Le bâti spécialisé se distingue du bâti de base parce qu’il accomplit des fonctions non résidentielles, et même quand ces fonctions existent, elles ne sont que secondaires par rapport à la fonction qui l’a engendré. L’origine du processus typologique du bâti spécial se trouve au niveau du bâti résidentiel. Que ce dernier soit à la base du bâti spécial est attesté par le fait que le bâti résidentiel précède toute autre expérience constructive. Quand le besoin d’un édifice spécial se fait sentir, l’adaptation de l’expérience acquise dans le domaine du bâti de base permet de répondre aux nouvelles exigences du bâti spécial.
Nous nous intéressons dans ce qui suit du processus typologique du bâti spécialisé sériel qui dérive du bâti résidentiel et spécialement de l’immeuble d’habitat collectif. La structuration de celui-ci est constituée de cinq modules structurels sur le parcours externe et de deux corps en profondeur ; le couloir de distribution est inclus dans le corps postérieur, qui contient canoniquement les espaces de service, alors que les pièces principales sont habituellement incluses dans le corps qui donne sur le parcours externe. Le bon fonctionnement de l’édifice spécial exige le déplacement de l’escalier de la position axiale à une position périphérique qui n’interfère pas avec la distribution horizontale. Avec l’accroissement progressif du nombre des cellules sur le front on sent la nécessité d’ajouter un deuxième escalier de service dans le coté opposé à celui de l’escalier principale Figure 2.
L’espace de l’escalier principal devient une nodalité, et celui de l’escalier de service une anti-nodalité. Les pièces qui se trouvent près de l’escalier principal auront une fonction exceptionnelle par rapport aux autres pièces.
A - ÉDIFICES À CORPS DOUBLE STRUCTUREL ET TRIPLE DISTRIBUTIF :
Ils représentent le premier déclenchement de la spécialisation de la maison à développement frontal, avec le changement de la position de l'escalier qui assume un dessin mieux articulé par rapport à celui de la maison en ligne, avec plusieurs rampes, et occupe souvent une cellule entière du corps postérieur afin d’accueillir l'ascenseur et favoriser une distribution plus vaste et ainsi plus adaptée au grand nombre d'usagers conséquent à la spécialisation de l'édifice, Figure 1. Le rez-de-chaussée peut encore accomplir une utilisation liée à la rue, plus tournée au public par rapport aux autres niveaux, et être pour cela différent du reste de l'édifice quant à son accessibilité. Pour la même raison, on peut vérifier la nécessité de l'insertion d'un étage spécial pour servir le rez-de-chaussée, avec la naissance d'une mezzanine d’une hauteur réduite, ouverte sur le rez-de-chaussée et accessible seulement à partir celui-ci.
Figure 1 Corps double structurel (6-6 mètres) et triple distributif avec un front de quatre cellules : C’est un édifice dérivé de l’immeuble d’habitat collectif à deux appartements par étage, construit dans un lot sur le front, avec une aire de pertinence placée derrière. Il est agrégé de façon sérielle des deux côtés limitrophes.
Figure 2 Corps double structurel (6-6 mètres) et triple distributif avec front de six cellules et deux escaliers : C’est un édifice dérivé de la maison en ligne, construit dans un lot sur le front en marge de la rue, avec une aire de pertinence située derrière, il est agrégé sur ses deux côtés limitrophes. Par rapport au premier type, celui-ci a un front et une superficie plus grands, ce qui exige l’insertion d’un second escalier hiérarchisé.
B - ÉDIFICES À CORPS TRIPLE STRUCTUREL ET TRIPLE DISTRIBUTIF
Le corps distributif interne se localise dans un corps structurel à part entière et occupe une demi-cellule (2,50/3,00 mètres). L’agrégation frontale s’agrandit de quatre à six/huit cellules et, au fur et à mesure de l’accroissement frontal, on peut observer quelques mutations au niveau de la composition planimétrique. En effet, on constate le déplacement de l'escalier principal et de l’escalier de service du corps postérieur au corps central. Ceci constitue le premier saut qui génère une parité d'utilisation des corps principaux. Si l'édifice est encore inséré dans un tissu continu, l'accès au rez-de-chaussée et le front sur la rue hiérarchisent toujours les deux corps Figure 3. Si l'édifice se pose isolé dans le lot, on assiste à une véritable parité des fronts. Par conséquent on observe, dans ce cas, l'existence de deux fronts ultérieurs sur les côtés courts qui deviennent tête ou queue de l'édifice. Figure 4
L'escalier principal, à l'intérieur du corps central, occupe une position barycentrique, pendant que l'escalier de service se localise en position périphérique, avec la différenciation habituelle des dessins planimétriques des deux escaliers. Pour éclairer et aérer le corps interne on peut observer l'insertion de cours adjacentes à l'escalier et la naissance de corridors de distribution introduits dans les corps structurels principaux. C’est ainsi que se produit un corps quintuple distributif.
