Je me réveille dans mon lit avec l’intime conviction que quelque chose ne va pas. Je passe la tête par dessus la rambarde de la mezzanine pour observer mon salon. Vu du ciel, ça ressemble presque à une carte ou un plateau de jeu. J’inspecte mon intérieur, protégée dans mon mirador. Rien n’est comme d’habitude. Le canapé a été tiré au milieu de la pièce, au lieu de reposer contre le mur. Les casseroles ont été sorties des placards de la cuisine, et sont étendues, mortes, sur la table et le bureau. La fenêtre est ouverte. Il y a des rideaux qui ne m’appartiennent pas. Ils semblent avoir été rajoutés pour témoigner de l’air qui tourbillonne dans la pièce. Ils flottent doucement à l’intérieur de la cuisine.
La personne se réveille dans son lit avec l’intime conviction que quelque chose ne va pas. Elle passe la tête par dessus la rambarde de la mezzanine pour observer son salon. Vu du ciel, ça ressemble presque à une carte ou un plateau de jeu. Cette personne inspecte son intérieur depuis son mirador. Rien n’est comme d’habitude. Quelqu’un est venu toucher à tout. Toutes les choses semblent disposées comme d’habitude, mais en y regardant mieux, elles sont légèrement décalées, tournées dans le mauvais sens, un peu trop à droite ou à gauche. Doucement, elle tend l’oreille, en se cachant derrière les barreaux. L’autre doit sûrement être encore là. L’air est lourd et les fenêtres sont fermées. Le temps paraît tellement figé qu’il ne peut rester ainsi encore plus longtemps. Quelque chose va arriver.
Les yeux s’ouvrent dans le lit. C’est une telle douleur d’essayer de se réveiller et de ne pas y arriver. C’est être coincé dans son propre cerveau qui ne peux s’empêcher de mentir. Ça dure indéfiniment. Le regard se faufile dans l’appartement. Il rampe près du plafond, comme une caméra de sécurité. La lumière est morte, la perspective a changé. La pièce fait à la fois 12m² et 20m de profondeur. Sans bouger, tout tombe. Tout à coup une chaise remplace le lit et assoit la situation. Le plafond est trop bas pour se relever et la chaise se balance nerveusement sur ses pieds.Il est désormais impossible de sortir, la porte et fermée et l’air se solidifie lentement.
La fenêtre était restée ouverte, le vent s’engouffre dans la pièce, le Monstera Deliciosa se courbe au rythme de son souffle. Ses tiges sont immenses et elles se cambrent jusqu’à effleurer mon lit mais ne se cassent pas. Une bourrasque plus forte le fait tomber, je me précipite pour le secourir. Je ferme le vélux en faufilant mes mains à travers le branchage de la plante. J’essaye de la redresser mais ma vision est brouillée par son corps. Je me fie au toucher. Je sens que le pot en terre s’est cassé et m’empêche d’extraire la plante. J’attrape sa tige principale et me rend compte qu’elle aussi est brisée comme une céramique, elle est froide et lisse et ses bords meurtris me coupent les doigts.
Elles marchaient interdites dans les dunes. La mer une masse noire, dense. Plus d’horizon pour la différencier du ciel. La lumière dure asséchait leur peau en fond d’écran les silhouettes des usines. Les immenses machines comme un troupeau de vaches, paisibles et presque éternelles. Je l’appelle devant moi et je lui demande qu’est ce que c’est ici. Elle se retourne du sable s’était déjà niché dans ses rides. Il n’y a que de la nature ici elle me dit. Je comprends que nous n’existons pas plus que le reste. Les pas sur le sable et le vent dans les buissons produisent une nappe de son confortable. Un son qui frotte contre tout et toutes et nous oublions que nous marchons. Je me sens fatiguée. Enfermée dans le bruissement de l’air comme dans des draps, la lumière est toujours grise et le temps semble couler à la vitesse du vent. Nous ne savons pas si le soir se lèvera demain.
De nouveau, les formes se rattachaient ensemble. C’était comme si ses yeux ne pouvaient s’empêcher de fondre les choses entre elles. Un flot de pensée ambigu qui ne différenciait que l’intensité et la couleur des choses. Les contours semblaient inutiles. Pourtant les médecins avaient dit que ce serait réglé pour de bon. Le problème venait d’une déformation de la rétine, et les moyens techniques d’aujourd’hui permettraient de la corriger aisément. A l’examen de contrôle, on lui a dit que tout était en ordre. Elle n’a pas osé dire que ça recommençait. Le problème venait d’ailleurs. Peut être que ses yeux le pouvaient, mais elle n’arrivait pas à lire les images. Sa pensée ne cessait de dépasser les limites. Et cela ne faisait qu’encourager son corps à se heurter aux obstacles du quotidien. Elle se cognait constamment. Il n’y avait pas de distinction entre le point le plus loin du paysage et le premier plan, alors, c’est comme si elle y était déjà, au point le plus loin.
Nous voulions des draps bleus. Nous avions demandé à ce que la lumière soit plutôt jaune ou orange. Qu’elle soit douce enveloppante. Après un temps, c’était comme si le rouge avait prit le dessus. Nous avions la tête lourde et la peau chaude. La lumière jaune était devenue plus agressive que celle blanche des néons. Elle était fausse et lourde. Elle pesait sur nous comme l’illusion de soleil qu’elle était. Nous aurions préféré qu’elle ne mente plus et redevienne blanche. Une lumière blanche légèrement bleu.