Restauration d'un téléviseur ORA 819 lignes

Ce téléviseur date de la fin des années 50.

C’est un modèle assez commun pour l’époque, mais dans les Deux-Sèvres, région Poitou-Charentes, cette génération d’appareils est assez rare. L’émetteur de la ville de Melle n’a été mis en service qu’à partir de 1960 et les premiers tubes 110° «coins carrés » ont très vite envahi le marché. On ne trouve donc que très peu d’appareils de ce genre et aucun à tube rond.

L'appareil est en assez bon état de conservation, c'est bien sûr un noir et blanc 819 lignes équipé d'un tube cathodique de 43 cm de diagonale.

Je ne possède pas le schéma de ce téléviseur, mais avec l’aide de mon petit répertoire Télétube et de quelques ouvrages techniques de W. Sorokine je dois pouvoir m’en sortir.

Le vernis de l'ébénisterie, sous sa couche de crasse, semble en très bon état, sans craquelures. Peu de rayures et de traces d'impacts sont à déplorer, la restauration de la caisse ne devrait pas poser de problème.

Mauvaise surprise à l'intérieur, le châssis a été dépouillé de toutes ses lampes. Malgré tout, il semble en bon état, pas trop de rouille à déplorer.

Côté câblage, quelques fils on été sectionnés à la pince coupante et quelques composants semblent avoir été prélevés.

Tout d’abord un point important : l’état du tube cathodique. Inutile de poursuivre la restauration si ce dernier s'avère hors d'usage, je n'en possède pas d'autre pour le remplacer.

C’est l’occasion d'étrenner ce petit contrôleur de cathoscope Radio-contrôle que je viens juste de retaper (condos + inter remplacés), cela ressemble à un grid dip.

Il est possible d’apprécier le débit du tube à l’aide d’un œil magique EM85 et de déceler d’éventuelles fuites inter électrodes.

Je raccorde l’appareil au tube : le filament s’allume, le EM85 s’éclaire et ses secteurs progressivement s’agrandissent. Le potentiomètre du cadran gradué en Volt permet de faire varier le potentiel Wehnelt cathode.

Soulagement ! Le tube semble OK, c’est à partir de – 50 V que l’œil magique commence à bouger, et une pression sur le bouton débit max. fait qu'il s’allume entièrement.

Un essai comparatif sur un autre tube d’un téléviseur déjà restauré et fournissant une image correcte ne donne pas de meilleur résultat : débit à partir de – 40 V.

Je vais donc pouvoir m’attaquer au démontage avec sérénité...

Voici le châssis et son tube MW43-22 sortis de l’ébénisterie, opération délicate, l’ensemble est assez lourd et manque de rigidité mais pas de casse.

Deux tubes ont échappé au pillage car cachés par la tourelle THT : la puissance ligne PL81 et une ECL80

Petite surprise : le haut-parleur est un elliptique à excitation !

Détail du mécanisme de translation de l’aimant circulaire du réglage de concentration magnétique, appareillage absent sur les générations de tubes suivantes (focus électrostatique).

La bride située juste après le culot maintient l’aimant du piège à ions, accessoire lui aussi disparu sur les tubes modernes.

Câblage de l’alimentation des filaments des lampes en série, comme sur les postes tout-courant.

Courant de chauffage tubes série P : 0,3 A.

Après un dépoussiérage au pinceau et au compresseur qui, hélas n’a pas éliminé la crasse,

j’utilise mon produit miracle : la crème à récurer Cif directement appliquée pure avec un chiffon.

Son pouvoir décrassant est incroyable, cela donne un très bel effet de polissage si on insiste et marche pour toute sorte de matériaux. Ce produit ne laisse pas de traces au séchage.

Pour les zones rouillées, la peinture aluminium pour tuyaux de chauffage, appliquée avec un petit morceau de chiffon doux légèrement imprégné, donne un superbe résultat.

Nettoyage des petites pièces métalliques oxydées avec une brosse en acier rotative.

Voici le résultat avec le tube remonté et lui aussi nettoyé.

Prochaine étape : retrouver le jeu de tubes au complet pour l’équiper à nouveau, normalement je dois avoir en stock tout ce dont j’ai besoin. Ces lampes TV Noval sont parmi les plus courantes.

Le châssis est enfin entièrement retubé.

Retrouver le jeu complet de lampes n’a pas été trop compliqué, une analyse du câblage et du brochage pour chaque tube associé à sa fonction ne laisse pas beaucoup de possibilités.

