Paraula de Soci

Serge CHIARAMONTI Président du Rodou Nissart

Amic dòu Rodou,

Lou 2 d’avoust resterà una marida data per nautre. D’ahura en avant aquela data sera ligada à jamai à la desparicioun de Raoul Nathiez lou foundatour dòu Rodou Nissart. La malautìa li a ren espargnat e Chiqueta a dechidat que la vida d’aquel ome si parava aquì.

Lou Rodou Nissart li rende naturalamen òumage. Es éu que l’a creat 41 an fa. N’era encara president d’ounour. De coumediant d’ancuèi soun estat lu siéu coulegian d’aloura e an ensinda counouissut la debuta dòu Rodou. Es a dire l’abriva e l’envuèia que dounava ai autre.

Per iéu, Raoul es estat lou miéu proumié proufessour de Nissart embé mestre Rougié Gasiglia. Eri finda coulegian à Roland Garros e durant très an, tout’ai doui m’an desveloupat lou plesì de saupre toujou un pau mai de Nissart e sensa lu siéu travai, jamai serìi estat cen que siéu ancuèi : proufessour d’Oc-Nissart e president dòu Rodou. Un regret : ai jamai augut Raoul en li matemàtica o en tenoulougìa ; es coum’acò.

Ai perdut de vist Raoul quauqui anada, pi l’ai descubert en li anada 80 au teatre, s’eravan dich doui mot après l’espetacle, avìa toujou lou siéu gaubi. Pi, avìi toujou dai siéu nova au travès dòu Sourgentin qu’era un dai creatour. Es aià que l’ai retrouvat en li anada 90 e 2000. Emé d’autre proufessour aven travaiat ensen, sensa denembrà lou siéu amic Rougié Rocca, per evaluà lu candidà au certificat de Nissart.

L’avìi revist quauqui semana fa, per parlà dòu Rodou : qu li era encara, se virava lou mai ben poussible… e s’era estounat que li dihìi encara « vous ». Eri urous de li remembrà que siéu estat un dai siéu numerous coulegian e que per iéu era sempre « Moussù Nathiez » e qu’un bèu pas era de li dire « Raoul ». La siéu souguigna mi laissà pensà que li ai fach plesì, la mi gardi en pensié.

Per nautre dòu Rodou couma per lu amic dòu Sourgentin mi pensi qu’ancuèi « l’aigre-dous » es vengut amar !

Jean-Christophe GRASSO

L'aventure du Rodou Nissart commence au collège Roland Garros où un professeur de mathématiques, Raoul Nathiez anime un cours de Nissart. L'année scolaire se conclue sur un spectacle mêlant chant danse et petite adaptation théâtrale où Raoul s'essaie à l'écriture (une scéne du Rachou de Moliére...).

La naissance de la troupe date de 1979. Entouré de quelques professeurs (notamment Geneviève et Jean-Claude RANUCCI) Raoul se lance dans une entreprise folle et généreuse : la création d'un texte baroque de Raoul Ma qu'éra Catarina Ségurana par une trentaine de gamins et quelques professeurs. La première a lieu au Théâtre Francis Gag (Théâtre municipal des Serruriers dirigé par le taciturne Astrella) en mai ou juin 1979. Dans cette première création digne de Jérôme Savary, on retrouve tous les ingrédients qui ont fait le succès et la longévité du Rodou Nissart :

  • l'écriture particulière de Raoul qui suit plus son imagination "cinématographique" que l'orthodoxie de l'écriture théâtrale

  • le gout pour les textes originaux, baroques voir impossibles à monter

  • la volonté d'amener sur les planches des personnes qui a priori n'ont aucune prédisposition pour cet exercice. Le théâtre comme thérapie pour grandir, se révéler à soi et aux autres...

  • le refus des règles de fonctionnement habituelles d'une troupe de théâtre (absence de mise en scène, de direction d'acteurs, texte appris à la dernière minute...) le gout pour la liberté voir l'anarchie à l'image des générales (c'était devenu une règle : plus la générale était catastrophique, plus les représentations seraient réussies)

  • l'arrivée régulière de nouvelles recrues aux compétences et profils variés qui font la richesse et l'enthousiasme de la troupe.

