LETTRE OUVERTE Mme Barbara Pompili en Guyane

07 OCTOBRE 2016

   Lettre ouverte à Mme Barbara Pompili - Secrétaire d'Etat Chargée de la Biodiversité

Madame la Secrétaire d'Etat,

L'objet de nos préoccupations actuelles concerne les méga-projets aurifères, à ciel ouvert, sur l'Ouest de la Guyane qu’envisage le lobby minier, soutenu par les élus de la majorité territoriale. 1 : Colombus-Nordgold dit La Montagne d'or - 2 : Newmont Mining dit Bon Espoir - 3 : Cie Minière Espérance. Mais aussi à l'Est, le retour du projet minier Iamgold, pourtant annulé en 2008 après 2 ans de lutte citoyenne.

La Guyane est la seule partie de l'Europe à posséder une forêt tropicale humide, ancienne, à la biodiversité d'une richesse incomparable, qui reste, encore en partie, à découvrir et exige d'être protégée.

Autoriser des complexes miniers d’une telle envergure, considérés comme l’une des industries les plus polluantes au monde, laissant à leurs départs des millions de tonnes de déchets miniers, lessivés par notre abondante pluviométrie, avec les séculaires drainages miniers acides et pollutions aux métaux lourds dans nos rivières, est une aberration écologique et énergétique. Autoriser ces projets ouvrirait une boite de Pandore aux autres multinationales qui frappent à la porte. Or, le syndrome des ressources naturelles, pétrolières ou minières, dès qu’elles sont gérées par les multinationales, génère communément la corruption des administrations, des lois sanitaires bafouées, des emplois peu qualifiés et souvent sous-payés, au seul profit d’actionnaires étrangers… et quelques chevaux de Troie locaux. Mais surtout, pour viabiliser l'industrie minière dans l'intérieur du pays, le lobby minier influe sur le financement sur fonds publics de centrales à biomasse et d’un second barrage hydro-électrique, noyant 100 000 ha de forêts primaires, pour subvenir aux besoins énergétiques des trois méga-mines : 60 Mégawatts soit 60% de la consommation totale du territoire, ainsi que la création de routes reliant Saül et Maripasoula pour la livraison en matériaux, carburant et cyanure. La justification de ces investissements pharaoniques malgré le rejet considérable de Gaz à Effet de Serre, sera attribuée par nos politiques, et de manière fallacieuse, au bien-être de nos concitoyens. Quant au monde scientifique, aux ingénieurs et bureaux d’études, omniprésents sur notre territoire, ils partagent, avec le WWF Guyane, un silence complice sur cet archaïque choix de société, voire participent, par frilosité ou par opportunisme, à son cautionnement, dans l'opinion publique. Comment en sommes-nous arrivés là ? Nos dirigeants, au lieu d'orienter leur quête de solutions vers des filières progressistes et d’avant-garde (éco-tourisme, biotechnologie, laboratoire de biodiversité, pharmaceutique, filière bois, agriculture, plateformes de valorisation des déchets recyclables, énergies vertes, etc.) préfèrent accepter les montages économiques, clés en mains, inéquitables, aux relents colonialistes, d’industriels ayant déjà exploité l’Afrique sans scrupules. Nous n'avons pas le droit de mettre en danger des espèces dont on ignore jusqu'à l'existence. Pourtant, nous sommes actuellement en train de détruire une biodiversité que l'on n'a même pas encore inventoriée. Nous mettons en danger les Guyanais, mais aussi l’Humanité entière. Nous n'avons pas le droit d'ignorer plus longtemps le rôle de la Guyane dans l'Amazonie et l'impérieuse nécessité mondiale de la protéger des mains de la finance mondialisée et prédatrice. Bon séjour en Amazonie française, Madame la Secrétaire d’Etat ! Harry HODEBOURG

pour CAP 21 et Maiouri Nature Guyane

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CAP 21

Images (en lien dans le texte) extraite des power-point diffusés, à la CTG, le 28 sept 2016, par la Fedomg et le WWF Guyane, lors de la conférence "Quel modèle économique pour la Guyane" organisée par l'Agence Française Développement.

DERNIERE MINUTE : Les déclarations affligeantes de Barbara Pompili au "Koditien",

qui récite la leçon bien apprise du lobby minier.

Lire la réaction du COLLECTIF OR DE QUESTION :

Extrait de l'interview de Barbara Pompili : Sur l’orpaillage illégal, la secrétaire d’Etat a plaidé en faveur d’un « remplacement » de l’activité illégale par une activité génératrice de richesses. « D’une manière générale, il faut que l’on puisse exploiter nos richesses de la meilleure manière possible. On voit que la lutte contre l’orpaillage illégal est très difficile, très délicate. Je veux que les guyanais puissent retirer une richesse du minerai aurifère. Il y a des projets qui existent, qui paraissent intéressants, surtout s’ils sont faits dans le cadre d’un développement durable. C’est la direction qu’on doit prendre. En faisant ça, nous parviendrons à réguler l’orpaillage illégal ».

Est ce que Mme Pompili veut aussi nous faire avaler le principe de mine propre et responsable ? Il semblerait pourtant que la biodiversité soit au coeur de son discours. On dirait qu'il y aurait comme une légère contradiction?...

L'extraction minière industrielle n'est ni propre, ni responsable. L'artisanale non plus, mais elle est plus facile à encadrer.

Les multinationales de la prospection minière ont tous un passif environnemental et social déplorable partout dans le monde. Elle génère des pollutions à long terme dues au drainage minier acide des millions de tonnes de déchets miniers (qu'on appelle "stériles"). Elle détruit non seulement la moindre parcelle de terre qu'elle convoite, mais aussi elle paupérise : migration et déplacement urbain, gestion des nouvelles zones urbaines... Quid de l'accès à la santé? à l'éducation? aux services minimum de la société? d'autant que le volume de retombées fiscales n'est pas si intéressant.

Pour le projet de la Montagne d'or, c'est 5 millions d'euros par an pour la Guyane, pendant 13 ans. 65 millions en 13 ans, ça fera rêver certains d'entre nous, mais pour un région comme la Guyane, c'est bien peu au regard de ses besoins, de ses retards et des impacts et destructions environnementales qu'aura la mine.

L'extraction minière industrielle n'est certainement pas la solution miracle qui sortira la Guyane du marasme dans lequel elle se trouve. Mauvaise pioche.

   La seconde Lettre ouverte... du Conseil scientifique du Parc Amazonien

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- A lire : Guyaweb du 7/10/16  - Bataille pour la diversité

 Le Cirad Guyane communique... Une équipe internationale regroupant des chercheurs de 90 institutions, dont le Cirad, a montré que la perte de diversité des forêts de la planète diminue leur productivité. Conséquence : leur capacité à stocker le carbone, et donc à atténuer le changement climatique, se réduit également.

En outre, ces travaux parus dans la prestigieuse revue Science chiffrent la valeur économique de cette biodiversité : elle serait comprise entre 396 et 579 milliards de dollars par an. Soit cinq fois plus que le coût total estimé de la conservation des forêts...

En savoir plus ici (à partir du 14 oct 2016).

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