Dernière mise à jour / last update : 14/02/2020
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Retraite et incapacités
L'espérance de vie sans incapacité (EVSI) s'impose dans le débat public comme un indicateur d'équité en matière de retraite, que ce soit pour comparer différentes catégories de retraités entre elles ou les écarts entre les générations. Si cette utilisation reste discutable d'un point de vue normatif, sa prégnance actuelle impose d'établir un diagnostic précis sur les incapacités au moment du départ et pendant la durée de retraite. Une question connexe est celle l'adéquation des barèmes de retraite actuels (dispositifs de départ anticipé ou d'obtention du taux plein) à la capacité des personnes à exercer un emploi, et de l'évolution de cette adéquation au fil du temps, sous l'effet des diverses réformes des retraites (allongement de la durée requise pour le taux plein, relèvement des bornes d'âges, création de nouvelles possibilités de départ anticipé à la retraite). Les seniors en incapacité ont enfin un risque nettement plus élevé de se retrouver "ni en emploi, ni à la retraite, ni en préretraite" (NERP), ce qui soulève la question de leur niveau de vie et de pauvreté, et des prestations susceptibles de leur assurer un revenu (pensions d'invalidité, minima sociaux, etc.)
Une difficulté empirique réside dans le fait que les sources statistiques disponibles actuellement pour étudier les retraites, généralement issues de données administratives, ne contiennent pas d'information sur les niveaux d'incapacité des personnes, hormis lorsque ceux-ci donnent lieu à une reconnaissance officielle (invalidité, reconnaissance d'une inaptitude au travail...) A l'inverse, les enquêtes permettant de repérer les incapacités s'avèrent généralement assez pauvres en information sur la retraite. Améliorer la connaissance passe donc en premier lieu par la création de nouvelles sources appariées croisant ces deux dimensions. La DREES s'est engagée dans ce sens, avec le projet d'ajouter un repérage des incapacités dans la prochaine vague de l'enquête sur les motivations de départ à la retraite, et la perspective d'un croisement de l'enquête Vie quotidienne et santé de 2021 (première étape du dispositif d'enquêtes Autonomie) avec l'échantillon interrégimes de retraités.
En attendant la disponibilité de telles sources, les enquêtes généralistes de l'Insee (telles que l'enquête Emploi et ou l'enquête SRCV), permettent un premier éclairage, en s'appuyant sur l'indicateur de limitations d'activité générale (dit "GALI", selon l'acronyme anglais) présent dans le mini-module santé européen, tel que réalisé dans cette première étude publiée début 2020 : Aubert P. (2020), « Les personnes souffrant d’incapacités quittent le marché du travail plus jeunes mais liquident leur retraite plus tard », Études et Résultats, n°1143, Drees, février.
Les indicateurs pour la retraite
Définir des indicateurs pertinents pour le suivi de la situation financière du système de retraite ou de l'équité entre les assurés n'est pas aussi évident qu'il peut y paraître à première vue, car de nombreux indicateurs "simples" sont biaisés par des effets de composition et autres artefacts statistiques, ou traduisent des évolutions extérieures au système de retraite proprement dit.
Ce travail vise donc à balayer différents indicateurs envisageables et à étudier leurs évolutions, afin de préciser leur interprétation, en vue de choisir quelles sont les plus "pertinents". Il vise notamment à construire des indicateurs moins sensibles aux effets de composition démographique ou aux effets de calendrier (tels que l'âge conjoncturel de départ à la retraite) et à explorer les notions d'indicateurs en "équivalent carrière complète" ou encore de "retraite pleine".
Il s'inscrit dans la continuité des travaux réalisés dans le cadre du COR (Lettre du COR, N° 9, « Les indicateurs du COR pour le suivi et le pilotage du système de retraite » (septembre 2014), et travaux sur les indicateurs de taux de remplacement, de pension moyenne, d'âges moyens de départ à la retraite et de sortie d'emploi, et de durée de retraite). Ces réflexions sont développées, plus récemment, dans l'article "Durée de carrière et équité en matière de retraite : quels indicateurs ? quelles interprétations ?", publié dans le Dossier de la DREES n°21 d'octobre 2017, intitulé "La prise en compte de la durée de carrière dans les indicateurs de retraite".
Disparités d'espérance de vie et modulation de la retraite selon l'âge de départ et la durée de carrière
Le barème de modulation de la retraite selon l'âge de départ et selon la durée de carrière est particulièrement complexe dans le système de retraite français, du fait, notamment, des réformes de 1983 et de 2003, qui ont cherché à corriger les inégalités supposées à l'encontre des assurés entrés (très) tôt sur le marché du travail.
Ce projet de recherche vise d'une part à éclairer l'impact effectif des barèmes - au-delà des intentions affichées par le législateur - et d'autre part à mettre ces derniers en regard des différences effectives d'espérance de vie selon la durée de carrière et/ou l'âge de début de carrière, telles qu'on peut les estimer à partir de sources statistiques comme les échantillons interrégimes de retraités et de cotisants de la DREES.
Ces travaux s'inscrivent dans la continuité des études suivantes :
Aubert P., « Quels effets redistributifs de la modulation de la retraite selon la durée de carrière et l’âge de liquidation ? Une analyse des barèmes de décote, surcote et proratisation », présenté au séminaire scientifique de la Caisse des Dépôts (11 octobre 2016).
Aubert P. (2015), « La modulation du montant de pension selon la durée de carrière et l’âge de la retraite : quelles disparités entre assurés ? », Document de travail de la DESE (INSEE), G2015/10
Aubert P. et V. Christel-Andrieux (2010), « Différences d’espérance de vie et de durée de vie passée en retraite selon la durée validée au cours de la carrière », note DREES – BRETR N° 10-46, document n°4 de la séance plénière du COR du 24 mars 2010