La liste :

- Redressement alimentation HT : PY82+PY82

- Ampli FI vision : EF80+EF80+EF184

- Ampli FI son : EF80+EBF80

- Rotateur VHF : ECC84+ECF80

- Ampli vidéo : PL83

- Ampli BF : PCL82

- Balayage ligne : PL81+PY81+ECL80+EY802

- Balayage trame : ECL80

- Séparation synchro : ECL80

Relevé du schéma de l’alimentation.

A noter : le montage de la self de filtrage (bobine excitation du HP) côté masse et élaboration des tensions négatives de polarisation à ses bornes.

- Le châssis est au potentiel du secteur !

Une remarque importante :

- Le châssis n’est pas isolé du secteur, c’est un autotransformateur qui assure l’alimentation.

Donc pas question d’installer une entrée RCA vidéo pour le raccorder à un quelconque lecteur DVD ou récepteur TNT.

La fiche d’antenne est parfaitement isolée du châssis, l’emploi d’un modulateur VHF sera le moyen pour diffuser des programmes sur cet appareil en toute sécurité.

Les précautions à prendre pour le dépannage sont les mêmes que pour les postes TSF tout-courant : usage IMPERATIF d’un transformateur d’isolement secteur lors des interventions sous tension (mesures, réglages).

Maintenant, il est temps de faire une première mise sous tension, juste pour contrôler que tout est OK au niveau de l’alimentation des filaments des tubes, haute tension déconnectée aux cathodes des valves et condensateur papier de découplage secteur supprimé.

Pour cet essai, j’utilise un transformateur variable équipé d’un ampèremètre pour un contrôle de la consommation, histoire de limiter la casse en cas de court-circuit.

La mise sous tension se fait de façon progressive, jusqu’à 230 V, en surveillant l’augmentation du débit en courant.

En partant d’une tension d’une dizaine de Volts, l’intensité finit par se stabiliser à 235 mA après une montée progressive jusqu’à la valeur nominale du secteur.

C’est tout à fait correct, ce que confirme l’éclairage des filaments de toutes les lampes.

Prochaine étape : câblage des éléments manquants, remplacement de condensateur.

Voilà, c’est fait ! Le téléviseur est prêt à redémarrer complètement cette fois-ci.

La restauration des circuits a été plus longue que prévue, il devait bien manquer une douzaine de composants (capas + résistances).

Les différentes étapes :

- Tout d’abord, remplacement des condensateurs «cartouches » électrochimiques de filtrage de l’alimentation HT, il n’y a pas à hésiter, en général ils sont tous morts. Pour les 25 V, on verra plus tard.

Je récupère juste les emballages en carton cylindriques recouvrant les anciens condos pour les enfiler sur les nouveaux avant soudage, histoire de donner un aspect pas trop bidouillé au montage.

- Ensuite, pour les condensateurs papiers/goudrons (semblables à ceux que l’on trouve dans les postes TSF), je n’ai pas pour habitude de tous les remplacer systématiquement, mes stocks ne sont pas inépuisables.

Je procède plutôt de façon ciblée :

- Suppression de celui monté en parallèle sur le secteur, en général ça commence par bouillonner et ensuite… paf !

- Remplacement de ceux montés en liaison anode/grille de commande des différentes pentodes de puissance ( PCL82 ampli trame, ECL80 ampli BF, PL81 balayage lignes).

- Il y a aussi ces affreux condos de marque « Régul » recouverts d’une espèce de cire, je n’en ai jamais vu un seul de bon, à changer systématiquement quelle que soit leur fonction.

- Pour les autres, à voir en cours de dépannage…

- Concernant les résistances, je n’effectue aucun contrôle préalable, leur précision à 20 % n’est déjà pas terrible et des écarts de 10 % supplémentaires sont fréquents, mais généralement cela marche quand même.

- Le contrôle rapide à l’ohmmètre du primaire des transfos trame et BF est OK, par contre, l’un des enroulements du bloking trame (oscillateur vertical) est coupé. C’est assez fréquent, l’impédance élevée des deux enroulements de rapport de transformation proche de 1, nécessite le bobinage d’un fil émaillé très fin et donc fragile.

Remplacement par un modèle plus récent et plus petit, mais cela devrait le faire.

- La suite : recherche de schémas types approchants afin de pouvoir câbler les quelques éléments manquants. Certaines valeurs de résistance seront sûrement à réajuster après les premiers tests.

L’ensemble des potentiomètres de réglage est accessible à l’utilisateur.

A gauche, la petite poulie d’entraînement du câble de la commande de concentration magnétique.

Maintenant, c’est l’instant crucial ! L’appareil est raccordé au transfo variable, cette fois directement réglé à la valeur du secteur.

