La Confédération et les Canadiens

La Confédération

Caricature, Jean-Baptiste Côté, La Scie, 2 décembre 1864.

Source

ASPECTS

Social

Au Canada-Uni, les réactions face à la Confédération de 1867 sont multiples.

Le Haut-Canada espérait obtenir la représentation proportionnelle à la population (Rep by pop). Le projet confédératif est donc bien accueilli puisque la Chambre d'assemblée du Parlement fédéral est organisée selon ces principes.

Au Bas-Canada, les réactions sont plus partagées. Le Parti bleu, sous la direction de George-Étienne Cartier, est satisfait. On soutient que les Canadiens français ont tout à gagner de l'union fédérative. Cependant, le Parti rouge de Antoine-Aimé Dorion, n'est pas du même avis. À ses yeux, la fédération accorde trop de pouvoir au gouvernement fédéral et la représentation proportionnelle place les Canadiens français en position de minorité. Ces derniers craignent être de nouveau victimes des tentatives d'assimilation du gouvernement fédéral. Ils considèrent la Confédération comme une menace pour la survie des minorités françaises du Canada.

Les Canadiens français s'accrochent à une théorie selon laquelle la Confédération serait un pacte entre les deux peuples fondateurs du Canada : « Les représentants du Canada français auraient consenti à l’union à la condition que soient reconnus les droits des minorités françaises et que ceux-ci soient protégés » (Lapré, 2018, p. 25).

Politique

Économique

Culturel

Territorial

Scientifique & Technique

Texte accompagnant la caricature

« -Jeune homme, que vois-tu?

-Je vois une Gorgone effroyable à plusieurs têtes, aux bouches flamboyantes comme des volcans, qui s'avancent menaçante et terrible!

-Jeune homme, que vois-tu?

-Je vois George Brown, l'ennemi acharné de la race et de la nationalité canadienne-française, celui là même que l'on élève sur le pavois, Brown contre lequel nos prêtres catholiques ont lancé les plus brûlantes invectives - Je le vois qui guide cette Gorgone.

-Jeune homme, que vois-tu?

-Je vois une brebis agonisante sous ces bouches qui vomissent la mort!

-Jeune homme, que vois-tu?

-Je vois MM. Cartier et Cauchon, ces hommes sortis de la fange et que la fange réclame ces traîtres et ces Iscariotes; je les vois qui donnent l'encens à cette Gorgone!!!

-Jeune homme, que vois-tu, enfin?

-Je vois notre perte et notre anéantissement - je vois distinctement notre faiblesse et leur puissance... je vois notre ruine!!! »

Point de vue des acteurs

Discours du trône du premier ministre du Québec, Pierre Joseph Olivier Chauveau (28 décembre 1867):

« La session du Parlement fédéral, qui vient de s’ajourner, est l’heureuse inauguration de la nouvelle constitution du Canada, et je ne crois pas me tromper en exprimant l’espoir que les sentiments de fidélité à Notre Gracieuse Souveraine, d’attachement aux institutions de l’Empire Britannique et de dévouement aux intérêts de la nouvelle confédération, qui se sont manifestés dans le Parlement, distingueront également cette première session de notre Législature. » (Source)

Antoine-Aimé Dorion :

«Ce projet [...] n’est propre qu’à faire renaître [...] les divisions et les animosités d’autrefois [...] et à produire entre les mouvements locaux et le gouvernement général des collisions fréquentes [...]. C'est ainsi que l'on prétend protéger les institutions du Bas-Canada» (7 novembre 1864, Source, p. 198-199). « L’élément français se trouvera complètement écrasé par la majorité des représentants anglais. [... Cette mesure ] dont l'objet est d'assimiler le peuple du Bas-Canada à la population dominante dans les provinces britanniques. Comment peut-on espérer que le Bas-Canada puisse avoir une grande confiance dans le gouvernement général, qui aura des pouvoirs si immenses sur les destinées de leur section? » (Débats parlementaires, 16 février 1865, Source, p. 23).

