Maxime Malfettes et la Résistance
Les prémices
Lorsque la deuxième guerre mondiale éclate, Maxime Malfettes est instituteur, il va avoir 34 ans.
Comme il a effectué son service militaire au 1er Groupe d'Aviation d'Afrique sur la base aérienne d'Hussein Dey de 1926 à 1927, il est mobilisé et affecté à la 2ème compagnie du Bataillon Air 201 le 2 septembre 1939. Il en sera démobilisé le 23 juillet 1940.
Maxime n'est cependant pas inconnu au Ministère de la guerre.
- A 18 ans, en 1923, il accomplit un stage au Centre Régional d'Instruction Physique du 19ème Corps d'Armée où il obtient un diplôme de Moniteur Instruction Physique. Ce n'est certes pas la gloire mais cela prouve qu'il possède des aptitudes physiques. Celles-ci lui seront bien utiles par la suite, mais il l'ignore encore.
- Après son service militaire, il effectue des "périodes" de réserves au 1er Groupe d'Aviation d'Afrique.
Ces quelques semaines dans le milieu militaire lui permettront de garder le contact et fourniront au Ministère de la Guerre des compléments à son dossier.
Puis c'est l'armistice. Presque tout le monde rentre chez soi; presque...
Maxime Malfettes ne se résigne pas !
Il n'est d'ailleurs pas le seul Malfettes d'Algérie: Roger Malfettes (élevé au rang de Compagnon de la Libération le 9 septembre 1942) appartient lui aussi à cette race de héros silencieux mais déterminés, prêts à laisser leur confort pour Servir.
En 1942, on retrouve Maxime Malfettes dans les Forces Françaises Combattantes. Cela lui vaudra l'insigne de la France Libre (n°34262).
Un métier de seigneur, l'aventure...
Que dit-il à ses parents Elise et Jules Malfettes ?
Jules est la deuxième génération de Malfettes nés sur le sol algérien où son grand-père Jean-Baptiste, le Tarnais de Pampelonne, est venu s'établir.
Elise et Jules ont perdu Lucien à 24 ans; Alexis est revenu de la guerre mais y repartira.
Alors Maxime apprend-il à ses parents la vérité quand par note de service n°2.076 datée du 15 juin 1943, il est affecté avec son ami Maurice Escoute au "Service Missions" détaché au service des Etats-Unis à Londres?
Londres, l'Office of Strategic Services, le fameux OSS...
Maxime Malfettes a beau être en pleine forme, ici l'entraînement c'est autre chose que le brevet de moniteur d'instruction physique du CRIP.
C'est la guerre et dans les services spéciaux en plus ! L'adage "une goutte de sueur égale une goutte de sang" est appliqué au pied de la lettre.
La réalité dépasse rapidement la fiction et en plus on imagine l'ambiance: "Vous êtes Français ? Vous voulez défendre votre pays ? Alors montrez de quoi vous êtes capable mon vieux !"
L'établissement de la légende
Toute action clandestine implique l'établissement d'une légende destinée à crédibiliser l'identité fictive de l'agent.
Exit donc Maxime Malfettes et voici Maxime Brunet, directeur commercial import-export de fruits, légumes et primeurs.
Brunet est en possession de divers documents attestant de sa qualité, cartes de visite bien sûr mais aussi des papiers officiels revêtus de timbres parfaitement légaux:
-contrat de travail:
-sauf-conduit:
-certificat de démobilisation:
-carte de tabac:
-simple liste commerciale de prix:
En France occupée
L'environnement étant construit, il va maintenant falloir se mettre au travail.
D'abord se rendre en France. Depuis novembre 1942, la ligne de démarcation n'existe plus: toute la France est occupée.
En janvier 1944, le Reich ne recule pas encore et c'est le 28 du mois que "Tartufe" et "Alceste" sautent en parachute au sud de Bordeaux avec leur matériel.
La mission VARLIN vient de commencer.
Ses ordres sont simples: établir le contact avec la Résistance à Paris puis effectuer du sabotage d'usines travaillant pour les Allemands et du renseignement pour les Alliés.
Le drame.
Comme toujours pour ce genre de mission, le parachutage est effectué de nuit ce qui permet à l'avion d'être moins vulnérable mais le largage est prévu au sud de Bordeaux dans les Landes, région très plate comportant peu d'obstacles pour l'ennemi.
Les parachutistes lourdement chargés et les conteneurs de matériel doivent être largués de 400 mètres, hauteur permettant aux voilures de ralentir la chute.
Ce 28 janvier 1944, la nuit est claire et l'ennemi ne semble pas rôder dans les parages puisque le comité de réception est bien là et balise la zone de saut par des feux de signalisation.
Malgré cela, le pilote craint manifestement une présence ennemie et ne veut pas constituer une cible facile. Il applique alors une tactique simple: voler le plus près possible du sol afin réduire le temps de visée d'un tireur. De plus, il n'effectuera qu'un seul passage au lieu des deux initialement prévus.
