Historique

Association pour la Sauvegarde de Saint Etienne de Chatel

L'église de Chatel qui est sous le vocable de Saint-Etienne, premier diacre martyr, est de la plus haute antiquité. La tradition la fait remonter aux premiers siècles, au temps de l'évangélisation de la région lyonnaise par Saint Pothin et ses disciples.

A vrai dire on ne possède aucun document authentique sur son origine. Ce que nous en savons ne vient guère que par les traditions populaires communes à tant d'autres églises. On croit généralement qu'elle remonte aux premiers siècles du christianisme et que cet édifice a peut être été d'abord souterrain ou a succédé à un temple ; Une pierre sur laquelle se trouve sculpté un poisson témoigne d'un symbole en usage chez les premiers chrétiens. Le mot grec ixous (ictus) qui signifie poisson est sculpté sur cette pierre .Il n'est pas du tout invraisemblable que sur ce point haut de la corniche du Revermont l'armée romaine ait jadis installé un cantonnement du type fortin ( castellum) et un poste d'observation.

Au IV siècle avec l'empereur Constantin, l’église étant sortie des catacombes, on dut élever presque partout des temples au vrai Dieu et pour satisfaire la piété des chrétiens on éleva à la hâte des églises et l'on choisit de préférence des lieux élevés pour qu'un plus grand nombre put assister aux cérémonies. De la ces églises remontant à la même époque et qui se trouvent bâties sur les sommets comme Chatel ou Saint- Etienne de Coldres au dessus de Conliège .On explique ce culte rendu à Saint- Etienne dans les églises des Gaules par la générosité de Sainte Hélène, mère de Constantin, laquelle rapporta de Jérusalem une relique du martyr et en fit don à l'église de Besançon.

Les églises d'alors tinrent à l'honneur de posséder une parcelle de cette relique. Cette petite église de Chatel comme le rapporte la tradition, avait été considérée comme une église mère et devait servir au culte pour tout le pays qui s'étend au pied de la montagne ( Chatel est à près de 500 m d'altitude).

La tradition nous dit encore que Chatel était alors l'unique paroisse pour tout ce territoire entre Jura et Bresse. On allumait au moment de la messe un bûcher dont les flammes devaient s'apercevoir de très loin.

Il n'est pas invraisemblable de penser que sur ce site ait pu être édifié un lieu de culte primitif de petite dimension entre le Vème et le IXème siècle et peut être reconstruit à plusieurs reprises, sans doute après le passage des Vandales. On ne sait rien de précis sur cette période.

Le premier titre qui fait mention de l'église de Chatel est du Xème siècle; par un acte de donation signé en l'an 974 le sire de Coligny, Manassès III, remet l’église de '' Chastel-Chevrel '' à l'Abbé du monastère bénédictin tout proche de Gigny alors en pleine vitalité.

Du X au XIème siècle une communauté monastique a vécu autour de l’église de Chatel. Au début de XIème siècle des moines bénédictins venus de l'abbaye de Gigny établiront un prieuré. L'abbé de Gigny gardait le titre de Prieur de Chatel. A cette époque la vieille église trouve son '' plein emploi '' : célébrations quotidiennes des moines, service des chrétiens des environs surtout les dimanches et jours de fête .Ce service pastoral est alors assuré par les moines du prieuré eux-mêmes.

A cette époque sur toute cette contrée s'exerce l'influence de la puissante abbaye de Cluny que les moines de Gigny avaient contribué à fonder en 909. C'est sous l'autorité de son Abbé que le titre de ''prieur de Chatel '' est alors déféré, à Gigny, au moine chargé de l'intendance dans ce monastère (''chambrier ''). A cet office sont rattachés tous les biens du prieuré, avec l'église, les terres, bâtiments, revenus et charges divers.

Des prieurs de Chatel nous ne connaissons que deux noms : Barthelemy , prieur en 1236 et Etienne de Montcunin, prieur en 1313. Grace probablement à la présence et à l'activité des moines ( défrichage et mise en culture des terres annexées à l'église), plusieurs villages ou hameaux se sont constitués dans la région. La paroisse comprenait non seulement les villages proches ( Digna, Gizia, la Biolée , le Chanelet , Chevreaux) mais encore tous ceux plus éloignés qui dépendaient du prieuré ( Cousance, Cuisia, Ste Croix, Dommartin, Frontenaud, Varennes St Sauveur …).

Au cours du XIVème siècle le prieuré bénédictin sera supprimé et Chatel perd ses moines.

Pour quelle raison les moines bénédictins furent ils amenés à quitter Chatel?

Peut être est-ce suite aux méfaits de la peste noire qui décima la population de la Franche-Comté à cette époque car il semble qu'en 1350 l'abbaye de Gigny ne comptait plus qu'un seul moine survivant et peut être fallut-il repeupler cette maison mère. Il est probable qu'au cours de la guerre de cent ans, les soldats mercenaires des Grandes Compagnies n'épargnèrent pas Chatel :

les bâtiments du prieuré , les maisons du hameau furent sans doute ravagés en 1431.

Au XVème siècle, Chatel retrouve une certaine vitalité. Vers 1440, le ''Chambrier '' de Gigny, Guy de Letzon, concède l'exploitation des terres en friches du prieuré abandonné, à un particulier, cultivateur, du nom de Pierre Pyat. Le hameau va connaître un regain de vitalité ce qui explique sans doute qu'on se soit alors lancé dans la construction d'une nouvelle église, pour l'essentiel celle qui subsiste aujourd'hui.

A-t'on élevé les murs sur des fondations existantes et a-t'on réemployé des matériaux vestiges des lieux de culte antérieurs? C'est fort possible et quoi qu'il en soit le gros œuvre de l'actuelle église de Chatel date de cette période.

