Lecture d'une œuvre :
"Métaphysique de l'amour, Métaphysique de la mort"
d'Arthur Schopenhauer
par Didier Carsin
1/ Enregistrement de la séance
Pour accéder à l'enregistrement, cliquer sur le lien ci-après:
enregistrement séance du 26.03.2024
2/ Plan du cours
C’est notre 6ème séance. Il s’agira d’expliquer le pessimisme de Schopenhauer. Il n’est pas un simple jugement de valeur sur l’existence humaine et le cours des choses exprimant son tempérament sombre, c’est une position philosophique pour laquelle la souffrance est le fond de toute vie. La souffrance ne désigne pas ici une souffrance factuelle et transitoire qui pourrait être supprimée si nos besoins et des désirs se trouvaient satisfaits, mais l’insatiabilité inhérente à la Volonté qui se manifeste comme désir pour l’homme, en tant que celui-ci est le seul être à avoir accès à une représentation consciente.
Le pessimisme procède d’abord d’une interrogation sur le mal
Il se constitue par son opposition à la thèse philosophique de l’optimisme (Leibniz):
Il critique l’illusion théiste (= Dieu est le créateur du monde) sur laquelle repose l’optimisme : elle fait un usage illégitime du principe de causalité
Il entend se confronter à la question du mal, sans chercher à justifier son existence par la providence divine, mais en élucidant son origine à partir d’une réflexion sur la nature de la Volonté qui est le fond unique de toutes choses
De l’interrogation générale sur le mal à celle sur la souffrance humaine
C’est en l’homme que la souffrance « devient plus évidente »
Deux approches pour valider la thèse pessimiste :
- sa démonstration a priori à partir de la nature de la Volonté, montrant que le fond de l’être est souffrance ;
- une approche a posteriori qui s’enracine dans l’expérience concrète de la vie (voir le début du § 59)
La vérification de la validité du pessimisme par l’expérience humaine : « Toute biographie est une pathographie » ; le spectacle universel de la souffrance ; le bilan négatif des joies et des peines au cours d’une vie. La fragilité d’une telle démarche qui risque d’apparaître partiale et discutable si elle se limite à un récit des misères humaines
C’est en considérant le monde en sa totalité (comme l’optimisme de Leibniz) que le pessimisme peut affirmer contre l’optimisme que le monde « est le pire des mondes possibles »
Regarder le monde à la manière d’un tableau (comme le fait l’optimisme) et discuter de la question de savoir quelle proportion de bien et de mal il contient, c’est rester à la superficie des choses, et éviter d’aborder la souffrance comme le fond même de toute vie humaine
Comment la souffrance peut-elle venir de la Volonté ?
L’irréalité du plaisir: il n’est que la délivrance de la souffrance du désir et n’existe que par celle-ci. Il en résulte 3 conséquences :
1- aucun plaisir n’est durable ;
2- le plaisir (et par extension le bien-être et le bonheur) ne saurait être connu immédiatement, nous ne pouvons le connaitre qu’à travers le prisme de la souffrance dont il est la cessation, sous la forme du souvenir, de la comparaison ou de la perte ;
3- le bonheur étant « négatif », il est irreprésentable, comme le montrent les fictions artistiques et les mythes
La nature inassouvissable du désir
L’illusion de la finalité qui procède de la représentation que nous en avons
Cette illusion méconnait la nature aveugle et sans fin de la Volonté, puissance métaphysique dont le désir humain n’est qu’une manifestation
Ce n’est pas le manque (la frustration du désir, la privation de l’objet désiré) qui engendre la souffrance, mais la souffrance inhérente à la Volonté qui engendre le désir comme une « soif inextinguible » qui n’a jamais de terme
La recherche du bonheur comme source du malheur en tant qu’elle voue le désir à une course sans fin d’objets en objets (un parallèle avec Pascal)
L’ennui comme révélateur privilégié de la souffrance qui constitue le fond de toute vie
La négation du vouloir-vivre (source de la souffrance) comme délivrance : la voie de l’ascétisme