à la mer

Leur bleu océan

Ils ont pris aux embruns

Leur bleu incertain

Ils ont gonflé au soleil

Leur bleu électrique

Ils ont lavé à la pluie

Leur bleu pâlissant

Ils ont dérobé aux nuages

Leur bleu infini

Ils ont tiré des tempêtes

Leur bleu violacé

Ils ont offert à la Vierge

Leur bleu marial

Ils ont gardé des naufrages

Leur bleu endeuillé

Ils sont tous les bleus

Fleurs de ciel

Fleurs de mer

Fleurs de vent

Et fleurs d’âmes

Ils sont les hortensias

Bleus

Beg Léguer, juillet 2010


Le palmier

Raide et orgueilleux

Son grand tronc rugueux

File vers l’azur

Puis effort suprême

Délivrance extrême

Crache sa verdure

Alors il déverse

Ses palmes qu’il berce

Pour la joie des yeux

Et le panache fier

De sa tête altière

Frémit, langoureux

Le Pradet, la Bayette, mars 1980