Le choix du président

L'Assemblée législative du Bas-Canada

Huile sur toile, Charles Walter Simpson, 1927. BAC, 1991-35-12

Source

ASPECT-T

Social

Politique

À l’ouverture de la première session de la première législature du Bas-Canada le 17 décembre 1792, les nouveaux députés doivent se choisir un président, que l’on nomme aussi orateur ou speaker. Ce président sera le représentant de la Chambre vis-à-vis des autres parlements, dont celui de l'Angleterre, et dirigera les séances à l'Assemblée législative. Pour choisir la première personne qui occupera ce rôle très important, les députés se disputent. Les arguments sont : la maîtrise de l'anglais ou l'honnêteté du candidat.

Les députés proposent deux députés, William Grant, un marchand anglophone, et Jean-Antoine Panet, un avocat francophone. Ces deux individus sont les mêmes qui s'opposaient lors de la première élection.

Les débats sur l’orateur se terminent par l’élection de Jean-Antoine Panet. 28 votent en sa faveur, 18 s'y opposent. Cela s’explique surtout parce que les députés britanniques auront manqué de temps pour se consulter, ils auront voté pour plusieurs autres candidats différents. Les députés canadiens, quant-à-eux, auront voté en bloc pour le candidat Panet, obtenant ainsi une majorité. Comme le soutient l’historien John Hare, « les députés britanniques, croyant pouvoir manipuler l’Assemblée par une connaissance plus approfondie des procédures, doivent se rendre compte avec amertume de la détermination des Canadiens de ne pas s’en laisser imposer » (Hare, 1993, p.65).

Économique

Culturel

En 1792, l'un des critères les plus importants pour devenir président de l'Assemblée législative est la langue. Cependant, les deux groupes politiques qui s'opposent ne sont pas du même avis, puisque la majorité du Parlement du Bas-Canada est francophone (34/50, 68%), et que seule une minorité est britannique. Il pourrait alors sembler normal que l’orateur soit un « Canadien », c’est-à-dire un francophone.

Même si la constitution de 1791 traite peu de la langue, les députés canadiens ignorent que le premier ministre anglais William Pitt aurait affirmé dès l’étude de la nouvelle constitution qu’il partageait l’intention « d’assimiler les Canadiens à la langue, aux manières, aux habitudes, aux lois et à la constitution de la Grande-Bretagne ». Selon lui, « c’est d’abord en répondant aux aspirations des Canadiens que ceux-ci finiront par se soumettre volontairement aux coutumes britanniques » (Source). L’objectif principal de l’autorité impériale est de « s’assurer le ferme attachement des anciens colons de la Nouvelle-France » (Tousignant, 1793, p. 185).

Les députés britanniques insistent sur la primauté de la langue anglaise, la langue du Roi et de l’Empire. Cela accentue la crainte des francophones d'être assimilés par les anglophones. Tout de même, les députés consentirent à l’importance du bilinguisme et choisissent le député Panet.

Territorial

Technique

Extraits des arguments sur la langue de l'orateur

18 décembre 1792

Parti canadien:

Pierre-Louis Panet: « Je dirai qu’il y a une nécessité absolue pour les Canadiens d’adopter avec le temps la langue Angloise*. Seul moyen de dissiper la répugnance et les soupçons que la diversité de langage [entretiendra] toujours entre deux peuples réunis par les circonstances et forcés de vivre ensemble ».

Joseph Papineau: « Nous avions sans doute le bonheur de composer une branche de l’Empire Britannique; mais [...] on ne pouvoit* pas supposer qu’aucun Canadien dût être privé de ses droits parce qu’il n’entendoit* pas l’Anglais [...] ».


John Richardson: « Les transactions entre l’Orateur et le Représentant du Roi devroient* être dans la langue de l’Empire auquel nous avons le bonheur d’appartenir, quelque fut la langue dans laquelle se fissent les débats dans la Chambre – que nous étions tous Anglais et Canadiens. »

James McGill: « Une qualité [essentielle] à l’Orateur étoit* une parfaite connaissance des langues Française et Anglaise, sans laquelle, dans cette Chambre, où quelques-unes des membres n’entendoient* point l’Anglais, et d’autres ne parloient* point Français, sans la prompte intervention de l’Orateur pour expliquer, les affaires seroient* retardées, et quelques fois absolument arrêtées. »

Source: BÉLANGER, Réal, Jones ROCHARD et Marc VALLIÈRES. Les grands débats parlementaires, 1792-1992. Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1994: p.53-54.

*Au XVIIIe siècle, la grammaire française était différente: le f remplaçait le s, le o remplaçait le a.

Critique interne -3QPOC

Qui?

Les députés de la Chambre d'Assemblée en 1792 sont composés de francophones et d'anglophones. Cette année-là, 90% de la population est canadienne-française alors que seulement 10% est d'origine britannique (Chroniques, 2018, p. 368).

Pourquoi?

Lors de l'ouverture de la première assemblée, les députés doivent prendre plusieurs décisions dont le choix du président et le choix de la langue qui sera utilisée. Le choix du président est essentiel, puisque c'est lui qui doit représenter la Chambre et qui doit diriger les séances à l'Assemblée législative.

Quoi?

L'illustration est une huile sur toile présentant l'Assemblée législative du Bas-Canada. Devant les députés de la Chambre d'Assemblée : l'orateur.

Où?

Au Bas-Canada.

Quand?

Le choix du premier président a lieu 17 décembre 1792, lors de la première journée où siègent les députés élus.

Comment?

L'illustration présente les députés siégeant à l'Assemblée législative du Bas-Canada. On voit les députés coiffés à la façon des politiciens anglais qui, depuis 1625, portent une perruque blanche tels les juges et les avocats de la cour. Devant eux, le président fait un discours ou met fin à un débat.

Les députés se disputeront sur le choix du président. Les anglophones et les francophones n'auront pas la même vision sur l'importance de la langue parlée par le président, comme le démontrent leurs arguments.

Documents à télécharger

Pour aller plus loin...

Acte constitutionnel (1791), L’Encyclopédie du parlementarisme québécois [En ligne], consulté le 15 septembre 2019. http://www.assnat.qc.ca/fr/patrimoine/lexique/acte-constitutionnel-(1791).html)

TOUSIGNANT, Pierre. « Problématique pour une nouvelle approche de la Constitution de 1791 », Revue d’histoire de l’Amérique française, 27, no 2, septembre 1973.

John Hare, Aux origines du parlementarisme québécois, 1791-1793, études et documents, 1993.


Premières assemblées délibérantes au Bas-Canada : une démocratie partielle


Les partis politiques en 1792

Doc.9-91/40

Les premières élections

Doc.8-91/40

Les institutions politiques

Doc.7-91/40