  • le plaisir d'être ensemble, d'apporter la langue et le théâtre dans les villes et villages des alpes maritimes, de faire du lien social et culturel

Quelques exemples de la diversité des textes : l'adaptation des poèmes de Pelhon, une adaptation des contes de Perrault - les contes de ma tante Perotta , d'une pièce de Giraudoux - La guerra dei trueia si fara pas, l'adaptation du Présépi Nissart - avec un parti pris de mis en scène audacieux et inclassable, des textes d'inspiration plus intimiste - 39/40' lou pichin tournet, Jouan Badola , et toujours des textes d'inspiration baroque et cinématographique - Lou pati, Casteu baloun et limonada, La nuech de la San Peyre...

Quelques moments de grâce : les représentations à Villars sur Var (le présepi) à Coaraze (notamment l'hommage à Alan Pelhon, un an après sa disparition), les nombreuses participations au festival de Fuveau, les représentations jadis annuelles au théatre des serruriers devenu théatre Francis Gag

En 1999 après le départ de Raoul, la troupe est reprise en main par Steve BETTI qui a adapté plusieurs textes classiques (La Rosa, Recordansa, La sabatiéra) Si le répertoire est plus classique et le fonctionnement de la troupe plus orthodoxe, l'esprit du Rodou est toujours vivace avec l'intégration de nouveaux venues d'horizons différents, le retour d'anciens, la convivialité et le plaisir... Puis rapidement, Serge CHIARAMONTI solidement épaulé par la créativité de Jean-Louis de COSTER reprend le flambeau et la troupe renoue avec la création de textes impossibles (Revira Mainage, Mistéri au coumissariat)... L'aventure continue !

Jean-Jacques ASTESANO

A l’origine, le Cercle Niçois, car c’est ainsi qu’il se nommait, n’était pas plus que de simples cours de langue niçoise dispensés de manière bénévole par Raoul Nathiez et Roger Gasiglia aux élèves du CES Roland Garros qui étaient intéressés. Les participants se réunissaient dans les locaux du collège, après les cours. On y étudiait la langue en utilisant comme support des extraits littéraires et les chants traditionnels. Un peu plus tard, d’autres professeurs ont rejoint le Cercle et la méthode « Lou Nissart à l’Escola » est venu apporter un fil conducteur plus structuré.

Dès le début, une atmosphère particulière s’était installée. Pour les élèves, c’était l’occasion de percevoir les « profs » d’une manière différente et de partager avec eux des moments aussi conviviaux qu’inattendus tels que des merendeta improvisée dans ces sanctuaires qu’étaient alors les salles de classe ! A cette époque, y manger un morceau de pissaladière faite à la maison avec son prof de maths était un acte tout à fait surréaliste… Raoul Nathiez aimait ça.

L’habitude de marquer la fin d’année commença à se prendre, d’abord sous la forme d’une journée de ballade dans un village de l’arrière-pays. Je me souviens, notamment, de virou à Roquebillière et Entrevaux par un Train des Pignes, à l’époque, en sursis. Plus tard, l’idée vint de conclure l’année scolaire 1977 par un spectacle donné au CES Roland Garros au cours duquel chants et textes traditionnels étaient mis en scène. C’est à mon sens, le point de départ des activités théâtrales du Rodou Nissart. Bien que triomphant, ce spectacle restera toujours pour moi un souvenir très amer car, certes, nous étions tous heureux et fiers, mais c’est à cette occasion que mon frère, sans doute sous le coup de l’émotion de toutes ces festivités, a fait le plus grave de ses malaises à l’origine de son handicap.

En 1979, ce fut « Ma qu era Catarina Segurana ? » A mes yeux, une performance. Outre la valeur intrinsèque de la pièce, je considère comme un tour de force la réalisation d’un tel projet avec des participants aussi nombreux, aussi inexpérimentés et aussi jeunes. Je me souviens d’ailleurs très bien que, pendant les répétitions, notre préoccupation principale de gamin ressemblait moins à « Mais qui était Catherine Ségurane ? » qu’à « Mais comment va-t-on pouvoir jouer au foot pendant que les autres répètent ? »

Que de patience il aura fallu à Raoul Nathiez! De la patience mais aussi… de la gueule. Il n’en manquait pas. C’est vrai, son caractère n’était vraiment pas facile mais il faut bien en convenir, il avait été, pour le coup, un ingrédient indispensable au succès de l’aventure…

