Carnet de bord

Le site ayant été édité sur une version ancienne de Google Site, certains problèmes d'affichage sont apparus suite à la migration vers la nouvelle version. En attendant la résolution de ce problème, cette page qui correspondait au blog de la mission doit être lue "à l'envers" : le début de l'aventure se situe tout en bas de la page.

<= Utilisez le sommaire ci-contre ;)

Conférence

L’ABEB invite à venir rencontrer E. Amice, L. Chauvaud et J. Thébault qui présenteront les objectifs et les résultats de leur mission de 2 mois en Terre Adélie (Antarctique) où ils ont pu mener des plongées scientifiques et photographier le déroulement de cette aventure scientifique et humaine.

Mardi 29 mars, 20h, Amphithéâtre A, UFR Sciences & technique, 6, avenue Le Gorgeu, Brest.

Gratuit.

Contact : 06 60 66 92 95, vpanimculturel.abeb@gmail.com, http://abeb.fr

NANSEN, discours inaugural à St Andrews :

« Nous avons tous une « Terre d'Au-delà » à chercher au cours de notre vie - que pouvons-nous demander de plus ? Notre rôle est de trouver la piste qui y mène. Une piste longue, une piste difficile, peut-être ; mais l'appel nous en parvient, et il nous faut partir.

Profondément enraciné dans la nature de chacun de nous est l'esprit d'aventure, l'appel du monde sauvage, qui vibrent sous chacune de nos actions, rendant la vie plus profonde, plus élevée et plus noble »

    Pendant que les containers remplis de matériel et d'échantillons attendent à Hobart d'être chargés sur un cargo et de voguer vers la Bretagne où ils accosteront vers la fin Avril, le travail a repris pour Erwan, Laurent et Julien. L'acclimatation reste difficile, dans une pays où les manchots sont absents, où le transport se fait en voiture sur des routes stressantes et non en quad ou en hélicoptère sur de la banquise immaculée, où il pleut et où la nuit... il fait vraiment nuit(!),  .

    La suite de l'aventure se fera donc sur un autre rythme : celui de la science, de la recherche, du traitement des résultats et des publications. L'actualité de cette phase du travail sera présentée dans une toute nouvelle page du site : la science avance... à suivre régulièrement !

A 11H30 ce matin, les 3 aventuriers chevelus et/ou barbus, un peu amaigris, mais bien bronzés ont posé le pied sur la terre bretonne...

C'est la fin de cette partie de la mission, il reste désormais à valoriser scientifiquement toutes les manips qui ont été réalisées. L'occasion de créer de nouvelles pages sur le site.

Les écoles poursuivent également leurs travaux dans l'onglet "pédagogie"

Le voyage de retour amorcé il y a déjà une semaine va bientôt toucher à sa fin. Les billets d'avion ont été échangés pour pouvoir retrouver le sol breton et les petites familles au plus vite, c'est à dire demain à 11H35 tapantes.

Laurent (15:00 heure française) :

"Nous sommes à Hongkong et la vie est belle. Je vois déjà les sourires à l'Aéroport de Brest. Le retour a été long...très long sur un bateau paré de mille odeurs désagréables..."

cliquez sur l'image pour suivre l'avion en temps réel

Difficile de quitter le continent blanc et ses multiples facettes... Voici encore quelques photos retrouvées au fond d'un tiroir, histoire de profiter encore un peu de la magie Antarctique...

Alors que Laurent, Erwan et Julien reprennent pied dans la vie citadine de Hobart et tentent  vainement de se rappeler de leur numéro de carte bancaire, inutilisée depuis 2 mois (véridique), voici les réponses que Julien avait apportées au jeu des questions/réponses, avant son départ de DDU.

1° - Votre photo préférée 

C'est assez dur car j'ai des coups de cœur pour plusieurs photos. Disons que celle qui est en PJ est particulière car c'est la première belle photo d'Antarctique, prise à mon arrivée à proximité du continent.

2° - Les circonstances de cette photo 

Cette photo a été prise depuis le nid de pie de l'Astrolabe, lors de notre arrivée à Commonwealth Bay. Stan, le commandant, nous avait proposé à Erwan et moi de monter tout en haut pour profiter de la vue, perchés à plus de 20 m de l'eau. Le panorama était simplement fantastique ! Vers 23h30, le ciel s'est enflammé de rose au moment où nous passions à côté de ce bel iceberg. J'aime le camaïeu de nuances de roses et de bleus, entrecoupées de blanc d'une pureté toute polaire..

3° - Les moments les plus forts de la mission

Sans hésitation, mon moment le plus fort a été celui de ma toute première plongée sous la banquise, à partir de trous jumeaux percés à la tarière. Évoluer sous 3 m de glace, en apesanteur, au milieu de jeux de lumières jaunes, vertes, bleues, diffractées et réfractées par les plaques de banquise, a été un plaisir absolu. Pour moi, c'était une première, mêlée d'appréhension et d'émerveillement.

4° - Un mot, un adjectif ou une expression pour cette mission

Enchanteresse

5° - Une musique/chanson qui resterait attachée à la mission

Là encore, sans hésiter, mon morceau de musique préféré pour cette mission est Vaka de Sigur Ros (album () ). Ce morceau planant est un concentré de pureté, d'angoisse, de quiétude, de poésie, de douceur, de peur... autant de caractéristiques propres à décrire ce que j'ai vécu ici. Je l'ai écouté souvent le soir, en m'endormant. Il était alors annonciateur de rêves émerveillés et émerveillants.

 Dernière minute (à 5:00 heure française, le 25 Janvier 2016) :

"Coucou !

nous sommes lundi 25 janvier, il est 14h30, et l'Astrolabe fait son entrée dans la baie de Hobart ! Nous aurons donc mis 5 jours pour faire la traversée, à 12

nds de moyenne. Nous ne débarquerons pas avant 19 ou 20h car les douaniers australiens vont venir inspecter le navire avec des chiens renifleurs et cette

opération va prendre un peu de temps."

Les côtes Australiennes devraient bientôt être en vue. Après 2 jours d'adaptation, les passagers sont désormais relativement bien amarinés, mais le temps est long. L'arrivée à Hobart est prévue Lundi à 17H, heure locale, soit 7H demain matin pour la France. La suite reste encore inconnue car le départ en avion n'est prévu que le 30 Janvier.

Position du bateau le 24 Janvier à 15H00.

Source : http://www.sailwx.info/shiptrack/shipposition.phtml?call=FHZI

Concernant les souvenirs les plus forts de chacun, Laurent s'est également prêté laborieusement au jeu des questions/réponses. Voici son point de vue, où l'on découvre notamment qu'un chanteur pour le moins inattendu était en réalité un talentueux visionnaire en matière de dérèglement climatique...

1° - Votre photo préférée

C'est impossible !!

Une photo de banquise un jour de tempête.

2° - Les circonstances de cette photo

Elle a été prise le 26 décembre le soir pendant une tempête vraiment violente. J'ai vraiment aimé les plages du débarquement façon manchots invasifs !

3° - Les moments les plus forts de la mission

L'ouverture des cadeaux de Noël.

La première plongée sous glace a été prégnante.

Mais aussi la découverte des grottes de glace non loin de Bernard

4° - Un mot, un adjectif ou une expression pour cette mission

Encore plus loin.

5° - Une musique/chanson qui resterait attachée à la mission

  Señor Météo de Carlos

(Ouf... Heureusement qu'ils étaient en Antarctique, on a échappé à "Tout nu et tout bronzé!" )

Près des 2/3 du trajet séparant l'Antarctique de la Tasmanie ont été parcourus. Comme attendu, le vent s'est renforcé, et la perturbation risque d'accompagner l'Astrolabe jusqu'au bout. 

Avant le départ d'Antarctique, Erwan, Laurent et Julien se sont pliés à un exercice difficile : raconter les moments les plus forts de cette mission au travers de quelques questions. Voici les réponses d'Erwan...

1° - Votre photo préférée

Voici un exercice loin d'être facile. Dans les 13 000 photos que j'ai gardées, voici, donc, l'une de mes préférées. Elle a été prise le 15 décembre 2015, au sud du mât iono. L'image montre Laurent remontant d'une plongée à travers plus de 3m d'épaisseur de glace.

2° - Les circonstances de cette photo

Ces deux trous ou puits furent réalisés grâce à une tarière motorisée. Nous avons eu d'ailleurs la plus grande peine à terminer ce perçage car la banquise était vraiment très épaisse à cet endroit, peut être même la plus épaisse du secteur. Avec l'équipe technique de l'IPEV, Anthony et Damien, nous avons mis plus d'une heure à finir ces trous et nous avons dû utiliser les deux rallonges de foret pour atteindre l'eau de mer. Il y avait là, des similitudes avec un travail de forage pétrolier.

J'aime bien cette image parce qu'elle montre l'énergie qu'il faut développer ici pour atteindre nos sites d'expérimentation, et l'engagement physique d'un scientifique pour obtenir ses échantillons et ses mesures dans un milieu naturel très hostile.

 3° - Une musique/chanson qui resterait attachée à la mission

AIR - album: Moon safari, La femme d'argent

Cela m'a accompagné durant les heures de relecture des séances photos.

Julien :

"Bon ben j’ai pas grand chose à raconter aujourd'hui car il ne se passe absolument rien sur le bateau. Je pense qu’il y a une bonne moitié des passagers qui n’est pas bien et qu’on ne voit plus depuis 2 jours. Ils sont enfermés dans leur bannette à gérer leur mal de mer. J’avoue que je ne suis pas non plus au top de la forme. Et pourtant la mer n’est pas mauvaise, les creux n’atteignant pas les 3 m. Pas de baleines en vue. En fait, j’en ai très peu vu hier car je dormais à chaque fois qu’elles étaient là. Mais Laurent en a pris à 50 m du bateau, des baleines à bosse ! Et qui ont montré leur caudale et tout et tout !

Je suis jaloux…

Je passe beaucoup de temps à dormir, ou du moins à essayer car le bateau roule fort de babord à tribord et je suis obligé de me cramponner au matelas pour ne pas finir éjecté de mon lit. Comme il fait assez froid dehors (il a pas mal neigé hier), c’est compliqué de sortir dehors. De toutes façons, on ne voit plus d’icebergs depuis hier midi. L’Antarctique est maintenant très loin. "

Le voyage est bien entamé : près de la moitié du chemin a été parcouru. Ce soir, une petite dépression chahute un peu plus le navire, avec des vents moyens à 26 noeuds. La carte météo de la Tasmanie annonce des conditions assez tumultueuses, arrivant par l'ouest. L'Astrolabe va-t-il mériter sa réputation de Gastrolabe?

Position du bateau le 22 Janvier à 17H00.

Source : http://www.sailwx.info/shiptrack/shipposition.phtml?call=FHZI

Météo des plages de Tasmanie. "Petite" dépression arrivant de l'ouest.

Source : http://fr.weather-forecast.com/maps/Tasmania?type=cloud&&over=arrows&&symbols=none

Pour imaginer l'ambiance sur l'Astrolabe, quelques images prises à l'aller...

et quelques secondes illustrant les conditions de navigation par temps calme, avec une "légère" houle...

Julien :

"Me voici sur l’Astrolabe, au milieu d’un champ d’icebergs géants. La journée a été longue. Nous avons embarqué ce matin à 10h00 mais n’avons appareillé qu’à 15h00.

Le paysage est toujours aussi magnifique, car on est entouré par de gigantesques icebergs tabulaires, tous plus grands et beaux les uns que les autres. Je ne m’en lasse pas mais le froid mordant sur la plage arrière ne permet pas de rester très longtemps à prendre des photos. Nous avons aussi vu beaucoup de cétacés car la zone que nous traversons foisonne de krill.

L’ambiance à bord est étrange et si je devais citer un mot pour la décrire, ce serait mélancolie… Sentiment que je partage. Ca me fait penser à la fin des vacances d’été quand on était enfant/ado, qui s’achevaient toujours dans cet état d’esprit après avoir vécu des moments très forts avec des gens nouveaux, des personnes qu’on savait pertinemment ne jamais revoir après.

Il y a des gens que je n’ai pas revus car le départ a été mal goupillé. C’est triste.

On a toutefois vécu une belle soirée hier avec notamment le bal folk organisé par Pabois. Ça a bien pris et je me suis régalé à jouer avec lui une dernière fois. Couché à 4h30 pour profiter au maximum des personnes qui ont compté pour moi ici. Une soirée d’adieu quoi… "

Julien :

"Sans doute le dernier mail que j'enverrai depuis la Terre-Adélie. On est mardi 19, il est 17h00 et on s'oriente vers un embarquement sur l'Astrolabe demain matin, mercredi 20, pour un départ en début d'après-midi. Si ça se confirme et que la mer n'est pas trop capricieuse, on devrait arriver à Hobart aux alentours du lundi 25 au soir (5,5 jours de mer vu qu'on n'a pas à récupérer les Australiens à Mawson Hut). Le mardi 26 est férié en Tasmanie et il faut donc que le bateau arrive avant. Après, je ne sais pas quand est-ce qu'on partira de l'aéroport. Peut-être le 26 mais je table plutôt sur le 27 ce qui nous ferait arriver le jeudi 28 ou vendredi 29. En tous cas, il y a de fortes chances que je sois là avant le début du WE ! Trop cooooooool !!!!!

Ce soir, c'est bal folk et je vais rejouer avec Pabois. On vient de terminer une petite répèt' et ça devrait le faire. Au programme, an-dro, puis bourrée 2 temps, puis un hanter-dro pour terminer (avec des paroles spécialement composées par Pabois pour les campagnards et hivernants à DDU). Et diverses autres danses mais sans musicos, juste avec un CD. Ça promet une belle soirée !"

On espère voir des photos demain ! Pendant le voyage, l'aventure continue sur le blog!

Erwan :

"Eh bien, nous sommes prêts à monter dans le bateau. Le matériel est colisé, conditionné en caisses métalliques et attend maintenant d'être hélitreuillé dans l'Astrolabe."

Le départ, un temps envisagé pour ce lundi soir (pour booster le colisage?), est finalement programmé mercredi soir, sa date initiale...

L'Antarctique est un continent encore inconnu qui réserve beaucoup de surprises... Les paysages de glace, la faune et la flore surprenantes de diversité, et... les hommes et les femmes qui viennent vivre cette aventure, pour quelques semaines ou pour 14 mois... L'aventure est aussi humaine et les rencontres réalisées sont toujours riches et inattendues. Alors que se passe-t-il, le soir, à Dumont D''Urville cette année?

Julien, le 28 Décembre...

"J'ai fais une belle rencontre ici. Il s'appelle Nicolas Pabois et c'est le nouveau menuisier hivernant de la base. En plus de cela, il est venu sur la base avec un biniou kozh, une gaïta, une cornemuse du centre de la France, des flutes, et plein d'autres instruments. C'est un joueur de musique médiévale et on a sympathisé. On avait déjà causé cornemuse le soir de Noël. Il m'a proposé de jouer avec lui et ça a été super cool ! J'ai trop envie de me remettre au biniou. Le kozh ou la gaïta, c'est carrément plus simple que le highland bagpipe !!! Du coup, on va répéter demain soir et après-demain soir pour essayer de proposer un peu de zic le soir du Nouvel An ... Si on y arrive, je serai aux anges !!!!"

Les soirées suivantes ont alors été consacrées aux répétitions :

- la pastourelle de St-Julien

- Saint-Patrick an-dro

- bourrée à 2 temps "derrière chez nous"

- un cantique médieval "quen a omagen"

Les mails se sont faits plus courts et moins réguliers...

le 29 Décembre...

"Nico à la gaïta/biniou-kozh, moi à la bombarde (en fait un chalumeau de cornemuse qui envoie du steack) et Manu à la guitare. On aura sans doute des percus avec nous. On re-répète demain !"

Et puis, Pablo, spécialiste des danses médiévales s'est joint aux répétitions...

le 3 Janvier...

"Je rentre d'une nouvelle session zic avec Nico où on a travaillé un hanter-dro et une polka piquée. Je les ai à peu près dans le museau. On re-répète demain et on initie la base (enfin ceux qui veulent) au bal dans la foulée. Nico m'a filé un autre instrument, une sorte de mix entre bombarde et hautbois médiéval avec une anche double assez dure à titiller... Un instrument pas simple mais avec un son très moyen-âgeux / menestrel / troubadour. J'adore !!!"

le 6 Janvier...

"Coucou du soir !

Encore un peu tard pour cause de barbeuk improvisé à l'abri côtier puis d'entraînement bal folk (zic + danse). Un rythme de dingue !!! Je vais finir sur les rotules si ça continue, mais avec la banane !!! J'ai dansé un cercle circassien, puis une polka piquée avec la cheffe centrale. Ça libère l'énergie accumulée dans la journée, c'est incroyable. Il faut vraiment que j'aille dans un petit fest-noz en rentrant!!!!!!!!!! "

le 13 janvier... des mails de plus en plus courts...

"Il est minuit et je rentre seulement après une soirée initiation bal folk pour la soirée de départ R2 de samedi prochain. Du coup je suis crevé, et comme je plonge demain matin pour collecter à nouveau des Laternula, je fais hypra court."

et le 17 Janvier...

"On est à fond dans le colisage donc je n'ai pas pu écrire dans la journée car je ne suis pas passé du tout au bureau. L'Astrolabe est parti en avance chercher les Australiens à Mawson Hut, avec Nico et Pablo à bord (sonneur et maître de danse). Donc bal folk annulé et reporté à la veille du départ..."

Alors? Bal ou pas la semaine prochaine? Les paris sont lancés...

Une chose est sûre : l'Antarctique est toujours inattendu...

(photos obtenues sur l'intranet de la base... merci au photographe inconnu)

Julien :

Aujourd'hui marque le début de la fin de notre aventure polaire puisqu'il s'agissait de notre tout dernier jour de plongée. Avec la recapture de pétoncles équipés d'accéléromètres ce matin, notre programme scientifique touchait à sa fin. Il nous restait donc une demi-journée de libre et nous en avons profité pour aller nous promener parmi les icebergs au large de DDU.

Des paysages fantastiques, que Laurent et Erwan ont eu la chance d'aller explorer sous l'eau.

