Droits à polluer

29 JUIN 2016 

   Le DEAL ... pour la paix environnementale !

La cellule « Biodiversité & Milieux naturels » de la Deal Guyane a organisé, ce 14 juin, avec le bureau d’études Biotope, un Atelier-formation pour le moins opportuniste vu les projets industriels en cours. Intitulé ERC, soit « Eviter, Réduire et Compenser », cet atelier évoquait les dommages sur les milieux naturels de ces grands aménagements, bien souvent inutiles pour le citoyen mais très rentables pour les multinationales.

Cette doctrine ERC oblige d'abord à prouver que le projet est nécessaire et ne pourrait pas être simplement annulé. Au cours de cet atelier, les deux premières options EVITER et REDUIRE ont rapidement été éludées au profit de la fumeuse notion de COMPENSATION.

En résumé, Vinci, EDF ou Nordgold souhaitent détruire des centaines d' hectares de notre territoire : écologistes attentistes ou naturalistes contemplatifs, n'envisagez pas la confrontation, venez plutôt à la table des négociations pour approuver une compensation mathématique, dont les plus ambitieux technocrates ont élaboré les règles, bien évidemment... tout à leur avantage.Dans ce processus, nombre de participants officiels y trouvent leur compte, sans avoir à manifester, argumenter et surtout sans risque de passer pour des fâcheux opposants aux yeux du grand public et financeurs !Cette formation a fait salle comble. Etaient unifiés pour l'occasion : orpailleurs, lotisseurs, promoteurs de barrages et de routes, multinationales minières, Conservatoires, qui conservent surtout leurs postes et fonctionnaires, qui ne fonctionnent plus toujours très bien, sans oublier les asso de protection de la nature.Pour joindre l'utile à l'agréable, les formateurs ont choisi un « exemple concret de projet fictif » (sic) à savoir « l’implantation d’un site minier, sa route d’accès et la construction d’un barrage hydro-électrique ».A l’issue de cette formation ou « plutôt formatage des esprits » on aura appris que l'on peut légalement « échanger » la destruction de centaines d’ha de forêts primaires contre une promesse de réhabilitation de ces sites, + celui de chantiers d'illégaux voir le parrainage d’études d'oiseaux emblématiques.Mais Il faut surtout retenir que le « business de la compensation » a été inventé par ceux qui en abusent, pollueurs et bétonneurs, pour légaliser un « droit à polluer », afin de « monnayer la nature » avec l'assentiment tacite voire complice de certains environnementalistes.  Quant aux bureaux d'études privés, ils mettent souvent en œuvre des méthodes comptables qui détournent totalement l’esprit de la loi, faisant croire à la reconstitution rapide des écosystèmes détruits.

Le protocole de compensation est d’autant plus génial, qu’une fois les accords d’échanges adoptés, il n’y a aucune obligation de résultat ni de suivi des programmes !

Imaginons le contrôle des revégétalisations des parc à résidus miniers, sur un demi-siècle, en sites isolés, avec le chassé-croisé des fonctionnaires DEAL ou ONF !

Pour s’en convaincre, relire attentivement l’article du « Canard Enchaîné » où sont décrites les dérives de cette réglementation en métropole. Extrait : « il n’y a qu’à voir le résultat sur le plus grand chantier de compensation en France, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le laboratoire d'études Biotope (NDLR : celui-là même qui a animé l'atelier ! ) a calculé si astucieusement le préjudice causé à l’environnement qu’il a permis à l’aménageur d’offrir de réhabiliter généreusement 640 ha contre 1140 ha de bocages détruits. Soit même pas le minimum qu’exige la loi sur l’eau.»DES LÉGÈRETÉS QUI CONDUISENT AU PIRE : UN AÉROPORT INUTILE

Dans un article des « Naturalistes en lutte » on peut lire une analyse semblable :

« Concernant le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, sous couvert d’ingénierie écologique, le bureau d’études Biotope a mis en place une méthode de compensation faisant croire à une restauration rapide et prévisible des écosystèmes.

Cette hypothèse laisse supposer une possible compensation de la destruction des habitats naturels et des espèces qu’ils abritent, ouvrant ainsi la possibilité de réaliser n’importe quel projet.

La justification de cette politique de la compensation n’est pas étonnante de la part de certains bureaux d’études car le filon peut s’avérer lucratif. En effet, ces structures sont rémunérées tout au long des procédures : diagnostic de l’état initial, justification des projets, évaluation des impacts, estimation du besoin compensatoire, recherche et mise en place des mesures compensatoires jusqu’aux suivis pluriannuels après travaux. On comprend alors tout l’intérêt qu’ont ces structures privées pour pérenniser ce marché même si leurs méthodes et les modes de compensation sont invalidés par des experts scientifiques. De surcroît, ils se font passer pour des protecteurs de la nature ! »

