Jacqueline Kelen (contemporaine)

Diplômée de lettres classiques, Jacqueline Kelen consacre la plupart de ses livres et de ses séminaires au déchiffrement des mythes de la tradition occidentale et à l'étude de la voie mystique. Elle a été pendant vingt ans productrice à France Culture. Parmi ses ouvrages à succès, on peut citer Aimer d'amitié et L'Esprit de solitude, qui a obtenu le prix Alef 2002 des libraires du mieux-être et de la spiritualité, Jacqueline Kelen est l’auteur de nombreux autres ouvrages parmi lesquels : Marie-Madeleine, un amour infini (Albin-Michel), Proposition d’amour (Anne Carrière), l’Éternel masculin ...

*****

Lorsqu’un individu a expérimenté cette solitude de l’Esprit, qu’il a compris qu’il est seul à pouvoir faire quelque chose pour lui, il peut ensuite vivre seul ou en couple, à la ville ou au désert. Il ne sera plus jamais isolé, coupé. Il peut subir un divorce ou un deuil, jamais son esprit ne sombrera. Bien sûr, il souffrira de ces événements, il connaîtra même le désespoir mais le plus précieux de lui, cette solitude essentielle, demeurera préservée.

Jacqueline Kelen

La maturité commence lorsqu’un individu se sent auteur et responsable de son existence, lorsqu’il ne demande pas aux autres de le rendre heureux, lorsqu’il n’accuse pas systématiquement les autres de ses propres faiblesses et insuffisances.

Jacqueline Kelen

Un être humain libre, riche d’émotions et de sentiments, est capable d’entrer en relation avec autrui sans se perdre et il n’a pas peur de s’attacher car ce lien affectif, même intense, ne porte pas atteinte à son intégrité. C’est la dépendance qui amoindrit l’être, qui est servitude.

Jacqueline Kelen

La solitude apprend à aimer. Ce n’est pas l’amour qui brise la solitude, c’est la solitude qui permet l’éclosion et la durée de l’amour. Un amour qui ne soit pas possession de l’autre ou appartenance de l’autre. Un amour qui respecte la solitude de l’autre”.

Jacqueline Kelen

Vouloir étouffer ou soigner le sentiment de solitude, c’est empêcher un être humain de prendre conscience, de grandir, de faire quelque chose de sa vie. La solitude est à la fois le prix à payer et la récompense de notre liberté. Il ne s’agit donc pas de la renier, de la brader jamais, ni pour vivre une histoire amoureuse, ni pour faire carrière, puisqu’elle est ce qui demeure unique en chacun de nous. “Habitare Secum”, disaient les moines comme les anciens philosophes. “Habiter avec soi”, cela revient à dire: habiter sa solitude. C’est le lot, le destin de tout homme qu’on veuille se le cacher ou non. Et c’est le commencement de tout…

Jacqueline Kelen

Le secret n'est pas ce à quoi nous parvenons au bout de la quête, mais ce d'où nous partons. C'est à partir du secret que l'on a accès au monde. Le secret s'avère noyau de la connaissance ainsi que centre véritable et inaliénable de l'être.

Jacqueline Kelen (Le secret p12)

Le secret a ceci de commun avec le sacré qu'il demeure inaccessible à qui s'en montre indigne. L'Absolu ne fait pas de cadeau et de cela on peut lui savoir gré.

Jacqueline Kelen (Le secret p19)

Le secret, c'est la chair spirituelle du héros, de la fée, de l'être immortel que nous portons en nous. Et sur ce sacré indicible nul ne peut faire main basse.

Jacqueline Kelen (Le secret p25)

Le silence est la célébration du secret. Jacqueline Kelen (Le secret p27)

Pour le chevalier arthurien, pour le samouraï, pour le gentilhomme puis l'honnête homme, la puissance consiste à se maîtriser, à se taire. Divulguer c'est se disperser donc s'amoindrir. À savoir veiller sur un secret, à tenir son engagement, l'homme se reconnaît comme un être de volonté et de responsabilité. S'il trahit, s'il parjure, c'est d'abord son âme qui s'en trouve blessée.

Jacqueline Kelen (Le secret p31)

Devant l'exhibitionnisme émotionnel, devant la pusillanime ostentation des gens qui se croient importants, l'élégance qui consiste à se taire, à patienter, est la seule sauvegarde.

Jacqueline Kelen (Le secret p33)

La morale courtoise qui s'ordonne autour du secret comme autour d'un diamant incomparable tient en cette extrême attention à l'autre, en cette politesse exquise qui répugne à blesser la beauté des choses, la sensibilité des gens. Ce souci constant de ne pas choquer, de ne pas attenter à l'harmonie du monde rend celui qui pratique cette morale non pas renfermé, taciturne, mais doué de finesse, gracieux. On l'a vu, le secret rend léger. Pourtant, cet art de vivre magnifique est en même temps désespéré: le seigneur réservé, le parfait amant, le chevalier aventureux savent bien que ce monde n'est pas un rêve héroïque et que l'amour, la beauté, la sagesse sont sans cesse blessés, bafoués. Mais eux n'ont pas à ajouter à la douleur du monde, aux criailleries des hommes, à la tristesse de Dieu. Ils se doivent de rester fermes et fiers et de traverser solitaires les épreuves.

Jacqueline Kelen (Le secret p34)

Ainsi l'important n'est pas tant de comprendre le monde, la vie, Dieu, l'amour, la mort, que de s'approcher, de s'approcher avec désir, ferveur et tremblement de leur mystère. Le premier pas de l'amour est déjà tout l'amour; le premier mot annonce déjà tout le poème; et le premier point de tissage contient en lui tout le manteau.

