Le choix des élèves de 5e pour le moi de mai
COUPS DE COEUR
Marie Vareille, Le syndrome du Spaghetti, PKJ, 2020
Qu’est-ce qui peut bien me pousser à écrire un billet sur un roman intitulé « Le syndrome du Spaghetti » ? (Si ce n’est mon appétit démesuré dès qu’il s’agit de gastronomie italienne…)
Eh bien, justement, c’est ce titre plus qu’étrange, et quelques ricanements d’élèves, qui m’ont poussé à le lire.
Il s’agit d’un roman de 280 pages, écrit par la jeune autrice française Marie Vareille, publié en 2020 aux éditions Pocket Jeunesse, et qui fait partie des 5 livres en sélection pour les 3e et lycée du prix des Incorruptibles 2022-2023.
Sur la couverture, on découvre une jeune fille et un jeune garçon assis dos à dos sur ce qui pourrait être un muret ou dans un terrain vague, regard au loin, ballon de basket à portée de main. En arrière-plan, une ville (Paris), un avion qui décolle et une tour d’immeuble HLM. Les couleurs marron et bleu-gris sont douces, l’ambiance semble également apaisée.
Pourtant, ce roman est plus qu’un conte de fée pour ados fans de basket. C’est une vraie histoire de résilience, une histoire de mauvais rebond qui nous interroge sur le sens de la vie et des ravins qui s’ouvrent parfois brutalement sous nos pieds.
L’héroïne s’appelle Léa, elle a 16 ans et elle a sa vie toute tracée dans la tête : elle sera joueuse de basket professionnelle dans l’équipe féminine de la NBA, elle se mariera avec son meilleur ami Nicolas, elle vivra aux USA, ils auront des enfants et comme disent les espagnols « vivirán felices y comerán perdices » (ils seront heureux et mangeront des perdrix). Cette vie-là, elle l’a dessinée en détail avec son père, son modèle, meilleur ami et entraîneur.
Le début du roman est à l’image de cette jeune fille. L’écriture est sans hésitation, déterminée, joyeuse et pleine de traits d’humour.
Pourtant sa vie s’écroule et son destin s’en trouve bouleversé.
Comme l’héroïne, le roman prend alors un virage à 200 degrés. Léa perd brutalement ses repères, découvre qu’elle est, elle aussi, atteinte du syndrome de Marfan, la maladie génétique qui vient d’emporter soudainement son père et qui lui interdit formellement de continuer à pratiquer le basket, sans quoi elle mettrait sa vie en danger.
“You can make this your excuse or you can make it your story” lui répétait son père (phrase prononcée en réalité par la mère d’un joueur américain de NBA lui aussi atteint du syndrome de Marfan.). Mais comment accepter l’inacceptable quand on a 16 ans ?
La suite, je vous laisse évidemment la découvrir.
J’ai trouvé que le ton était juste, touchant ; le personnage crédible. J’ai aimé l’intrusion des lettres personnelles insérées dans le récit et découvrir progressivement avec des yeux neufs les personnages secondaires de la sœur et de la mère.
Il s’agit d’un roman personnel puisque l’autrice révèle dans les dernières pages qu’elle est elle-aussi atteinte du syndrome de Marfan (qui touche une personne sur cinq mille en France), et qu’elle-aussi, a dû apprendre à vivre avec et à donner du sens.
Blanc autour
Wilfrid Lupano et Stéphane Fert
Dargaud, 2021.
Pour débuter cette chronique du livre du mois, je vous propose un roman graphique très réussi intitulé “Blanc autour”, signé par Wilfrid Lupano pour le scénario (l’excellent auteur des Vieux Fourneaux dans un registre complètement différent mais que je vous recommande également) et Stéphane Fert pour le dessin.
Il s’agit d’une histoire inspirée de faits réels. Nous sommes aux Etats-Unis dans les années 1820-1835.
Prudence Crandall est directrice d’une modeste école pour jeunes filles à Canterbury, une petite ville paisible du Connecticut, trente ans avant l’abolition de l’esclavage. Ici les noirs sont bien minoritaires, mais ils sont déjà trop nombreux aux yeux des habitants puritains et racistes.
Pourtant, face à la soif d’apprendre et de comprendre le monde de Sarah, une petite fille noire vivant près de l’école, Prudence Crandall décide de l’inclure en classe. Puis, face au boycott des familles locales, elle ouvre son école exclusivement à des jeunes femmes de couleur, s’attirant ainsi les foudres de la communauté proche. L’aventure est risquée.
Alors que les élèves découvrent le principe physique de la réfraction qui interroge notre perception du monde, les villageois en colère, eux, saccagent l’école, réduisant à néant les espoirs de justice et d’égalité de la jeune enseignante.
Le ton est juste. L’histoire révoltante. J’ai été charmée par les dessins de Stéphane Fert (qui signe là sa deuxième BD), sa palette de couleurs tendres, et par les textes qui disparaissent parfois pour faire place exclusivement aux illustrations.
C’est un roman graphique très réussi, inspirant, qui fait réfléchir à l’histoire de la lutte pour la justice et l’égalité. C’est aussi toujours tristement d’actualité aux Etats-Unis comme nous le rappelle la mort de Tyre Nichols début janvier à Memphis.
Sarah Bouleau
Documentaliste de Bedford