Cap sur l'Île de Wight : Une Aventure captivante
En juin 2023, lors de la sortie annuelle au large d’Aérovoile, nous sommes partis depuis Saint-Malo, avec un équipage composé d'Érick, Hervé, « Tarcho », Didier, Yann, Aure, et Henri. Nous étions à bord d’ « Outremer », un Oceanis 49, en direction de l'île de Wight, en Angleterre. Une traversée promettant de l’action et des belles visions. Henri nous commente ses souvenirs.
Pourquoi avoir fait cette traversée ?
Les traversées, c'est vraiment ma passion. Aller d'un point A à un point B, plutôt que « faire des ronds dans l’eau » dans une baie. Mais aussi une transmanche est plus technique transat’ Europe Antilles. C'est plus court, plus intense. Pas besoin de ménager le bateau, il y a plus d'actions, plus de réglages à faire. C'est une vraie navigation à préparer, avec des courants, des écueils, tout ça. Pas de monotonie dans un plan d'eau.
Quel matériel et quelle préparation sont nécessaires pour entreprendre un tel voyage ?
Le bloc marine est clairement incontournable, sans cela, c'est risqué, voire dangereux. On peut faire l'impasse sur l'AIS, car on est constamment sur le pont pour gérer la sécurité et les cargos. Cependant, le bloc est essentiel pour les courants et les escales vu la taille du bateau. La vraie planification de la navigation est indispensable ici.
Décrivez en 3 mots la traversée entreprise ?
Étonnant. Puissance. Dépaysant.
C'est vraiment dépaysant et étonnant, passer de Saint-Malo à Wight en Angleterre en un rien de temps. Wight est clairement anglaise du fait de son architecture et ses habitants. Sark a cette ambiance féodale (même si nous n’y sommes pas passé sur celle-ci). , Guernesey rappelle les îles françaises avec ses ports de pêche, mais Jersey est une ville financière avec des gens en costumes, dans une ville dynamique, des buildings. Pourtant, elle est tout de même petite, isolée sur une île agricole. Les Anglo-Normandes sont si proches de la France qu'on se demande pourquoi elles ne sont pas françaises. (Perfide Albion ☹ !!!!!)
En termes de puissance, le raz Blanchard, au large de la Hague, détient les courants les plus forts au monde, avec des marmites impressionnantes, de la houle croisée, des creux rapprochés. Les courants sont incroyables, agissant comme un tapis roulant ou immobilisant tout pendant les heures de jus. Il faut absolument en tenir compte. On a dérivé de 5 miles en 30-40 minutes lors de la cocotte du spi. Mieux vaut ne pas tomber à l’eau. Mais depuis un Océanis 49, c’est plutôt « marrant ».
Et encore, la puissance se manifeste lorsque vous essayez d'étouffer un spi sur un Océanis 49, même à trois personnes. Bonne chance !!
Citez une expérience marquante de votre traversée ?
Quand j’ai mis le spi en cocotte lors d'une risée pendant la traversée Cowes - Sainte Anne. En fin de journée près de saint Anne, alors que nous étions un peu juste pour finir la traversée en temps et en heure dû aux forts jus du raz Blanchard, alors que j’étais à la barre, j’ai mis le SPI en belle cocotte lors d’une risée soudaine et un peu fourbe (Perfide Albion encore). Hervé a pris la barre, et ensuite nous étions trois à essayer d'étouffer le spi, et pas n'importe qui : Yan et Didier. Et moi. On sentait le spi prendre le vent. Pendant 20-30 minutes, nous avons lutté dans un effort musculaire intense, où j'ai été soulevé à plusieurs reprises. C'était difficile, intense, et dangereux, car on pouvait être catapulté du bateau par le spi prenant le vent, s'enrouler dans le spi pouvant tomber à l'eau, ou tomber dans le courant. Heureusement, tout s'est bien terminé, mais nous étions épuisés physiquement et mentalement, avec la nuit qui tombait. Nous avons fini par mettre le cap sur Cherbourg pour finir la journée dans un port sûr et forcément accessible, et dans le sens du jus.
Une leçon de voile mémorable. Cela s'est bien terminé, mais cela aurait aussi pu être dramatique. Bien sûr, lors d'une traversée comme celle-ci, on cherche un terrain de jeu qui n'est pas une simple baignoire, quelque chose de technique. Mais avec l’équipage expérimenté, le risque était mesuré.
Est-ce une traversée accessible à tous ?
Pour tout ce qui vient d'être dit, Non, ce n'est pas pour tout le monde. Gérer le courant, composer avec les conditions météo, naviguer à travers le rail d’Ouessant, les cargos passant, etc. requiert des compétences solides et des bonnes bases. Il faut aussi un skipper aguerri et un équipage obéissant/réactif dans les moments clés. Nous avons par exemple brisé 2 écoutes de spi en pleine nav’, donc il faut être réactif, agile, stable dans un environnement … instable et qui ne tolère pas trop l’immobilisme à cause des courants, les cargos, les fonds, les côtes, etc.
Comment s’y prépare-t-on ?
Il faut bien préparer sa nav’. Prendre connaissance des vents, de la météo, des courants, des marées, des seuils dans les ports, connaître son bateau (allure possible, vitesse moyenne, largeur, longueur, tirant d’eau), place possible dans les ports. Un 49 pieds est plutôt hors norme. Et pour finir : potasser le bloc marine pour définir ses heures de passage par rapport au courant et donc les escales. Ne pas voir trop grand. Être très conservateur.
La referiez-vous ?
Avec plaisir. J’aimerais bien aussi naviguer vers l’Irlande.
Un dernier mot ?
Merci l’équipage. Merci Aérovoile !