Le contexte de relative stabilité politique qui suit les dernières invasions en Occident n'est pas étranger à l'élan bâtisseur que connaît alors la société occidentale. Les premières manifestations de l'architecture romane apparaissent en Europe méridionale (du nord de l'Italie à la Catalogne en Espagne) à la fin du Xe siècle. Le style roman se répand ensuite en Europe occidentale dans le cours du XIIe siècle.
Saint-Michel-de-Cuxa (Roussillon) est la plus ancienne abbaye romane de la région.
L'église est consacrée en 975 et représente bien l'architecture du premier âge roman : la maçonnerie rustique obtenue à partir de pierres éclatées au marteau ; le décor de bandes lombardes (motifs de maçonnerie en faible relief).
À cette époque, l'Église amorce une réforme radicale au sein de ses structures pour l'amener à se soustraire à l'influence des laïcs et faire respecter son indépendance vis-à-vis du monde temporel, et même à prétendre incarner l'autorité suprême. C'est là tout le projet de la réforme grégorienne des XIe et XIIe siècles. Cette volonté de puissance, l'Église voudra l'affirmer par des symboles forts et éloquents. L'architecture romane participe donc du projet politique de l'Église médiévale qui vise à instaurer sa suprématie sur toutes formes de pouvoir terrestre.
L'expansion du style roman suit le réseau des monastères qui sillonnent les contrées de la chrétienté. À cet égard, la fondation de Cluny (910) est déterminante en ce que très rapidement, le monastère se retrouvera à la tête d'un puissant réseau d'institutions indépendantes du pouvoir des seigneurs et des princes. L'ordre clunisien, de même que l'ordre cistercien qui se développe au XIIe siècle, joueront un rôle essentiel dans la diffusion des techniques et des styles qui constituent l'art roman. Un art pourtant diversifié, car chaque région adapte les procédés à sa manière et selon ses besoins.
La salle capitulaire de l'abbaye de Fontenay montre un bel exemple de voûte d'arêtes. Fondée par Bernard de Clairvaux en 1119, cette abbaye représente l'idéal de sobriété et de simplicité des premières communautés de moines réformées selon la règle de Cîteaux.
L'innovation capitale de l'architecture romane est le remplacement de la charpente en bois par la voûte de maçonnerie (dite appareillée) pour couvrir les grands édifices religieux. La charpente en bois est souvent détruite par le feu des torches ou des bougies, ou par la foudre. La pierre est un matériau plus prestigieux qui offre, par ailleurs, une acoustique bien supérieure au bois. L'usage en est d'abord réservé à certaines sections seulement (la crypte, le choeur où se trouvent les reliques) pour s'étendre ensuite au recouvrement des grandes nefs.
Afin d'éviter l'effondrement, la construction devra répartir harmonieusement les charges.
Le problème majeur que les bâtisseurs de cette époque ont dû résoudre consiste dans le poids formidable de la voûte en pierre qui couvre la grande nef centrale. Ce poids exerce une force d'écartement (ou poussée latérale) sur les murs qui supportent la voûte. Les maîtres bâtisseurs romans vont trouver divers moyens pour contrebalancer la poussée exercée par la voûte, de telle sorte que les édifices pourront gagner en hauteur et renouer avec une monumentalité vouée à l'exaltation de la foi chrétienne. [Quelques notes sur la voûte romane.]
L'un de ces moyens consiste à opposer une force de contrebutement à la poussée latérale. [Voir schema]. Cette force sera transmise par les tribunes aménagées au-dessus des nefs collatérales. Les demi berceaux (petits arcs de cercle qui rejoignent la base de la tribune avec la base de l'arc plein cintre) exercent une force dynamique qui s'oppose à la force d'écartement des murs. Les murs de la tribune seront percés d'ouvertures qui permettront d'éclairer l'intérieur. Le triforium désigne la galerie ajourée qui donne sur la nef.
Un autre moyen : la voûte en berceau est consolidée par l'adjonction, à intervalles réguliers, d'arcs transversaux ou doubleaux (voir nef de Vézelay en cliquant ICI).
Les bâtisseurs romans utiliseront également la voûte d'arêtes : deux berceaux qui se croisent à angle droit. Cette technique permet d'orienter les charges sur les 4 piliers qui soutiennent les arcs, permettant ainsi de soulager les murs qui peuvent s'ouvrir davantage pour laisser entrer la lumière.
À la fin de l'époque romane, on enrichit le procédé par des nervures de pierre (les ogives) qui répartissent mieux encore les charges vers les piliers ou les colonnes [ Voir un schéma].