Je suis resté en surface avec deux passagers à bord, la responsable du Lidar Anne Gaëlle et le nouveau gérant postal Steven. Après-midi inoubliable pour tous... Au final, nous n'aurons jamais vu ces léopards que nous redoutions tous tant.

Dès demain, nous nous attelons au colisage de tout notre matériel. Pas drôle...

Petit bilan des manips

1°) inventaire de biodiversité : en cours, comme en témoignent les magnifiques photographies déjà reçues

2°) étude de la vitesse de colonisation par les organismes marins : les plaques immergées il y a 2 ou 3 ans ont été récupérées et conservées dans l’alcool pour des analyses ultérieures au Museum National d’Histoire Naturelle

3°) études de sclérochronologie : les Bivalves (Laternula) ont été collectés, certaines coquilles ont déjà été coupées et préparées pour des analyses ultérieures de la composition de leurs stries

4°) études des rythmes biologiques de pétoncles : en l’absence d’une alternance jour/nuit comme sous nos latitudes, la question se pose de savoir si les pétoncles ont un rythme biologique différent selon l’heure de la journée. Certaines ont été équipées d’accéléromètres, qui mesurent pratiquement en continu les mouvements d’ouverture et de fermeture des coquilles. La manip d’hier consistait à aller les rechercher pour récupérer les accéléromètres.

5°) suivi acoustique de déplacement d’iceberg : en cours. C’était aussi l’objectif d'une manip  hier…

 

Julien :

« Ici tout va bien mais on est dans le rush de la fin de mission. Demain, ce sera notre dernière plongée car notre matos doit être sur l'Astrolabe pour lundi 18. Comme on est de service base dimanche 17, il ne nous reste plus que samedi 16 pour tout coliser. Ça va être chaud patate...

Alors! Que je raconte hier…

On avait décidé d'équiper un iceberg avec un GPS (pour suivre ses mouvements pendant quelques heures), et un émetteur acoustique qui « ping » toutes les 20 secondes (émission reçue par un hydrophone placé à -25 m de profondeur, à environ 500 m de l'iceberg). L'idée était de voir si la méthode acoustique permettait de tracer le trajet de l'iceberg (qu'on vérifie avec le GPS).

 Donc on trouve un bel iceberg de 20 m par 20 environ, on monte dessus Laurent et moi et on y installe notre matériel. Du high-tech, composé d'une vieille échelle alu, d'une canne à pêche moisie, et d'une barre à mine. Bref... pas le top du top mais c’était quand même pas mal.

On rentre à la base en se disant qu'on ira chercher le matos plus tard, dans l'après-midi. Bien.

En sortant du déjeuner, je regarde au loin notre glaçon et je lui trouve une drôle de tête, comme si il manquait un bout. Je déclenche le plan ORSEC et on file voir rapidement ce qui s'est passé.

Catastrophe !!!

Un pan entier du berg a disparu ! Il ne reste plus que notre hydrophone à 1 milliard de dollars qui pendouille au bout de la barre à mine ! Le reste gît à 30 m de fond!!! On a certes sauvé le plus cher de nos appareils, mais quand même. Du coup, on décide Laurent et moi d'aller chercher le bazar sous l'eau. Par chance, le glaçon n'avait pas bougé entre temps. On s'immerge donc et en arrivant vers -20 m, on voit notre échelle alu et la canne à pêche 10 m plus bas.

Vision surréaliste dans une eau antarctique à -2°C à côté d'un monstre de glace !

On réussit le sauvetage et au final, on n'a perdu que le GPS (noyé... mais on va essayer de lui faire un triple pontage coronarien pour le ramener à la vie !).

Le soir, on écoute la bande son enregistrée par l'hydrophone et on entend un vacarme assourdissant, avec des détonations, des coups de feu genre kalachnikov... L'heure de la catastrophe ? 11h54, 10 minutes après que Laurent et moi soyons descendus du berg, tout fiers de notre installation !

On a bien failli finir à l'eau sur ce coup-là !

Mais tout est bien qui finit bien et maintenant on en rigole !

Aujourd'hui, on a remonté du matériel immergé en face de l'abri côtier, ainsi que le premier lot de pétoncles qu'on avait équipé avec des accéléromètres le 31 décembre, il y a 2 semaines. Tous sont vivants et aucun n'a perdu son accéléromètre! 100% de succès, inespéré ! J'ai disséqué ce petit monde car il nous faut les poids de chairs pour faire nos calculs de mouvements. Sur les photos de dissection, on peut voir le code couleur qui sert à identifier chaque accéléromètre (en fait, des bandes de scotch électrique de différentes couleurs que je dois découper scrupuleusement à chaque fois pour trouver autant de combinaisons uniques que d'accéléromètres). On déchargera ces capteurs quand on sera sur l'Astrolabe car ce sera long, très long, et là on est dans le rush.

 En rentrant au dort'été ce soir, je me suis un peu arrêté dans la manchotière pour prendre des photos de la colonie, des poussins, des familles... La lumière était top !

J'ai aussi (enfin) pu photographier le pétrel de Wilson, un petit piaf proche de l'océanite de chez nous, insaisissable. J'étais tout content de réussir à le choper !  »

Laurent :

"Parfois les manchots sont seuls.

Ils reviennent de mer, le ventre plein et l'esprit absent,

comme perdus dans un champ de mélancolie.

Ils pausent. En panne.

Puis ils reprennent leur marche.

Vers leur vie couchée, nageuse, attentionnée et hargneuse,

parfois faite d'attente et de paresse.

Il leur manque la parole et c'est là le drame.

Il leur manque la couleur et c'est là l'infâme.

Il leur manque l'organe et c'est là la fin.

Une plongée de plus aujourd'hui.

La journée a été belle et le vent jamais mauvais.

Nous avions des lunettes de soleil mais le froid de l'hiver 63-64 était ailleurs.

Nous avons mangé des morues dessalées et bu des bulles de bière avec nos amis en rentrant dans notre séjour.

Bien.

Nous n'avons pas vu les tunnels de glace ce jour de janvier

et pas nargué les caprices des icebergs

qui tiennent la vie des beaux Mysidacea

et sentent la mort sous glaciaire.

Une journée polaire mais avec des lumières et des temps d'échange comme tout le monde.

Bien aussi.

Sur le chemin de Martin, j'ai rangé des pierres.

Il est charpentier et son énergie me plait.

Il range des pierres entre le séjour et le dortoir été.

Le chemin devient corse, irlandais et breton un peu. Dix cailloux par soir...pas plus.

Le soleil fait illusion et se couche un peu.

Le glacier rigole et voit rose.

Il fait nuit dans notre piaule.

Au réveil la grosse machine en inox m'a soufflé un café acidulé

comme on en boit sur les bateaux trop grands.

Encore une journée solaire en Antarctique.

Le soleil est fort.

Le bleu du ciel est un peu trop pale et se laisse envahir

par de bien étranges nuages au dessus de Cap Prudhomme.

La banquise sous notre dortoir porte ses manchots en transit

et se laisse grignoter en saillies

par une mer acier devenue légèrement trop chaude pour elle.

Nous allons plonger ce matin.

Une des dernières fois."

 

Pas de photo aujourd'hui mais une photo de Mysidaceae devrait bientôt arriver!

Un grand défi a été lancé aux scientifiques, celui de quitter leur combinaison d'océanologue pour enfiler le costume d'une autre discipline  : sous la glace, les Pycnogonides, les Harmothoe, les Bryozoaires, on maîtrise. Sur la glace, les manchots, les phoques n'ont plus de secrets pour personne... Mais... Et la botanique dans tout ça? Quid des petites fleurs, des buissons, des arbres en Antarctique? Un retour aux choses simples que l'on connait...

Julien a accepté le défi, a donc cherché, cherché et encore cherché... Ici, le sol est très réduit, composé essentiellement par les déjections des oiseaux, dans les anfractuosités des rochers.

Voici donc les plus jolis clichés de la végétation terrestre de l'île aux Pétrels, en avant première :

Défi relevé!

Laurent est tombé sur la banquise et arbore désormais un « bleu gros comme une galaxie » sur la cuisse gauche. Rien de grave, mais plutôt douloureux. Seuls Julien et Erwan ont donc plongé aujourd’hui.

Un des objectifs de la mission consiste à réaliser des études de "sclérochronologie" sur certains Bivalves. En effet, ceux-ci, construisent de manière régulière les stries de leurs coquilles à partir des éléments présents dans le milieu, ces éléments variant en fonction de la température, de la présence de plancton ou de pollution.

Les Bivalves « enregistrent » alors certaines conditions du milieu dans lequel ils vivent durant toute leur croissance. En étudiant les éléments constituant chacune des stries, on peut remonter dans le temps et obtenir des informations sur différents paramètres de l’eau dans le passé. C'est ce qu'on appelle de la sclérochronologie (du grec ancien σκληρός, sklēros (« dur ») et du latin chronologia ("science du temps") ...)

L’un des objectifs de la plongée aujourd’hui consistait donc à prélever une espèce particulière de Bivalve, Laternula elliptica. Celle-ci, vivant dans le sédiment, dispose de 2 sortes de tubes. L’un, le siphon inhalant, lui permet d’aspirer de l’eau afin d’en retirer le dioxygène et la nourriture. L’autre, le siphon exhalant sert à rejeter l’eau ainsi que les déchets…

By Kurt Floericke (1869-1934) [Public domain], via Wikimedia Commons

Julien :

"Aujourd’hui, Laurent est resté au repos tandis que Erwan et moi avons plongé ce matin pour démonter intégralement une expérience acoustique.

Après cette première plongée d'une heure (27 m max), un bon repas nous a permis d'enchaîner sur une deuxième plongée destinée à collecter des individus vivants du Bivalve Laternula elliptica. Dans le chenal du Lion à 22 m, Erwan et moi avons testé différentes méthodes pour déterrer ces gros mollusques enfouis sous 20 cm de sédiment compact, repérables à leurs deux siphons inhalants et exhalants.

Siphons inhalants et exhalants émergeant du sédiment

Après 1h d'effort, dans l'obscurité totale car nous étions sous 4 m de banquise et que nous avons remué des kilos de sédiment (on ne se voyait presque plus à 50 cm de distance Erwan et moi), nous sommes remontés avec 17 beaux spécimens qui nous permettront de continuer les très prometteuses premières analyses sclérochronologiques de ces coquilles.

Un spécimen de Laternula elliptica

Coupe d'un spécimen collecté vivant il y a 3 semaines. Les stries sont bien visibles. Un prélèvement grâce à un rayon laser sera réalisé dans chacune d'elles et l'échantillon de matière obtenu sera analysé.

Après une première plongée de 1h le matin, notre deuxième plongée de 1h de la journée nous a contraint à effectuer un long palier de décompression de 17 minutes, qui a donc porté la durée totale sous l'eau à 1h20. Dans une eau à -2°C, ces 17 minutes supplémentaires ont été assez éprouvantes. Heureusement, le tombant rocheux sur lequel nous étions était recouvert d'une sorte de feutrine végétale brune et nous avons passé le temps en faisant notamment des morpions sur la roche ou en faisant des exercices du style Gym Tonic pour faire circuler le sang et l'air de nos combinaisons jusqu'à l'extrémité de nos doigts, tous plus engourdis les uns que les autres.

Erwan

"Quelques photos d'une plongée incroyable réalisée par moi et Laurent, hier.

Cela se situait dans le chaos de l'île Bernard. Nous l'avons surnommé ainsi car c'est un mélange d'icebergs et de banquise aux formes indéfinies. Mélange de failles inquiétantes, de grottes obscures, de colonnes de glace, de falaises en équilibre, donc un endroit attirant!

Et sous tout cela, la vie!

Au milieu de ces cristaux de glace, la vie est toujours présente, c'est incroyable.

Ambiance dingue."

Julien

"Je n'ai pas eu envie de plonger hier. Le coup des gants de la veille m'a bien refroidi et j'ai eu envie de faire un break. J'ai donc fait pilote et directeur de plongée pour Erwan et Laurent.

Ils sont retournés plonger au niveau du chaos de glace de l'île Bernard et y ont découvert une grotte sous la glace d'une beauté stupéfiante !

Un tunnel qui s'enfonçait à environ 10 m sous le chaos, tunnel dont les parois étaient recouvertes d'une épaisse couche de glace lisse. On aurait dit que ces parois avaient été sculptées de main d'homme. Les photos qu'ils ont ramenées sont un émerveillement ! Non seulement l'ambiance glaciaire est complètement irréelle, mais surtout, cette gangue de glace n'est ni plus ni moins qu'une prison pour de très nombreuses espèces animales et algales. Tout porte à croire que l'eau a subitement gelé, emprisonnant dans un linceul des espèces sessiles, d'autres peu mobiles comme les pycnogonides, mais encore plus étonnant, des poissons dont la partie caudale s'est retrouvée piégée dans la glace. Cela a dû se passer en une fraction de seconde pour que tout ce petit monde n'ait pas eu le temps de s'échapper. Encore plus étonnant, tous ces animaux sont encore vivants ! Certaines ophiures ont encore un bras qui dépasse un peu de cette gangue de glace et ce bras bouge alors que le reste du corps est emmuré vivant. La biologie et l'écologie de ces espèces polaires est étonnante ! Elles nous invitent à revisiter tous nos acquis, nos paradigmes sur notre discipline... "

Julien

"Journée un peu crevante aujourd'hui. Trois plongées pour moi dont la dernière dans le chaos de glace de l'île Bernard avec Laurent. 1h de pas cool... La visi était top et l'environnement très joli mais j'ai eu froid, très froid. Je ne sentais plus mes doigts au bout de 40 minutes. Nos combi sont bien mais il y a un vrai problème au bout des doigts pour moi. Mes gants doivent être trop petits, ça me squizze et ça ne chauffe pas. Les 20 dernières minutes ont été éprouvantes et sorti de l'eau, j'ai mis une bonne demi-heure à récupérer mes bouts de doigts."

Laurent :

"Dans une cave de glace aujourd'hui.

Un truc à regarder les dieux en face,

à offrir le monde,

à renverser les tables

et à toujours être amoureux...

C'était bien.

Julien est sorti gelé car nous étions sous l’Everest de glace et ses gants déconnaient!

Le ciel est noir ici. Aromatisé.

Il fera froid demain.

Les oiseaux hurlent et je reste aveugle à leurs chants de guerre.

Je vais m'endormir en pensant à ses yeux et en me demandant comment on fait pour vivre dans la glace.

Deux pôles."

Julien :

"L'Astrolabe arrive demain matin entre 8h et 10h. Il pourra s'amarrer au quai du Lion mais comme la banquise devient très fragile (une sorte de mille-feuille instable), il faudra quand même débarquer les passagers par hélico. Le déchargement du bateau prendra environ 3 jours avec de multiples rotations d'hélico pendant ce temps.

Point de vue boulot, on est toujours au taquet. 3 plongées aujourd'hui. Les deux premières ce matin par Erwan et Laurent pour récupérer notre matériel immergé en face de l'Abri côtier. L'après-midi, on a décidé d'aller récupérer un autre dispositif que l'on avait installé le 18/12 pas loin du mat iono. A l'époque, on se disait que ça allait débâcler et qu'on pourrait aller chercher cet appareil à ce moment-là. Premier problème : la banquise est toujours là. Or, on a d'autres manips à faire avec ce dispositif. Deuxième problème : la banquise est toujours là mais elle est devenue trop fragile pour qu'on puisse rouler en quad dessus. Même marcher dessus devient dangereux. On a donc fait déposer notre matériel de plongée par l'hélico à bord de ce que l'on appelle une cage-palette, suspendue sous une élingue de 15 m sous l'hélico. Dépôt à 2 m du trou (bravo Michel !). On est descendu du dortoir été à pied, en évitant de se faire niaker par les skuas en train de nicher pas loin, on s'est habillé sur la banquise. Erwan et moi avons plongé pour récupérer l'hydrophone. L'eau était verte, trouble, avec peu de visi. On est donc descendu, pour la première fois, avec un fil d'Ariane car à 10 m du trou, on ne le voyait déjà plus. Mais tout s'est bien passé !

 Quelques photos un peu sombres. L'Antarctique, ce n'est pas que du ciel bleu. Il peut parfois être sombre, triste, menaçant, angoissant, nous rappelant de temps à autre que ce continent est avant tout hostile..."

Par les mascottes Windrift, le dauphin rose et Bichou :

"Nous profitons que Laurent, Erwan et Julien soient de service de nettoyage de la base aujourd'hui. Nous avons subtilisé un appareil photo et fait quelques prises de vues de nos petites bouilles barbues d'explorateurs polaires. Nos pelages peluches sont efficaces et nous permettent de supporter les températures estivales négatives (-3°C environ).

Nous nous sommes fait quelques amis parmi les autochtones. Ils viennent nous voir avec curiosité.

Une grosse pensée à tous les écoliers qui nous suivent  et notamment les écoles dont nous sommes les mascottes : L'école maternelle Stanislas Poumet à Belle Ile, l'école Joseph Signor à Landeda et le Collège de Kerallan à Plouzané. Bravo pour votre travail impressionnant autour de la mission...

Plus que 15 jours avant le départ... Alors à très bientôt!"

Une petite promenade sur l'île des Pétrels, ça vous dit ? Suivez le guide ! (Julien)

1 - L'abri côtier

Voici l’abri côtier, en fait deux conteneurs orange arrangés en L .C’est notre local plongée.

A proximité, la piste du Lion où accoste généralement l’Astrolabe (ici, le 18 Décembre dernier). Actuellement, il effectue la rotation R2 et devrait arriver dans quelques jours.

Toujours l’abri côtier et on voit ici qu’il est situé en contrebas du village. Le bâtiment orange le plus en haut à droite, c’est le bâtiment 42 (dortoir des hivernants). On voit en bas à droite l’endroit où on a fait pas mal de plongées. La valise orange, c’est le kit d’oxygéno-thérapie au cas où… [nécessaire pour traiter rapidement d’éventuels accidents de plongée]

On voit en plus sur la gauche ce qu’on appelle « la criée ». Un algeco gris dans lequel on a installé notre labo scléro / dissection / lyophilisation.

2 - Les passerelles

On voit ici les passerelles qui permettent de se déplacer sur l’île des Pétrels afin de ne pas marcher dans les manchotières (on en voit une grosse en contrebas). Le bâtiment sous la boule blanche, c’est biomar, un labo de biologie marine surtout utilisé par les ornithologues.

