J12 (07/06/12)… suite
Le Lemur Forest Camp est un site écotouristique situé entre Ambositra (85 km) et Fianarantsoa (65 km), quelques kilomètres avant le village d'Ambohimahasoa. Il se tient à l'intérieur de la réserve d'Ialatsara où se trouve une des dernières forêts humides d'altitude (1000 à 1500 mètres) sur une étendue de 2 500 hectares, dont 1 000 ha de forêt primaire. Créée en 2002, la réserve (auparavant rattachée au parc national de Ranomafana) est gérée par un couple franco-malgache, Bérénice et Daniel Rajaona, en partenariat avec le Ministère des Eaux et Forêts de Madagascar. Leur action vise à préserver les derniers lambeaux de forêt primaire présents à Ialatsara et la biodiversité du site avec 6 espèces de lémuriens, 7 espèces de caméléons et une grande variété d'oiseaux, de reptiles et d'orchidées.
L'hébergement rustique, très rustique se fait soit dans des tentes fixes en toile et bois avec sanitaires partagés ou depuis peu dans de petits bungalows en bois avec sanitaires privés mais non pourvus d'eau courante pour l'instant (eau au broc et douche au seau). Pas d'électricité sauf dans la salle commune en soirée.
C'est dans un de ces bungalows de dernière génération que nous nous installons. Nous serons les seuls hôtes du camp ce soir-là.
Hervé se sent un peu mieux, cela tombe bien car à 18 heures, Daniel nous attend pour une visite nocturne dont l'objectif principal est l'observation d'un petit lémurien nocturne, le microcèbe roux.
D'ailleurs, en voici un, attiré par un peu de banane écrasée. L'apparition est furtive !
Microcebus rufus
La promenade de nuit se poursuit… et voilà un caméléon en train de dormir : un Calumna gastrotaenia !
Gastro… quoi ? En tout cas, le mal dont souffre Hervé le reprend subitement, il est obligé de regagner la chambre dont il ne ressortira pas avant le lendemain matin. Je finis la balade toute seule et verrai encore d'autres animaux endormis : caméléons, criquets et oiseaux.
Je commande ensuite deux seaux d'eau chaude pour la douche. Hervé est mal en point. Spontanément, Daniel lui fait préparer une thermos de tisane, une décoction de feuilles de Harungana madagascariensis censée stimuler les fonctions digestives, apaiser les douleurs intestinales et gastriques. Espérons qu'elle puisse le soulager !
Dans ces conditions, je dîne en tête à tête avec Daniel, l'occasion d'échanger sur mes premières impressions malgaches autour d'un délicieux repas préparé à base de produits du jardin et de la ferme (car le camp assure pratiquement son autosubsistance). Au dessert, un crumble à l'ananas dont je raffole tout particulièrement.
Pour demain matin, je prévois une randonnée dans la réserve à la rencontre des lémuriens… du moins si le malade est rétabli.
J 13 : Vendredi 8 juin 2012
Réveil avec le chant du coq et le braiement d'un âne (oui, le camp compte également une ferme) et par le ruissellement de l'eau sur le toit du bungalow. Il ne pleut pas mais nous sommes au cœur d'une forêt d'altitude... humide, très humide !
Grâce à la décoction de Harungana, notre malade se sent beaucoup mieux. Ouf, nous pouvons confirmer la balade de ce matin en souhaitant être de retour à 11 heures car une longue route nous attend.
Daniel envoie immédiatement ses pisteurs dans la forêt, ils sont chargés de repérer pour nous les groupes de lémuriens. Après le petit déjeuner agrémenté de jus et de confitures maison (un délice !), nous explorons un peu les alentours du camp en attendant notre guide.
Un petit coup d'œil au jardin où cette Poinsettia ou Euphorbia pulcherrima (en rouge) fait bon ménage avec cette Astéracée, Ageratum conyzoïdes, en mauve.
Un autre coup d'œil sur les arbustes et là, coup de chance, pour la première fois depuis notre arrivée à Mada, Hervé tombe lui-même sur un caméléon, probablement un Calumna brevicorne, reconnaissable à ses larges lobes occipitaux en forme d'oreilles d'éléphant.
Moi aussi je me mets à balayer du regard les fourrés et comble de chance trouve un deuxième caméléon. C'est un Calumna nasutum, facilement reconnaissable à son appendice nasal. Qu'il est mignon !
Enfin, jamais deux sans trois… voilà que nous en trouvons encore un troisième, sans doute Calumna gastrotaenia (comme celui vu hier soir en train de dormir).
Côté caméléons, nous n'avons pas perdu notre matinée. Espérons autant de chance avec les lémuriens. Les pisteurs sont en place, on peut y aller ! C'est Massane qui nous accompagne et nous sert de guide.
Nous traversons d'abord une forêt artificielle composée essentiellement d'eucalyptus, de pins d'Argentine et du Mexique, plantés dans la première moitié du vingtième siècle suite à la destruction de la forêt originelle puis arrivons dans un lambeau de forêt primaire, beaucoup plus dense.
Le guide qui connaît le moindre recoin de la réserve nous déniche une nième espèce de caméléons, un couple de Brookesia thieli. Les Brookesia sont les plus petits caméléons du monde, ils mesurent de 6 à 9 centimètres. Lents de nature, ils se déplacent peu, ce qui explique sans doute la facilité pour notre guide à les trouver. Ils vivent au sol ou sur des branches basses.