Figure 3 Corps triple structurel (6-3-6 mètres) et quintuple distributif : C’est un édifice dérivé du corps triple résidentiel, avec les services, les escaliers hiérarchisés et les puits d’éclairage-aération situés dans la travée structurelle centrale. Les deux fronts, pourtant égaux dimensionnellement, se hiérarchisent par leur positions différentes ; le front sur la rue et le front sur l’aire de pertinence.
Figure 4 Corps triple structurel (6-6-6 mètres) et quintuple distributif avec tête : C’est un édifice qui tend à être isolé dans le tissu, au moins sur trois de ses côtés, dont l’un devient une tête et les deux autres sont à utilisation paritaire. Les escaliers sont hiérarchisés, l’un est nodal et l’autre est anti-nodal.
D – ÉDIFICES À CORPS QUINTUPLE STRUCTUREL ET QUINTUPLE DISTRIBUTIF
C’est l'édifice dans lequel aux corps distributifs correspondent autant de corps structurels. Il résulte de l'agrégation de trois bandes de cellules intercalées de deux bandes demi-cellulaires. Les bandes cellulaires externes sont d'utilisation primaire ; la bande centrale contient les services, l'escalier et la cour ; les deux bandes demi-cellulaires assurent la distribution horizontale des bandes principales.
La cour est unitaire et ses dimensions sont adaptées pour éclairer et aérer les couloirs et les pièces qui existent éventuellement dans le corps cellulaire interne. Dans un développement de six/huit cellules, l'édifice atteint une grande organicité et ne se prête pas à des agrégations ultérieures ; il assume l'organisation d’un organisme accompli : il a toujours une tête et une queue et son développement vertical est contenu dans six/sept étages. Dans le front principal – la tête – se positionnent, au rez-de-chaussée, l'accès et le hall ; aux étages supérieurs se positionnent les pièces principales. Dans le reste de l'édifice se disposent les pièces sérielles ; alors qu’au niveau de la queue se trouve l'escalier secondaire et les services anti-nodaux. Figure 5
E - ÉDIFICES COMPLEXES DÉRIVÉS DE L’AGREGATION DES CORPS PRÉCÉDENTS
Ce sont des agrégations de corps de bâtiment qui suivent la logique de la formation spontanée d'un îlot et dans lesquelles on peut lire les hiérarchies réciproques des parcours générateurs (le principal, le secondaire et le tertiaire) et leurs marges édifiées. Dans l'organisme bâti, le corps principal possède la plus grande profondeur, il est assimilable à un corps triple structurel et quintuple distributif ; les deux côtés latéraux sont, au maximum, un corps triple structurel et triple distributif ; le troisième est un corps double. Le développement global peut être assimilé à la dimension d'un îlot où le front le plus réduit peut être de sept/neuf cellules et les corps latéraux peuvent atteindre dix/douze cellules. Le front principal au nombre impair de module génère un axe de symétrie affirmé par tous les éléments composants de la volumétrie. Au niveau de la tête se trouvent, au rez-de-chaussée l’accès principal, le hall et l’escalier principal ; aux étages supérieurs se positionnent les espaces les plus grands et les plus importants. Dans les corps latéraux sont souvent localisés les locaux à fonctions sérielles, et dans le côté qui conclut la composition se trouvent les destinations de service, principalement anti-nodales.
Dans les édifices les plus complexes on peut aussi retrouver un contre-axe transversal définit par la présence des accès latéraux secondaires. La grande cour intérieure n’a pas seulement un rôle d’éclairage-aération des corps latéraux, mais assume une valeur architecturale propre. Figure 6
Figure 5 Corps quintuple structurel (6-3-6-3-6 mètres) et quintuple distributif : C’est un édifice isolé dans le lot, avec les quatre fronts hiérarchisés. Les escaliers sont : un nodal et deux autres anti-nodaux.
Figure 6 Édifice complexe formé d’un corps triple structurel (a=6-6-6 mètres) sur le front principal, de deux corps doubles (b=c=6-6) sur les côtés longs et d’un corps double (d=6-3) sur le front postérieur.