Toujours la manchotière, mais on voit en plus le bâtiment orange n°42 (dortoir hivernants) en haut à droite.

Les manchots Adélie y ont une belle vue sur la mer, sous le n°42.

3 - Jules Dumont d'Urville

Le buste de Jules Dumont d’Urville en plein milieu de la base. Juste derrière, on  voit deux hangars bleus à toit rouge. 

A gauche, le frigo à +4°C (stockage alimentaire). Au milieu, le bâtiment qui sert à la gestion des déchets (c’est aussi là que se trouve la salle de sports). A droite, le congélateur à -20°C (conservation des réserves de nourriture).

4 - Le bâtiment 42 : dortoir des hivernants

Le fameux bât. 42 qui est donc le dortoir des hivernants, sur 2 niveaux. Le bout de bâtiment qu’on voit à sa gauche, c’est celui appelé geophy. C’est notamment là que nous avons installé notre bureau.

5 - Le séjour

Voici le centre du village ! le bâtiment 31 appelé également séjour. C’est là que se situent la cuisine, les machines à laver (2 pour toute la base) et sèche-linges (2 pour toute la base), la salle à manger, et le coin détente (babyfoot, billard, fléchettes, bibliothèque).

Voici la salle à manger (réfectoire) du séjour, là où on prend tous nos repas. Sur la gauche le bar.

La partie détente du bâtiment 31.

 

6 - Le bureau

Bâtiment géophy (là où on a notre bureau).

 

7 - La gérance postale

Le bureau de poste, où se situe également la personne qui s’occupe de relayer les appels radio VHF. Ce bâtiment est situé juste à gauche du congélo -20°C.

8 - Le magasin général

A droite en descendant la pente, voici ce qu’on appelle le magasin général, un endroit où les menuisiers, métallos, mécanos… trouvent de tout pour bricoler. On voit derrière, le mat ionosphérique. Entre les deux, une autre manchotière, celle qu’on doit traverser plusieurs fois par jour pour nous rendre du dortoir été (situé derrière la manchotière, donc caché sur cette photo) au séjour.

 

9 - Vue sur le village

Lorsqu’on quitte le séjour pour se rendre au dortoir été, on traverse la manchotière et quand on se retourne, on voit le village (le cœur de DDU).

 

10 - Dortoir été

Si je continue mon chemin, en contrebas de la manchotière j’arrive au dortoir été avec à sa droite le mat iono et à sa gauche la DZ sud (pour Drop Zone, l’endroit où les hélicos chargent et déchargent).

6 - La Drop Zone Sud

La DZ sud avec son hélico et le mur anti-vent."

 Ça vous a plu ? La base n’a (presque) plus de secret pour vous ! Mais avez-vous vu Windrift, Bichou et le dauphin rose, les mascottes que les petits écoliers qui suivent la mission ont confié à Erwan, Laurent et Julien ?

Quelques jours d'adaptation aux nouvelles conditions générées par la débâcle ont été nécessaires avant la reprise des plongées. La banquise disparue, le bateau a remplacé le quad. Le soleil illumine désormais les fonds marins dont la physionomie change du tout au tout. Une efflorescence du phytoplancton (un bloom) est attendue dans les prochains jours, et pourra être analysée en temps réel. En attendant, l'heure est venue de récolter les dispositifs déposés au fond de l'eau les années précédentes par des scientifiques du Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN) dans le cadre du programme REVOLTA. Ces plaques de PVC, posées au fond de l'eau vont servir de support pour mesurer la vitesse avec laquelle les organismes marins sont capables de coloniser un nouveau milieu.

Julien :

"Ici, journée intense. Nous avons en une journée et 3 plongées à 20 m récupéré les 3 collecteurs ARMs qui avaient été immergés par nos collègues du MNHN il y a 1 et 2 ans. Les plaques PVC sont désormais individualisées, étiquetées et baignent dans l'alcool, dans l'attente d'analyses génétiques au Muséum. Etrangement, la colonisation a été très faible au cours des 12-24 derniers mois. Il y a très peu de vie sur ces plaques, quelques bryozoaires, quelques polychètes, des pontes probablement de gastéropodes. Et c'est à peu près tout... En rade de Brest, le PVC n'aurait même plus été visible après autant de temps sous l'eau. Le temps ne s'écoule pas au même rythme en Antarctique. Tous les processus biologiques ou écologiques sont ralentis à l'extrême. Il faut laisser à la vie beaucoup plus de temps ici pour braver les rudes conditions environnementales. Mais elle finit néanmoins toujours par prendre le dessus..."

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/o8usgPJNOjg

Une pensée pour ces passionnés qui sèment leurs petites graines de passions, éveillant les sens et la curiosité sur les jolies choses de la vie, même minuscules....

Laurent :

Nous avons vu les rêves de nos enfances, nous avons croisé les vaisseaux cuirassés d'élytres, nous avons vu leur espace et leurs infinies attentes. Nous avons vu les ondes de leurs soies sous clapot un jour de vagues et de froid. Nos sangs chargés d'azote mais un goût tenace dans les yeux. Nous ferons surface un autre jour. Nous irons vous revoir sur un zinc pour vous raconter ces histoires sans sens et que je tiens sans fin...

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/bs4PSH94SdE

J'ai une barbe bien blanche parfois mais pas un cheveu blanc n'a poussé sur l'estime que je porte à ceux qui m'ont appris à regarder les invertébrés marins comme des merveilles énigmatiques. Ce cliché me fait penser à Jean-Yves Monnat et à Michel Glémarec (UBO).

Les bulldozers, menés par des artistes ont préparé le tout nouveau quai à proximité de la piste du Lion qui servira de point de départ aux expéditions de plongée des scientifiques. L'Antarctique favorise également les rencontres improbables d'artistes partageant une même passion, et qui ont activement préparé la piste de danse pour le réveillon du jour de l'an...

Laurent :

"Bonne Année !!

Notre caillou sera bientôt une île. Le bleu remplace le blanc autour de l'ile des Pétrels. La banquise continuant de se disloquer et de partir vers le large poussée par un vent de sud est, décision a été prise de mettre à l'eau les embarcations légères de la base : un fun yak et un semi-rigide. Les deux étaient stockés dans le hangar à avions du lion depuis la campagne 2013-2014. Xavier Ginguenaud, aidé de Sylvain Castanet scaphandrier de son état, ont travaillé 10 jours pour remettre en état de marche les différents moteurs hors bord dont nous avons besoin pour aller plonger sur une mer libre de glace. Nous avions également besoin d'un quai car celui de l'abri côtier est lui toujours enserré par la glace. C'est Stéphane Terrain, "armé" d'un bulldozer et d'une pelleteuse qui s'est attelé durant deux jours à ce travail pharaonique le long de la piste du lion.

 Hier, 31 décembre 2015, nous avions besoin d'aller plonger sur notre champ de pétoncles  non loin de l'ile Bernard et un bateau nous était nécessaire. Stéphane a fini la réalisation du quai sur une baquette de glace et de roche, Xavier et Erwan ont fini la préparation des bateaux durant la matinée puis vers midi sous la coordination de Jeremy Michel nous avons mis à l'eau le Funyak puis le zodiac avec une pelleteusecaterpillar. Vers 15H30 nous avons pu prendre la mer, naviguer entre les glaçons, profiter le 31 décembre d'un regard nouveau sur la mer de la Terre Adélie. Merci à cette équipe qui réalise au bout du monde des travaux d'un autre monde avec une efficacité exemplaire et un enthousiasme contagieux."

Julien :

" Une coque plastique équipée de 2x40cv - 4 temps, joliment baptisée Pamela, sera désormais notre taxi vers les sites de plongée. Vers 12h, Steph est allé chercher Pamela avec sa pelleteuse et l'a délicatement posée sur l'eau. Le bras de la Caterpillar sera désormais l'unique moyen de mettre Pamela à l'eau le matin et de la remettre sur le quai le soir, histoire d'éviter qu'une débâcle subite ne l'envoie par le fond pendant la nuit.

Nous avons donc pu rejoindre la pointe nord-est de l'île Bernard avec Pamela et Laurent et moi nous sommes immergés pour aller chercher quelques beaux spécimens d'Adamussium colbecki. Ces animaux sont fragiles et sensibles, aussi sommes-nous vite rentrés à la base, nos pétoncles dans une glacière d'eau à -2°C. Et nous les avons rapidement équipés d'accéléromètres que nous avions avec Laurent programmés quelques heures plus tôt. La manipulation n'aura duré que 2 minutes par pétoncle et sitôt nos 22 spécimens équipés, nous les avons re-immergés en face de l'abri côtier. Désormais, et jusqu'à la fin de notre séjour, nos petits capteurs enregistreront le moindre petit mouvement de nos pétoncles. Réagiront-ils à la débâcle ? Au bloom phytoplanctonique qui s'ensuivra ? A l'arrivée de l'Astrolabe dans une semaine ? Au cycle de marée ? Sont-ils plutôt diurnes ou nocturnes ?

La journée s'est finie sur le réveillon du Nouvel An, accompagné d'un buffet à l'occasion duquel les pâtissiers Yann et Florian ont donné toute la mesure de leur talent en confectionnant des centaines de petites lichouseries toutes aussi bonnes les unes que les autres. C'est alors qu'ont retenti quelques notes de musique, familières pour les Bretons de la base. Pabois à la cornemuse, Manu à la guitare, Paul aux percus et moi-même à la bombarde avons alors animé pendant une petite demi-heure un petit bal breton/médiéval qui a eu l'air de plaire puisque de nombreux danseurs sont venus s'essayer à quelques pas d'an-dro, de bourrée ou de scottish. Pari tenu pour les zicos ! Et mention spéciale à Pabois, menuisier de son état, et véritable magicien dès lors qu'il touche une gaïta... Un véritable artiste !"

Pour les 1058 visiteurs du site, depuis 33 pays...

Pour tous les collègues et les proches,

Et surtout pour les familles et les copains

Meilleurs vœux de l'Antarctique!

Julien

"Le mot du jour est de toute évidence "débâcle".

La conjonction des éléments, températures positives, vents violents et houle marquée ont finalement eu raison de la gangue de glace qui cernait l'archipel depuis bientôt trois ans. Il ne reste plus qu'une petite bande de banquise autour de l'île des Pétrels, si fine que les déplacements hors île sont désormais interdits par décision du chef de district, hormis pour les ornithologues mais en prenant mille précautions. Il est probable que les Pétrels redeviennent une île, une vraie, d'ici quelques jours. Cela impactera (et impacte déjà) notre travail car le quad ne nous est désormais plus d'aucune utilité. Il va nous falloir recourir aux moyens nautiques de la base. Embarcations n'ayant pas gouté le sel de l'océan austral depuis plus de 3 ans, et qu'il va falloir remettre en état de marche le plus vite possible. Des essais sont programmés demain : espérons ne pas apprendre de mauvaise nouvelle quant à leur état... La suite au prochain épisode.

Sinon, les œufs d'Adélie ont éclos il y a de cela quelques jours maintenant. Nous avons maintenant face à nous de beaux poussins grisâtres, souvent par deux, parfois seuls, bien au chaud sous le ventre de leur maman. Ils grossissent vite, presque à vue d’œil. Quant aux manchots empereurs, les derniers jeunes sont sur le départ, hésitant encore à se jeter dans le grand bain."

Carnet rose

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/XKRt5G0-tVo

Erwan :

"Il y a des lieux magiques qui existent vraiment et cela souvent à deux pas de notre quotidien.

Nul besoin de parcourir des kilomètres en aéronef bruyante et polluante, il suffit de se pencher un peu en bas de chez soi...

C'est exactement ce qu'il nous arrive ici, loin de tout, amputés de notre diligence scientifique, nous explorons notre proximité et là sous la banquise au pied de la base, se cache une grotte restée secrète depuis plusieurs années.

Dans l'obscurité de la glace de mer de 5 mètres d'épaisseur, vivent des êtres d'une surprenante couleur, aux formes généreuses, et de grandes tailles. Seuls quelques téméraires, acceptent d'aller leur rendre visite, l'exploration prend ici tout son sens.

Laissée à l'abri de la lumière et de la glace durant ces années de banquise permanente, la vie a littéralement proliféré, nous ne reconnaissons plus ce lieu que nous avions laissé pour presque mort il y a près de 10 ans.

Une nouvelle preuve que lorsque l'on laisse tranquille la nature, elle peut s'épanouir et nous surprendre encore et encore.

Biodiversité délirante du jour

La lanterne magique de la grotte sous la banquise

Erwan

"Quelques images d'une fin d'après midi sur la banquise le jour de noël!! Histoire d'aller à la rencontre des "vrais" habitants du coin."

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/Sebkx_j1zVU

 Quésaco

Avez-vous identifié ce qui est présenté sur chaque photo?

Pendant que les spécialistes des blessures originales récupèrent difficilement du réveillon de Noël, d’autres tentent de poursuivre leur travail sur le terrain, avec de magnifiques joujoux que beaucoup d’enfants auraient aimé découvrir au pied de leur sapin…

 Julien :

"Ici, c'est grosse tempête aujourd'hui, avec un vent établi à 100 km/h et des rafales ayant dépassé les 150 km/h. Ça nous fait du -14°C en ressenti... Brrr...J'ai dû traverser la manchotière ce matin pour aller voir le médecin et ça a été galère : impossible de tenir debout parfois, notamment au sommet de l'île...

Je suis allé voir le médecin car j'ai une belle douleur au mollet gauche. Je suis donc allé consulter ce matin et Armelle, le doc de la base, pense que c'est sans doute une petite déchirure sans gravité. J'ai de la glace à poser sur le mollet et ça devrait aller mieux ensuite. Du coup repos jusqu'à lundi et pas de plongée pour moi.

Laurent et Erwan sont partis ce matin faire le tour des containers et locaux où l'équipe REVOLTA de l'an passé avait entreposé du matériel car nous en avons besoin pour relever les collecteurs ARMs. Si je peux trouver un véhicule, quad ou autre, j'irai cet après-midi au labo scléro pour couper mes premiers échantillons. J'ai hâte de voir ce que ça donne…"

 Laurent

"Notre quad ne démarre plus. Stéphane Terrain, un ancien du canal historique ayant travaillé sur la piste du lion, est venu à la rescousse ..."

Et comme c'est encore un peu Noël, un petit jeu...

Quésaco

Saurez-vous identifier ce qui est présenté sur chaque photo?

La réponse en image demain!

En Antarctique, minuit est passé 9H avant nous. Le père Noël a donc commencé sa tournée en passant par DDU avant de rejoindre nos cheminées, distribuant des cadeaux aux personnes de la base, éloignées de leurs familles. L'occasion également de s'offrir quelques petits cadeaux entre amis... 

Pour le blog, 3 petits cadeaux artistiques, réalisés par Julien, Erwan et Laurent...

Julien :

"Noël s'est passé ici comme une grosse fête. Tout le monde ou presque avait fait un effort vestimentaire et nous avons eu droit à un repas amélioré avec notamment du foie gras. Ça ne paraît rien comme ça mais il faut se rappeler où on est. Manger du foie gras en Antarctique, c'est quand même exceptionnel ! Puis le Père Noël est arrivé avec une hotte pleine de cadeaux pour toutes les personnes de la base. Puis fête jusque tard dans la nuit."

Laurent :

"J'avais décidé, sous l'impulsion de Julien, de ne plus me raser. Puis pour le soir de Noël de faire un peu de clean sur un visage bien fatigué. Finalement Emmanuelle a eu raison de mon apparence finale en m'offrant via Julien une paire de lunettes woodsunglasses...;)

 Portraits de Laurent by Erwan :


 Hier soir, soirée de Noël, j'ai ouvert une enveloppe contenant mille compliments, des sentiments d'aujourd'hui, des images d'hier et de famille. Brutalement la banquise de Dumont D'Urville est venue habiter à l'Aber Wrac'h. Comme un mouvement de boxe la soirée de Noël sur une ile s'est brutalement métamorphosée en chanson douce du continent Léonard.

Puis, des lunettes de soleil dont la monture est en bois sont venues assombrir une salle trop petite. C'est idiot mais je les adore et c'est la belle Emmanuelle qui me les a offertes. Je ne les quitte plus.

Puis, Erwan m'a offert des chaussettes aux couleurs de l'amitié. Elles sont chaudes. Il les a achetées à Brest. Je ne les quitte plus.

Julien m'a offert un livre tout simplement exceptionnel. Il est lourd. Couvert de cuir. Je ne sais où il a trouvé ça. Le papier se situe entre la patine de celui de mon Grassé et le soyeux de celui de mon Gaffiot rouge. C'est la première édition en langue française, traduit par Charles Rabot en 1897, du récit de voyage de Fridtjof Nansen tentant de rejoindre le pôle Nord tout en effectuant des observations scientifiques à bord du Fram. Des gravures magnifiques pétillent cet ouvrage décrivant des héros polaires. Cela me fait pleinement rêver. La description, très courte, de Nansen, laissant sa fille pour une durée qu'il imagine longue m'étonne. Ce livre, cet objet et ce récit, sont magnifiques ici. J'ai commencé à le lire en chaussettes mais sans lunettes.

Nous avons ensuite bu une coupe de Champagne. J'ai rêvé que je perdais ma peau (l'épiderme seulement !), que je m'appelais Laurhansen. Ce matin, depuis un bâtiment bien apaisé et dans les cris de manchots Adélie, j'ai appelé mes filles. Depuis la cabine téléphonique, j'ai pu parler à Emmanuelle, Salomé, Marie et Claire.

J'attends ce matin que le ciel finisse de s'assombrir, ce qu'il fait depuis midi soit 4H pour vous,  pour aller faire des images d'Antarctique froid sans ciel rouge ou orange mais avec des manchots agressifs qui se frappent. Avec des Skuas qui ont faim. Avec un air sec et un vent mauvais. L'influence de mon ami Jean Gaumy peut-être.

Laurensen :)

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/NAzVF8z2E7Q

Les plongées se poursuivent pour effectuer l’inventaire photographique de la biodiversité sous-marine. Cette faune et cette flore qui colorent les images saisies par les plongeurs sont en permanence menacées par les icebergs, qui en raclant le fond, peuvent gommer toute trace de ces organismes qui vivent sur le fond (organismes dits benthiques) et qui sont directement accrochés sur le substrat (on les dit sessiles).