Ce caractère, je l’avais découvert très tôt. Le jour où, peu enclin au désordre, il m’avait « sorti » de son cours qui m’intéressait bien moins que cette si amusante petite boule de mercure qui trainait sur mon pupitre, que j’écrasais avec ma règle et qui me faisait bien plus rire que Pythagore. Pythagore m’avait, ce jour-là, accompagné en étude mais, en bon philosophe, c’est sûrement lui qui conseilla à Raoul Nathiez d’expliquer à mes parents au sujet de l’incident que « si je n’avais pas envie de m’amuser à mon âge… »

Après Catarina, ma route pris une direction différente et, pour de nombreuses années, Nice devint pour moi une longue série d’escales au cours desquelles je suivais les nouveaux spectacles du Rodou. J’avais choisi un autre chemin qui me permit de découvrir d’autres cultures, d’autres langues minoritaires, d’autres « autres ». J’étais parti naviguer « bessai de l’autre caire dau mounde ». Une bien belle destination joliment dénommée. Ce sont les mots utilisés dans la dédicace qui figurait sur l’exemplaire des « Contes de ma Tanta Perotta » qu’un collègue, marin comme moi, m’avait descendu à la salle des machines où j’étais de quart à bord de mon tout premier bateau. Ils venaient d’arriver par courrier. Nous étions en Afrique. Et dans, le vacarme et la chaleur des Diesels, ces contes-là m’avait apporté une bouffée « d’aria fresca dau pais » que seuls ceux qui, un jour, se sont déjà expatriés peuvent imaginer et comprendre.

Raoul Nathiez ne m’avait pas oublié.

Je ne l'ai jamais entendu chanter Brassens mais, lui qui n’hésitait pas à s’adjoindre le concours des Shadoks pour inventer des équations faites de «Ga», «Bu», «Zo» et de «Meu» afin de démystifier les mathématiques, appréciait les chemins différents de la route des "braves gens". Son œil était fin. Son esprit était fertile. Avec une apparente et trompeuse facilité qui faisait croire que « l’art est facile » et dénué de règles, il créait. Il entreprenait. Il réalisait. Il allait au bout de ses projets. Il transmettait.

Aujourd’hui, j’ai réintégré le Cercle. Lou Rodou vira toujou.

Je n’oublierai pas Raoul Nathiez.

Sylviane MAZZA

Raoul Nathiez m'a vu naître... dans cette famille italienne installée avenue Vismara depuis 1932, avenue (le mot est un peu pompeux pour cette rue bordée de villa du début du XX° siècle) et qui en ce temps là était comme un village, avec son bar tabac, avec terrain de boules recouvert d'une tonnelle de vigne, son menuisier, et un peu plus haut, là où fut construite l'école Rosalinde Rancher, son maraîcher, en bordure du vieux chemin de Gairaut conduisant à la propriété de René Cassin, et à l'oliveraie au sol couvert de violettes au printemps et qui ont toutes deux ont disparu pour laisser la place à l'autoroute. C'était la fin de la IV° République et le début de la V°, au cours des "trente glorieuses". Figure du quartier Monsieur le professeur de mathématiques, unanimement respecté, et dont les élèves à Roquebillière étaient secrètement amoureuses (Ah la blondeur!) était l'employeur de ma grand-mère et le papa de Sylvie avec qui à l'âge de 7 ans j'ai participé, avec Sylvie Thomas, à mon premier spectacle public, devant un public enthousiaste et par avance conquis puisque c'était nos trois familles.

L'amour du théâtre parfois ça commence tôt...

Puis, À 17 ans, cette première fois également, toujours en compagnie de Raoul, Madeleine et Sylvie, dans un vrai théâtre, ce grand monolithe noir, où Gabriel Monet avait monté "Candide" de Voltaire et cet éblouissement qui m'a laissée muette, moi qui pourtant n'avait pas ma langue dans la poche...

