Hâdji-Bektach fonda au XIIIe siècle la famille des Bektâchî, rapidement devenue une image de tolérance, de courage et de bonté. Le bektachisme est encore aujourd’hui, si l’on peut risquer cette comparaison, l’équivalent en Orient des Lumières de l’Europe. C'est, de manière un peu caricaturale, l'humanisme contre l'obscurantisme, une barrière égalitariste contre le fondamentalisme. Curieusement, on peut aussi considérer que les bektâchî sont au plan religieux, un peu ce que furent les cathares pour le catholicisme et en même temps, histoire de rendre plus ambigüe encore cette comparaison, ils en furent ses Templiers. En effet, les Janissaires, semblables aux prétoriens de la Rome antique par la bravoure pour laquelle ils sont réputés, forment une armée d’élite qui durera cinq siècles, qui recrute les bektâchî et dont Hâdji-Bektach est le saint patron. L’étoffe accrochée à leur bonnet est le rappel constant de cette appartenance derviche.Comme ordre soufi, les bektâchî procèdent à une initiation mais elle concerne, chez eux, autant l’homme que la femme pour laquelle ils rejettent le port du voile. Ils ne se réunissent qu’avec leurs membres, à la différence des autres soufis pour lesquels il suffit d’être musulman pour être autorisé à participer. Ils cultivent la notion de secret, et sont donc, en de nombreux points, fort proches de la maçonnerie. Plus encore, ils partagent le pain et le vin… qu’ils boivent. Ces détails, et de nombreux autres, expliquent que parmi les musulmans ayant projetés leurs désirs vers la Franc-maçonnerie, il y eut plus de soufis chiites que sunnites par exemple, et dans les soufis chiites, plus de bektâchî que de représentants d’autres confréries. Elle est si reconnue en Occident que, vue par le Vatican, elle fait figure de courant religieux autonome. C’est ainsi que, par exemple le 04 déc. 2009, le pape Benoît XVI se réjoui des « efforts » pour « promouvoir la compréhension et la coopération concrète, non seulement entre catholiques et orthodoxes, mais aussi entre chrétiens, musulmans et bektashies ».

Leur rituels sont si proches des rituels maçonnique que l’on pourrait croire qu’ils en sont, pour parties, des copies orientalisées. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que, en dehors du socle du REAA, le rituel Œcuménique soit imprégné de la symbolique de cette confrérie derviche. Ce n’est pas là la seule source d’inspiration « œcuménique », on pourrait aussi citer les druzes par exemple, mais c’est une autre histoire, un autre récit…

Les livres comme mémoire nationale.

La bibliothèque que présente ce très jeune site est déjà relativement riche et possède, merci Google Book, de belles pièces. La bibliothèque interne de ce site, outre les différents rituels du GOAO, s’enorgueilli de quelques pièces plus difficilement trouvables et de documents beaucoup plus « orientaux ». Elles forment à elles deux, en quelque sorte, une bibliothèque privée virtuelle qui est déjà une partie de notre patrimoine.

Pour autant, le rêve de tout homme cultivé est l’accès facile et gratuit à une bibliothèque qui posséderait une véritable mémoire de sa culture, voire du monde. Un rêve semblable à celui de la tour de Babel dans la Genèse, une bibliothèque qui s’élèverait jusqu’au ciel ; ou conforme à celui des concepteurs de la bibliothèque d’Alexandrie trois siècles avant l’ère chrétienne, et dont la reconstruction redémarra il y a déjà une trentaine d’années (1988) maintenant. L’avenir appartient peut-être au virtuel, et la Bibliothèque Numérique Mondiale(http://www.wdl.org/fr) est sans doute un bon exemple de ce qui se prépare. Mais il faudra encore quelques années, et de "vraies" bibliothèques pour conserver les « vrais » documents...

Aujourd’hui, il est des bibliothèques heureuses comme celle de Paris (BnF) qui, en dépit d’un renouveau difficile dans des bâtiments spécialement conçus pour elle, émet aujourd’hui un doux « ronron » mérité. Le Liban, qui revendique une bonne douzaine de cultures (18 religions) différentes, n’eut pas la même chance. Très tardive puisque sa bibliothèque prend naissance seulement en 1921, grâce au don du fonds de vingt mille ouvrages (plus les manuscrits…) du bibliophile libanais Philippe de Tarazi à l’État. Mais le Liban n’est pas la France, et la guerre civile ravage ce lieu de savoir dans les années 1970. Elle est ensuite bombardée, pillée, attaquée alors par la pluie et les insectes au fil des guerres civiles et militaires. L’incontournable humidité due à la proximité de la mer, n’arrange rien pendant des années. Abritée maintenant dans les locaux de l’ancienne université de Beyrouth, la BnL (Bibliothèque Nationale du Liban) tente depuis 2004 de soigner les plaies de sa mémoire multiculturelle avec l’aide d’un groupe d’expert de la Bibliothèque de France (BnF). Souhaitons-lui un prompt rétablissement et de nombreux dons (http://www.flbn.org) pour soutenir cette œuvre œcuménique puisqu’elle consiste à retisser fil à fil les liens historiques des religions en présence, qui, envers et contre tout, structurent le passé "œcuménique" du Liban.