L’absence de lumière liée à la glace engendre des conditions que l’on ne trouve habituellement qu’à des profondeurs plus élevées, dans la zone circalittorale où seules quelques algues sont encore capables d’effectuer la photosynthèse.

Cette ambiance particulière touche à la magie... Et il n'est pas impossible de trouver parmi toutes ces espèces, de lointains cousins de Totoro...

Par Laurent :

« Perso je suis en forme. Et pour être honnête beaucoup plus en forme qu'à Paris. Je me refais une condition physique ici. J'ai maigri et je marche et palme tous les jours.

Et, la banquise est toujours là, les manchots Empereur sont quasiment tous à l'eau, les manchots Adélie couvent dans leurs excréments, commencent à hurler à destination de leurs voisins des phrases que l'on entend sur les ports, le vent souffle des poumons de l'Antarctique, les plongées sont belles.

Il faut ici être précis, nous plongeons depuis trois jours juste en face de l'Abri côtier et c'est là où nous avions effectué notre dernière plongée avec Erwan en 2008. La banquise qui ne s'est pas retirée depuis a interdit le passage aux icebergs synonymes de mort pour la faune benthique sessile. Le résultat de cette trêve des pilons glacés c'est que le fond est sublimement coloré. Sur un fond rose car originellement colonisé par des Corallinacées, les Alcyons aujourd'hui pullulent et il n'est pas rare de compter 20 espèces de plusieurs groupes taxonomiques sur un mètre carré.

Il est possible d'identifier 6 pycnogonides en une plongée. J'ai observé deux espèces de ces derniers en train de dévorer des anémones et une autre, orange, se nourrissant des polypes d'un alcyon. C'est un peu simple mais je suis vraiment heureux de ces observations.

Au milieu des blocs du quai de l'Astrolabe, entre 10 et 20 mètre de profondeur, se trouve la faune circalittorale ! Des invertébrés qui vivent au-delà de 50 mètres de profondeur sont "remontés" s’installer dans les abris et la pénombre de ces enrochements, éponges, coraux, hydraires, bryozoaires tapissent ces cavités.

Dernier détail la banquise le long de ce quai est tellement épaisse qu'il fait complètement nuit là-dessous...envoutant. Le plongeur distingue son binôme par le halo de lumière qu'il transporte.

On y retourne ce matin. Le glacier de l'Astrolabe vu de ma fenêtre est bleu ciel. Il se découpe d'un ciel noir menaçant.  Nous allons à l'abri Côtier pour une plongée à l'abri du vent, à l'abri des hommes, à la découverte d'un tunnel de glace et de roche, à la recherche d'une belle image et d'un comportement trophique. Ce sera notre Noël Merveilleux."

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/ux2K0ZU65iE

Par Laurent :

" Il fait un grand soleil sur notre banquise.

Elle est toujours enneigée. Elle fait toujours ses deux mètres d'épaisseur mais la conduite du quad devient difficile car des

"piscines" apparaissent ça et là. Les phoques trouvent des fissures et apparaissent non loin de nos sites de plongée. On va bientôt les voir sous l'eau."

 Par Julien :

" Ce soir, je suis HS. La raison ?

Nous avons Laurent et moi effectué une nouvelle plongée aujourd'hui près de l'Abri Côtier pour continuer notre inventaire photographique de la faune de DDU. Et nous avons battu un nouveau record : 91 minutes, 21 m, -1.7°C !

On avait tous les deux une patate d'enfer en sortant mais cet excès d'énergie est bien vite retombé et la suite de la journée a été une lutte permanente contre le sommeil. Du coup, je suis complètement HS ce soir. J'ai fait le tri des photos prises et on commence à avoir une belle collection. Voici 4 d'entre elles ..."


En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/ZZLVOROXAkc

Par Julien :

« Aujourd'hui, nous étions tous les trois de "service base". Cela signifie que nous avions à notre charge l'entretien des parties communes de la base Dumont d'Urville, ainsi que le service à table et la vaisselle. Toute la base n'était pas à nettoyer, mais nous devions astiquer le bâtiment 31, dit "séjour" où nous prenons nos repas, le bâtiment 42 (dortoir des hivernants) et le dortoir été (pour les campagnards d'été et une partie du personnel technique).

  Astiquer implique de nettoyer (aspirateur et serpillière) les parties communes de ces bâtiments (pas les chambres, domaine privé), ainsi que nettoyer les sanitaires (WC et douches). Le service base, c'est aussi nettoyer (balai + serpillière) le séjour, dresser la table, servir les convives à table, faire la plonge, nettoyer les tables après le repas. Et puis, important, faire ça avec le sourire !

 Nous avons donc commencé notre journée à 8h00 et l'avons terminé à 21h00. Non-stop entre les deux car nous n'étions que tous les 3 pour faire tout ça. Nous avions demandé au dista (littéralement, le chef de district en terre-adélie = le chef de base) de programmer notre service base le même jour car si l'un d'entre nous manque, nous ne pouvons pas plonger. Il fallait donc, pour optimiser notre travail scientifique, être de service base le même jour.

Nous ne sommes plus que 70 environ sur la base. A 3 personnes par jour, cela fait encore 23 jours avant que ça ne retombe sur nous. L'Astrolabe appareillera probablement vers le 21 janvier de DDU, donc il y a de fortes chances qu'on soit de nouveau de service...

 Sinon, j'ai tiré une boule aujourd'hui. Quèsaco ??? Les hivernants de la base organisent un Noël avec un sapin décoré d'autant de petites boules en papier que de personnes sur la base le 25 décembre. Chacun doit tirer une boule, la garder avec lui, et l'ouvrir pour découvrir un nom dedans. Il/elle devra alors offrir un petit cadeau (symbolique) à cette personne le soir de Noël. J'ai donc tiré ma boule et j'ai lu le nom écrit dedans…. Suspens !

 Demain, Laurent et moi plongeons pour récupérer un premier lot d'ARMs, les fameux collecteurs de faune installés en 2014/2015 par nos collègues du MNHN Concarneau. Grosse journée en perspective ! »

 Pas de photo impressionnante aujourd’hui, mais une petite vidéo quand même, montrant le travail de l’Astrolabe, qui, au moment de partir il y a quelques jours, a tenté de casser le plus de glace possible au niveau de la piste du Lion afin de faciliter les déplacements à proximité de la base. L’équipe peut ainsi s’amarrer désormais à 50m du local plongée.

Le navire ne fait pas partie de la catégorie « brise-glace », (qui peuvent progresser dans des zones couvertes de glace de 1,2 à plus de 3m d’épaisseur). Il est classé « A1 – super, navire polaire à capacité glace » et peut naviguer dans des zones où la glace de l'année peut atteindre une épaisseur de 1m. Il possède donc une coque plate et renforcée à l’avant qui, avec de l’élan, peut se poser sur la glace et entrainer sa rupture sous l’effet du poids du bateau.

Illustration de cette technique toute particulière (sauve qui peut!) :

 Pour prolonger la découverte, cette autre vidéo permet de voir en accéléré, la manière dont le navire progresse… https://youtu.be/KtWS7Hjx4l8

Retour sur la journée d’hier avec une nouvelle plongée riche en surprises…

Deux types d’associations biologiques entre des espèces différentes sont abordées par Laurent. Si la symbiose, association gagnant-gagnant illustrée notamment par les abeilles et les fleurs est bien connue, il existe d’autres types d’association biologiques.  :

 Plusieurs groupes d'espèces sont également abordés et/ou illustrés aujourd’hui :

 Par Laurent

"Nous avons plongé hier sous un petit iceberg pour faire des photographies et des échantillons d'un polychète que Julien avait repéré

la veille. Magnifique plongée une fois de plus et on a échantillonné un Polynoidae avec de magnifique soies et élytres.

Je m'acharne à photographier un amphipode qui vit en phorésie et qui est sans doute commensal des méduses que nous voyons. Avec Pierre Chevaldonné, l'un des autres biologistes sur la base, nous pensons que c'est un Hyperiidae.

Nous allons être obligé de confier la mission photographique à Erwan tant le niveau requis est loin du notre. Je trouve que cet amphipode a quelque chose du Petit Prince."

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/plEqzEd3rb8

 Mais alors ? Pourquoi pas de photo de Julien dans ce diaporama ?

 Par Julien :

«  J'ai à nouveau plongé au niveau de l'iceberg à polychètes, mais cette fois avec Laurent et avec chacun notre appareil photo.

 La descente se passe bien mais la visi n'est pas top, je trouve l'eau un peu trouble. Bon. On arrive au niveau du glaçon et je commence à prendre des photos. Mais impossible de voir net dans l'œilleton du caisson. L'appareil a quand même l'air de faire la mise au point alors je déclenche. Mais je ne comprends pas pourquoi c'est trouble comme ça.

Je regarde le hublot : pas de buée. Pareil sur l'œilleton. Je frotte mon masque, mets un peu d'air dedans. Rien n'y fait. Plus ça va plus c'est trouble. J'essaie de me rappeler si je n'ai pas pris un médicament qui pourrait troubler la vue. Mais non, je n'ai rien pris.

J'aurais mangé quelque chose de douteux ? Je ne crois pas...

Du coup, je continue la plongée mais j'arrête la photo car je ne vois rien dans le viseur. J'ai de plus en plus de mal à voir précisément ce qu'il y a sur le fond.

 Au bout de 57 minutes, je sors du trou, j'enlève mon masque et m'aperçois qu'il était complètement givré de l'intérieur. Les deux carreaux étaient couverts de glace ! Pas étonnant que je voyais flou. Erwan n'avait jamais vu ça !!!"

Parmi les endroits magiques que recèle la banquise, il existe des piscines dont la couleur de l’eau rivalise avec les plus beaux lagons.

Ces oasis sont aussi fréquentés par de nombreux individus : manchots Adélie, manchots Empereurs, phoques de Wedell. Laurent en a ainsi vu une dizaine il y a quelques nuits.

Par Laurent :

"Il ne neige plus mais un petit vent "frais" accompagne nos plongées.

L'Astrolabe est partie en brisant la glace devant l'abri côtier, la glace s'en va et la débâcle est à l’œuvre.

Les poussins des manchots Empereur perdent leur duvet et les phoques sont en train de muer.

Les manchots Adélie se lavent avant d'aller en mer.

Tout bascule ..."

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/c-XfHVA9kPE

Par Julien :

"Ici à DDU, la mission suit son cours. Nous avons continué nos plongées pour l'étude du réseau trophique ce matin.

Petit moment d'inattention au bord du trou de plongée, encore partiellement recouvert de neige. Erwan, équipé comme un plongeur de compèt' mais la combinaison encore ouverte, met le pied où il ne faut pas. Gros fou rire ! Et des photos collector !

 Erwan et moi nous sommes immergés sur un fond de 16 m pour collecter quelques némertes et des polychètes. Mission accomplie au bout de 20 minutes.

Et puis en levant la tête, nous avons vu un iceberg qui nous faisait de l'œil au loin, disons à une cinquantaine de mètres.

Difficile de résister à cet appel de la glace et nous nous sommes donc délicatement approchés de lui. La profondeur était de 16 m et l'iceberg se trouvait à environ 2 m du fond. Il mesurait donc environ 14 m (+ 2 m en dehors de l'eau). C'était donc un petit iceberg mais pour moi, c'était le premier en plongée. Moment d'émotion intense. D'appréhension également au moment où je me suis glissé dessous. Inconsciemment, je me disais "pourvu qu'il ne m'écrabouille pas pendant que je suis dessous". Je me disais que mes bulles pouvaient le chatouiller, l'énerver peut-être, le déstabiliser et in fine le faire basculer. Peur infondée au vu du tonnage de cet amas de glace, probablement ancré ici, au beau milieu de son berceau de banquise, depuis au moins 3 ans. Erwan a pris des photos : elles sont magnifiques. 

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/4WgSiBIFA4k

Et cerise sur le gâteau, nous avons découvert une espèce de polychète sur ce glaçon, à une densité d'environ 1 individu au mètre carré. D'environ 5 cm, ces vers marins d'apparence proche des néréis bretonnes semblent inféodés aux petites aspérités de cet iceberg. Est-ce une nouvelle espèce ? Nous allons donc nous rapprocher de spécialistes de l'identification des polychètes pour y voir plus clair.

Et puis, l'Astrolabe a appareillé vers 18h00, emmenant à son bord une bonne partie des hivernants qui venaient de passer 14 mois à DDU. Quelques scènes d'émotion au moment des au revoir, notamment entre les hivernants qui partaient et ceux qui restent encore pour quelques semaines. Ainsi va la vie mais ces jeunes gens ont probablement passé les 14 plus beaux mois de leur vie, dans un lieu unique, empreint de magie, au milieu d'une deuxième famille.

L'Astrolabe a également emporté à son bord l'équipe WildTouch. Leur aventure sur le terrain se termine et ils vont désormais devoir trier, valoriser, publier... les milliers de photographies, celles de Vincent Munier, celles de Laurent Ballesta, les centaines d'heures de films, ceux de Yannick Gentil, ceux de Jérôme Bouvier, ceux de Luc Jacquet. Nous sommes tous impatients de découvrir ces images. Nous leur disons au revoir mais je suis presque certain que nos chemins se recroiseront...

Par Erwan :

"Hier soir, nous avons eu la primeur de pouvoir admirer une sélection de photos de Laurent Ballesta de l'équipe Wild Touch. Réunis autour de Laurent, nous étions filmés pour voir et enregistrer nos réactions et nos commentaires. Une très belle série d'images, parfois époustouflantes!!"

Par Laurent :

"Un peu plus loin, un peu plus abyssal, un peu plus beau, un peu plus géant, un peu plus conscient du monde, et cela chaque jour, cela semble être le choix de vie de ce groupe d'exception.

Nous avons fait de belles rencontres avec de belles personnes. Laurent Ballesta (ce n'est pas breton ça !?) et son groupe ont été clairement l'une des chances de notre mission. Que leurs images sont frappantes !

Elles montrent une biologie héroïque. Elles racontent un travail énorme, des performances d'extraterrestres, et outre la pugnacité, des regards d'enfants et de la poésie exploratoire.

Celle qui pourrait changer un peu le monde. Vite. 

Il faudra lire les livres et les récits de voyage à paraître. A suivre donc. Absolument."

Julien et Laurent, encore novices en photographie sous-marine n'ont pourtant pas à rougir de leurs essais réalisés lors de la plongée d'hier, sous l’œil expert d'Erwan. La preuve en images, où se mêlent les clichés des trois plongeurs bretons... :

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/M0z5lh5aJuI

Le travail de prélèvement d’organismes entamé hier se poursuit aujourd’hui. Erwan, le spécialiste de la prise d’image subaquatique assurant la sécurité en surface, Julien et Laurent se sont essayés à la photographie sous-marine. Ils ont donc emporté des dispositifs qui tiennent plus du pycnogonide ou du crabe que de l’appareil photo…

source de l'image : http://www.subchandlers.com/ecommerce/photo-sous-marine-conseil-pro

 Dissection de cette étrange bête...

La photographie sous-marine pour les nuls

 La photographie sous-marine est complexe et nécessite du matériel très spécifique.

D’une part, l’humidité et le sel ne font jamais bon ménage avec l’électronique. L’appareil photo est donc enfermé dans un caisson étanche qui nécessite de multiples précautions pour éviter une malencontreuse entrée d’eau. Une poussière sur un joint peut être suffisante pour entrainer un accident !

 D’autre part, la lumière se comporte très différemment dans l’air ou dans l’eau. En effet, la lumière blanche du soleil est en fait constituée d’une multitude de rayons de couleurs différentes, qui sont plus ou moins absorbés par l’eau. Le rouge est le premier à disparaître sous l’eau. Le bleu est le dernier. C’est pour cette raison que lorsqu’on regarde le fond de l’eau en plongée, l’ensemble du paysage se présente dans des teintes de bleu.

Absorption des différentes longueurs d'onde en fonction de la profondeur

Pour autant, les organismes situés au fond peuvent arborer des couleurs étonnantes. Il faut donc apporter un éclairage au fond de l’eau pour apprécier les couleurs réelles des objets situés à proximité. C’est le rôle des gros flashes situés de part et d’autre de l’appareil.

Mais alors, pourquoi un seul flash ne serait-il pas suffisant ? A cause de la « neige » !

L’eau peut être chargée de particules, comme le plancton, qui peut être très abondant à certaines périodes. Un flash intégré à l’appareil photo permettrait de retrouver les couleurs de l’objet photographié mais présenterait l’inconvénient d’éclairer également toutes les particules situées entre l’objectif et l’objet photographié, donnant sur la photo l'impression de "flocons de neige". Il est donc nécessaire d’utiliser un ou deux flashes dits «déportés » qui vont éclairer le sujet sur les côtés, évitant ainsi l’éclairage des particules situées directement devant le boîtier.

 Principe des flashes déportés

Enfin, comme il est impossible de changer d’objectif sous l’eau, il est nécessaire de savoir, avant même de plonger, la précision et la largeur du champ que l’on souhaite prendre en photo. L’objectif sera différent si l’on souhaite prendre en photo un paysage sous la glace ou si l’on souhaite saisir les détails d’une caprelle de quelques mm. On choisira, pour ce dernier cas, un objectif macro dont la mise au point est possible, même si le sujet est situé à quelques mm.

On équipe donc l’appareil d’un objectif déterminé avant de l’enfermer dans son caisson.Il n'est pas rare qu'un plongeur prenne d'ailleurs plusieurs appareils lors de sa plongée, de manière à pouvoir avoir le choix dans ses objectifs.

Voilà vous savez tout !


 La journée, par Julien :

« Aujourd'hui, on a continué nos prélèvements en plongée. C'est Laurent et moi qui sommes allés, en emmenant, chacun, un caisson et un reflex. 40mm macro pour Laurent, 105mm macro pour moi. C'était ma première avec un caisson à Erwan et j'avoue que j'avais un peu peur de casser quelque chose. J'ai manipulé ça sous l'eau comme si c'était du cristal. Je n'ai pas encore regardé ce que j'avais pris mais d'après Erwan, il y en a quelques unes pas mal. J'essaierai de continuer à m'entraîner au cours des prochaines plongées.

