Les César : un miroir de la société et du cinéma français ?

Par Léa Serru

Le dernier article publié sur Tempo faisait un bilan de la parité dans le milieu du cinéma français et réfléchissait aux causes et aux solutions pour faire évoluer cette industrie. Aujourd’hui, les polémiques autour des César nous donnent l’occasion de réfléchir à la fonction de l’académie dans le cinéma français. Est-ce que les César sont toujours ancrés dans un monde qui évolue ? Est-ce qu’ils répondent encore à leur fonction première : célébrer le cinéma français dans une certaine unité ?

Les débuts des César : célébrer et unifier le cinéma français

Les César sont diffusés pour la première fois en 1976, année charnière puisque c’est à ce moment que le cinéma de la salle noire prend conscience qu’il n’est plus le seul ni le principal média distributeur d’images, ou de rêves… En 1976, ce sont 517 films (dont 252 films français) qui sont diffusés à la télévision sur les trois chaînes disponibles. Cette cohabitation dans le nouveau paysage audiovisuel motive une volonté, des pouvoirs publics et des professionnels du cinéma, de valoriser le cinéma français comme art et comme exception culturelle. 

Dans les années 1970, l’idée que le cinéma ne concerne qu’un petit milieu s’installe. Des débuts des César naît alors un espoir : que cette cérémonie, regardée par des milliers de téléspectateurs, incarne une certaine unité du cinéma français, l’idée d’un cinéma ouvert à tous. Ni purement commerciaux, ni trop élitistes, les réalisateurs qui y sont représentés appartiennent autant à la Nouvelle Vague (au sens large), Truffaut avec Le Dernier métro (1981), Louis Malle avec Au revoir les enfants (1988), Resnais avec Smoking/No Smoking (1993), qu’au cinéma d’auteur comme Maurice Pialat avec A nos amours (1984), Coline Serreau avec Trois Hommes et un couffin (1988) ou André Téchiné pour Les Roseaux Sauvages (1995). 

Jusque dans les années 1990, la cérémonie continue de promouvoir un cinéma divers, éclectique. Cette volonté se dissipe lorsque Canal+ devient le diffuseur de la cérémonie en 1994. On assiste, dès lors, à une interpénétration avec les films présentés au Festival de Cannes. Dans les années 1990, 6 films passés par Cannes figurent parmi les dix lauréats, dont 40% ont reçu une récompense : Trop belle pour toi (Grand Prix du jury à Cannes en 1989) ou encore La Haine (prix de la mise en scène en 1995). Cette tendance fléchit dans les années 2000 puis réapparaît depuis 2010. Ces évolutions expliquent en partie les critiques autour de la cérémonie, taxée d’être coupée du public, de l’ère du temps. 

Une crise de l’intérêt porté aux César

Les audiences en chute libre, depuis 2010, semblent être le symptôme d’une rupture dans la volonté des César à célébrer le cinéma français et à unifier les spectateurs autour d’une même vision du cinéma.

L’unité était déjà mise à mal depuis plusieurs années par l’audience toujours plus basse de la cérémonie. En 2015, la cérémonie a été regardée par 2,4 millions de téléspectateurs. En 2019, elle obtient son score le plus bas avec 1,7 millions de téléspectateurs. Les César peuvent se rassurer en observant les scores de ses homologues américains (Oscar, Grammy Awards ou Emmy Awards) qui suivent les mêmes tendances. Cependant, là où les shows américains subissent la multiplication des remises de prix, les César pourraient profiter de leur monopole en France.