Au cours des XVIIème-XVIIIème siècles les paroisses d'alentour se détachent de Chatel.

Jusque là l'église de Chatel a toujours été considérée comme le siège de la paroisse, une paroisse très étendue ce que conteste le village de Digna.

En dépit d'un arrêt de la cour de Dole (1629) confirmant son titre de vieille église à Chatel et donc paroisse de Digna, une ordonnance de l'archevêque de Lyon ( qui a juridiction sur le canton ) tranche le débat dans l'autre sens : Digna est érigée en paroisse indépendante en 1728.

La paroisse de Chatel se trouve dès lors réduite aux hameaux de Chatel, Gizia et le Chanelet. Il est vrai qu'en 1700 le même archevêché avait constaté que ''si elle était en bon état, l'église de Chatel se trouvait quasi solitaire , une seule maison ayant subsisté à proximité ….''

Vers 1730 il est fait mention de la confrérie de N.D. Du Mont Carmel établie dans cette église. Comme en fait foi le livre des confrères du Mont-Carmel le culte a été régulièrement rétabli dans l'église de Chatel. A cette époque la confrérie comptait un très grand nombre d'associés non seulement dans la paroisse mais aussi des paroisses voisines et même des étrangers. Elle fonctionnait régulièrement ayant à sa tête un prieur et des assistants qui chaque année rendaient leurs comptes en présence du prêtre desservant et de témoins. L'argent collecté ainsi que les cotisations annuelles des confrères et consoeurs servait à l'entretien et aux réparations de l'église.

C'est vers 1779-1780 qu'à la place du ''campanile '' on édifia le clocher actuel en façade sans la flèche (largement postérieure).

Chatel au temps de la révolution:

En raison des décisions prises à Paris en novembre 1789 ( sur proposition de Talleyrand ,évêque d' Autun) et par la suite , voici que les biens du prieuré de Chatel sont , eux aussi , démembrés.

Déclarées '' bien national'', les terres jusque là demeurées propriété de l'abbaye de Gigny, sont vendues aux habitants du voisinage, parcelle par parcelle.

Que restait-il à ce moment des anciens bâtiments monastiques ? On ne sait trop.

En tout cas les murs d'enceinte du haut-lieu devaient subsister : ce sont ceux que l'on voit toujours , soutenant le vieux cimetière, édifiés sur d'énormes pierres près de l'escalier qui part du terre-plein planté de marronniers.

L'église, quant à elle, ne fut pas aliénée et demeura ouverte au culte. Le temps était proche toutefois ou en 1820 la construction d'une église à Gizia lui enlèverait une part de sa raison d’être. Dans ce lieu de culte tout neuf on descendit le mobilier liturgique de Chatel. Seul demeurera en service le vieux cimetière à l'entour de l'église. En 1838, menacée de tomber en ruine, la vieille église est restaurée par les soins du vicomte Adrien de Thoisy.

1850 L'arrivée de la Communauté des religieuses donne à Chatel une vie nouvelle.

Sur l'intuition d'un tout jeune prêtre ( Joseph Marie Perrey ) elle a été fondée au service des populations pauvres des campagnes, particulièrement pour l'instruction et l'éducation chrétienne des enfants ainsi que pour le relèvement des paroisses éprouvées par les temps révolutionnaires.

Née au village d'Arinthod vers 1820 et après une installation à Chagny pendant une douzaine d'années, la congrégation des sœurs de la présentation de Marie fait à ce moment le choix d 'implanter sa maison-mère à Chatel. En attendant que fût bâti le couvent, Adrien de Thoisy mis à disposition des sœurs le château de Byan (aujourd'hui maison de retraite de Cousance).

En 1850 , le conseil municipal de Gizia notera dans ses délibérations que toute la population de Gizia a vu avec bonheur le rétablissement de l'église de Chatel principalement au frais de M.de Thoisy, de l'abbé Roussel et de Monsieur l'abbé Perrey, les revenus de la commune étant insuffisant pour l'entretien de cette antique église qui aurait été totalement abandonnée et par suite serait tombée en ruine. L'église au moment ou l'abbé Perrey est chargé de son entretien ne possédait qu'un seul autel en pierre qui était placé dans la première chapelle à droite en entrant. L'ancien mobilier avait été descendu dans l'église de Gizia.

Au cours de l'été 1878 la foudre a frappé l'église et endommagé le clocher. Devant l'ampleur des travaux des travaux à entreprendre, la suppression de la flèche et d'une partie du clocher est même envisagée mais finalement le conseil municipal prendra la décision de restaurer le clocher comme en témoigne, en date du 6 juillet 1879, le registre des délibérations :

'' cette église, qui date des premiers siècles du christianisme, est un monument auquel les habitants portent d'autant plus d’intérêt, qu'elle est placée auprès des tombeaux de leurs ancêtres, que la suppression de la flèche et d'une partie du clocher diminueraient la valeur du monument et constituerait une injure et une sorte d'impiété etc … désirant conserver et rétablir tel qu'il existait avant l'accident un édifice qui est un monument historique tant pour les habitants de Gizia que pour ceux des communes avoisinantes''.

A l’époque la commune ne pouvant disposer que d'un petit montant au regard de l'importance des travaux, le préfet fut mis à contribution pour solliciter une subvention auprès du Ministre du culte.

Sources :

Fascicule rédigée par Mgr Paul Marie Rousset en Aout 1988

Descriptif 58 P. Lacroix (Eglises jurassiennes , romanes et gothiques)

Dictionnaire des communes du Jura A. Rousset

Archives départementales à Montmorot.