La Liberté
par Didier Carsin
1/ Enregistrement de la séance
Pour accéder à l'enregistrement, cliquer sur le lien ci-après:
enregistrement séance du 07.11.2024
2/ Plan du cours
C'est notre 2ème séance sur la question. Après avoir dégagé les différentes significations du terme, nous abordons le 1er grand problème qui est celui de savoir si la liberté de la volonté est une réalité ou une illusion. L'affirmation du libre-arbitre et celle du déterminisme universel sont deux thèses contradictoires dont l'on ne peut pas se passer mais et dont il est impossible de démontrer la vérité, aussi bien l'une que l'autre. Comme Kant (Critique de la raison pure, 1781) le montrera, le conflit de ces thèses n'est pas un conflit d'opinions renvoyant à des préférences arbitraires, mais un conflit interne à la raison qui entre en contradiction avec elle-même dès qu'elle prétend établir une connaissance du monde en sa totalité, en s'affranchissant des limites de l'expérience. . Nous allons voir comment ce conflit oppose des philosophes.
1- Liberté de la volonté ou déterminisme de la pensée? L'opposition entre Descartes et Leibniz
a- Descartes: la liberté absolue de la volonté (Principes de philosophie, I, a. 39; 1644; Méditation IV, 1641, Lettre au Père Mesland, 1645)
- La liberté de la volonté se rapporte au libre-arbitre comme puissance des contraires; elle se manifeste comme le pouvoir de se déterminer elle-même, indépendamment de toute détermination, et d'être elle-même la cause de ses actions
- "la liberté d'indifférence" est "le plus bas degré de la liberté": être pleinement libre, ce n'est pas agir indifféremment à tout motif, mais c'est acquiescer à ce que mon entendement me montre comme vrai ou comme bien, et décider en connaissance de cause. Le plus haut degré de la liberté est ainsi autodétermination.
b- Leibniz: la volonté est toujours déterminée par des raisons, quelle que soit la situation (Nouveaux Essais sur l'entendement, II, 21, 1704)
- Quand, par la délibération, l'entendement me montre le meilleur parti à prendre, ma décision est déterminée "de façon certaine et infaillible"
- L'expérience de la liberté d'indifférence est illusoire: elle repose sur l'ignorance des raisons qui déterminent mon action, trop petites pour aperçues de ma conscience. L'affirmation de la liberté à partir de la conscience que j'en prends se révèle illusoire.
- En vertu du principe de raison suffisante (rien ne se fait sans raison), toutes mes pensées sont déterminées et s'enchaînent nécessairement en nous.
2- L'homme fait-il exception au reste de la nature (libre-arbitre) ou est-il un être naturel entièrement soumis comme les autres aux lois de la nature? L'opposition entre Voltaire/Diderot et Rousseau
a- Le déterminisme universel de Voltaire et Diderot (article Liberté du Dictionnaire philosophique,1764 / Eléments de physiologie, Lettre à Landois de juin 1756, Rêve de d'Alembert, 1769)
- Voltaire: La liberté de la volonté n'existe pas; la liberté n'est rien d'autre que le pouvoir de faire ce qu'on veut. En conséquence, il n'y a entre l'homme et la bête qu'une différence de complexité
- Diderot: La liberté de la volonté ne correspond à aucune expérience; elle est une illusion qui s'explique par le fait que nous ne voyons pas la liaison des causes et des effets qui déterminent nos actions; la volonté n'est pas un pouvoir de l'esprit distinct du corps et capable d'engendrer seul des actions, mais un effet déterminé par des motifs qu'elle ne choisit pas et qui résultent de la physiologie, de l'éducation, de l'histoire ... de la multiplicité des causes qui traversent un homme.
b- La liberté de la volonté comme puissance de rupture avec la nature (Rousseau: Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755)
3- Examen de la notion de nécessité (déterminisme)
a- La connaissance scientifique part du postulat que tous les phénomènes ont une cause. Les lois de la nature établissent la relation nécessaire de cause à effet qui permet leur explication.
b- La nécessité établie par les sciences est une nécessité rationnelle qui ne peut être confondue avec celle de la fatalité (ou destin). Elle laisse une place au hasard.
c- Les sciences ne prétendent pas connaitre la totalité de l'univers. La question est de savoir si on peut connaître une nécessité absolue qui s'étende à l'univers entier.