Quelle date est-il, Frère 1er surveillant ?

Le calendrier maçonnique, débutant à l’origine du monde que tout lettré du 18e siècle sait dater de 4000 ans avant JC, est simple et ne connait aucun incident de 

parcours.

Le calendrier grégorien, le nôtre en France laïque, connu lui de nombreuses péripéties et son histoire explique pourquoi la Russie fête la révolution d’octobre en novembre ; pourquoi, au cours de l’enquêtes, on demandait à M. Dupont ce qu’il faisait dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582 ; ou encore pourquoi l’an 19, au 19e siècle, n’a duré que 3 mois et 8 jours ? 

Le calendrier musulman (Hijri), qui nous est moins connu, est lunaire et fixé par le Coran. Il est donc fait de 12 mois, conformément à la sourate 9-36, les mois font successivement de 29 et 30 jours plus 1 jour possible au dernier mois. Le début de mois commence à la nouvelle lune. Les semaines sont aussi de 7 jours, mais le premier jour est le dimanche (Youm el Ahad). Ne tenant pas du tout compte du soleil, les années sont plus courtes, entre 354 et 355 jours, ce qui donne des siècles faits de 97 de nos années. Ce calendrier 

démarre le 16 juillet 622, le 1er Mouharam, qui est le jour de l’hégire, c’est-à-dire du voyage de Mahomet vers Médine. De nombreux pays arabes (Égypte, Syrie, Maroc, Turquie, Jordanie etc.) utilisent à la fois ce calendrier pour des raisons religieuses et le calendrier grégorien pour sa justesse. Ainsi, l’année 2011 correspond à l’année 1432 de l’hégire (qui est en fait à cheval sur deux de nos années 1431 et 1432). 

Le calendrier hébraïque enfin, date du IVe siècle (359), et tient à la fois du lunaire et du solaire. C’est un 

modèle de complexité. L’année est constituée de 12 mois pour l’année commune ou 13 mois pour année embolismique, chaque mois est constitué de 29 ou 30 jours, dépendant d’un cycle dit de Méton, de 19 ans. Si 

l’année est commune, elle peut contenir de 353 à 355 jours, mais si elle est embolismique, elle sera de 383 à 385 jours. Dans les deux cas, commune ou embolismique, elle peut être de trois types : défective (ou déficiente), régulière ou abondante (ou complète), ce qui change le nombre de jours de certains mois. Ce 

calendrier fort compliqué démarre à la création du monde, soit comme chacun sait, en 3761 avant JC du calendrier julien, l’an 1 Anno Mundi (AM, année du monde). 

Ainsi 2011 voit naître l’année AM 5772 de ce calendrier. Le 1er de l’an, 1er Tisseri, tombe en septembre ou octobre. Complexe à souhait, et de ce point de vue 

c’est un vrai bonheur, c’est pourtant le calendrier officiel d’Israël. On pourrait encore aborder aussi les 

nombreux calendriers historiques comme le calendrier Berbère qui tient du julien et du grégorien… mais la place manque. 

Qu’importe, selon notre calendrier, c’est nouvel an. Alors,

BONNE ANNEE 6011 A TOUTES ET A TOUS !!!

La Franc-maçonnerie dans les milieux intellectuels arabes à la fin du XIXe siècle

« Célèbre écrivain d’origine syrienne dont la carrière se déroula en Égypte, Jurjî Zaydân(1861-1914) fut reçu dans la Franc-maçonnerie et en publia la première histoire écrite en arabe en 1889 (Histoire générale de la Franc-maçonnerie). A travers lui s’observe le processus par lequel les idéaux et la sociabilité maçonniques ont rejoint un projet élitiste de réforme morale et culturelle adapté aux besoins de la société arabe et musulmane ».

