Emilie Offre

Vassili Porik Русский

Archive privée de Jean-Marc Morin

Madame Emilie OFFRE, alias MARIE.

Agent de liaison régional, sous les ordres du Commandant Victor TOURTOIS de BEAUMONT-EN-ARTOIS.

Je déclare avoir protégé, hébergé et soigné, malgré les dangers de l’Occupation Allemande, des patriotes français et des soldats de l’Armée Rouge, évadés des camps de prisonniers de la région.

Étant en liaison avec le groupe de DROCOURT, depuis 1940, notre activité se bornait à diffuser les tracts afin de fortifier la résistance à l’oppresseur.

Ayant fait connaissance de Jean LAMBRECHT, alias DESIRE CARPENTIER, P[1] de Secteur, nous avons à plusieurs reprises, donné refuge à ce dernier au cours d'une missions.

Germain LOHEZ de HEURCHIN, était souvent de passage. Il se restaurait puis repartait.

Nos relations avec Vassil BORIK prennent naissance chez Voltaire HAVE[T], car 15 jours auparavant, mon mari revenant des champs avec une brouette lourdement chargée, rencontra un Russe, lui demanda poliment de lui ramener sa charge à la maison, vue la maladie professionnelle qu’il avait contractée aux Mines. Le Russe, gentiment, ramena la brouette chez nous.

Au cours d’une réunion clandestine de partisans que nous organisons, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, nous fûmes étonnés de voir arriver ce même Russe qui avait aidé mon mari. Voltaire HAVE[T] nous ayant demandé d’héberger ce soldat, nous acceptâmes. Lui ayant demandé s’il revenait avec nous, il nous répondit tant bien que mal qu’il ne pouvait nous suivre, mais qu’il reviendrait dans la soirée, car il connaissait les lieux, vue l’aide qu’il nous avait donnée.

A partir d’octobre 1943, nous avons héberge ce soldat come notre fils. Le soir ca il arriva chez nous, il était arme d’un revolver et ceint d’un ceinturon, car il était allé a MONTIGNY-EN-GOHELLE, exécuter un collaborateur.

Les jours qui suivirent, de nombreux soldats russes passèrent chez nous, évadés des camps de BEAUMONT, que Vassil dirigeait chez nous afin qu’ils se restaurent et qu’ils changent d’habits et Vassil BORIK les commandait et les orientait vers d’autres lieux, car il était leur chef. Ces mêmes soldats revenaient constamment chez nous afin de prendre des ordres de leur chef.

Une grosse opération fut tentée et réussie, sur la Centre d’Approvisionnement des Houillères à BEAUMONT. (Aujourd’hui le siège de la C.C.P.M.[2]).

Un des russes, Vassili K[O]LESNIK fut tué au lieu-dit « La Parisienne », près de chez nous. Il avait été surpris par 300 allemands qui encerclaient notre quartier, l’ennemi ayant eu vent que le coup de main de BEAUMONT pouvait provenir de notre groupe. Vassil BORIK et Stéphane ayant été interceptés par une patrouille de 3 allemands au passage à niveau, Vassil BORIK revint chez nous, afin de camoufler ses partisans, mais Stéphane s’était défendu, il reçut une balle dans son genou et se sauva. Vassil BORIK repartit sur les lieux du danger et se camoufla dans une maison. Vassil K[O]LESNIK fut tué à cette maison, agrippé au gîtage du grenier. Les allemands fouillèrent alors toute la maison, la propriétaire l’ayant dénoncé à l’ennemi.

Les allemands ne virent personne, redescendirent, mais la propriétaire insista. Les allemands remontèrent alors au grenier, découvrirent alors Vassil BORIK et lui tirèrent une rafale de mitraillette à bout portant.

Vassil BORIK fut emmené, blessé, à la prison d’ARRAS et fut enferme dans la cellule des condamnés à mort et les allemands lui demandèrent ai les balles allemandes lui faisaient du bien. Ces paroles nous furent rapportées par Vassil lui-même après son évasion.