George-Étienne Cartier:

« Lorsque nous serons unis, si toutefois nous le devenons, nous formerons une nationalité politique indépendante de l'origine nationale, ou de la religion d'aucun individu. [...] Sous le système de fédération, qui laisse au gouvernement central le contrôle des grandes questions d'intérêt général dans lesquelles les différences de race n'ont rien à démêler, les droits de race ou de religion ne pourront pas être méconnus. » (7 février 1865, Source, p. 210-211)

Critique externe -3QPOC

Critique interne -3QPOC

Qui?

George Brown: sur le dos de la gorgone, il dirige la bête. Chef du parti réformiste, il appuya le projet d'union des provinces et fut nommé Père de la Confédération. Il est considéré comme "l'ennemi des Canadiens français'', puisqu'il craignait que la "domination française" s'étende au Canada.

George-Étienne Cartier: à droite, il tente d'attirer la gorgone. Chef du parti bleu, co-premier ministre du Canada au côté de Macdonald, il participe à la formation de la fédération canadienne et il est considéré comme l'un des Pères de la Confédération. Représentant du Canada-Est, il convainquit les Canadiens français d'adhérer au projet.

Joseph-Édouard Cauchon: à gauche, il tente d'attirer la gorgone. Homme politique au sein du parti libéral-conservateur et maire de Québec, il s'est d'abord opposé au projet d'unir les provinces, craignant que le gouvernement responsable ne soit fragilisé. Puis il a appuyé le projet à partir de 1864. Il considère alors que la Confédération est une nécessité pour l'avenir politique des institutions du Canada-Est.

La gorgone: symbolise la Confédération.

La brebis: symbolise la nation canadienne-française.


Pourquoi?

La caricature est une critique du projet confédératif.

Au Bas-Canada, deux groupes politiques s'opposent: le Parti bleu et le Parti rouge. George-Étienne Cartier, chef du Parti bleu, considère que la création de la Confédération peut être bénéfique aux Canadiens français.

Cependant, les membres du Parti rouge de Antoine-Aimé Dorion craignent que l'union fédérative donne trop de pouvoir au gouvernement fédéral et que les Canadiens français soient assimilés par les Canadiens anglais. L'union avec les colonies anglaises risquait de placer les francophones en minorité.

En 1864, par son alliance avec George Brown et John A. Macdonald, George-Étienne Cartier devient la voix francophone de la Grande Coalition. Cette même année, Joseph-Édouard Cauchon décide de s'unir aux autres hommes politiques pour soutenir le projet confédératif. Seul Antoine-Aimé Dorion demeure opposé au projet et continue d'affirmer qu'une union fédérative ne pourra représenter fidèlement les droits des francophones.

Quoi?

La Confédération est représentée sous la forme d'un monstre, d'une gorgone. Cette figure mythique serait connue pour transformer en pierre toute personne croisant son regard. On voit la gorgone attaquer une brebis effrayée.

La lecture du texte permet d'appuyer le propos de l'artiste: la Confédération est une menace pour la survie de la nation canadienne-française.

Où?

L'union des colonies britannique entraîne en Amérique du Nord la création du Dominion du Canada, sous l'autorité de l'Empire britannique.

Quand?

La fédération des provinces se concrétise le 1er juillet 1867. La caricature est publiée en 1864, alors que les représentants des colonies se réunissent à Charlottetown, puis à Québec.

Comment?

La caricature illustre la vision des francophones sur la Confédération. Elle est nécessairement subjective et ne représente que l'interprétation d'une partie de la population canadienne. La Confédération est représentée telle une gorgone, monstre mythique qui peut pétrifier ceux qui la regarde dans les yeux. Dans cette caricature, les alliés de la Confédération sont représentés comme des charmeurs guidant le monstre afin qu'il dévore la nation canadienne-française.

Documents à télécharger

Pour aller plus loin...

Les Pères de la Confédération

Doc.3-40/96