Les hommes et le matériel sont largués en une seule passe.
Tartufe, Alceste et Plantoir le radio sautent ensemble. C'est par le rapport de Tartufe daté du 28 février 1944 qu'on apprend qu'Alceste ne reverra plus Célimène.
Largué trop bas, son parachute s'est ouvert trop tard et ne l'a pas ralenti. "L'atterrissage fut très dur" dit le rapport. Alceste a le sternum et le côté droit du thorax brisés et une fracture du bassin.
Le comité de réception va devoir prendre le risque de rentrer dans Bordeaux occupé pour transporter Alceste dans une clinique.
Le lendemain, Tartufe se rend aussi à la clinique: "à mon arrivée à la clinique, j'appris alors que j'avais perdu mon meilleur ami".
Alceste sera inhumé au cimetière de Caudéran sous le nom de Maurice Escande.
Pendant des mois, les futurs Tartufe et Alceste ont subi un entraînement physique très dur au sein de l'OSS américain; ils ont préparé ensemble la mission VARLIN dans les moindres détails pour pouvoir faire du sabotage et du renseignement en terrain ennemi. En une nuit, en un instant, tout a basculé.
Peut-on imaginer l'état d'esprit de Maxime Malfettes alias Maxime Brunet qui doit traverser la France occupée jusqu'à Paris avec les contrôles de la Milice, de la Feldgendarmerie et la Gestapo sur les dents ?
VARLIN transmet !
Le 15 février 1944 à Paris, Tartufe se présente à Louis Saillant, président du Conseil National de la Résistance qui l'attendait.
La mission VARLIN peut débuter. Elle va s'implanter dans Paris et sa région, nouer des contacts, créer un réseau pour renseigner et saboter.
Exemple de questionnaire du Service de Renseignement:
Exemples de messages (en clair):
Vivre dans la clandestinité en France occupée
La sécurité est l'ensemble des règles qui doivent guider la conduite d'une vie clandestine ou qu'un agent doit appliquer dans son comportement pour protéger et couvrir son activité, afin d'éviter d'être décelé, neutralisé et détruit par les Services adverses.
L'application de ces règles doit être le souci constant et primordial de tout clandestin, d'où création chez lui d'un véritable "ETAT DE QUI-VIVE" fait de réflexes de sécurité. Toute négligence, même infime, peut entraîner en ce domaine, des conséquences extrêmement graves.
Maxime Malfettes alias Tartufe doit donc organiser sa propre vie et celle de son réseau en fonction de ces règles de sécurité. Il doit veiller à leur application par tous, hommes et femmes dans un seul but: remplir sa mission.
Il s'appuie pour cela sur des hommes courageux qui multiplient les risques: extrait du rapport n°2 du 26 mai 1944 "l'équipe réussit à pénétrer dans l'usine qui chômait ce jour-là, malgré une garde de 20 Allemands; son travail effectué, elle se retira sans éveiller l'attention, quelque moment après les explosions se succédèrent tuant 2 Allemands, en blessant plusieurs autres..."
Mais le patriotisme et le courage ne sont pas l'apanage des seuls hommes:
Violette Leylavergne est secrétaire et agent de liaison:
Fernande Parise héberge le réseau:
Peut-on imaginer les risques pris par ces patriotes dans un environnement contrôlé par la police allemande, la milice et la Gestapo toutes trois surexcitées par un contexte défavorable à l'envahisseur (retraite sur le front de l'est, défaites en Afrique du Nord, imminence d'une offensive alliée) mais ayant toutes trois encore conservé intact leur puissant et omniprésent appareil de répression ? N'oublions pas que le dernier convoi de déportés est parti de Drancy le 31 juillet 1944 et que Paris ne fut libéré qu'en août.
Pourquoi faudrait-il qu'une chose soit grande pour être importante ?
L'épilogue.
Avec la libération de Paris en août 1944 prend fin la mission VARLIN. (Les deux rapports rédigés par Maxime Malfettes alias Tartufe figurent dans les pièces jointes).
Il va maintenant falloir faire face à l'administration d'après guerre qui reprend ses prérogatives. Maxime va devoir prouver qu'il appartenait à une organisation clandestine étrangère -l'OSS, les services spéciaux américains- agissant sur le territoire français avec l'aval de la DGER, les services secrets de la France Libre.
Il a dû pour cela fournir nombre d'attestations réclamées auprès de services qui n'avaient pas été informés à l'époque des faits pour des raisons de sécurité.
Des vérifications sont faites au nombre desquelles un interrogatoire conduit par un service adéquat de la DGER.
Finalement, le "sergeant" de l'OSS est proposé (puis effectivement promu) Chargé de mission de 1ère classe avec assimilation au grade de capitaine.
La situation administrative est peu à peu régularisée par la France
La reconnaissance de l'Office of Strategic Services.
Maxime Malfettes est décoré de la Silver Star medal "for gallantry in action" (le diplôme figure dans les pièces jointes).