LES SOLUTIONS « ECOLOS » DE FACILITÉ

Pour rappel, en 2006, lors du combat mené par le collectif «Non à Iamgold à Kaw » les opposants avaient toujours mis en exergue le caractère irremplaçable et les nuisances irréversibles du site convoité. Les « Mesures compensatoires » avaient surtout été évoquées par les combattants de la dernière heure, dont une grande ONG internationale, toujours favorable à la négociation partenariale.Ainsi, dans un rapport ministériel, on apprenait que Iamgold avait budgété dans ce cadre, une contribution à l’association «Pour le Conservatoire botanique guyanais » (hypothétique à l’époque et encore de nos jours) dont le président d’honneur était l'ex-directeur de l’Herbier de l’IRD ; celui-là même qui manifesta plus tard un soutien indéfectible à la multinationale canadienne en rédigeant un appui complaisant, qui à du bien embarrasser le Ministère de la Recherche ! Cette contribution représentait un legs de terrains pour une pépinière dont la valeur représentait 370 000 €. Non seulement, cette somme correspondait « à moins d’un pour mille du produit attendu de la concession minière » mais qui plus est, le commissaire Enquêteur de l’époque considéra cette compensation comme caduque car le foncier des terrains offerts n’appartenait nullement à Iamgold ; elle ne détenait que les titres miniers des parcelles. En espérant que la Guyane ne sera pas pillée comme l'est toujours le continent africain, rappelons-nous cette sage pensée : « Tant que les lions n’auront pas d’historiens, l’histoire de la chasse sera toujours à la gloire du chasseur. » On nous prépare ici le même sort, sauf  si les lions et autres pandas décident enfin de se sortir les griffes du croupion.

En 2019, rien de neuf du côté des fausses solutions de la compensation :

Canard Enchainé de Juillet et 11 Septembre 2019 :

A LIRE sur le sujet des Mesures compensatoires  :

Compensation à Madagascar :

Rio Tinto détruit la biodiversité unique de la zone littorale.  (World Rainforest Movement – Juin 2016)

Résumé : Ces dernières années, les sociétés minières ont commencé à promouvoir activement la ‘compensation de la biodiversité’ comme un moyen de ‘verdir’ leur industrie. Le projet de compensation de la biodiversité de Rio Tinto, à Madagascar, est peut-être le projet de compensation du secteur minier qui a reçu le plus de publicité. Son objectif est de contrebalancer la destruction de plus de 1 600 hectares d’une forêt littorale unique, provoquée par l’extraction d’ilménite. Le présent article étudie comment contribuent des ONG écologistes et des instituts botaniques comme Kew Gardens et Missouri Botanical Gardens, avec leurs immenses collections d’espèces, à « verdir » une exploitation minière qui est en train de détruire une forêt littorale unique. L’article rapporte aussi comment perçoivent cette initiative les habitants d’un des trois endroits affectés à la compensation de la biodiversité, auxquels on n’a laissé que des dunes de sable pour cultiver leur aliment de base, le manioc !

« Sans la participation d’ONG légitimes, la plupart des projets [de compensation de la biodiversité] risquent de ne pas être crédibles et de ne pas recevoir l’approbation de la société.

World Rainforest Movement - 2016

COMPENSATION À NOTRE-DAME-DES-LANDES :

- La politique de compensation, un leurre au service des bétonneurs !

Les Naturalistes en lutte Fév. 2015

- La zone humide de Notre-Dame-des-Landes est un milieu irremplaçable » d'après Reporterre par François de Beaulieu

Extrait : Pourtant, l’étude sur la faune et la flore avait conclu que Notre-Dame-des-Landes constituait un milieu banal...

C’est faux ! Le bureau d’études Biotope [qui a réalisé l’étude d’impact] n’a pas eu les moyens ni le temps de faire une prospection approfondie... Il a sous-estimé les surfaces de zones humides, fait des erreurs d’identification de certaines espèces. Bref, le dossier est mal ficelé et faussé. Nous avons découvert de nouvelles espèces pour la France. Et le triton marbré ou le triton de Blasius sont des populations d’importance régionale. Cette zone a un tel niveau de biodiversité qu’elle devrait être classée Natura 2000. C’est un milieu irremplaçable par la multiplicité des niches écologiques, la diversité des espèces et par ses deux siècles d’existence. Les travaux entraîneraient la destruction de dizaines de milliers d’individus et la disparition définitive de leurs habitats.

- La compensation biodiversité instaure un droit à détruire !

ATTAC France (Analyse – Juin 2016)

Extrait : Ainsi, une analyse portant sur 621 zones humides restaurées dans le monde montre qu'en moyenne, et après plusieurs décennies, seuls 75 % de l’écosystème est récupéré. La perte est donc nette. Le résultat plaide pour une interdiction de la destruction de nouvelles zones humides, pas pour leur compensation. Si l'on s’intéresse à un plus large éventail de projets de restauration, une étude montre que jusqu’à deux tiers des compensations basées sur la restauration d’un écosystème ont été des échecs.

- L'analyse d'Hervé Kempf sur Reporterre.