La sonde de l’oscilloscope raccordée au + de l’alim HT afin de surveiller son établissement correct.

Mise sous tension ! Quelques secondes d’attente et la trace sur l’écran de l’oscilloscope décolle pour monter jusqu’à 290 V environ et redescendre ensuite à 230 V.

Rapidement, je commence à entendre le petit bourdonnement caractéristique de l’oscillateur trame.

Je connecte aussitôt la sonde sur la grille de la PL81 (puissance ligne) pour m’assurer que la commande est bien présente, inutile de fatiguer le tube si elle est absente. Ouf ! c’est OK.

Oscillogramme du signal de commande ligne à la grille de la PL81.

Petit coup d’œil sur la EY802 (redressement THT), son filament progressivement s’allume, ça crépite : la THT fonctionne !

Reste à attendre l’apparition de quelque chose sur l’écran, c’est ma priorité du moment.

Les secondes passent…, puis la minute… et toujours aucune lumière, rien à l’écran !

Je tourne plusieurs fois le potentiomètre de réglage de luminosité, sans succès.

Bon, pas de panique !

Comme aucune odeur suspecte ou de fumée ne semblent émaner du patient, j’en profite pour effectuer les premières mesures sur le support du tube image : 216 V sur la cathode, 160 V sur le Wehnelt et 263 V sur la G2.

Cette dernière tension est nettement insuffisante, elle devrait être d'au moins 400 V (par rapport à la masse).

Je décide donc le remplacement de C2, un 100 nF (sûrement très fuyard) qui ramène les impulsions d’effacement trame sur la grille 2 du tube ainsi que C3, le filtrage du Wehnelt (100 nF)

Relevé du circuit d’effacement, les éléments remplacés sont cerclés en rouge.

Feuille de données du tube.

Toutes les tensions ont pour référence la cathode.

Extinction du spot entre – 22 et – 44 V au Wehnelt, la mesure sur le tube donnait – 56 V avant le remplacement de C3.

Cette fois, c’est la bonne ! Enfin de l’image, le petit testeur Radiocontrole ne s’était pas trompé !

Le tube est super bon, le spot est d’une très grande finesse, il focalise parfaitement sur toute la largeur de l’écran et est très lumineux. Ça promet de superbes images !

Il y a quand même encore pas mal de boulot, l’amplitude verticale plafonne à 10 cm , il va falloir régler le problème avant d’aller plus loin.

Mesure de la tension THT : pratiquement 14 kV comme préconisé dans la feuille de data du tube.

Le remplacement de la puissance trame PCL82 n’a rien amélioré.

Les premières mesures à l’oscilloscope sont pour l’élément pentode de ce tube.

L’examen de l’oscillogramme à l’anode est le plus parlant, le signal est comme saturé, sauf sur le front raide du retour trame où est présent un fin pic de surtension.

L’amplitude de la dent de scie à la grille de commande semble plus que suffisante, même si un peu arrondie.

La tension relevée à la cathode est par contre élevée : 30 V.

Tout cela me fait penser à un amortissement du transfo de sortie, l’ampli est comme en surcharge.

Je remets en marche le téléviseur, déviateur trame déconnecté. Le signal à l‘anode reste identique : c’est bien au niveau du transfo !

Son examen après démontage m’apporte la solution : le primaire et le secondaire sont reliés ensemble à une même cosse.

Lors de la remise en état de l’ampli trame (en partie décâblé), j’ai relié au + HT la prise intermédiaire de la grille écran de la pentode que je croyais être l’extrémité de l’enroulement primaire (lui-même déjà relié au +HT)

Résultat : court-circuit partiel du primaire.

Après remontage et rectification du câblage du transfo, ça fonctionne parfaitement !

J’en profite pour raccorder une source, cette vieille mire Ribet Desjardins 466b.

Elle fournit un quadrillage 819 lignes en VHF, très pratique pour dégrossir la mise au point avant la modification en 625 lignes (je ne possède pas de convertisseur Aurora).

Il va de soi que ce genre d’appareil ancien doit être parfaitement révisé et calibré afin d’être parfaitement serviable.

La photo de l’écran est assez flatteuse, en réalité l’image manque pas mal de contraste malgré un réglage au niveau max. de la sortie VHF de la mire.

Pour information, les oscillogrammes obtenus en fonctionnement normal (ça peut toujours servir de référence).

Signal de commande de grille de la penthode puissance trame.

Signal à l'anode de l'élément penthode de puissance trame.

Oscillogrammes relevés à 5 ms/carreau.