Un article assez riche (et conseillé, références ci-dessous) décrit le cheminement d’un intellectuel arabe à l’époque où deux loges fonctionnaient à Beyrouth depuis les années 1860 : la loge La Palestine, créée en 1862 sous l’obédience de la Grande Loge d’Écosse, et sa concurrente depuis 1868, la loge Le Liban, sous l’obédience du Grand Orient de France. Elles travaillaient alors en langue arabe, traduisant l’ensemble du rituel, y compris l’invocation « à la gloire du Créateur suprême de l’univers » (li-majd Mukawwin al-kawn al-a‘zam) ou la devise « liberté, égalité, fraternité » (al-hurriyya, al-musâwât, al-ikhâ’) tout autant. De plus, les ateliers du Liban reçoivent l’autorisation de ne pas appliquer la décision du convent de 1877 qui consiste à supprimer l’obligation de la croyance en Dieu et en l’immortalité de l’âme comme condition préalable à l’affiliation. Une des concessions que les nombreux partisans de l’immuabilité et de la tradition séculaire de la maçonnerie s’empresseront rapidement d’oublier.

L’arabisation de la Franc-maçonnerie soulève alors bien des difficultés de traductions. Par exemple, pour la transcription du nom Franc-maçonnerie, « Maçonnerie » (al-mâsûniyya)suffit souvent et la traduction de l’adjectif « franc », (harra - libre), peut y être associée, mais ce n’est pas toujours le cas. On trouve encore « al-binâya al-harra » - « binâya » traduisant le mot maçonnerie à partir de la racine arabe relative à la construction, associé à « harra » qui est l’adjectif « franc ». Dans ce cas, l’adjectif était obligatoire pour que le nom « binâya » existant par ailleurs soit bien compris dans le sens maçonnique. Le terme « mâsûniyya » étant totalement inconnu jusque là en arabe, il était moins nécessaire de le qualifier : al-mâsûniyya ne pouvait être que la Franc-maçonnerie. Par ailleurs, et ce n’est plus une surprise sur ce site,  le vocabulaire empruntera à la tradition soufie. C’est ainsi que « rite » se traduit en arabe, comme en turc ottoman, par le mot « tarîqa » (tarika), qui désigne « la voie » mystique dans la confrérie soufie.

CF. Anne-Laure Dupont, « Usages et acculturation de la Franc-maçonnerie dans les milieux intellectuels arabes à la fin du XIXe siècle à travers l’exemple de Jurji Zaydan (1861-1914) », Cahiers de la Méditerranée, 72 | 2006 :

http://cdlm.revues.org/index1175.html#article-1175

Communiqué Commun GOAO / GLCS

Le Grand Orient Arabe Œcuménique et la Grande Loge des Cultures et de Spiritualité communiquent ce qui suit :

- En date du 7 Décembre 2010, et à l'issue de la réunion entre les Sérénissimes Grands Maîtres Jean-Marc ARACTINGI pour le G.O.A.O. et Marcel LAURENT pour la G.L.C.S., un protocole de reconnaissance mutuelle et d'amitié a été signé. 

Ce Protocole met à disposition des sœurs et des frères appartenant aux deux Obédiences, outre toutes facilités de visites, les locaux respectifs des obédiences aussi bien en France qu'à l'Étranger.

Rituels

Les rituels maçonniques, comme ceux des soufis, ne sont pas des liturgies, mais des techniques symboliques. Ils n’en sont pas pour autant totalement dépourvus de dogmes. Le soufisme est, de ce point de vue, un pont confortable traçant un passage de l’Orient à l’Occident. Une manière élégante de relier ces deux conceptions, à la façon guénonienne, serait de considérer que l’ésotérisme est UN, et que toutes ces paraboles, comme les religions qui les portent, communient avec lui.

On pourrait encore considérer qu’elles ne forment, finalement, que les différentes facettes d’une même réalité, mais ce serait pousser le concept d’unification un peu loin, au moins pour la culture occidentale.

Un aspect cependant distingue clairement la vision soufie de l’ésotérisme tel que nous le percevons. La modestie. Il est vrai que les appellations fleuries, pour ne pas dire pompeuses, des divers grades et titres de la franc-maçonnerie traditionnelle sont éloquentes. Il est bien entendu que ces titres ronflants des hauts grades (que trouver de plus flamboyant que des qualificatifs comme Illustre, Suprême ou Trois Fois Puissant… ?) ne sont que des repères légendaires. Fabula falsa est. La critique n’est donc pas recevable au premier degré, cette prétention concerne plus la réception qu’en font les maçons que la maçonnerie elle-même.

De son côté, le soufi est par nature plus « léger ». Il ne multiplie pas les grades mais il est vrai qu’il ne croule pas sous une structure obédientielle comme chez nous. Dans bien des régions il préfère d’ailleurs, à soufi, l’appellation « mutaçawwifun » qui peut se traduire par « progressant vers ». Il « glisse » ainsi d’une étape à la suivante, plutôt qu’il ne franchi des étapes sur le chemin de la connaissance.

