Le Réveil de Bayoune

AdourA 

Des hommes, des bateaux, des affluents, un fleuve...


Comme souvent dans notre beau pays, les belles histoires débutent autour d’un verre.

C’est le cas de celle-ci.

Le samedi 12 juin, nous étions tout un groupe de citoyens et élus réunis à Saubusse pour l’inauguration du chemin de halage, réaménagé en véloroute. Chemin de halage… forcément la conversation s’engage très rapidement sur le fleuve Adour, son passé de voie batelière florissante et son présent de bel endormi. Les convives s’enhardissent et je suis interpelé : « Toi qui possède un chantier naval, tu crois que cela serait possible de reconstruire une gabare ? » Et moi de répondre hardiment : « Pourquoi pas ! Nous avons bien réussi en Bretagne à sauver de l’oubli, soit en restaurant des bateaux existants, soit en construisant des répliques, des bateaux typiques de notre patrimoine maritime. Alors pourquoi pas une gabare de l’Adour ! »

Séduit par l’idée, je passe mon dimanche sur Internet pour me documenter. J’y apprends que les gabares s’appellent ici galupes et de fil en aiguille, je tombe sur un article du journal Sud-Ouest datant du 15 février 2013 relatant l’existence d’une galupe échouée au port de Guiche et cherchant des repreneurs. La surprise est totale et une fois l’émotion passée, je décide d’aller jusqu’à Guiche, voir si par hasard…

Arrivé à Guiche, rive droite de la Bidouze, sous des trombes d’eau et sans pouvoir approcher (le pont de Guiche est en travaux) j’aperçois, rive gauche, sur la cale du port, un bateau à demi immergé et semi enfoui dans la végétation. Mon sang ne fait qu’un tour, je reconnais la galupe.

Je rentre à Saubusse, parler de ma découverte à M. Le Maire et à quelques personnes motivées par le sujet et propose que l’on s’intéresse de près à cette galupe. Cette suggestion fait l’unanimité, d’autant plus qu’il semble difficile pour une collectivité de projeter la construction d’un bateau représentatif du territoire tout en sachant qu’il en existe déjà un à l’état d’abandon.

Nous décidons de nous rapprocher de l’association Val d’Adour Maritime, propriétaire, pour proposer de prendre en charge la galupe afin dans un premier temps de stopper sa dégradation en la mettant au sec.

M. Savary, président, nous réserve le meilleur accueil ainsi que les élus de Guiche. Avec leur soutien et leur participation – un grand merci à Raymond Pouyanné et à nos amis de Guiche - nous hâlons sur la berge « Bayoune » (ainsi se nomme la galupe) pour réaliser les travaux de renflouement provisoire qui vont nous permettre de la remettre à flot et de la convoyer jusqu’à Saubusse, son nouveau port d’attache.

M. Savary nous indique que les espars de Bayoune ont été dispersés, certaines pièces tel le mât et sa vergue ayant été entreposés dans les locaux de l’association des Escumayres, d’autres gisant au fond de la Bidouze dans la zone d’appontement de la galupe à Guiche. Vraisemblablement s’y trouvent également les ancres.

Un des membres de notre collectif, Michel Pérez, plongeur sous-marin confirmé, se propose de plonger sur zone en reconnaissance. La pêche est fructueuse, nous ressortons de l’eau les deux ancres ainsi qu’un morceau de l’aviron gouvernail muni de son lest en pierre taillée de Bidache.

Jour J, le lundi 13 août, le temps est humide, nous nous affairons pour remettre Bayoune dans son élément. Les gens sur la berge sont venus nombreux assister aux opérations. Certains affirment que Bayoune va couler très rapidement, d’autres au contraire nous font confiance et nous encouragent.

Quand Bayoune se met doucement à glisser vers la Bidouze, aidée par les tracteurs de Raymond Pouyanné, un grand silence s’installe, et puis nous embarquons et quittons lentement la cale salués par des bravos et des applaudissements. Il y a aussi quelques larmes. L’instant est intense, Bayoune est sur l’eau et quitte sa cale de l’oubli, en route vers Saubusse. La traversée est belle et rapide. Depuis les berges les promeneurs saluent Bayoune, charmés de voir cette belle galupe filer sur l’eau. L’arrivée à Saubusse se fait sans encombre, la foule s’est rassemblée sur le quai pour nous accueillir avec enthousiasme tandis que le jour commence à baisser. La mise à sec de la galupe est réalisée en suivant. La nuit est venue, mission accomplie. Dès le surlendemain, Bayoune est amenée doucement sur le quai du port afin d’y être calée et lavée.