J'ai eu moins froid aujourd'hui, bien que l'on soit resté 55 minutes en descendant à 15 m. Le corps semble s'habituer au froid, c'est incroyable... 

Ce soir, Laurent Ballesta et Jérôme Bouvier, le réalisateur du projet Wild Touch Antarctica (présents sur la base en même temps que nous), voulaient filmer une discussion entre nous et Laurent en regardant certaines de ses photos. Expérience un peu bizarre. Un peu intimidé par le preneur de son et la caméra, j'avoue ne pas m'être vraiment senti à mon aise. Mais il n'en reste pas moins que les photos de Laurent sont simplement exceptionnelles ! Il a un vrai talent et il est probablement le premier, et le seul sur Terre, à avoir jamais pris de tels clichés.

Dans la foulée, nous avons eu droit à une projection du film de Luc Jacquet, "La glace et le ciel", sur la carrière de Claude Lorius. Un film magnifique, émouvant, sur un scientifique qui a voué sa vie à l'Antarctique, à la glaciologie, en passant près de 10 ans de sa vie (en 22 missions, dont la première à 23 ans) sur le continent Antarctique.

Voilà les news du jour. Je tombe de sommeil et il me faut encore regagner le dortoir été en passant à travers la manchotière sous la neige et le vent. Pfff...."

Une bonne journée de travail pour l’équipe aujourd’hui. Après avoir posé différents capteurs permettant de mesurer différents paramètres de l’eau (notamment la quantité de lumière traversant la glace), il est temps de s’intéresser au fonctionnement de l’écosystème dans son ensemble.

Attention, les explications se corsent et les termes deviennent techniques. Pour les novices, il est conseillé de prendre un cours accéléré sur les réseaux trophiques.

 

Les réseaux alimentaires pour les nuls

Le réseau trophique est constitué de l’ensemble des relations alimentaires entre les différentes espèces d’un écosystème. En un mot, c’est un grand « qui mange qui ».

Auparavant appelé « chaîne alimentaire », les scientifiques se sont rapidement aperçus que l’histoire était beaucoup plus compliquée que l’image de maillons imbriqués les uns dans les autres en une chaîne toute bête. Ils préfèrent donc aujourd’hui la notion de réseau, tel qu’il est schématisé par les flèches blanches et bleues du schéma ci-dessous.

Tout commence au point 1 : la lumière du soleil fournit l’énergie nécessaire à la photosynthèse, qui permet de piéger le carbone du CO2 dans des molécules dites « organiques ». Ces molécules, sources primaires, vont constituer la base du réseau alimentaire, puisqu’elles vont être consommées par tous les organismes qui sont incapables de réaliser la photosynthèse. Les herbivores pour commencer (point 2) puis les carnivores (prédateurs) (point 3), etc…

Le point 4 représente quant à lui tous les nécrophages et décomposeurs qui eux, vont se nourrir de la matière organique issue des autres êtres vivants et qui se dépose au fond. Ils permettent donc de décomposer cette matière en éléments plus simples : les minéraux, qui vont être utilisés par les organismes photosynthétiques du point 1. Le cycle est bouclé…

 Au cours de ce parcours, du carbone et de l’azote vont être intégrés aux molécules organiques. Or, il existe différentes formes de carbone et d’azote, appelées « isotopes ».  Pour le carbone, il existe des versions légères (carbone 12), et d’autres plus lourdes (carbone 13, ou le fameux carbone 14). Leur quantité varie dans les organismes. Or, on s’est aperçu que la proportion d’isotope lourd (représenté par les ronds jaunes) augmentait au long du réseau trophique.

Dans un écosystème encore peu connu comme celui de l’Antarctique, il est difficile de comprendre les différentes relations alimentaires entre les espèces. Les analyses isotopiques permettent néanmoins de donner une bonne image du « qui mange qui ».

D’autre part, l’absence de lumière du fait de la glace, et sa réapparition lors de la débâcle sont susceptibles d’être à l’origine de grosses variations dans le fonctionnement du réseau alimentaire. L’augmentation de la lumière va notamment permettre une véritable explosion de la photosynthèse et du phytoplancton, appelé « bloom ». On peut s’attendre à un bouleversement saisonnier du réseau alimentaire.

Les études de Laurent, Julien et Erwan vont permettre de mieux comprendre ce fonctionnement.

Voilà, vous savez tout !

Par Julien :

Aujourd'hui, je n'ai pas plongé. J'ai laissé Erwan et Laurent y aller pour aller prélever différentes espèces sur le site "Mat iono" (pour « mat ionosphérique », un gros mat métallique de 70 m de haut situé à cet endroit-là, qui ne sert plus à rien depuis 15 ans).

 J'ai assuré la sécurité surface pendant ce temps-là, en m'occupant notamment de dégager le trou de ses paillettes afin que mes deux acolytes puissent faire surface en toute sécurité. Ça a permis au passage à Erwan de faire des photos hallucinantes, car mon écumage a permis à la lumière de pénétrer à nouveau par le trou.

(les réseaux trophiques, version expert)

"Au menu, bivalves : Adamussium colbecki, Laternula elliptica, et une ascidie verruqueuse. Que des filtreurs. On fera les nécrophages, les prédateurs, d'autres filtreurs... ainsi que les sources primaires au cours de plongées ultérieures.

Au retour de plongée, Laurent et moi avons disséqué les organismes prélevés afin de conserver le muscle et des organes digestifs (glande digestive, estomac, intestin...). Ces organes ont ensuite été congelés à -20°C et seront ensuite lyophilisés. De retour en France, ils seront analysés sur un spectromètre de masse pour mesurer leur composition isotopique en carbone en azote (delta C-13 et delta N-15). L'objectif est de pouvoir reconstituer le réseau trophique (savoir qui manque qui, quelles sont les relations proies-prédateurs). Nous le ferons avant la débâcle (dépêchons-nous ! la glace craque et se fissure de partout !) et après débâcle (cette dernière va engendrer un bloom phytoplanctonique qui modifiera probablement la structure du réseau trophique avec l'arrivée de cette nouvelle source primaire).

J'entends le vent gronder dehors. Ce soir, le ciel était noir à l'est, sur le continent. C'est signe de mauvais temps, de neige et de vents violents. Pas sûr qu'on sorte plonger demain."

 

Aujourd'hui, la journée a été belle et ensoleillée, consacrée à la vérification du matériel sous la glace. L'occasion de profiter des couleurs et d'une biodiversité exceptionnelles.

Des algues gigantesques, un pycnogonide géant, le festin des buccins sur le cadavre d'une étoile de mer et une caprelle qui se cabre...Une journée ordinaire en Antarctique...

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/RB0mZOdZloU

Parallèlement, Erwan, Laurent et Julien profitent de leurs moments de liberté pour répondre à quelques petites questions envoyées par les nombreux "followers" du site. Morceau choisi ...

Question de follower :

Julien : "Oui, le trou peut malheureusement se reboucher. Pas vraiment par le regel de l'eau car nous ne restons pas assez longtemps sous l'eau pour ça et il ne fait pas si froid (encore que.... il fait -15°C ressenti aujourd'hui car il y a 100 km/h de vent). Mais sous la banquise, il y a parfois des sortes de petites paillettes de glace, plus ou moins agglomérées les unes aux autres.

    Ça peut parfois recouvrir entièrement le fond, les algues se retrouvant alors comme emballées dans un fourreau de glace. Le problème, c'est que le moindre petit mouvement sous l'eau, par exemple le déplacement d'un plongeur ou ses bulles, fait bouger ces paillettes qui se dirigent alors naturellement vers la surface et vers le trou. Celui-ci peut alors se remplir complètement de paillettes. L'ensemble devient alors dur comme du béton et le plongeur peut alors se retrouver prisonnier sous la glace.

    C'est ce qui est arrivé à Laurent Ballesta (expédition Wild Touch Antarctica) qui s'est retrouvé immobilisé dans le trou par une remontée subite de paillettes. Il était alors incapable de bouger, comme si on l'avait coulé dans le béton. 

    C'est là que la personne qui assure la sécurité en surface joue un rôle extrêmement important.

    Par exemple, hier, Erwan et moi étions sous l'eau et le trou a commencé à se remplir de paillettes, remobilisées par les bulles que nous faisions au fond de l'eau. Cela a très rapidement inquiété Laurent, sur la banquise au bord du trou, à nous attendre, vigilant. Et Laurent a alors commencé à enlever toutes ces paillettes avec une sorte d'écumoire, et à frapper la surface avec ses pieds (il était encore en combinaison étanche, bien sûr) pour que les paillettes ne s'agglomèrent pas.

Vous aussi, posez toutes vos questions :

boiteaquestion2015@gmail.com

Journée Off pour l'équipe en raison des conditions climatiques qui ne permettent pas, raisonnablement, de plonger aujourd'hui... Mais qui fournissent de la matière pour des photos inédites...

Par Laurent :

"J'ai oublié un câble dans une malle en provenance de Bolivie. Nous étions dans le lac Titicaca l'année dernière et avons déployé des capteurs de lumière. J'y ai laissé le câble qui permet de programmer le datalogger de ces capteurs. Rage et honte. C'était important pour nous de mesurer la lumière sous la banquise. Celle disponible pour la photosynthèse.

C'est dans ce moment de solitude que DDU est une base précieuse.

Les deux prises femelles d'un câble RS232 étaient disponibles dans l'atelier et Dominique Filippi, concepteur de capteurs et caractérisé par sa gentillesse et son sourire, a réalisé le montage en quelques instants. De la magie pour moi qui ne comprends rien à l'électronique. Merci ! Ouf ! Ca marche les capteurs sont sous l'eau pour 4 jours.

 Le vent souffle à 130 km/h et il neige. La visibilité est tombée à 50 m. C'est tellement vrai, tellement blanc que nous restons au chaud et regardons ça un café à la main. Chouette quoi. Un dimanche à la montagne."

Laurent sur la banquise

Erwan sur la banquise

Poussins Empereurs sur la banquise

Pour la plupart, leurs parents ne viennent plus les nourrir, les obligeant à se rapprocher petit à petit du bord de la banquise et faire leur tout premier plongeon, encore couverts de leur duvet de juvénile. Une longue hésitation avant de se lancer vers l'inconnu, immortalisée par la mission "Wild Touch Antarctica".

Par Julien :

"Aujourd'hui, c'est blizzard ! Le vent souffle de l'est à plus de 50 nœuds et porte en lui des milliards de flocons de neige qui ne tombent jamais. Tout est recouvert d'une bonne vingtaine de cm de neige poudreuse, celle que l'on aime, qui crisse sous les chaussures... Les manchots affrontent ces conditions sans ciller, quand nous restons calfeutrés dans nos baraquements. Sortir par ce temps serait une grave erreur et nous avons donc décidé de ne pas plonger aujourd'hui. Il est probable que ces conditions dantesques fracturent la banquise, ou du moins la fragilise au point de la rendre dangereuse. Nous aviserons demain si nous nous mettons à l'eau ou pas, tout dépendra de la météo et du paysage..."

Manchot Adélie couvant son œuf.

L’Antarctique est un continent empreint de magie :  magie des paysages, magie de la faune y vivant, mais aussi magie décuplant les sens, les sensations, les émotions, les réflexions… et libérant les plumes… Exercice de style :

 Par Julien :

"Aujourd'hui, j'ai vraiment, enfin, pris conscience de l'hostilité et de la dangerosité de ce continent de glace.

Jusqu'ici, nous n'avions fait qu'explorer les alentours de la base, en toute sécurité, dans des conditions météorologiques très clémentes. Aujourd'hui, la donne a changé... Nous sommes tous les trois immergés dans une "rivière" formée naturellement en plein milieu de la banquise. Le vent se levait, mais nous étions à l'abri de l'île Bernard. Quelques rafales m'ont rappelé les hivers parfois rudes du Conquet, mais pas de quoi inquiéter des Bretons endurcis aux vents violents.

 Immersion...

 Les manchots empereurs nagent en surface, bondissent sur la banquise, avec une grâce irréelle... ils sortent de l'eau : nous ne les reverrons pas. Nous pénétrons leur univers, nous y sommes des intrus.

 Silence…

 Descente en apesanteur jusqu'au fond. Moins 28 m. Je me sens bien. Un bref signe OK vers mon binôme du jour, Erwan. Tout va bien. Alors commence notre exploration du site, encore inconnu. Premier coup d’œil circulaire…

 Extase !

 Le fond est tapissé de pétoncles ! Ces bivalves, si précieux pour notre groupe, sont là. Nombreux. Quelle surprise ! Pour le quidam, cela n'évoque rien de plus que des coquillages. Pour notre groupe, c'est la promesse de découvertes scientifiques fabuleuses. Une sorte de Graal... Je reste bouche bée devant cette effusion de vie. En surface, point de vie excepté quelques magnifiques oiseaux et parfois, au détour d'un iceberg, un phoque. Une fois passée la frontière air-eau, un univers foisonnant de vie s'offre à notre regard. Comment expliquer un tel contraste ? Comment font tous ces pétoncles, tous ces échinodermes, oursins, astérides, holothuries, ophiures pour survivre ici, à la merci du premier iceberg, monstre de glace susceptible, en un mouvement de colère, d'anéantir toute cette vie ?

Erwan et moi continuons notre voyage en apesanteur. Le froid me gagne, mais je n'y prête guère attention, tant je suis fasciné par cette oasis de vie. Je regarde mes instruments de plongée : il est temps de remonter. Déjà ? Le temps s'écoule si vite sous la banquise. Est-ce le froid qui ralentit le rythme des secondes ?

A contrecœur, nous entamons notre remontée vers la surface, vers ce monde hostile, minérale, mais tellement envoutant. Le froid me gagne toujours plus...

 Palier.

 Nous devons nous arrêter à 3 m de profondeur pendant 25 minutes. Le temps qui s'écoule est interminable. Un mauvais génie s'amuse à reculer l'aiguille des secondes, l'aiguille des minutes. Le froid me gagne toujours plus et nous ne pouvons toujours pas remonter. Pour la première fois, je ressens le danger que peut représenter ce milieu. Je suis un intrus dans ce paysage. Je n'en fais pas partie intégrante. Le froid me le rappelle. L'extrémité de mes doigts s'engourdit. Erwan et moi nous regardons dans les yeux. C'est dur, c'est long, mais nous supportons la morsure du froid. Puis, c'est la délivrance.

 Nous remontons.

 Laurent nous attend en surface. Notre ami s'occupe de nous, nous aide à nous déséquiper. Son aide est précieuse. Un scientifique italien, je me demande encore comment il est arrivé là, au bord de notre rivière, m'aide gentiment à enlever mes gants de plongée. Je ne peux le faire seul, mes phalanges sont à l'image de ce continent : minérales. Plusieurs minutes seront nécessaires pour ressentir la pulpe de mes doigts. Le vent s'est levé en surface. Il doit approcher les 50 nœuds en rafales. En Bretagne, ce n'est rien, mais ici, c'est une autre histoire.

Je prends désormais pleinement conscience de la bravoure de nos collègues plongeurs, présents en Terre-Adélie depuis 2 mois. Laurent, Cédric, Yannick et Thibaud m'apparaissent maintenant comme des blocs de granit, que rien ne peut affecter. Eux passent plusieurs heures sous l'eau, dans des conditions ô combien plus angoissantes que nous, à des profondeurs où même la lumière apparaît comme une intruse. Eux aussi vivent leur passion, mais ils flirtent avec des limites que j'ai du mal à imaginer. Je serais incapable de vivre leur aventure et salue leur courage...

L'Antarctique est hostile et la carte postale des manchots et des phoques est trompeuse.

Ici, l'Homme n'est pas chez lui. Il y est toléré mais le moindre écart peut s'avérer dramatique...

Malgré tout, le mot qui restera gravé à jamais en moi est loin de ce lexique, de ce répertoire sémantique angoissant. Ce mot, c'est :

 ENVOUTEMENT...

  Par Laurent :

"Tout d'abord , une préparation longue invite à la concentration.

Une boite d'acier bleu comme abri posée sur la neige.

Souvent peu de mots. Des sourires toujours. Des attentions.

Des oiseaux piétons qui passent leur vie.

Le vent qui s'arrête sur les joues et qui brule un peu les lèvres et mes yeux.

Puis un moteur, une carrosserie rouge qui prête le panache italien à un quad trop prompt et finalement le cahot de notre matériel dans un traineau qui s'en va.

Nous glissons sur un bleu ciel puis sur un drap blanc.

La glace est parfois écaille ichtyologique et sans passion en deux pas devient crevasse.

Le quad avance.

Les lunettes fumées et la laine effacent les émotions des visages sapiens sapiens.

Des oiseaux plus lourds passent leur vie d'empereur. Nous les contournons.

Une rivière devant nous corrige notre allure. Il faut stopper cette machine. Soulever les bouteilles.

Partager l'effort et se mettre à l'eau entre deux continents d'eau solide.

Nous cassons le film de surface et descendons dans les circonvolutions d'une eau trouble puis, brutalement, cristalline.

Le fond s'offre à la fovéa 90 pieds sous nous.

Nous coulons. Encore. Un peu.

L'inondation s'agrandit.

Le fond est rose, là. La roche dure. La faune que j'aime.

Les pétoncles abondent et les polychètes font les belles armées de soies ou d'ombrelles.

Les papas pycnogonides savent qu'ils porteront seuls les œufs inventés par les femelles et sortis de leurs fémurs de belles du passé.

Le froid apparait.

La beauté simple et le secret des autres restent clos.

La parole interdite et le silence des hommes court ici au dénouement.

La lumière de nos phares triche avec les fonds.

Le froid courtois brusque les adieux.

Les doigts sans sens.

Le givre bloque les astuces des robinetteries d'orfèvres.

L'air abonde. L'air inonde une bouche déjà silencieuse.

Nous remontons pour découvrir in fine que la banquise est bien lépreuse.

Sous le socle bleu visible depuis le ciel se cache un matelas de mille feuilles de glace.

Nos bulles redistribuent ces paillettes et les cartes du jeu de cette arène,

nos bulles brassent ce fermenteur.

La mélasse folle, danse et piège notre passage.

La surface se fait sombre.

Le cercle de notre sortie est là. La gueule du ciel est sombre.

Nous passons un bras et frappons le toit. La porte s'ouvre.

