Metrojuillet2011

Minières: nombreux incidents environnementaux

PHILIPPE TEISCEIRA-LESSARD

LA PRESSE CANADIENNE

Publié: 06 juillet 2011 17:33

Mis à jour: 06 juillet 2011 17:48

 

 

MONTRÉAL - Les déversements de substances dangereuses se sont multipliés dans les projets miniers du Québec au cours des deux derniers mois, selon des données du ministère de l'Environnement compilées par La Presse Canadienne.

Les autorités reconnaissent d'ailleurs l'existence d'un «petit boom» dans le nombre d'incidents au sein de cette industrie.

Huit accidents environnementaux liés à des entreprises minières sont survenus du 25 avril au 25 juin, principalement en Abitibi-Témiscamingue et sur la Côte-Nord. Au cours des deux mois précédents, seulement un déversement avait été signalé.

L'année dernière à pareille date, le registre officiel ne fait mention d'aucun événement de ce type.

Frédéric Fournier, le porte-parole du ministère de l'Environnement, admet ne jamais avoir vu d'augmentation de cette ampleur depuis le début de sa carrière. «C'est particulier, je vous l'avoue, a-t-il dit, en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne. Ça fait quelques années que je suis dans le domaine. Mettons qu'il y a eu un petit boom.»

Pour Ugo Lapointe, de la coalition Pour que le Québec aie meilleure mine, cette augmentation du nombre de déversements est un bien mauvais signe pour l'avenir.

«C'est comme un mauvais premier avant-goût du Plan Nord», s'est-il désolé.

«Ça donne un aperçu d'où on s'en va. Dans des régions éloignées avec un boom minier assez important, c'est le genre d'incident qui malheureusement risque de continuer à se produire.»

L'échelle de gravité du ministère comprend trois niveaux. Quatre des huit incidents ont été classés au deuxième échelon, alors que les quatre autres n'ont pas dépassé le stade initial.

À l'exception d'un incident, tous les déversements se sont déroulés à la mine d'or de l'entreprise Osisko à Malartic, chez Arcelor Mittal à Fermont et à la mine du lac Bloom de Cliffs Natural Resources, toujours à Fermont.

Le lac Mazaré, situé près de cette dernière mine, a ainsi fait les frais de plusieurs incidents. Le 25 avril dernier, trois millions de litres d'eau de procédé contenant des résidus miniers s'échappent des installations du projet de Cliffs Natural Resources.

«C'est une erreur de conception du système de traitement des eaux usées de la mine qui a causé ce déversement-là», explique M. Fournier. Le porte-parole ajoute que les substances n'ont pu être récupérées par l'entreprise ou par le ministère.

Un mois plus tard, toujours à la mine du lac Bloom, 10 000 litres de sulfate ferrique prennent la poudre d'escampette. Cette fois, le ministère découvre que le réservoir qui retenait la substance ne respecte pas les normes réglementaires. La substance chimique s'est déversée dans le sol, dans une tourbière avoisinante et dans le lac Mazaré, selon le ministère de l'Environnement.

À peine deux jours plus tard, l'équivalent de 20 bassins olympiques d'eau de drainage non traitée s'échappent des installations de l'entreprise suite à la rupture d'une digue. Le lac Mazaré et 14 lacs en aval sont affectés par la fuite.

«C'est sûr que là, on parle d'un gros déversement», souligne Frédéric Fournier.

En un mois, le plan d'eau a donc avalé l'équivalent de dizaines de piscines olympiques de rejets miniers, gracieuseté de Cliff Natural Ressources.

Ugo Lapointe s'insurge face à ce constat.

«Elle est prise à défaut dans deux cas importants et les deux cas sont sous enquêtes, rappelle le porte-parole. Ça vient dire que les lois et les règlements actuels, ou la façon dont on les applique au Québec, ne sont pas encore assez dissuasifs.»

Des huit incidents répertoriés en deux mois, trois ont donné lieu à l'ouverture d'une enquête. Elles visent les installations de Cliffs Natural Resources et d'Arcelor Mittal à Fermont. Le ministère de l'Environnement compte un seul enquêteur dans la région.

S'il admet l'existence d'une augmentation des déversements, le ministère se dit incapable d'établir un lien entre les incidents survenus au cours des deux derniers mois. «Chaque dossier est particulier, plaide M. Fournier. On n'est pas en mesure de tirer de conclusion quant aux raisons expliquant ce nombre d'interventions.»

La loi prévoit que les entreprises doivent communiquer avec les autorités environnementales dès qu'un incident survient, sous peine d'amendes.

«C'est sûr que l'industrie minière, en général, respecte les obligations du ministère lors de ce type d'événements-là, affirme Frédéric Fournier. Ils nous avisent, même si c'est sur leur terrain.»

Ugo Lapointe ne croit pas cette version.

Selon lui, les entreprises les plus transparentes rapportent effectivement les informations nécessaires aux autorités, mais d'autres sont beaucoup moins rigoureuses.

«Je n'ai pas peur de dire que je suis certain qu'il y a des compagnies qui ne divulguent pas. C'est mon intuition», soutient-il.

À l'Association minière du Québec, qui se veut la voix de l'industrie, on explique que le secteur a fait des pas de géants dans les dernières années. Les entreprises font beaucoup d'efforts et s'impliquent, selon André Lavoie, responsable des communications.

«On n'est pas gênés du tout du travail de l'industrie minière et des entreprises minières au Québec en matière d'environnement et de développement durable», fait-il valoir. Selon lui, un virage vert est en cours.

Le récent boom minier pourrait-il amener certaines entreprises à couper les coins ronds pour augmenter leur production?

«Non. La loi c'est la loi», répond fermement M. Lavoie.