Un peu plus loin, Massane commence à appeler ses collègues et se repère au son de leurs voix. Rapidement, nous quittons tout sentier pour nous diriger vers le fond de la vallée. A coup de machette, les pisteurs nous fraient un passage dans la végétation. Ils ont repéré deux groupes de lémuriens, quatre individus d'un côté et deux de l'autre.
Nous approchons doucement et les découvrons d'abord très haut dans la canopée. Ce sont des propithèques diadème de Milne-Edwards, reconnaissables à leur pelage brun foncé et à la tache claire en forme de papillon qu'ils arborent sur le dos.
En quelques bonds très aériens, l'un d'eux plus téméraire descend progressivement de plusieurs étages pour poser pour la photo. Nous sommes aux anges !
Propitechus edwardsi
Nous ne nous lassons pas du spectacle mais l'heure tourne et si nous voulons tenir notre horaire, il est temps de penser au retour. Afin de rentrer plus rapidement, nous nous dirigeons avec notre GPS vers la route Nationale que nous remontons jusqu'au camp.
En cours de route et alors qu'à cette saison (hiver), la végétation florale est en dormance, nous avons la chance (aujourd'hui c'est jour de chance !) de voir cette orchidée au labelle quadrilobé d'un blanc éclatant avec une base légèrement rosée...
Oeonia rosea
11 heures : nous sommes pile dans les temps et quittons le Lemur Forest Camp pour le Catta Camp dans la vallée du Tsaranoro, soit 156 km de Nationale suivis de 20 km de piste. Un parcours estimé à 5 heures au minimum.
Alors en route !
Je ne vous ai pas encore parlé des contrôles de police. Les gendarmes ou les policiers sont postés presque à chaque entrée ou sortie de localité sur l'ensemble de la Nationale. Ils traquent particulièrement les taxis-brousse surchargés mais aussi les voitures particulières, à la recherche de la moindre faille. Le litige se règle en général non pas par une amende mais par le versement d'un bakchich. Interrogé à ce sujet, Rodolphe notre loueur nous avait dit que nous pourrions être confrontés à ce type de pratique.
Mais curieusement, depuis notre départ de Tana, à l'approche de chaque point de contrôle, les policiers nous faisaient aimablement signe de passer. Nous pensions qu'en tant que touristes nous étions privilégiés. Mais d'autres touristes véhiculés par des chauffeurs nous ont raconté avoir été arrêtés et le chauffeur obligé de glisser un petit billet aux policiers. Sans parler des touristes voyageant en transport en commun rackettés eux aussi comme évoqué ICI. Alors sans doute nous prenait-on pour des résidents français à Mada (les résidents ne s'arrêtent pas aux contrôles, paraît-il). Bref, pour l'instant, nous étions chanceux et espérions continuer à passer au travers.
Mais 6 km après notre départ, à la sortie de la petite ville de Ambohimahasoa, cette fois-ci, pas de chance, on nous arrête. Contrôle des papiers d'identité et des papiers du véhicule. Le flic nous dit qu'il manque la carte violette et que nous sommes donc en infraction. Hervé se dit prêt à payer une amende officielle avec un reçu (qu'on se ferait ensuite rembourser par le loueur) mais notre homme n'a aucune véritable intention de dresser un PV. Après une demi-heure de tergiversation où il nous menace de nous confisquer les papiers du véhicule, il nous fait comprendre que l'affaire peut être close avec 20 000 ariarys, l'équivalent de huit euros qui représente pour lui un juteux bakchich quand on sait que le salaire moyen de base est de 40 euros.
Le loueur nous dira plus tard que cette carte a été remplacée récemment par un autre document qui était bien en notre possession.
Cette expérience nous refroidit un peu et nous laisse perplexe quant au degré de corruption à tous les échelons.
Heureusement que les paysages nous font vite oublier cette désagréable sensation.
A Fianarantsoa (Fianar pour raccourcir), nous faisons le plein de carburant et quelques petites courses (gâteaux secs, fromage à tartiner...). Nous sommes très agréablement surpris par la consommation du 4 x 4 : 11 à 12 litres au 100, ce qui est peu pour un véhicule de ce type. C'est vrai aussi que nous roulons mora-mora.
Après Fianar, on commence à voir les contreforts du massif de l'Andringitra et quelques dizaines de km plus loin, dans une grande descente, la vallée d'Ambalavao s'ouvre soudainement comme un décor de western… magique !
Ambalavao : nichée au fond d'un cirque montagneux, la petite ville vit sous l'influence du Sud qui commence ici. Il y fait déjà plus chaud, les alentours sont désertiques et rugueux. Nous sommes passés de 1300 à 1000 mètres d'altitude.
La région est aussi la plaque tournante du commerce du zébu. Tous les mercredis a lieu ici un grand marché aux zébus. Les troupeaux, nous ne tardons pas à les croiser, ils se suivent sur des kilomètres… avec des dizaines et des dizaines de bêtes qui vont d'ailleurs nous ralentir un peu.
Il est 16 heures, nous quittons la route principale à 37 km au sud d'Ambalavao. Il nous reste une bonne vingtaine de kilomètres de piste jusqu'à notre destination finale.
Après avoir payé un petit droit de passage dans deux villages successifs, les choses sérieuses commencent. Hervé passe en mode 4 x 4 et se fait plaisir avec du franchissement. La piste est mauvaise avec des passages délicats mais notre tacot assure largement.
La vallée est très belle, ponctuée ça et là de petites maisons aux toits de chaume.
Comme à chaque fois, les coordonnées GPS sont parfaitement exactes. Il est 17 heures quand nous arrivons à destination, tout juste avant le coucher du soleil. Ouf, quelle journée !
La fin de la journée est en page suivante...