Avouer sa faillite

"Cela veut dire une seule chose : la richesse des sociétés dans lesquelles règnent le mode de

production capitaliste, s’annonce comme une immense accumulation de mensonges. L’argent

qui ne représente rien d’autre que l’accumulation de « travail mort », c’est à dire la forme

réelle d’une abstraction, se détache virtuellement de sa substance. Le découplage entre sa

forme (l’argent) et son fond (le travail) se fait dans un pari sur le temps qui à un moment

donné doit se rattraper ou exploser par la dévaluation et la crise. Mais les catégories

contradictoires de la productivité (concurrence) et de la valeur (travail) sont des formes sous-

jacentes et inconscientes. Aucun volontarisme politique ne pourra inverser ces évolutions à

l’intérieur du système de valeur capitaliste : L’allégement ou l’annulation de la dette du tiers

monde serait un pansement sur une jambe de bois et n’engendrera aucun « cercle vertueux ».

Le tiers monde a perdu la bataille sur le champ capitaliste et ne sera plus jamais compétitif sur

le marché mondial. D’autres ont déjà suivi (le bloc ex-communiste) et ces faillites

n’annoncent rien d’autre que celle du capitalisme mondial lui-même. C’est pour cela que nous

nous trompons de cible en accusant les milieux financiers de détruire l’économie créatrice de

« richesses » qui sans eux se porterait bien.(18) « Ils » ne suivent pas une stratégie consciente

de « mainmise » sur le monde, mais le cours irréversible et tout à fait résistible du capitalisme.

La richesse spéculative n’est pas une véritable richesse, elle n’est qu’une immense simulation,

que l’on ne peut utiliser selon ses choix, qu’ils soient économiques ou sociaux. Le capitalisme

l’a produit par nécessité de survie et, sans elle, aurait déjà dû avouer sa faillite.

On ne saura pas contrecarrer ce « mensonge total » par des aménagements comme des

taxations des spéculations, des juridictions internationales ou des velléités de retour au travail

et l’argent « honnêtes », comme ils transpirent dans des slogans telles que « Ce n’est pas à la

bourse que l’on fabrique des pneus » (Wolber-Michelin à la manifestation pour la défense de

l’emploi) ou à la bonne vieille nation comme le fait le mouvement des citoyens à la même

occasion : « Peuple de France contre la mondialisation ». Ce n’est pas l’allégement ou

l’éradication de la dette du Sud, ni un contrôle démocratique ou l’interdiction des bourses, qui

arrêteront la crise du capitalisme." Ernst Lohoff