Notes de lecture :

La légende veut que l'ancêtre de la franc-maçonnerie soit l’architecte Adoniram, que rencontre le narrateur de Voyage en Orient, et dont l’édition de 1851 orne les rayons de la Bibliothèque publique de ce site. De sa belle écriture, de Gérard de Nerval (1808-1855) rapporte les récits d’Adoniram, qu’il écoute dans un café de Stamboul vers la fin de son aventure sur le détroit du Bosphore. La rencontre d’Adoniram, lors d’un voyage initiatique dans les entrailles de la terre, avec Tubal-Caïn qui devient son maître, initie une longue histoire. Cet ouvrage vous dit (presque) tout sur la religion druze (p. 142 ss.), les Derviches (p. 223 ss.), Adoniram (p. 232 ss.), Hiram, Macbénach (p.340 ss.) ou le catéchisme des Druzes (p. 383 ss.). Une mine d’or sur ces légendes que l’Orient et l’Occident ont en partage.

Sylvestre de Sacy (1758-1838), l’orientaliste qui forma Champollion et inspira une partie du travail de Gérard de Nerval, n’est pas en reste également. Cependant plus « professoral », et donc plus précis, il offre moins de prise au rêve. Sacy fait des Druzes de son temps une étude complète et scientifique que Nerval élève au rang de mythe littéraire.

Les Templiers ?

Certains écrivent qu'au temps des croisades les Templiers établirent des rapports cordiaux avec les musulmans, à ce point qu'ils avaient initiés à leurs mystères. Plusieurs Templiers auraient rapportés en Écosse quelques « souvenirs » symbolique issus de ces mystères, comme ceux qui donneront naissance au 22e degré du REAA sous le nom de chevaliers de la Royale Hache / Prince du Liban. Ils auraient ainsi dessiné les premiers traits de ce qui deviendra, plus tard, la franc-maçonnerie.

S’agissant là probablement de méta-histoire, l’histoire telle qu’on aurait aimé qu’elle soit, plus que d’histoire proprement dite, on n’en reste pas moins très étonné par les ressemblances structurelles et symboliques qui existent entre nos traditions maçonniques, et les démarches initiatiques Druzes par exemple. Les Druzes qui, par leur approche, dépassent les religions dans leur recherche de la vérité. Ils les unissent comme toutes équivalentes, convergentes vers une seule source de vérité… qui n’est pas le Grand Architecte de l’Univers mais peu s’en faut.Les Druzes, mais pas seulement : Il existe à l’évidence des liens entre les tracés des chemins initiatiques de la Franc-maçonnerie et ceux de plusieurs communautés orientales. Le G.O.A.O. se propose de les explorer avec l’aide des sœurs et des frères d’Orient et d’Occident. Chacun y apporte sa pierre, et les outils sont mis en communs.

PS : Le fort ancien manuscrit dit « de Strasbourg » de 1760 intitulé Deuxième Section, de la Maçonnerie parmi les Chrétiens est traité dans La Franc-maçonnerie occultiste au XVIIIe siècle de R. Le Forestier (Paris, Table d’Émeraude, 1987, Livre III). Il relie Templiers, Rose-Croix et Francs-Maçons dans un même récit.

Les paroles perdues

Les penseurs grecs tels que Platon, Aristote ou Plotin ou, plus près de nous, les écrits attribués à Hermès Trismégiste (Corpus Hermeticum) par exemple, sont heureusement traduits du grec en arabe au VIIIe siècle. Ce travail se fait à la demande par exemple, du calife Abbaside Al-Ma'mûm. Ces textes que nous avions perdus, réapparaissent en Europe au XIIIe siècle, cinq cents ans plus tard, grâce aux traductions en sens inverse, de l'arabe en latin, que l'on doit à certains intellectuels comme Averroès (Ibn Ruchd). Ils constitueront les fondements de l'étude de la philosophie hellénistique, celle qui prépara cette Renaissance dont nous sommes si fiers et qui aurait probablement été très différente sans cette sauvegarde, malgré nous, de cet héritage. A nouveau cinq siècles plus tard, au XVIIIe alors que naît la Franche-maçonnerie, Kant et Goethe avouent ce qu’ils doivent à l’islam. Montesquieu de son côté écrit sesLettres persanes, comme Schiller, Keats, Byron ou, le lendemain, Hugo, Chateaubriand, Nerval, Baudelaire et bien d’autres diront ce qu’ils doivent à l’Orient. Mis à part cette para-histoire, ces paraboles du récit historique qui ornent certains de nos grades, la maçonnerie serait-elle seule à oublier ?