Jacqueline Kelen (Le secret p88)

Il dépend de l'homme de choisir la liberté ou la servitude, la grandeur ou la lâcheté, la vulgarité ou la noblesse de cœur, la générosité ou la violence, la haine ou la magnanimité, la droiture ou le mensonge. Il dépend de l'homme d'être ou non un relais pour l'amour, la beauté, la joie, suivant la devise trine de Pic de La Mirandole. Il dépend de lui de faire de son existence une navrante banalité ou un cantique.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p11)

Une illusion ne vous fait pas défier la mort ; le rêve se sent toujours de taille à l'affronter.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p28)

La naissance du héros, c'est d'abord l'apprentissage de la solitude. Affronter sa solitude, c'est déjà vaincre la peur de la mort. Dès lors tout est possible. Personne ne peut exercer son emprise sur un esprit libre, personne ne peut récupérer un individu souverain, c'est-à-dire incorruptible.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p37)

Le héros est bien celui qui sort de l'ordinaire: qui sort de l'existence plus grand qu'il n'y est entré. C'est un témoin d'humanité ou encore un humaniste tel que le concevaient et l'illustraient les philosophes et les artistes qui ont fait la Renaissance: un être conscient de sa liberté et de sa dignité, capable de grandeur.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p47)

La noblesse du héros ne consiste pas à réussir mais à ne jamais abandonner.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p59)

Le vocabulaire d'une époque est toujours instructif: dans notre société moderne, on entend parler presque uniquement de « problèmes » et on s'emploie à les résoudre. Or dans le monde initiatique et spirituel qui est celui du héros il n'y a jamais de problèmes. Il y a des épreuves.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p59)

Les vivants sont ceux qui, loin d'occulter la mort ou de s'en protéger, l'ont saluée tout en lui proposant un combat singulier.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p102)

Le choix ne se situe pas entre la guerre et la paix, le chevalier n'a pas plus à fuir le champ de bataille, à se démettre de ses responsabilités, qu'à semer la mort, à accroître la violence: cette position subtile, qui réclame une vigilance et un courage constants, a pour sens d'être gardienne des valeurs d'humanité et de défendre celles-ci contre les forces de barbarie, contre toute manipulation et contre la lâcheté quotidienne.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p108)

La paix comme l'amour requièrent un cœur chevaleresque, ils ne sont pas le fait de gens mous, d'hommes peureux.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p108)

Seuls les êtres libres sont capables d'engagement.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p111)

C'est ici, dans l'épée -ou le sabre- qui demeure l'attribut du guerrier, que se révèle le paradoxe: le guerrier ne fait pas peur aux autres en raison d'une arme qu'il brandit, mais à cause de son propre courage. Ce dont on n'est pas capable soi-même, on le dénigre, on le rabaisse chez les autres. La grandeur du guerrier ne peut affoler que les faibles et inquiéter les mous qui préfèrent la pénombre tiède du confort à la clarté des idées énoncées, au franc-parler, à la lutte engagée.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p114)

L'épée du guerrier indique que le jugement d'ordre moral est indispensable pour sauvegarder les valeurs d'humanité et de civilisation.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p117)

L'épée du guerrier, qui est aussi une flamme matérialisée, tranche dans le vif au lieu de s'attarder; le guerrier ne se retourne pas, ne s'attache pas au passé, aux problèmes, à tout ce qui risque d'entraver son action. Avancer est pour lui une façon de se dépasser, de se dépouiller. Le guerrier du mythe n'est jamais un ancien combattant, il est toujours sur le champ de bataille, dans la lutte à venir. Il n'est pas intéressant parce qu'il souffre ou parce qu'il a souffert mais parce qu'il continue et transforme ses épreuves en cadeaux de vie. (…)

Le guerrier spirituel est d'autant plus exigeant avec lui-même qu'il ne montre nulle complaisance pour les autres. Mais il n'oblige personne à suivre son chemin.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p117)

L'honneur est la valeur fondamentale du chevalier, il implique le respect et la maîtrise de soi, la fierté d'âme et l'exercice de la vertu. Un chevalier redoute la honte plus que la mort. Pour lui il n'est point de bonheur sans honneur, d'amour sans dignité. Il ne s'agit pas de vaincre tous les autres mais de ne pas démériter de la grandeur en soi. Aussi victoires et défaites sont-elles indifférentes à qui veut d'abord se surpasser soi-même.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p216)

Un véritable chevalier est incapable de mensonge, de trahison, d'hypocrisie. Son cœur est confiant et clair, il n'a jamais de desseins tortueux, de coups prémédités. Il est bon de méditer un instant sur le mot franchise, qui désigne tout d'abord l'état de celui qui est franc, c'est-à-dire libre. On en déduira que lorsqu'on ment, c'est qu'on est esclave ou asservi; ou encore que le mensonge rend esclave.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p223)

"J'aime mieux mourir avec honneur que vivre avec honte", déclare Lancelot dans le récit de Chrétien de Troyes.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p 227)

Le sommet du courage guerrier s'avère l'abnégation. Le sommet de l'héroïsme s'appelle le sacrifice de soi.

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p 319)

La prudence et la modération barrent la route de l'héroïsme, ce sont des qualités qu'on attend d'un homme social, historique et psychologique: elles donneront les travailleurs dociles, les époux et les pères de famille. L'esprit bourgeois. Mais pour l'homme éternel, pour le héros du mythe et dans l'éthique aristocratique, l'excès et la fureur sont essentiels: toutes ces folies sauveront l'individu de la norme et de la mort. Là encore il faut choisir entre la thérapie et la voie initiatique…

Jacqueline Kelen (L'éternel masculin p 331-332)