Rutka Laskier

Rutka Laskier (1929-1943) est une adolescente juive de Pologne, connue pour son journal intime décrivant en 1943, quatre mois de sa vie sous l'occupation allemande.

Rutka est née dans la ville libre de Dantzig, (maintenant Gdansk), une ville portuaire dans le nord de la Pologne, à l'époque une cité-État autonome à prédominance linguistique allemande. 

Son père, Jakub (Yaakov) Laskier, travaille comme employé de banque.

Sa famille est aisée, son grand-père est copropriétaire de Laskier-Kleinberg et Associés, une minoterie possédant et exploitant une meunerie.

Au début des années 1930, elle s'installe avec sa famille dans la ville de Bedzin, au sud de la Pologne, dont sont originaires ses parents.

C'est là que Rutka, en 1943, alors âgée de 14 ans, écrit un journal de 60 pages en polonais, décrivant plusieurs mois de sa vie sous le joug nazi, et qui n'a été publié qu'en 2006. 

Au début de la Seconde Guerre mondiale, la famille Laskier est obligée d'emménager dans le ghetto de Bedzin.

On a longtemps cru que Rutka Laskier était morte à l'âge de 14 ans, gazée en août 1943 avec sa mère et son frère, dès son arrivée au camp d'extermination d'Auschwitz.

Mais en 2008 on a retrouvé à l’Institut historique juif de Varsovie un récit encore plus tragique de ses derniers moments.

Son père est le seul membre de la famille qui survécut à la Shoah. Après la guerre, il émigre en Israël où il se remarie et a une autre fille, Zahava Scherz. Il meurt en 1982.

Il n'a jamais parlé de Rutka à Zahava, et celle-ci n'apprit l'existence de sa demi-sœur qu'après avoir trouvé une photo de Rutka dans un vieil album de photos. (L'édition polonaise du journal de Rutka, ainsi que Zahava elle-même sur NPR, donnent cependant une histoire légèrement différente : "Père, qui est cette belle et mince jeune fille, qui me ressemble autant?". – Ce fut le jour où son père, pour la première fois lui raconta l'histoire de sa précédente famille et la tragique mort de sa première femme et de ses enfants). Zahava Scherz (qui possède un doctorat en sciences) raconte qu'elle se sent très proche de Rutka, après avoir lu son journal.

Zofia Minc, une codétenue arrivée à Auschwitz le 16 décembre 1943 a témoigné en 1946, dans un orphelinat pour enfants juifs sur la fin de Rutka. «Dans notre block, je dormais à côté de mon amie, Rutka Laskier, de Bedzin. Elle était tellement belle, que même le Dr Mengele l’avait remarquée. Une épidémie de typhus et de choléra a alors éclaté. Rutka a attrapé le choléra. En quelques heures, elle est devenue méconnaissable. Elle n’était plus qu’une ombre pitoyable. Je l’ai moi-même transportée dans une brouette à la chambre à gaz. Elle me suppliait de l’amener jusqu’aux barbelés pour se jeter dessus et mourir électrocutée, mais un SS marchait derrière moi avec un fusil et il ne m’a pas laissé faire.»

Du 19 janvier jusqu'au 24 avril 1943, sans que sa famille soit au courant, Rutka a consigné dans son journal intime, un cahier de classe ordinaire, en écrivant ses impressions personnelles. Elle rapporte les atrocités commises par les nazis, et décrit la vie journalière dans le ghetto, aussi bien que les préoccupations d'une adolescente de son âge. Le lecteur suit ses brouilles et ses retrouvailles avec ses camarades. Il découvre une adolescente agitée de sentiments contradictoires à l'égard d'un certain Janek. Il lit son désir de vivre, d'aimer, de profiter d'une existence dont elle sait qu'elle va bientôt prendre fin.

Elle parle aussi des chambres à gaz et des fours crématoires dans les camps de concentration, indiquant que l'horreur de ces camps avait filtré jusqu'à ceux qui vivaient dans les ghettos. Le 5 février 1943, elle écrit: «Mon Dieu, oh mon Dieu, que va-t-il nous arriver ? Rutka, tu as dû devenir complètement folle : tu en appelles à Dieu comme s'il existait! [...] Si Dieu existait, il ne permettrait pas que l'on jette les gens vivants dans des fours.» Et le 15 du même mois : «Les Allemands reculent sur le front de l'Est, ce qui semble annoncer une fin rapide de la guerre. J'ai juste peur que nous, les juifs, nous finissions plus vite.»

Le journal débute le 19 janvier avec cette phrase : «Je ne peux pas m'imaginer que nous sommes déjà en 1943, quatre ans depuis que l'enfer a commencé». Une de ses dernières déclarations confie : «Si seulement je pouvais dire, c'est fini, on ne meurt qu'une seule fois…Mais je ne le peux pas, car malgré toutes ces atrocités, je veux vivre et attendre le prochain jour».