Brand Content : je t’aime, moi non plus
Par Caroline Mendel
Vous n’y faites pas forcément attention lorsque vous lisez un article ou regardez une vidéo sur internet, mais dans certains cas, ce contenu n’est pas tout à fait comme les autres : il a été créé pour et par une marque. Le « brand content », littéralement « contenu de marques », explose dans les médias, en particulier depuis trois ans.
Cette pratique ne date pourtant pas d’hier : le Guide Michelin, offert gratuitement aux clients du fabriquant de pneumatiques, avait donné l’exemple, compilant dès les années 1920 les adresses de restaurants et les « étoiles des bonnes tables » en apportant sa caution et sa crédibilité sur les routes françaises.
Mais le Web a conduit ce phénomène à changer de dimension et d’échelle : parce que les investissements en brand content devraient plus que doubler à horizon 2020 en Europe, à hauteur de 2,1 milliards d’euros, il est une réalité à ne pas négliger.
« OUI ENFIN, LE BRAND CONTENT, C’EST JUSTE DU SPONSORING DE POSTS FACEBOOK ! »
En mars dernier, Konbini publiait un article intitulé « Les pièges à éviter à tout prix si vous emménagez avec votre moitié », vraisemblablement rédigé par… BNP Paribas. Un partenariat qui n’aura pas manqué de soulever des interrogations auprès des lecteurs du media 100% digital. Le brand content ne serait-il que du sponsoring de contenu vaguement thématique, prétexte à de la publicité classique pour l’annonceur, et moins douloureux pour le consommateur ?
Quelque part, on aurait raison de le croire. Ne nous mentons pas : le brand content, ou, dans ce cas précis, « branded content », est une voie de monétisation supplémentaire qui se généralise auprès des médias, traditionnels ou digital native. Les contenus sponsorisés peuvent représenter jusqu’à 40% des recettes publicitaires digitales du magazine Marie Claire ; quant au magazine Be, il a tout simplement cessé de diffuser de la publicité en display. De là à dire que le brand content sonnera le glas de la publicité digitale « classique », il n’y a qu’un pas.
C’est aussi et surtout une façon de contourner les adblockers, fléau du publicitaire moderne. À l’heure où les millenials constituent le premier enjeu de communication des marques (sans pour autant se comporter en poule aux œufs d’or, tout habitués à la gratuité et réticents aux messages publicitaires qu’ils sont), la publicité doit se réinventer. Faire profil bas. Se taire un peu, pourquoi pas.
Pour autant, le brand content – dans l’acception la plus connue de tous – est loin d’avoir sa langue dans sa poche. Modèle économique à part entière, il aura accouché ces dernières années de dizaines de médias fondés entièrement sur lui. Buzzfeed, MinuteBuzz ou même Vice font, déjà, office de références canoniques. Plus récemment, et loin des contenus hyper rigides de sa grande sœur Madame Figaro, c’est MAD qui vient de voir le jour : décalé et survitaminé, le média ne cache pas sa volonté de créer une offre de brand content 100% social pour les annonceurs.
Faut-il s’en réjouir ? L’apparition de « Gneu », « média de désinformation 100% digital », et complètement parodique, n’aura pas manqué de souligner une forme de vanité de ces types de contenus. Alors que pullulent les vidéos « à la Brut », sésame apparemment absolu vers la capture du millenial sauvage, on peut se demander si ce type de médias fait une utilisation intelligente, ou au contraire déjà dévoyée du brand content…
LE BRAND CONTENT : PUB OU PAS PUB ?
Parce que la grande question qui subsiste est bien celle-ci : le brand content, c’est de la pub ou pas à la fin ? Un article récent du Journal du CM tente d’y répondre : « Le brand content est bien souvent comparé à de la publicité, car il vante les mérites, l’histoire et les valeurs de la marque. La différence réside bien sûr sur la forme de son contenu, car celui-ci ne repose pas sur la vente, mais sur l’informationnel et les valeurs de l’entreprise. » Sauf que oui, mais non. En 2018, faire de la publicité, ce n’est déjà plus faire de la réclame pour célébrer le dernier Moulinex auprès de bobonne. De la même manière que l’attention du consommateur s’est détournée de la TV au profit d’autres écrans, les attentes du consommateur se sont déplacées : exit le marketing traditionnel policé et « charté », place à un tropisme pour plus d’authenticité dans les prises de parole des marques.
Nicolas Bordas, VP de TBWA Europe et Président de BEING Worldwide résumait ainsi récemment sur son blog les 3 aspects récurrents et définitifs du contenu de marque :
Le brand content ne cherche pas seulement à véhiculer un message, mais apporte un bénéfice
Le brand content n’est pas focalisé sur le produit… mais le restitue dans un ensemble culturel
Le brand content permet de dépasser la relation commerciale en s’adressant au spectateur non pas comme à un acheteur potentiel, mais aussi comme à un membre du public
Faire du brand content, c’est avant tout construire un dispositif de communication cohérent associé à la marque via certains types de contenus (informatifs, pratiques, culturels, divertissants) et de supports (media sociaux, WebTV, consumer magazines, livres, sites, applications, événements…). Et c’est aussi large que ça :