Aussi, en 1986, quand, au retour de mes pérégrinations administratives, j'ai retrouvé mon terroir natal, Raoul m'a dit : "Tu comprends le niçois puisque ta famille maternelle est de Lantosque, ça te dirait de venir dans ma troupe du Rodou Nissart?" "Oui volontiers" me suis entendue dire. Et c'est ainsi que je me suis vue entrer sur scène avec un trac indescriptible pour incarner cette souillon de Madama Cavilha dans "Casteù, balloun et limounada" puis ont suivi, pèle mèle : "lou pati", "39- 40", "les poèmes de Pelhon" (où j'incarnais entre autre la cougourda, normal pour une lantosquoise!)"Juan Badola" "lou dich de cada jour II" "lou presepi" et son inoubliable représentation à Villars sur Var... et c'est là aussi que j'ai connu ces fidèles toujours présents aujourd'hui dans la troupe du Rodou :

Jean Louis, bien sûr, mais aussi, Christophe, Jean Christophe, Valérie, toujours présents aujourd'hui et qui perpétue cette tradition initiée par Raoul, à savoir: le niçois est une langue vivante, une langue qui nous fait nous sentir vivants, fiers de nos racines et de notre culture, mais sans nier les autres cultures, car nous nous enrichissons de nos différences, et en les surpassant pouvons accéder à l'universel, au travers du théâtre, car au-delà de l'aspect vernaculaire c'est bien tout le jeu de la profondeur de la nature humaine que nous voyons ou incarnons sur scène.

Merci Raoul de m'avoir permis ce partage, ce plaisir, ce trac, cette excitation, ces fous-rires et parfois, il faut aussi le dire, ces énervements ou ces coups de gueule, car tout ça c'est la vie!

Emmanuel GIOAN

Aquestou matin d’estiéu, coum’èra l’usança per èu, lou cat si drevilha bouòn’oura. Era acoustumat ensin, un pau couma lu sourdà de Trenta-Nòu - Quaranta ; estre lest, faire lou siéu liech, si lava… Passa davant la fenestra e regarja aquéu mounde que sembla s’en partì en douga. Couma cada matin li es un paure Cristou que demanda de mouneda per si croumpà da manjà e da buoure. E couma cada matin, li es un ome en bèu coustume de velut que li passa davant sensa mancou lou regarjà. Pareisse que si souòna Pètou lou baudou. Que rachou aquéu !

Pi, lou cat vira lu uès e s’en parte en la couhina. Aià la fenestra es duberta e pòu veire aquestou mounument da la frema qu’a fach escapà l’enemic. Es en aquéu moument que lou cat regreta de pas estre un ome ; aurìa pouscut faire d’estudi e emparà l’istòria. Mà noun. Cada jou si demanda qu èra Catarina Segurana. Aurìa pouscut s’en partì faire de rescontre dapertout en lou mounde. Mà noun. Es aquì plantat e aspera lou siéu mestre, couma un santoun en lou Presèpi. Aurìa pouscut faire tant de caua per chanjà lou mounde. Mà noun. Esta darrié la fenestra, regarja e a emparat da avalà amar e escupì dous.

Aspera ensinda lou retour dòu siéu mestre. Mà ancuèi, lou mestre noun es revengut. Sus lou còu capisse que quaucaren li es acapitat. Li bestia an mai de qualità que lu ome en aquesta matèria. S’en parte s’escoundre sus l’armari, en aquéu luèc de quietessa. Pi, touta la parentela s’arecampa e lou cat, mesquin, aude : « Mà cenqu’anen faire dòu cat ? Qu lu garderà ? ».

Aloura si plourigna lou cat. Capisse que lou mestre revendrà pu. Si remembra lu bouòi moument qu’an passat ensen, meme quoura lou mestre li parlava matemàtica e qu’èu li capissìa un cornou. Mà lou tristun laissa vitou plaça à l’envueia de si revourtà. Per lou cat, noun sembla poussible que tout acò s’acabe ensinda. Lou travalh, d’un ome, la siéu ànima, tout acò noun si pòu amurcì ensinda.

Aloura, lu uès plen de làgrima mà tamben de courage, decida de s’escapà. Aproufita de veire la pouòrta de l’intrada duberta e pilha lou doui de coupa. S’en parte aloura veire lou mounde. Lou mounde de l’autre coustà de la fenestra ; en auguent sempre en ment aquesta toca : retrouvà lou mestre ! La siéu ànima, lou siéu cors, quau que sigue….

« Fin finala, bessai que lu ome soun couma nautre lu cat » si di lou nouòstr’amic. « Bessai qu’elu tamben en set vida ». Qu saup ?

Si plourigna lou cat…