Covid-19 : vers une crise des migrants numériques ?
Par Robin Emptaz
Le Coronavirus est invisible à l’œil nu. Cela ne l’empêche pas d’être omniprésent dans le paysage médiatique, allant jusqu’à y déclencher un blast. Comprenez une monopolisation et une saturation de l’espace médiatique français en occupant 75% du temps d’antenne des chaînes d’info et 19 000 articles par jour (contre 6 000 lors de la crise des gilets jaunes). (Source) Pour Tempo, c’est donc aussi le moment d’ajouter sa pierre à l’édifice, de verser sa goutte dans l’océan d’articles traitant du sujet quitte à devenir obsolète dans un mois.
Un bouleversement inédit des usages
En ces temps confinés, d’aucuns se lancent dans l’écriture d’un journal de bord. Autrefois réservé aux marins voguant à travers les mers et océans, tout le monde peut en tenir un aujourd’hui. Le bateau s’est transformé en foyer et l’équipage en famille ou amis. Personne ne connaît exactement la durée du voyage mais peu importe, la technologie va nous permettre de passer le temps et de continuer à vivre.
En effet, la voici enfin l’excuse parfaite pour geeker, chiller, streamer ou scroller toute la journée. De quoi se plaint-on ? L’ironie de la situation n’échappe pas à Leïla Slimani qui écrit dans son propre Journal du Confinement : « Monde de virtualité, nous voilà réduits à n’exister, à ne nous parler, à n’interagir qu’à travers des écrans. […] Nous rêvions d’un monde où on pourrait, depuis son canapé, regarder des films, lire des livres, commander à manger. Nous y voilà, ne bougez plus, vos vœux sont exaucés. » (Source)
Dès lors, très chers Fournisseurs d’Accès Internet (FAI), merci d’accueillir décemment 67 millions de français sur vos bande-passantes. Cette migration simultanée de la population IRL vers le monde virtuel provoque jusqu’à une hausse de 70% du trafic internet dans les pays confinés selon Omdia (Source). Au niveau mondial, Deutscher Commercial Internet Exchange, le plus grand point d’échange Internet au monde en termes de trafic, constate un record historique en termes de consommation internet : 12% de plus que le précédent. (Source) C’était le 10 mars, lorsque moins de 500 millions d’individus étaient confinés, contre 3 milliards à l’heure où cet article est écrit.
Mais que viennent donc faire ces migrants numériques sur le réseau, si ce n’est potentiellement le dégrader, le saturer ? Pourrait-on en fermer les frontières afin de le préserver ? Ou du moins y instaurer un contrôle à l’entrée selon ce que chacun vient y faire ? Combien de temps va-t-il encore tenir ? Les réponses, tout de suite.
Que vient-on faire sur le réseau ?
C’est le télétravail qui est à l’honneur dans le monde entier : en France seulement, sa pratique a été multipliée par 7, les visioconférences par 2 et le trafic WhatsApp par 5. (Source) Cet usage représente certes une charge supplémentaire sur le réseau mobile et fixe, mais seulement en journée, aux heures de travail. Impossible donc de mettre le pic de consommation du 10 mars sur le dos des travailleurs. En effet, celui-ci s’est produit à 21h, une heure propice à d’autres activités plébiscitées par les confinés : le streaming et le gaming.
C’est la seconde qui en est plus particulièrement à l’origine avec le lancement du nouveau jeu Call of Duty : Warzone, un free-to-play. Le téléchargement de 100Go requis pour jouer a éprouvé le réseau français, si ce n’est mondial avec plus de 6 millions de joueurs en 24h, puis 30 millions dans les 10 jours après son lancement. (Source) De son côté, la plateforme de jeux Steam a enregistré un record avec plus de 20 millions d’utilisateurs connectés le 15 mars. (Source)