L’esthétique du rythme de Saint Augustin: de la science antique vers l’art moderne

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Le point de départ de cette recherche est le paradoxe de l’esthétique du rythme de Saint Augustin qui consiste en ce que malgré la présence de la forme scientifique développée au maximum de la rythmique dans l'un de ses premiers ouvrages, c’est-à-dire dans le traité “De la musique” (387–381), l’évêque africain crée son opuscule en vers “Le psaume contre le parti de Donat” (393) en le fondant sur d’autres principes rythmiques que ceux qui constituent le contenu de son travail de recherche. En étudiant la détermination de chacun des ces deux modes d’être de la rythmique augustinienne, on fait voir que la base de telle révolution est le développement de l’esprit de son ancienne forme, à savoir le monde antique, vers sa nouvelle forme – celui du christianisme.

Pour atteindre ce but, on résout les problèmes suivants. D’abord, on examine le traité “De la musique” dans sa détermination objective historique, c’est-à-dire dans le milieu ambiant de son origine. En tant qu’il s’agit dudit ouvrage d’Augustin, son élément se compose, premièrement, de l’esprit de l’érudition antique en cours de son achèvement, et, deuxièmement, de l’esprit de la religion chrétienne en chemin de sa formation. Au moyen de cet examen on pose la problématique historique de la recherche qui consiste dans le conflit entre la transformation totale de la vision du monde du penseur et la forme scientifique de sa conscience.

L’avancement de la recherche présuppose l’étude de la matière du traité “De la musique” par rapport au concept même de la musique comme rythmique. Ce rapport de la matière au concept ou, pour être plus précis, du concept à la matière est en fait un jugement sur le point auquel la matière est conforme au concept et s’avère comme sa réalisation. Ce jugement est une critique historique. La compétence de tel jugement dépend de la mesure dans laquelle la conscience qui s’en occupe arrive à développer l’universalité, c’est-à-dire le concept de la matière du traité. L’analyse entreprise fait voir que la négativité qui est très commune à l’égard de la matière de cet ouvrage augustinien et sa non-reconnaissance comme un traité notamment sur la musique s’expliquent par ce que ses lecteurs n’appréhendent la détermination de la musique que dans sa particularité limitée et ne prennent pas en considération son niveau métaphysique qui forme le moment de l’universalité de son concept. Mais cet aspect de la matière musicale ne s’ouvre à une critique historique que lorsqu’elle est montée au point de vue philosophique (logique). Pour que ce point de vue soit formé par rapport au travail augustinien, il est nécessaire que la conscience se soit déjà faite une représentation de sa forme et son contenu. La forme du traité est dialogique, mais contrairement à l’ensemble des ouvrages précédents de l’africain reproduisant la structure d’une conversation “cicéronienne”, le dialogisme littéraire du “De la musique” est dépersonnalisé au maximum. La raison en est que la pensée dans l’œuvre de Saint Augustin est en train de frayer le chemin à sa propre indépendance, au dialogisme intérieur où elle serait sous la forme d’elle-même. En ce qui concerne le contenu du traité, on présente, d’abord, un panorama de tous les six livres et puis on concentre son attention sur le dernier livre afin de donner une attribution philosophico-historique du texte. Bien qu’il y ait beaucoup de raisons pourquoi il serait justifié de regarder livre VI, le plus important à l’égard philosophique, comme orienté chrétiennement dans l’aspect scientifique, il ne l’est, quand-même, que dans l’aspect de la vision ordinaire du monde. Son canevas scientifique reste principalement antique par rapport à l’interprétation de la spécificité de la matière rythmique, à savoir du vers, comme par rapport à sa tradition philosophique qui est essentiellement néoplatonicienne.

Ayant prouvé que la forme scientifique du rythme de Saint Augustin appartient à l’antiquité, on passe à l’examen de la détermination de la forme poétique du rythme qu’il déploie dans son “Psaume contre le parti de Donat”. D’abord, on se fait connaître le thème de cet opuscule qui est la lutte de l’évêque d’Hippon contre l’hérésie donatiste et puis on passe à se faire une idée de sa structure en entier et de la détermination de sa problématique rythmique en particulier. On montre que la détermination de la rythmique du Psaume est absolument différente de celle dont la réflexion se trouve dans le “De la musique”. Pour résoudre ledit paradoxe, on commence par examiner ses interprétations philologiques s’efforçant d’expliquer la transition vers la nouvelle rythmique de manière externaliste ainsi que de manière internaliste, c’est-à-dire par des mutations linguistiques précédant le changement dans la sphère de la versification. Mais de toute façon l’explication philologique ne peut révéler que des causes effectives (ou motrices) de la transformation rythmique, n’étant pas capable de connaître la raison des mutations linguistiques mêmes. On résout cette énigme avec l’aide de l’interprétation philosophique (ou logique) où la nouvelle rythmique du Psaume d’Augustin s’intègre dans le contexte du développement universel du vers poétique. En annexe on joint sa traduction de livres I et VI du traité “De la musique” comme les plus importants à l’égard philosophique.

Mots-clés: Saint Augustin, histoire, philosophie, esthétique, rythme, science, art, musique, vers, psaume, concept, logique, néoplatonisme, christianisme

DOI: 10.13140/RG.2.1.4074.2884