Séance du 15.12. 2022

Le Châtiment


1/ Enregistrement de la séance du 15.12.2022

Pour accéder à l'enregistrement, cliquer sur le lien ci-après:

   enregistrement séance du 15.12.2022


2/ Plan du cours séance du 15.12.2022


C'est notre 4ème séance concernant la question du châtiment.

 

Placer la victime au centre de la question pénale, c'est, semble-t-il, ordonner le châtiment à sa souffrance et prendre le risque de faire entrer au tribunal un processus de vengeance. Ainsi l'essentiel résiderait dans le rapport du criminel à la loi, et non pas dans celui du criminel à sa victime. La justice exigerait donc que nous renoncions à identifier le châtiment à une forme de vengeance.

Mais la vengeance est-elle, en tant que telle, excès ? Conduit-elle inéluctablement à la destruction du lien social ? La lecture de l'Orestie d'Eschyle nous invite à remettre en question cette définition qui la présente comme un repoussoir. Comme le montre la tragédie, l'institution de l'Aréopage et l'établissement du droit pénal n'ont pas pour fonction de refouler la vengeance, mais de la préserver de son glissement à la violence. Ainsi il y a place pour une conception de la justice qui ne l'oppose pas à la vengeance, mais lui permette de devenir une juste vengeance. Dès lors, l'essentiel n'est plus de châtier ou de corriger le coupable, mais de réparer la victime en rétablissant l'équilibre rompu par le préjudice qu'elle a subi.

 

C'est la conception de la justice pénale que développe le philosophe Aristote (- IVème siècle) dans la Rhétorique et dans le livre V de l'Ethique à Nicomaque. Avant d'entrer dans son examen et pour en mesurer l'originalité,  il est utile de montrer d'abord par quels traits négatifs nous caractérisons ordinairement  la vengeance et de comprendre pourquoi et à partir de quand s'est imposée en occident sa condamnation.

 

1- La vengeance comme notion-repoussoir

Cette conception est développée par le philosophe Hegel au § 102 des Principes de la philosophie du droit, et par René Girard dans la Violence et le sacré.

 

-        Elle est inefficace car au lieu d'éteindre le conflit né d'une première agression, elle ne fait que le relancer (c'est « un processus interminable »)

-        Elle est sans mesure et portée à la surenchère (parce que selon Sénèque, la colère qui l'anime est « une passion effrénée et indomptable »)

-        Son principe est irrationnel car elle est tournée vers un passé qu'elle ne peut pas supprimer, en visant sa réparation

Elle se présente ainsi comme le stade le plus archaïque de l'humanité (au sens temporel : il précède la civilisation, et en termes de valeur : c'est un état de barbarie où seule règne la violence)

 

2- Pourquoi et à partir de quand la vengeance apparaît-elle comme ce qu'il faut à tout prix refouler ?

-        Avec la fin de la Cité cesse l'engagement des citoyens dans les échanges sociaux (parmi lesquels la vengeance). Leur gestion devient l'affaire de l'Etat.

-        Le théâtre d'Euripide (voir Médée) et plus tard le traité « De la colère » de Sénèque témoignent de cette transformation : la vengeance apparaît désormais comme comme une passion destructrice inapte à toute régulation sociale

 

3- Aristote et la juste vengeance

Elle n'est pas pour lui une passion d'ordre exclusivement privé, elle a une dimension sociale et politique

 

a- Sa dynamique passionnelle lui vient de la colère (qui est une passion sociale) :

les notions de mépris, de vexation, d'outrage, d'honneur...

b- La dimension éthique de la vengeance (la colère est une passion moralisable)

c- La justice de la vengeance (la peine comme satisfaction de la victime : elle répare son préjudice, elle lui rend sa valeur)

 

4- Sénèque et l'inhumanité de la vengeance (dans le traité De la colère)

L'argumentation de Sénèque est dirigée contre Aristote ; nous héritons de sa critique de la vengeance.