Bayoune a retrouvé sa dignité. Il faut maintenant lui assurer un avenir.

Deux chemins sont envisageables. Une mise au sec, définitive, afin d’être exposée en tant que témoin essentiel de l’existence de la batellerie sur l’Adour ou bien une rénovation, ou plutôt une reconstruction et remise à flot à terme. C’est bien évidemment la seconde option que nous souhaitons et privilégions.

Un inventaire précis va être effectué d’ici la fin de l’année pour nous permettre d’établir un calendrier crédible des travaux. L’association Val d’Adour Maritime va nous accueillir au fur et à mesure des adhésions en qualité de membres pour donner un cadre administratif à notre projet.

Espérons qu’en 2019, cette belle histoire continue son chemin difficile et exigeant mais ô combien enthousiasmant.

30 octobre 2018 

Gilles Lecrecq 

Place Henri de Navarre 40180 Saubusse



Présentation de Maurice LAMY 

lors de l’Assemblée constituante de l’association ADOURA

Je voudrais vous parler maintenant de quelqu’un qui ne peut pas être des nôtres ce soir mais qui nous rejoindra très bientôt et à maintes occasions.

Il était tombé dans l’oubli, comme Bayoune.

Mais il a été retrouvé et nous allons lui redonner toute sa place  dans l’histoire de l’Adour et de ses affluents, comme Bayoune.

Il s’agit de Maurice LAMY, fondateur de l’association Val d’Adour Maritime et initiateur du projet de construction de Bayoune en 1995.

Nous avons retrouvé sa trace dans les documents de VAM où il est cité à maintes reprises, puis nous avons pu prendre contact grâce à quelques personnes qui avaient gardé un lien avec lui. Il est venu à Saubusse au printemps dernier pour voir la galupe et me rencontrer. Il m’a raconté son histoire avec Bayoune.

Elu de Bayonne puis d’Urcuit, il a travaillé à la DDE, chargé de l’Adour.  Attaché au passé vivant du fleuve et conscient du lien qu’il créé entre les hommes et entre les terres, il a souhaité, je le cite : « faire renaître une dynamique autour des cours d’eau du Bas-Adour Maritime » et la construction de Bayoune en était le fer de lance.

Il a même été plus loin dans sa volonté de créer du lien en convaincant l’association Grands Voiles et Moteurs de rejoindre le projet de la galupe en intégrant des jeunes en réinsertion à sa construction.

Maurice LAMY est un homme de cœur. Non seulement amoureux de l’Adour et des terres qu’il traverse mais également des hommes qui le côtoient.

Considéré par ses pairs, dans les premières années d’existence de l’association VAM, comme celui, je cite, « à qui revient tout le mérite d’avoir eu l’idée de la création de l’association » voire, je cite,« comme son âme », il a dû cependant s’en éloigner, quelques années plus tard, en désaccord avec l’orientation qu’elle prenait. Très certainement l’absence d’attention portée à l’entretien de Bayoune qui l’a conduite au sort que l’on sait, a contribué aussi à lui faire prendre ses distances.

Nous sommes donc particulièrement touchés et heureux de fonder aujourd’hui une nouvelle association qui renoue avec le désir qu’avait Maurice LAMY quand il a crée VAM. Je le cite s’adressant à Bayoune dans l’éditorial du Sel de l’Adour paru quelques semaines avant sa mise à l’eau en avril 1998 : 

« Chère galupe, les eaux marines te porteront vers Lahonce, la douceur des eaux de montagne t’accueillera à Peyrehorade près des Abbayes de Sorde et d’Arthous, le vent basque sur les Nives t’appellera au sud, la crue viendra contrer ta navigation mais ton aventure te conduira au seul cap : celui du carrefour des hommes qu’est le Bas-Adour Maritime.  Sois la noble ambassadrice des « Pays de l’Adour ».

Alors, pour tout ce qui vient de vous être transmis sur Maurice LAMY, Mesdames et Messieurs, membres de cette Assemblée, je voudrais vous demander d’accepter de nommer Maurice LAMY membre d’honneur de notre association.


Gilles LECRECQ, à Saubusse le 6 septembre 2019