Les mêmes coups qui nous enverraient au sol nous envoient devant la vie.

Là-haut un sourire et des oiseaux un peu sots.

Là-haut le vent et les mèches en bataille.

Là-haut un visage ami.

Là-haut, l'action du soleil visible sur la peau.

J'aimerais savoir vous mentir mais nous ne partirons que quand l'été s'effacera.

"C'est trop beau". Ça ne se justifie pas. Ça n'a même pas de sens.

Le fouet claque. Avec un vent plus fort.

Nos joues ont plusieurs fossettes et nos rides sont plus creuses.

Nous repartons vers la boite bleue et vers les paroles en archipel.

Vers les histoires des hommes.

Vers un civet ou un poulet.

Vers un ciel bleu belliqueux.

Vers nos amours si tendres."

Les plongées se poursuivent et permettent d'améliorer la maîtrise de l'équipement, notamment pour éviter des remontées trop rapides. En effet, réaliser les paliers est nécessaire pour permettre à l'organisme de s'adapter doucement aux variations de pression très importantes entre le fond et la surface. Sous l'eau, le plafond de glace est assez bas, ce qui peut s'avérer être une chance... Hors de l'eau, le plafond nuageux est bas et s'avère annonciateur de conditions à venir plus difficiles... Mais toujours, une biodiversité exceptionnelle...

Par Julien :

    "Ça fait 3 jours de suite qu'on s'immerge. J'y prends goût, vraiment. Je me suis fait un peu peur hier car j'ai encore un peu de mal à apprivoiser le nouveau matériel. J'ai eu du mal à purger ma combar à la remontée (purge du bras un peu dure à tarer correctement) et du coup, je suis remonté à pleine vitesse de -7 m à -3 m. Rien de bien grave : heureusement qu'il y avait le plafond de banquise à -3 m. Je m'y suis tapé le haut du crâne mais au moins, ça m'a empêché de refaire surface. Pratique pour le palier de 3 m !

    Aujourd'hui, c'était mieux, j'ai réussi à mieux régler ma purge. On a fait une petite explo de 40 minutes à 14 m, ce qui nous a permis de voir quelles espèces on allait pouvoir échantillonner pour notre étude de réseau trophique. Il y avait sur ce site une belle diversité, avec un foisonnement d'échinodermes, notamment d'holothuries. J'ai également pu récupérer des coquilles mortes de Laternula et d'Adamussium. Comme j'ai installé un labo "scléro" de fortune dans un container (nommé "La criée") près du local plongée (nommé "Abri côtier"), je vais rapidement préparer ces coquilles en les incluant dans la résine et en les coupant avec la scie diamantée. Erwan tentera de faire des photos macro en haute-résolution pour voir des stries annuelles !

Rencontre du jour...

Le temps va se gâter dans les jours qui viennent, avec du vent (rafales à 55 noeuds) et de la neige. Ça va donner une ambiance hivernale, genre blizzard. On ne mettra probablement pas les palmes dehors car les sorties sur la banquise deviennent alors très dangereuses."

- 10 Décembre... Au boulot!

Par Julien :

"Aujourd'hui, on a installé en plongée nos capteurs et ensuite petite explo avec Laurent à 28 m. La lumière est dingue là-dessous ! Difficile d'imaginer une telle visi et une telle lumière avec tant de banquise!! On voyait à 40 m au moins!

On se lève Laurent et moi à 6h30 demain pour installer d'autres capteurs. Puis plongée explo dans un autre trou foré hier par Erwan à l'aide de la tarière."

Pendant ce temps : La plongée en eau glaciale pour les nuls, leçon 2 :

L'équipe prête à partir en plongée : le matériel est chargé sur le traineau, tracté par un quad à chenilles.

Les combinaisons étanches sont déjà enfilées par dessus les souris chauffantes. Des renforts aux pieds, genoux, bras et thorax permettent d'éviter tout accroc qui serait synonyme d'infiltration dans la combinaison, d'une eau à -2°C. Les gants sont quant à eux fixés sur des anneaux qui se vissent à l'extrémité des manches de la combinaison pour assurer une étanchéité totale.

Au niveau du buste, un embout spécial permet de relier la combinaison aux bouteilles, et permettent de la remplir d'air selon les besoins (l'air pouvant jouer à la fois sur l'isolation et la flottabilité). Une purge rapide sur l'épaule permet de vider rapidement la combinaison de son air en cas de besoin.

Des poches sur les côtés des jambes permettent de stocker des outils.

Enfin, au poignet de chaque plongeur (visible sur Julien, à droite), un ordinateur enregistre tous les paramètres de la plongée.

Préparation du matériel avant le grand bain dans le trou d'eau...

       

Et petit clin d’œil aux copains de l'UBO qui bossent dans des conditions bien moins exotiques!

©  Erwan Amice

- 9 Décembre... Première plongée

Aujourd'hui, première plongée de la mission. Pour Julien, c'est une découverte sensorielle, tandis que pour Laurent et Erwan, aguerris aux plongées en Antarctique, ce sont plutôt des retrouvailles, même si avec le temps, tout change un peu...

C'est désormais une course contre la montre avec la glace qui se joue.

Le but de cette mission est, entre autre, d'étudier le fonctionnement de cet écosystème particulier. En effet, le rayonnement solaire est indispensable à la photosynthèse, permettant aux algues de produire de la matière organique dont se nourrissent les herbivores, eux-mêmes consommés par les carnivores, etc... C'est donc tout un réseau alimentaire qui dépend du rayonnement lumineux.

Or celui-ci, sous la glace, est très atténué. Lorsque, sous l'effet de la hausse des températures estivales, la glace va se disloquer (phénomène appelé "débâcle"), les rayons solaires vont de nouveau atteindre le fond et modifier le fonctionnement de tout ce réseau.

Les scientifiques doivent donc commencer les mesures au plus vite, afin d'avoir une image de ce qui se passe avant, puis après la débâcle.

Par Julien :

"Je viens, en ce 9 décembre 2015, d'effectuer ma première plongée sous glace en Antarctique. C'était seulement une petite plongée test, effectuée à partir d'un trou dans la banquise, foré à la tarière.

      

Deux trous juxtaposés pour être plus précis, d'un diamètre de 90 cm chacun. Il faut imaginer un 8 de 1,80 de long sur 0,90 de large. C'est petit, d'autant plus que la banquise est ici épaisse de 2,50 m. On plonge donc dans un puits blanc immaculé au début, puis noir d'encre ensuite.

        

Une fois arrivé sous la banquise, les yeux s'acclimatent à l'obscurité, et on peut alors voir des choses en contrebas. Des nuances de noir. Puis des couleurs plus claires.

Peu à peu, je réalise que je suis en train de contempler le fond à 30 m en contrebas. La visibilité est exceptionnelle et malgré l'épaisse banquise, la lumière pénètre sous la glace, créant des jeux de lumières irréels.

Je reste à une profondeur de 10 m car l'objectif n'est pas de taper le fond ni d'explorer le site, mais de tester le matériel, de vérifier si le plombage est suffisant. Tout est parfait à part ma stab, dont le direct-system fuit, et que je dois donc déconnecter. J'utilise donc ma combinaison étanche comme système de stabilisation. Pas simple car le volume à gérer est immense. Sinon, le système de chauffage est nickel. Sitôt allumé, une douce chaleur diffuse se répand contre mon buste. J'oublie vite que l'eau est à -2°C. Sauf sur le visage.

Pour ma première, je n'ai pas voulu mettre ma sous-cagoule. Elle couvre toutes les parties du visage pouvant être en contact avec l'eau et doit à ce titre être un vrai plus. Mais elle m'oppresse et j'ai voulu faire ma première dans les meilleures conditions, sans trop de stress. Et puis j'ai voulu sentir la morsure du froid sur mon visage. Un peu fou , mais je voulais prendre la mesure de l'hostilité de ce milieu. La morsure est terrible, brûlante de froid (un bel oxymore, non ?), mais le visage devient vite comme anesthésié et je l'ai oublié. Ceci dit, je ne suis resté que 10 minutes sous l'eau. Si je devais rester plus longtemps, nul doute que je la mettrais avant de me jeter à l'eau !

Je me suis mis à l'eau le premier, Erwan et Laurent m'aidant à m'équiper au bord du trou. Puis ce fut le tour de Laurent, et enfin celui d'Erwan. Chacun son tour. L'aide de mes deux amis est indispensable en surface. Il est impossible de s'équiper seul. C'est là que réside le ciment de notre groupe. Nous dépendons tous les uns des autres, tous au même niveau. C'est beau je trouve !

Erwan a pris des photos de sa plongée car il est allé taper le fond. Ce qu'elles racontent est magique.

Demain, nous y retournons. L'appel des profondeurs englacées est irrésistible.

Nous poserons, dans ce même trou, nos premiers capteurs :

- sonde multiparamètre YSI qui mesurera au fond la température, la conductivité (et donc la salinité), la pression, et le concentration en oxygène dissous.

- capteur PAR, qui mesure la lumière disponible pour la photosynthèse (PAR pour Photosynthetically Active Radiation). On en mettra un sur la banquise, à l'air, un deuxième sous la banquise, et un dernier au fond.

- système aanderaa mesurant à très haute résolution la concentration en oxygène dissous dans l'eau. Ce dispositif double la sonde YSI.

Voilà le programme. Sinon il fait toujours beau sur la base, la banquise est toujours là mais il est fort probable que la débâcle soit pour très bientôt. Demain peut-être ? Après-demain ? En tous cas, ça se profile à l'horizon et je m'attends à voir le paysage changer dramatiquement !"

Par Laurent :

"Il y a eu le voyage, puis l'attente. Tout ce temps et tous ces animaux

rencontrés. Les jours malodorants et les moments de retrouvailles avec

les albatros. Le tango des glaces dérivantes et les mangues en dessert.

Il y a tous ces gens le plus souvent adorables, toujours différents, 

sur le départ après de longs mois, arrivant pour de longs mois ou ceux

là encore juste profitant du lieu ou de l'outil pour leur moi.

Un groupe tellement humain. L'Antarctique pour la diversité.

Le retour sur cette base a été in fine articulé

et nous avons réuni notre matériel et plongé aujourd'hui.

L'équipe de Laurent Blalesta avait fait un biopsie à cette

banquise bleue et nous avons squatté cette fenêtre pour un essai de

notre équipement. Je crois que c'est encore plus beau que dans ma

mémoire. Julien a fait sa première plongée sous glace. Erwan a pris des

images puis a fait quelques trous pour notre futur proche.

Nous voulons déployer nos capteurs avant la débâcle alors il

nous fallait de nouveaux emplacements pour immerger nos instruments.

Il fallait le faire avant que le couvercle de glace ne disparaisse.

Avant la lumière sous l'eau.

Avant le printemps et les floraisons du phytoplancton.

Nous retournerons demain plonger pour retrouver la petite

musique de la curiosité qui se balade sur le pont entre deux hémisphères

lorsque les biologistes observent la nature.

Trois années sans débâcle et tout semble aller normalement sur les fonds de l'archipel...

c'est étonnant. A suivre  !"

- 8 Décembre... Le grand déballage

Les caisses de matériel ont enfin été débarquées de l'Astrolabe, l'occasion pour les scientifiques de sortir tout le nécessaire de plongée. Pour les débutants, quelques termes techniques sont indispensables pour la bonne compréhension du jargon du plongeur...

Le jargon du plongeur, modèle Antarctique, se corse par l'utilisation de matériel très spécifique, indispensable pour lutter contre les conditions de froid extrême régnant sur l'eau :

- la combar est étanche : elle ne laisse donc pas du tout rentrer l'eau.

- différents dispositifs permettant de tenir au chaud le plongeur peuvent être portés sous cette combinaison étanche. Cette année, Laurent, Erwan et Julien expérimentent le confort suprême d'une "souris", sorte de pyjama chauffant. Des batteries sont reliées à des "pads", placés dans la doublure de la souris, qui permettent la diffusion d'une douce chaleur agréable (enfin ça... c'est la théorie...)

Par Julien :

"On a enfin tout  notre matos. Tout est là, rien ne manque.

On a commencé à déballer/ordonner notre matériel de plongée.

Premiers essayages.

Premiers ? Hé oui, parce que pour nos combinaisons et pour le reste,

tout a été fait sur mesure et ça prend du temps.

Du coup, tout est arrivé à Brest juste à temps pour le départ du cargo du Havre.

Résultat : on a mis ça en caisse de suite sans prendre le temps de l'essayer,

notamment les combinaisons Kevlar étanches et le système de chauffage.

Du coup on découvre tout ça depuis cet après-midi et la première impression est que

ça va nous prendre des plombes pour nous équiper ! On sera bien une fois

dans l'eau mais j'estime la phase d'équipement à au moins 1h à 1h30.

Demain, si le temps le permet, on va faire notre première plongée.

Pas d'exploration au programme, juste une plongée test pour pouvoir faire nos

réglages, notamment en terme de plombage.

On part pour le moment sur 17 kg de plomb par personne.

On ajustera une fois dans l'eau, de façon à être les plus aquatiques possible.

Ça se joue souvent à trois fois rien, 1 kg ou deux, parfois moins.

On en profitera également pour apprivoiser notre système de chauffage électrique.

Le branchement de tous les fils n'a pas l'air simple...

J'espère qu'on n'aura pas de "court jus" !

Laurent Ballesta et son équipe ont eu leur lot de mésaventures avec ce système

(eux et nous plongeons avec les mêmes vêtements) : l'un a été brulé par

les pads chauffants, l'autre a eu droit à une séance sport-elec,

programme "muscu des abdos", pendant plusieurs heures,

alors que le dernier a carrément débranché ses fils en faisant ses lacets (bon OK,

plutôt en mettant ses palmes...). J'espère que ça va le faire pour nous..."

- 7 Décembre... Ice scream

Par Julien :

"Aujourd'hui, Laurent et moi sommes allés sur la banquise.

Un groupe de manchots à 500 m de nous nous a fait de l’œil.

Irrésistiblement, comme aimantés, nous avons été attirés dans cette direction.

En cas de problème de visualisation, diaporama à retrouver sur la chaîne Terre Adélie : https://youtu.be/OR_EHzsS4WM

La progression sur la glace de la banquise est périlleuse pour qui n'est pas équipé de crampons. 

Laurent n'a rien... je joue le rôle de béquille !

Arrivés sur le bord de banquise, pas de bol. Luc Jacquet est déjà là à filmer les manchots.

Nous devons donc nous décaler de quelques dizaines de mètres et passer un petit éperon rocheux.

C'est alors qu'un grondement sourd, doublé d'un couinement lancinant, se fait entendre.

Tel un Léviathan caché sous la glace, ce paysage acoustique inconnu m'inquiète. J'hésite à avancer.

La banquise sur laquelle nous progressons bouge, ondule.

Par quel miracle ? Il n'y a pas de houle, pas de vent.

Mais elle bouge, se tord, grince, se fend, crie. Impression d'être en danger.

Elle nous prévient que nous n'avons rien à faire ici.

D'ici quelques heures, quelques jours, elle sera loin, en mer,

emportant avec elle des groupes malchanceux de jeunes poussins d'Empereurs trop jeunes.

Pour le moment, l'attrait de la science est plus fort et nous allons enregistrer quelques sons.

Le temps passe vite et il nous faut rentrer. 

Quel étonnement quand nous ouvrons pour la première fois les fichiers sons enregistrés !

Les bruits sont magnifiques ! Minéraux, telluriques, inquiétants...

- 6 Décembre... Avalanche de nouvelles!

Par Laurent :

"J'ai retrouvé l'Antarctique différent et tellement intact. Doux et brutal.

Doux car la poésie y est envoutante, la lumière sublime et la vie sauvage naïve. Personne n'a peur de moi ici. Pas un animal n'est inquiet.

Brutale car la glace est épaisse, le froid de l'eau mordant et le paysage icebergien.

Nous avons voyagé dix jours sur une mer paisible et avons traversé ensuite des glaces écartelées ou pugnaces, têtues, butées. 

La banquise était à l'arrivée solide et belle. Majestueuse.

© Julien Thebault

Aujourd'hui, après la débâcle, le ciel est bleu et la mer acier, la banquise se disloque autour de nous et des peaux de l'hiver s'en vont au large vers une fonte certaine. Un cycle bouclé.

Le phytoplancton va croitre et la transparence de l'eau disparaitre. Le monde change. Notre monde vient de changer.

Les manchots se retrouvent sur des ras d'eau* et dérivent parfois des heures avant de se remettre à l'eau, nager, pêcher et revenir au nid. Vivre. La fonte de la banquise est une bonne nouvelle pour les Manchots Adélie car ils n'auront pas à marcher entre l'eau libre et leur nid perché sur de la roche en pente.

Pour les Manchots Empereurs l'affaire est plus délicate car la disparition de la banquise trop précoce signifie la mort des poussins nés sur la glace et contraints à se mettre à l'eau sans toutes les plumes indispensables à la nage en eau froide.

La lumière du soir est sublime. Trompeuse sur nos photographies car cette lumière orange ou rose offre de la chaleur à un paysage d'eau gelée depuis plusieurs centaines de milliers d'années.

On est dimanche soir. La Bretagne est loin mais l'envie de partage entier."


Le saviez-vous : question de style...

Note pour les jeunes lecteurs qui suivent le site : le terme « ras d’eau » utilisé pour décrire le support des manchots est une figure de style, procédé qui consiste à rendre ce que l’on veut dire plus expressif. Ici, c’est un mélange d’antanaclase et de paronomase. Les professeurs de français sont attendus sur ce chapitre…

Bref, dans la prochaine dictée, dans le doute, notez « radeau » plutôt que « ras d’eau »


Par Julien :

"Ça y est, nous voilà (enfin) bien installés à la base Dumont d'Urville.

Nous sommes arrivés samedi matin sur le coup de 9h, sous un soleil

radieux. L'Astrolabe a un peu galéré pour accoster car la banquise était

encore bien présente et empêchait l'accès au quai de la piste du Lion.

Nous avons donc débarqué sur la banquise, située en contrebas du

"village". Comme tout est englacé, il était assez risqué de faire monter

tous les passagers de la banquise jusqu'aux bâtiments de DDU. Du coup,

j'ai eu droit à mon baptême d'hélico. OK, ça n'a duré que 30 secondes le

temps de monter de 30 mètres. Mais quand même !!!