Au cours de son internement, Vassil réussit à se débarrasser de ses menottes, car il était entravé et n’avait pas été soigné de la balle qui lui était restée dans la cuisse gauche. Ayant descellé un crampon fixé à la fenêtre de sa cellule, il se recoucha et remit ses menottes sans les fermer. Il se plaignit afin d’attirer l’attention de la sentinelle placée devant sa cellule. Le soldat allemand rentra dans la cellule. Vassil lui demanda à boire et lui demanda d’examiner sa plaie. L’allemand, sans méfiance, se pencha sur con membre blessé. A ce moment, Vassil lui planta le crampon dans la tempe, désarma son geôlier et égorgea ce dernier avec sa propre baïonnette. Il coucha le cadavre à sa place, changea de cellule, descella des barreaux et risqua son évasion, pour retomber dans un silo de cadavres de patriotes que l’oppresseur avait fusillées.

Ayant été arrêté le 25 avril, il revint le 4 mai à la maison. Le soir, nos enfants étaient seuls. Nous nous trouvions chez une tente décidée à cette date. Notre fille Gabrielle vint nous chercher et nous prévenant que Vassil était rentré. Nous sommes revenus et nous avons trouvé Vassil dans le fauteuil qui nous disait, bien que blessé : « Papa, Maman, moi dix fois patriote ». Nous l’avons lavé, soigné, car il était épuisé. Il s’est alimenté et nous l’avons mis coucher.

Il nous narra son évasion. Il avait parcouru à pied la distance d’Arras à notre refuge, à travers terre, évitant les lieux habités, surveillés par l’ennemi. Il nous raconta même qu’il avait fait le simulacre de flatter une vache dans une prairie, car une patrouille de allemande était proche. Le lendemain, nous nous mettions on relations avec « Noël » de la Parisienne. Il nous délégua Germain LOHEZ qui contacta le Docteur ROUZE de BILLY-MONTIGNY qui visita notre blessé. Ne pouvant rien faire chez nous, le praticien, ayant relevé la nécessité d’une intervention chirurgicale, repartit à BILLY-MONTIGNY, consulta le Docteur LUGEZ Médecin-Chef de l’Hôpital Sainte-Barbe à FOUQUIERES LES LENS.

Une voiture transporta clandestinement le blessé à cet établissement où il fut opéré et ramené le jour même chez nous, car sa présence dans ce centre hospitalier aurait pu être décelée par l’ennemi qui contrôlait toute la région.

Soigné, allongé dans son lit pendant 2 mois et demi, nous continuions nos missions de transport d’armes, de munitions et de tracts. Les soldats russes continuent à s’évader at à venir prendre des ordres au lit même de Vassil, afin de continuer la lutte.

Vassil n’était pas guéri, mais il réparait des armes que mon mari allait essayer dans un souterrain creusé dans notre jardin. Remis sur pied, il reprit son activité clandestine. Certaines nuits, il ne rentrait pas car il avait plusieurs pied-à-terre, notamment à Rouvroy et Liévin, et c’est au cours d’un rendez-vous qu’il trouva le Gestapo en lieu et place de ses partisans.

Repris le 22 juillet à BULLY-GRENAY, les allemands l’emmènent directement à ARRAS et le fusillent le jour même à la Citadelle.

Après la Libération, nous fîmes des démarches auprès du Comité de Libération afin de récupérer les corps de Vassil BORIK et de Vassil K[O]LESNIK, inhume a Hénin-Liétard, afin de les unir dans le même lieu.

Nous avons toujours continué à nous occuper de leurs tombes at à les fleurir. Au cours de ces événements, Vassil BORIK nous considérait comme ses père et mère et il était pour nous comme un fils et nous ne pouvions que lui reprocher sa farouche audace, allant jusqu’à la témérité, bravant l’ennemi, habillé de ses uniformes de Lieutenant de l’Armée Rouge et mitraillette à la bretelle, prêt à toute attaque.

Certain passagers furent enregistrés chez nous, hébergés et dirigés vers d’autres centres, entre autres :

- Vassili D[O]ZENKO, fusillé par l’ennemi ;

- Marc GILBERT, juif ;

- Ivan, un russe de passage ;

- Vassili ADO[N]I[EV], Russe ;

- Michel, Russe ;

- Michel, Russe, groupe Vassil BORIK ;

- 2 français amenés par Germain LOHEZ, gardés 3 jours ;

- Nicolas, Russe ;

- Galina, femme russe ;

- Luciano HAVE[T], de juin à sept 44[.]

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[1] Responsable politique.

[2] Coopérative Centrale du Pays Minier.