125x 260 cm Tissus découpés collés et cousus sur fibre de verre 2019
Ceci n’est pas une nature morte !
Mauvaise herbe ! Mauvaise herbe ! L’expression est populaire et elle ne
se veut ni tendre ni aimable. Elle va de pair avec mauvaise graine ou
encore semence de curieux. Le genre de compliment que l’on abhorre.
Comme si l’herbe douce ou piquante l’était à dessein…
Or si l’on observe les plantes sauvages en pleine nature ou même en
ville, si on les regarde avec attention et joie au coeur, on s’aperçoit
qu’elles ont une force tranquille qui émeut.
C’est sans doute ce qui a touché Motoko Tachikawa dont on sait
qu’elle s’attache à donner sens et vie à ses créations. Et voilà que
sous ses doigts, la mauvaise herbe confidente est plus vivante que
certaines fleurs figées dans une bienséance d’étalage commercial.
Oui, même déracinés, les végétaux sont la vie même, semble nous
dire l’artiste. On les devine fidèles et robustes, épanouis et
courageux. Fragiles dans tous les cas. Jamais hautains, même du haut
de leur tige. Presque dansants, tant leurs courbes font la ronde. On
les contemple dans leur totalité, de la cime à la racine, on les
surprend dans un laisser-aller, charmes retombant de leur
mouvement, on les saisit dans ce que les saisons ont oublié de dire :
« Vous êtes la beauté même qui ne dit pas son nom, vous êtes cette
part de ciel tombée sur la poussière des chemins, vous êtes sans
vanité. »
Motoko Tachikawa excelle à rendre leur vécu, comme s’il s’agissait
d’un portrait. Il fallait sa manière simple et juste pour donner corps à
ces végétaux, à leur grandeur véritable et pour changer notre regard
si prompt à méjuger. Il nous fallait passer par la pensée de l’artiste,
sublimée dans ces oeuvres pleines d’élan, pour que le réel s’offre à
nous dans ce qu’il a de plus intense, de plus splendide, et que notre
civilisation méprise et saccage.
© Béatrice Libert
Motoko Tachikawa travaille depuis 2014 à l’élaboration d’une série de tableaux et de
livres d’artiste intitulée « Unwanted Plant - Mauvaise herbe » : plantes déracinées, celles
que l’on met au rebus. « Je les ai scannées de la fleur à la racine dans mon atelier en prenant
soin de chaque feuille, de chaque brindille.» À partir des images scannées, appliquées
dans un premier temps sur papier Fine Art par impression numérique à jet d’encre
pigmentaire, sont nées, en plus des livres en accordéon, plusieurs grandes réalisations.
Comme l’explique l’artiste : « J’ai choisi de montrer ces plantes dans un environnement
différent de la nature sauvage et dans des dimensions beaucoup plus importantes pour
laisser résonner ces termes “d’indésirable” et de “déraciné”, très souvent associés aux mauvaises
herbes, avec de nombreux autres aspects de notre monde. » Ainsi, pour Motoko
Tachikawa, ces mauvaises herbes ne sont pas« les seules indésirables ou sans racines dans
notre monde… ». Déclinées en panneaux poétiques et lumineux (monotypes sur toile,
tissus découpés, collés et cousus, collages sur fibre de verre) suspendus comme des kakémonos
ou en livre accordéon, ces « Unwanted Plants » surprennent par leur qualité de
transparence et leur aspect aérien. L’artiste leur donne une existence et un statut
d’oeuvre, elle leur offre une beauté inattendue.
En parallèle à ce travail, Motoko Tachikawa a produit une soixantaine de livres d’artiste
depuis les années 1990, dont la majeure partie porte sur le thème du végétal. Dans le
cadre de cette exposition, les médiathèques de Quimper vont en acquérir une douzaine.
Marie Akar
Art et Métiers du Livre N°337
Art & Métiers du Livre N°336