Transfert en hélicoptère

Samedi, la journée a été occupée à ne rien faire puisqu'on n'avait pas nos affaires, ni perso, ni de boulot. Du coup on a pris possession de nos chambres. Nous sommes tous les 3 au dortoir été, à l'autre bout de l'île des pétrels. Pour y accéder depuis le cœur du "village", on doit traverser le milieu de l'île, un chaos rocheux difficilement praticable en plein milieu d'une manchotière. Tous les manchots Adélie sont actuellement en train d'y couver leur œuf. Nous passons à moins d'un mètre d'eux et ils restent le plus souvent impassibles. Quelques-uns grognent, mais trois fois rien... On fait quand même gaffe de ne pas se faire pincer les guiboles par un audacieux.

Aujourd'hui, dimanche, nous avons commencé à installer notre matériel informatique et électronique dans un bureau du bâtiment de géophysique. Cela nous a permis de charger les batteries de nos accéléromètres et de nos GoPro.

Nous enverrons nos données à Brest à Aurélie* pour qu'elle puisse commencer à traiter cela !

En fin d'après-midi, petite séance com. On est parti avec le quad à chenilles (qui nous permet de nous déplacer sur la base) sur la banquise derrière la base pour faire des photos destinées à l'UBO.

Une bonne séance de rigolade...

Une petite page de publicité

Ce soir, il y a avait un apéro dinatoire pour la passation de pouvoir entre le chef de district (représentant des TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises) à DDU) qui a fait l'année qui vient de s'écouler (hivernage TA65) et celui qui va faire l'hivernage à venir (campagne TA66). Le dista (c'est comme ça qu'on le surnomme) était très ému de quitter ainsi la base et les hivernants avec qui il a vécu des choses très fortes pendant 1 an.

Demain, nos caisses de matériel plongée devraient être débarquées de la soute de l'Astrolabe, ce qui nous permet d'envisager une première plongée d'ici 2 jours peut-être. Nous discutons pas mal avec Laurent Ballesta et son équipe (Wild touch Antarctica), qui sont dans le dortoir été comme nous. Leurs plongées à 70 m ont l'air époustouflantes mais ils en bavent car ils restent en moyenne 2h30 - 3h00 sous l'eau."

*Aurélie Jolivet est la quatrième des trois mousquetaires. Elle travaille habituellement avec Laurent, Erwan et Julien et ses spécialités sont la sclérochronologie, l'accélérométrie et l’acoustique. Depuis le début du voyage, elle collecte (entre autres) à Brest les données GPS des capteurs déclenchés par les scientifiques pour vérifier leur bon fonctionnement et pour suivre les futures expérimentations.

- 5 Décembre... terminus!

1:00 heure française, après 9 jours de voyage : l'Astrolabe est arrivé à Dumont D'Urville!

C'est un nouveau chapitre dans l'aventure qui commence...

Par Julien :

" juste un tout tout petit mail pour dire que tout va bien à DDU. Je partage ma chambre avec le pilote de l'hélico. Il est tard et je vais faire court. J'écrirai plus longuement demain, c'est promis. 

Pour patienter, j'envoie une petite photo prise jeudi soir du nid de pie en arrivant à Commonwealth Bay. Ça donne une idée des paysages que j'ai sous les yeux !"

Commonwealth Bay © Julien Thebault

- 4 Décembre... nid de pie

Plus qu'une dizaine de km ce soir avant d'arriver à la base. Retour sur la journée d'hier :

"notre journée d’hier qui s’est terminée en apothéose avec un merveilleux cadeau offert par Stan, le commandant de l’Astrolabe. Peu après 21h00, alors qu’Erwan et moi étions à la passerelle à observer le paysage défiler, Stan nous propose de monter dans le nid de pie. Le nid de pie, ou vigie, est une cabine de 1 m² située en haut d’un mât dominant l’Astrolabe. On y accède par une échelle d’une dizaine de mètres.

SI vous avez le vertige, passez votre chemin. Une fois en haut, vous dominez l’Astrolabe et s’offre alors à vous un panorama à 360°, perchés à près de 15 m au dessus de l’eau. Cette vigie est généralement utilisée par le commandant ou son second pour visualiser le meilleur passage possible à travers les glaces. Hier soir, point de glaces pouvant gêner la navigation à l’horizon. Nous avons donc pu occuper le nid de pie de 21h à près de minuit, équipés de nos reflex et leurs nombreux objectifs. Et nous avons mitraillé !!! La vue ici haut était tout simplement grandiose, difficile à décrire par de simples mots. La première chose que nous avons vu en arrivant là-haut, ce fut une barrière de glace, immense, interminable. Le continent antarctique, probablement… enfin ? Eh bien non… Une langue glaciaire alors ? Non plus… Il s’agissait en fait d’un iceberg prénommé B9B.

D’après Stan, il mesurerait près de 33 nautiques de long, soit un peu plus de 60 km. Sa largeur est proche de 30 km. B9B a toute histoire, qui serait trop longue à conter ici."

Pour en savoir plus : B-9B et le glacier Mertz

Pour résumer, en 2010, B9B a heurté l'extrémité du glacier Mertz, une langue glaciaire de 30 km de large qui s’avançait de près de 70 km en mer.

Un choc de titans ! Deux monstres de glace de près de 1000 milliards de mètres cube qui s’entrechoquent… Le résultat a été la rupture de cette langue glaciaire du Mertz, qui a considérablement affecté la dynamique des glaces au large de Dumont d’Urville.

7 Janvier 2010, avant l'impact

20 Février 2010, 9 jours après impact

"Commonwealth Bay est une baie, située en territoire australien, à environ 200 km de Dumont d’Urville. Nous y avons fait étape hier pour y déposer des Australiens venus entretenir une petite cabane en bois nommé Mawson Hut. Cette cabane constitue un véritable patrimoine national en Australie car elle marque une étape importante de la conquête du Pôle Sud.

Après une expédition antarctique dramatique, Mawson et quelques uns de ses compagnons sont revenus sur la côte de Commonwealth Bay pour y prendre le bateau qui devait les ramener en Australie. Malheureusement pour eux, le bateau venait d’appareiller sans les avoir attendu. Mawson le vit depuis la côte mais malgré ses signes, le bateau continua sa route, abandonnant Mawson et ses compagnons à leur triste sort. Ils durent ainsi effectuer un hivernage complet dans cet endroit hostile, balayé par des vents démoniaques. Un an plus tard, le bateau est revenu…

pour en savoir plus : Douglas Mawson, Au pays du blizzard

Le journal de bord de l'expédition a été traduit et publié aux éditions Paulsen.

https://www.editionspaulsen.com/au-pays-du-blizzard.html

Bref, vers minuit, l’Astrolabe a mouillé l’ancre à Commonwealth Bay, à 10 mètres de la banquise. Après une nuit tranquille, Stan a levé l’ancre et fait un tout petit tour dans la baie pour donner de l’élan à l’Astrolabe afin qu’il puisse se poser sur la banquise pour pouvoir y déposer nos valeureux Australiens. Lancée à 10 noeuds, la coque a heurté la banquise de toute sa puissance. Le choc a été brutal. Mais la banquise a cédé sous le poids du bateau, l’obligeant à faire une deuxième manoeuvre. Marche arrière, puis plein gaz en marche avant : deuxième choc, encore plus bruyant. Cette fois, l’avant du bateau est posé sur la glace et les Australiens peuvent débarquer, au beau milieu d’une petite compagnie de manchots empereurs et adélie, observant, impassibles, notre remue-ménage.

Une heure plus tard, deux hélicoptères venus de Dumont d’Urville approchent du bateau, se posent sur la glace, et emportent les Australiens vers Mawson's Hut, située à quelques km de là.

Depuis, nous faisons route vers Dumont d’Urville. Une route loin d’être directe puisque nous devons éviter une zone d’accumulation de glace, de débris de banquise, de growlers et d’immenses icebergs qui empêchent la navigation. Un long détour qui nous permet d’observer plusieurs groupes d’orques, d’innombrables manchots et surtout, d’épaisses plaques de banquise surplombant l’eau de près de 1,50 m*. Sachant que 90% de ces plaques se trouvent sous l’eau, Laurent, Erwan et moi salivons déjà à l’idée d’aller plonger là-dessous, dans un décor probablement féérique, avec des jeux de lumières absolument irréels…

Cela sera pour bientôt car Dumont d’Urville est proche. Nous devrions y être dans la nuit. Au réveil, nous découvrirons enfin la base et surtout les conditions de glace qui y règnent, et qui régiront la suite de notre aventure, conditionnant nos plongées."

* La banquise est la glace formée par le gel de l'eau de mer. Elle forme donc des étendues très plates, qui émergent peu de l'eau, à la différence des icebergs, fragments de glaciers détachés en mer, qui peuvent dépasser de plusieurs mètres au dessus de l'eau. Une banquise qui surplombe l'eau de 1,50m est donc d'une épaisseur remarquable.

- 3 Décembre... omnibus

    L'Astrolabe n'a jamais été aussi proche de son objectif. Les 6 Australiens chargés de la maintenance de Mauwson's Huts vont probablement être déposés sur la banquise. Un hélicoptère les emmènera ensuite jusqu'à leur destination.

    Il restera alors à l'Astrolabe à parcourir une petite centaine de kilomètres avant d'arriver à la base Dumont d'Urville.

Position au 3 Décembre.

    En attendant, les passagers savourent le spectacle fabuleux qui s'offre à eux, riche de glaçons, plancton, phoques et oiseaux.

Les températures se sont en revanche bien rafraichies : -8,5°C dans l'air, -1,5°C dans l'eau. Séquence publicité pour Julien pour sa toute nouvelle tenue!

Par Julien :

"Le bateau gronde et tremble et vibre toujours autant, ce qui veut dire qu’on est toujours dans les glaces. Un rapide coup d'oeil dans le hublot le confirme. Le bateau avance doucement car le pack est dense. Stan, le commandant, veille en haut de la vigie (un mat en haut duquel est installé une cabine d’où il peut avoir une vue dégagée à 360°). Il indique à la passerelle où se situe la meilleure route possible à travers ce pack. Nous zigzaguerons toute la journée de cette manière, en rencontrant de temps en temps des zones d’eau complètement libre de glace.

Image d'archive : l'Astrolabe progressant dans le pack - Erwan Amice © cnrs

Je vous parlais des géants de glace hier. Eh bien nous les avons approché aujourd’hui. Ils sont tout autour de nous et mon esprit peut difficilement imaginer leurs dimensions. Quand je dis que nous passons près, c’est relatif. Le plus proche que nous ayons approché devait se situer à quelques 5 km de nous. Mais ils sont tellement énormes ces icebergs que 5 km, c’est comme si on les touchait. Le plus impressionnant d’entre eux nous a fait penser à Belle-Ile. Quand on est en baie de Quiberon, Belle- Ile nous semble être un énorme bateau posé en mer. Eh bien nous avons eu

la même impression sauf qu’à la place d’une île, c’était un glaçon de 30 km de long dont la façade mesurait probablement 50 m de haut. Il était probablement posé au fond de l’eau, à une profondeur d’environ 400 m… Inimaginable…

Lorsque le bateau brise la glace, l’eau se colore soudainement en jaune- marron… Pourquoi ??? Eh bien à cause du phytoplancton, emprisonné dans la glace et qui, au contact du bateau, se répand dans l’eau, créant un mini-bloom [prolifération de plancton]. Impressionnant tant ce jaune-marron est soutenu. Cela doit représenter une concentration de micro-algues absolument hallucinante !

Question faune, aujourd’hui a été le jour des phoques et des manchots. Nous avons vu pas mal de manchots Adélie et j’ai eu la chance, ce soir, de voir à quelques 20 m du bateau un manchot empereur seul sur son glaçon. Je l’ai pris sous toutes les coutures et j’ai au final une très belle photo de lui, que je m’empresserai de vous envoyer dès que nous serons rendus à DDU.

L’autre oiseau de la journée, c’est le pétrel géant, une coche pour moi. On dirait un vautour, avec une vraie sale tête de méchant, façon charognard. C’est un énorme piaf de 2 m d’envergure qui a l’air de ne rien craindre du tout. J’éviterai de l’embêter sur la base !

Les phoques que j’ai vu sont tous, a priori, des phoques de Weddel. Difficile de les mesurer de loin comme ça mais je dirais qu’ils faisaient tous autour de 2,50 m de long. C’est vraiment massif. Le passage de l’Astrolabe à côté d’eux (50 m) ne leur fait ni chaud ni froid. Tout juste lèvent-ils la tête pour voir qui est là… Je pourrai probablement les approcher de très très près en Terre-Adélie, histoire de prendre leurs moustaches en photos !

L’autre star de la journée, ça a été Windrift et ses amis le dauphin rose et le chat gris ! Nous avons profité du beau temps et des paysages grandioses pour les faire poser dans diverses situations. Je suis sûr que vous êtes impatients de les voir, non ? 

Le froid commence à se faire très nettement ressentir. Nous avons tous ouvert notre sac IPEV contenant les vêtements chauds choisis à Plouzané il y a 3 mois. Pour ma part, je suis obligé de mettre un collant et un haut Helly Hansen, mon jean par dessus, ainsi que ma polaire Patagonia, ma doudoune UBO, ma softshell Millet, des gants, un tour de cou, un bonnet et la capuche ! Et même habillé comme ça, ça fait froid. Demain, je crois que je vais passer à l’étape au-dessus et sortir la veste polaire IPEV (grosse doudoune aux couleurs années 80… classe…)"

- 2 Décembre... premiers glaçons

Le pôle se rapproche!

Position au 2 Décembre. Source : http://www.ipev.fr/pages/posbat/google/

Avant de découvrir les descriptions des rencontres fabuleuses vécues par Laurent et Julien, petit bulletin météo. Les températures ont passé la barre de 0°C.  Le vent reste modéré. La glace et les icebergs cassent désormais la houle. Fini le roulis, pour le plus grand bonheur des passagers.

Bulletin météo


Source des données brutes : http://www.sailwx.info/shiptrack/shipposition.phtml?call=FHZI

Par Laurent :

"Nous faisons route vers Mawson's Hut. Nous y déposerons demain les 6 australiens qui doivent s'y rendre. Ils travailleront sur cette base minuscule pour le compte d'une fondation qui vise à entretenir la cabane de Mawson, lieu de son hivernage célèbre. Ce site est historique pour les australiens et pour tous ceux qui s'intéressent à la découverte des pôles.

Mawson's Hut . Source : Mawson's Hut Foundation

Faisant route donc, aujourd'hui vers 17H nous sommes arrivés dans la glace. Plus exactement dans le pack, des petits morceaux de banquise et d'iceberg barrent la route à L'Astrolabe. Le commandant (Stan) monte dans le nid de pie et tente depuis son perchoir d'indiquer le meilleur chemin au second.

Nous progressons lentement dans un fracas de tôle et de glace se frappant rageusement. La mer est devenue somptueuse. Belle. Blanche, métallique ou or selon l'angle de vue. Elle est plate car la glace a arrêté la progression de la houle. Et, c'est dans cette ambiance extraterrestre que nous avons vu un groupe d'orques épaulards. Julien a de magnifiques photos. On vous enverra ça une fois arrivés à DDU. Dans deux jours. Des bises"

Laurensen


Par Julien :

"On devrait arriver dans la banquise demain et les prochains jours seront donc normalement très calmes en terme de conditions de mer, et surtout ils seront animés par l’observation de mammifères marins et de manchots…

Nous avons vu notre tout premier morceau de glace ce matin à 11h30, par 62°S. Il s’agissait d’un petit iceberg, tout rikiki, je dirais de 2 m par 2 m. Stan, le commandant, a fait la coutume en lui passant dessus avec l’Astrolabe. Nous avons à peine ressenti le choc, tout juste un petit poc.

Mais la présence de ce petit glaçon, ainsi que l’eau qui est maintenant à -1°C, nous indique que la fin du voyage est proche !

Image d'archive : Un gros "glaçon" observé lors d'une mission précédente - Erwan Amice © cnrs

A 14h cet après-midi, sous un beau ciel bleu, nous avons pour la première fois aperçu une barrière blanche à l’horizon. The ice edge ! Ce n’est pas une barrière à proprement parler mais une zone d’accumulation de petits morceaux de glace, très dense. Ca y est, on se rend enfin compte que l’Antarctique est proche. A la passerelle, la vitesse est réduite de 12 à 6 nds. Même si il est solide, il vaut mieux éviter que l’Astrolabe ne tape à pleine vitesse dans les glaçons !

Image d'archive : La glace à l'horizon - Erwan Amice © cnrs

Puis, quelques nautiques plus tard, on tape enfin dedans. Le choc de la coque renforcée de l’Astrolabe contre les morceaux de glace à la dérive est impressionnant. Surtout le bruit : sourd, puissant…. un peu flippant.

Pour un breton, ça fait bizarre. Un bateau, ce n’est pas fait pour taper contre quelque chose. Là, le bateau gronde, rugit, encaisse, tremble, vibre… brrrrr… il faut vraiment avoir confiance !

Une petite heure plus tard, je vois mon premier phoque. De loin, je ne peux pas identifier de quelle espèce il s’agit. Il est tranquillement en train de se reposer sur un morceau de banquise à la dérive. Débonnaire, grassouillet, il regarde l’Astrolabe passer. Puis voguent autour de nous des pétrels antarctiques, majestueux dans leur plumage blanc immaculé.

A 18h, le décor change encore. Apparaissent à l’horizon des monstres de glace. Des icebergs tabulaires dont je peine à imaginer les dimensions. Ils sont loin, très loin, probablement 30 ou 40 nautiques, mais déjà leur façade me parait immense. Combien mesurent-ils ? 30 m ? 50 m de haut ?

Impossible à dire. Mais leurs dimensions dépassent ce que l’esprit de l’homme peut imaginer… Demain nous les verrons de près.

Image d'archive : Une falaise de glace d'une quarantaine de mètres. Sachant que seulement 10% de l'iceberg émerge de l'eau, la taille de ce "glaçon" est monumentale - Erwan Amice © cnrs

Je mitraille avec mon appareil photo. Beaucoup d’oiseaux pour le moment. Demain, j’espère voir des orques. Nous avons aussi vu nos premières baleines. Quelques souffles au loin.

Stan nous demande si possible de les prendre en photos pour les envoyer ensuite à Claire Garrigue pour son programme CETA*."

* Claire Garrigue est responsable scientifique de l'association "Opération Cétacés" basée en Nouvelle Calédonie. une partie des recherches de cette association vise à étudier les baleines à bosses, que ce soit dans leur aire de reproduction dans le lagon Sud de Nouvelle Calédonie, ou dans leurs zones d'alimentation dans l'Océan Austral. En savoir plus :

- 1 Décembre... premiers flocons

Par Julien :

"Ici, il ne se passe pas grand chose et c’est pire qu’un euphémisme. Les journées se suivent et se ressemblent… Ce matin, on a passé le 57ème parallèle et l’eau est passée sous la barre des 1.5°C, tout comme l’air.

Pour autant, toujours pas d’icebergs. Les oiseaux se font plus rares, même si j’ai quand même pu shooter un albatros de Campbell ce matin. J’ai aussi vu 3 ailerons qui s’amusaient dans les vagues. Sans doute des dauphins mais impossible de dire lesquels.

La météo est finalement assez clémente. Le capitaine a réussi à passer entre deux dépressions et ça nous vaut une petite houle de 1 à 2 m. C’est peu, mais malgré ça, l’Astrolabe roule toujours beaucoup. Dur de trouver le sommeil.  A la vitesse où on avance (12 nds), il devrait en théorie nous rester encore 45h de trajet jusqu’à DDU. Mais comme on va sans doute rencontrer de la glace en fin de journée demain, la bateau va sans doute ralentir. C’est donc bel et bien 6 jours qu’il faut pour rallier Hobart à DDU. Tant qu’on ne l’a pas fait, on se dite « ouais, 6 jours, ça va le faire, c’est pas grand chose ». Mais en fait, c’est hyper long tant il n’y a rien à faire de la journée… On commence peu à peu à se connaître à bord. Je sors un peu dehors pour voir si une baleine à bosse ne pointerait pas le bout de son museau. Mais non, toujours pas…

J’ai hâte que le paysage change un peu et je guette pour cela le premier glaçon. Il sera signe de fin de voyage et surtout, de repos bien mérité dans un vrai lit qui ne danse pas la gavotte toute la nuit ;-)

Les premiers flocons ont commencé à tomber il y a 1h (01/12 17h00 heure australienne) et depuis ça n'arrête pas. Les paris sont lancés à propos de l'heure  à laquelle on verra notre premier iceberg. J'ai misé sur le 2/12 (demain donc) à 12h45. Le jour est presque sûr à 100%... on verra pour l'heure !"

Paroles d'enfants : Timothé et Maïna

On dirait que le bateau c'est aussi rigolo qu'un toboggan  ! Mais à cause du roulis vous devez avoir de grosses bosses sur tête ....  Finalement on n'aimerait pas être dans le bateau avec vous!

- 30 Novembre... des nouvelles fraiches!

Les conditions météo des 12 dernières heures ont été plutôt clémentes côté vent, avec la traversée d'une zone plus calme (4 à 8 noeuds, soit 10 à 20 km/h). La température, quant à elle, a dégringolé sous les 2°C, que ce soit dans l'air ou dans l'eau.

Couverture nuageuse et direction des vents.

Source : http://fr.weather-forecast.com/maps/Tasmania?over=arrows&symbols=none&type=cloud

    La journée a surtout été marquée par la réception des premières nouvelles depuis le début de la traversée à bord de l'Astrolabe. Les organismes souffrent du roulis subi par le bateau. En effet, dans cette région du globe où aucune terre ne s'oppose aux vents et aux vagues, les différentes latitudes portent les noms évocateurs de "quarantièmes rugissants", "cinquantièmes hurlants" et "soixantièmes mugissants".

    La houle venant de l'ouest fait donc osciller l'Astrolabe de bâbord à tribord en permanence. Des stabilisateurs peuvent équiper les coques des bateaux pour atténuer l'effet de la houle... Mais ce n'est pas le cas de l'Astrolabe, qui reste avant tout un brise-glace. Sa coque aplatie et renforcée n'est donc pas la plus adaptée aux conditions que l'on rencontre dans l'océan Austral.

La légende raconte même, que sur les murs du bateau, on peut parfois trouver des empreintes de pieds, vestiges de quelques traversées particulièrement agitées...

Un aperçu de la vie à bord par beau temps. Source : MNHN

Des nouvelles fraiches par Julien :

"Eh beh, ça fait un bail que je n’ai pas pu donner de nouvelles. Nous sommes le 30 novembre, il est 13h sur le bateau et 2h du matin chez vous.

L’Astrolabe fait route plein sud à environ 12 nœuds, aux alentours du 53° parallèle. Sachant que la Terre-Adélie est située à 67°S, cela nous fait encore 1500 km à parcourir. C’est long…

Le temps n’est pas des plus cléments et nous essuyons depuis Hobart une houle bien formée oscillant autour de 3-4 m. L’Astrolabe roule bel et bien, ce n’est pas une légende. Il y a pas mal de malades à bord. Laurent, Erwan et moi gérons plutôt bien la situation. Pas de vomi pour nous, mais pas non plus la grosse forme. Le sommeil est très léger, voire inexistant. Comme on s’ennuie ferme à bord, et que la meilleure position contre le mal de mer est la position allongée, eh bien nous passons le plus clair de notre temps dans nos bannettes. La principale conséquence est qu’il est difficile de dormir la nuit car la journée a été entrecoupée de multiples petites siestes. Qui plus est, dormir sur un bateau qui roule autant est quasi impossible. On dort par tranches de 2h, entrecoupées d’environ 1h d’éveil… Pas très réparateur comme sommeil.

Le gros temps s’annonce pour demain. La houle et le vent vont forcir sévèrement. Pour le moment, le bateau a gîté 30° bâbord / 30° tribord sur les plus grosses vagues. Là, on s’attend à bien pire. Je dois avouer que c’est un peu angoissant. Comment s’endormir dans de telles conditions ? Ma bannette est orientée tribord-bâbord (tête à tribord), quand la plupart des autres bannettes du bateau sont orientées avant-arrière. La houle arrivant de travers, je passe mes nuits soit les pieds contre le mur de la cabine, soit la tête contre le placard où je range mes affaires. Dur dur…

Gite de 30° bâbord à 30° tribord

J’essaye de passer le plus de temps dehors mais le froid devient mordant depuis ce matin. Nous avons quitté Hobart avec 14° dans l’eau comme dans l’air. Ce matin, les relevés indiquaient 7° dans l’air et 4° dans l’eau...

L’Antarctique se rapproche ! Néanmoins, toujours pas d’icebergs en vue. Seulement des oiseaux… Mais quels oiseaux ! J’ai pu observer des albatros hurleurs (les plus grands oiseaux volants du monde, avec une envergure pouvant dépasser 3,30 m), des pigeons du Cap, des prions, différentes espèces de pétrels et de puffins que je n’ai pas pu identifier car ils

volaient trop loin du bateau. Ça nous change de la rade de Brest ! Pas de mammifères marins pour le moment, excepté deux dauphins en sortant de la baie de Hobart.

Image d'archive : Un albatros hurleur - Erwan Amice © cnrs

Le bateau est équipé d’un ordinateur permettant d’envoyer des mails par satellite. Malheureusement, le système a été hors d’usage les 2 premiers jours de navigation. Il est réparé depuis ce matin et j'envoie donc ce mail (envoi de pièce jointe impossible par contre...).

Allez, je dois vous laisser car il y a la queue pour accéder au poste informatique."

- 29 Novembre... en route vers le froid

Pratiquement un tiers du trajet a été parcouru. L'arrivée est prévue pour le 3 Décembre.

Source : http://www.institut-polaire.fr/geolocalisation-des-navires/

 

depuis 24 heures, les conditions météorologiques se sont sensiblement rafraichies :

La croisière devient donc moins engageante qu'à ses débuts du point de vue température. Concernant les vents et la couverture nuageuse, la carte météo de la Tasmanie ne permet pas d'envisager une amélioration des conditions, bien au contraire...

- 28 Novembre... la croisière s'amuse

Le bateau est bien parti et se retrouve encore bien loin de son but. Les nouvelles vont donc être rares pendant quelques jours.

Source : https://www.vesselfinder.com/fr/?imo=8418198

 

Pour patienter, voici le bulletin météo de la croisière, permettant d'envier les passagers (ou pas).

Sur ces 20 premières heures de navigation :

Bref, pour l'instant, les bretons sont bien plus à plaindre que les croisiéristes de l'Astrolabe. Ceci dit... Celà ne devrait pas durer...

Prochain bulletin demain!

- 27 Novembre... Embarquement

Par Julien :

 

21:35 : "On a embarqué sur l'astrolabe. J'ai pu récupérer un peu. On appareille dans 30 mn vers l'inconnu. D'après l'équipage, on va être secoué toute la traversée, à cause de multiples dépressions..."

Pour suivre la position du bateau : https://www.vesselfinder.com/fr/?imo=8418198

- 26 Novembre... Escale en Chine

Par Julien :

 " voici quelques petites photos qu'on a prises hier à Hong-Kong. Des photos de rues, avec notamment les trams qui sont à 2 étages et très étroits, et le marché.

Quelques images de Hong Kong © Julien Thébault

La partie fruits de mer du marché était top avec de magnifiques crevettes tigres, des pétoncles (on ne se refait pas !) [c'est le sujet de prédilection des activités de recherche de Laurent et Julien] , des crabes magnifiques...

Le marché de Hong Kong © Julien Thébault

  On va embarquer pour Hobart dans 1 petite heure et théoriquement, l'Astrolabe nous attend pour embarquement direct ! A nous le Grand Sud !"

21:42 "Coucou! Bien atterri à Melbourne. Vol tranquille, assez bien dormi. Mais ça commence quand même à faire long..."

Et dire qu'il reste 5 jours de mer avec l'Astrolabe... Au minimum...

11:29 "Nous sommes sur le point d'embarquer pour l'Australie avec la même compagnie qu'entre Paris et Hong-Kong. Dans moins de 10H, nous serons à Melbourne. Adieu l'Asie, vive l'Océanie!"

0:55 " On est bien arrivé à Hong-Kong au petit matin après un vol assez long, sans trop de sommeil me concernant. Erwan et Laurent ont un peu mieux dormi. L'avion était assez spacieux donc pas de problème de confort mais toujours difficile de dormir malgré la fatigue : je n'arrive jamais à trouver la bonne position... 

Là, on attend sagement au salon Cathay Pacific, dans de bons gros fauteuils bien moelleux. Un petit cappuccino et un bon jus d'orange nous ont requinqué et on attend que les douches ouvrent pour se rafraîchir un peu. Ensuite, on envisage de partir pour le centre ville, histoire de découvrir un monde et une culture qui me sont complètement étrangers, de goûter des plats improbables (méduse ? chien ? chat ? insectes ?), etc... "

(page en actualisation permanente en fonction des nouvelles, n'hésitez pas à repasser dans la journée)

- 25 Novembre... C'est parti!

 5:50 - Aéroport de Brest

L'équipe au complet est prête à embarquer pour le premier vol.

Pour suivre le vol en temps réel :

Vol vers Paris (Bien arrivé à 7:15) :  http://www.flightradar24.com/data/airplanes/f-guga/#81394f8

Vol Paris - Hong Kong (arrivée prévue : 6:55 heure locale, 22:55 heure française) : http://www.flightradar24.com/CPA260/8141196

Attention, la couverture radar n'est pas parfaite, et dans certaines zones (notamment hors d'Europe) l'avion peut ne pas être détecté par le site.

Situation à 13H : L'avion survole l'Allemagne, au milieu d'un trafic assez dense!

(page en actualisation permanente en fonction des nouvelles, n'hésitez pas à revenir dans la journée)

- 21 Novembre... Tout est prêt

    Les "souris" (sortes de pyjamas épais et chauffants portés sous la combinaison étanche pour plonger dans les eaux glaciales de l'Antarctique) sont arrivées in extremis et ont rejoint les valises qui ont été minutieusement pesées (pas plus de 30 kg par personne).

    Tout est prêt pour le départ mercredi matin, à 6:15 de Brest. Débutera alors un long voyage en avion, avec des escales à Paris, Hong Kong, Melbourne et enfin Hobart, le 27 Novembre à 11:40 heure locale, soit 1:40 vendredi matin pour la France.

    Ensuite, il faudra embarquer sur l'Astrolabe pour un minimum de 5 jours de navigation. Avec les restes de tempêtes tropicales qui trainent (la saison des cyclones bat son plein dans l'hémisphère sud à cette période) et l'étendue de la glace sur l'eau, la durée du voyage peut être très variable, mettant à rude épreuve la patience et les estomacs des passagers.

Voici donc un petit aperçu du voyage sur la carte ci-dessous :

- 18 Novembre... Une nouvelle recrue

A l’équipe des scientifiques se joint une nouvelle recrue : Windrift…

Fort d’une première expérience en Antarctique en 2007 alors qu’il était en grande section, il va renouveler sa participation à l’aventure cette année afin de témoigner du quotidien de la mission auprès de sa classe de CE 2– CM1 de l'école Joseph Signor de Landéda, et de tous les autres petits curieux qui suivent l’expédition.

Pour l’instant, sa valise est prête et il attend sagement le départ aux côtés des scientifiques.

Photo d'archive 2007 : Windrift à la barre de l'Astrolabe © Erwan Amice

Photo d'archive 2007 : Windrift à la rencontre des tribus locales © Erwan Amice

Où est l'Astrolabe?

L'Astrolabe © Erwan Amice

cliquer ici pour connaitre sa position

 Moins d’une semaine avant le départ... A Dumont d'Urville, l'expédition Wild Touch Antarctica de Luc Jacquet chargée de rapporter un témoignage photographique de l'effet du dérèglement climatique en Antarctique pour la Cop21 se désespère de la disparition de son décor : la banquise autour de la base, emportée par une tempête...

A Brest, malgré cette nouvelle qui risque de perturber les plongées prévues par la mission d'Erwan, Laurent et Julien, il reste encore beaucoup de choses à faire pour préparer le départ, même si l’essentiel de l’habillement a déjà été choisi en Septembre à l’IPEV au cours d’une séance d’essayage.

Séance d'essayage à l'IPEV © Erwan Amice

 Le trousseau du campagnard d’été est très précis afin d’éviter tout oubli qui pourrait interférer avec le bon déroulement des missions.

Le listing du trousseau

Le trousseau comporte :

 Enfin, même si l’idée de prendre des coups de soleil n’est pas la plus évidente lorsqu’on parle d’Antarctique, le risque n’en est pas moins important. Il ne faut pas oublier en effet que le « trou » dans la couche d’ozone se situera juste au-dessus de la tête des campagnards d’été (voir encadré « le saviez-vous »). Dans cette partie du globe, les rayons UV, nocifs pour la peau et les yeux, ne sont donc pas aussi bien filtrés par la couche d’ozone que dans nos régions et nécessitent une protection particulière. Crème solaire, stick solaire, lunettes de soleil et lunettes masques font donc partie du paquetage.



Le saviez vous?

Le trou dans la couche d'ozone

Le « trou » dans la couche d’ozone a été observé en 1985 au-dessus de l’Antarctique. Il s’agit en fait d’un amincissement très important de cette couche protectrice, plutôt que d’un réel « trou ». Un amincissement mondial de la couche d’ozone avait déjà été observé depuis 1974, mais jamais dans de telles proportions. De ce fait, les rayons ultra-violets provenant du soleil sont moins bien filtrés et peuvent engendrer des brûlures de la peau, des cancers, des maladies immunitaires.

L’origine de cet amincissement ? Certains phénomènes naturels, mais surtout une catégorie de gaz utilisés depuis 1938 dans différentes industries : les CFC ou ChloroFluoroCarbones. Ceux-ci, à de très basses températures comme on en trouve dans l’atmosphère surplombant les pôles, détruisent les molécules d’ozone.

Face à l’urgence de la situation, les pays industrialisés se sont accordés pour réduire puis interdire la production de ces gaz lors du protocole de Montréal en 1987. L’ensemble des actions ainsi menées se sont révélée efficaces, puisqu’aujourd’hui, le rejet de CFC a été réduit de 99% dans l’Union Européenne. Même si l’effet n’est pas immédiat, puisque ces gaz restent longtemps dans l’atmosphère, les scientifiques observent une nette amélioration de la situation et estiment que le « trou » dans la couche d’ozone en Antarctique devrait disparaître vers 2070.

Ces décisions internationales ont donc débouché sur un réel succès vis-à-vis d’un phénomène climatique mondial. En sera-t-il de même lors de la Cop21 à Paris, où des décisions politiques majeures devront être prises afin de limiter un autre phénomène mondial : le dérèglement climatique ?

Surface occupée par le "trou" de la couche d'ozone

le 12 Novembre 2015

source : http://ozonewatch.gsfc.nasa.gov/

L'institut polaire français Paul Emile Victor ou IPEV © Erwan Amice

L’IPEV se situe au technopôle de Plouzané, près de Brest, à 2 pas du laboratoire de nos 3 scientifiques. Son rôle est d’organiser les missions polaires, que ce soit en Arctique ou en Antarctique.

L’aventure a donc commencé il y a deux mois déjà. En Septembre, Erwan, Laurent et Julien ont passé plusieurs jours à préparer le matériel dont ils auront besoin lors de leur mission. Bouteilles de plongée, combinaisons étanches, instruments de mesure, mais aussi compresseur pour remplir les bouteilles…

Chargement sur l'Astrolabe © Erwan Amice

L'heure est aux préparatifs...

Les essayages ont été effectués à L'IPEV, certains colis sont déjà en route...

L'Astrolabe est partie pour une première rotation, avec à son bord les membres de l'expédition "Wild Touch - Antarctica". Ces photographes sont chargés de témoigner en direct pour la Cop21, de l'impact du bouleversement climatique sur la biodiversité. Leurs premières impressions et les informations qu'ils vont donner au cours de leur aventure donnent un avant goût de ce qui attend notre équipe de scientifiques. Ceux-ci rejoindront la base Dumont d'Urville lors de la deuxième rotation prévue fin Novembre...

Plus de détails très bientôt!