Les enfants juifs de differents pays europeens

La règle générale, à partir d’avril 1942, était que les enfants et adolescents juifs jugés non capables de travailler étaient sélectionnés et assassinés dans les chambres à gaz à leur arrivée. Les nouveau-nés d’une mère juive sélectionnée pour le travail mais arrivée enceinte dans le camp étaient également systématiquement assassinés.

De très rares enfants cependant ont échappé à la sélection soit en raison du manque d’attention des SS soit parce qu’ils avaient l’air plus âgé et étaient capables de travailler.

Les premiers arrivés furent des enfants juifs déportés avec leur famille de Haute- Silésie, du Gouvernement Général (l’est de la Pologne occupée) et de Slovaquie, représentant environ un quart ou un tiers des convois. Les informations les plus précises, grâce aux travaux exceptionnels de Serge Klarsfeld fondés sur les listes nominatives du camp de Drancy, concernent les enfants juifs venus de France. Ainsi, de mars 1942 à novembre 1944, sur les 69000 personnes déportées de France à Auschwitz, on compte 7400 enfants et 2400 adolescents.

Le plus grand nombre d’enfants et adolescents a été déporté en 1942, particulièrement au mois d’août où les enfants et adolescents représentent près de la moitié des déportés. Les convois arrivaient aussi de Belgique où sur les 25000 Juifs de Belgique, 20% étaient des enfants et adolescents et même, pour les convois arrivés en septembre 1942, près du tiers des déportés. A partir de juillet 1942, sont arrivés les convois de Juifs du camp de Westerbork (Pays-Bas). Sur les 60000 Juifs hollandais déportés, 16% étaient des enfants et adolescents. A partir des archives concernant 31700 déportés, on compte 3840 enfants et 970 adolescents. La seule exception à la règle a concerné un convoi arrivé le 6 juin où tous les enfants y compris l’un d’eux qui avait 2 ans ont été enregistrés dans le camp. Ce convoi comportait des techniciens hautement qualifiés de l’entreprise Philips, très précieux pour les Allemands qui ont sans doute pensé que le travail serait plus efficace si ces spécialistes n’étaient pas préoccupés du sort de leurs femmes et de leurs enfants.

Il est arrivé aussi des enfants juifs de Yougoslavie, de Norvège, d’Allemagne et d’Autriche. Le cas des Juifs venus de Theresienstadt en Tchécoslovaquie est particulier. 46212 personnes ont été déportées de ce camp dont 2653 adolescents et 3807 enfants. Les convois arrivés du mois d’octobre 1942 au mois de septembre 1943 furent traités comme les autres c’est-à-dire que les enfants ont été envoyés directement dans les chambres à gaz de Birkenau. Mais de septembre 1943 à mai 1944 des convois entiers, hommes, femmes, enfants ont été internés sans sélection dans le « Camp des familles de Theresienstadt » à Birkenau (secteur BIIb). Le plus jeune de ces enfants avait moins de deux mois. Mais il y a toujours des exceptions : le 7 octobre, un convoi de 1313 juifs polonais du ghetto de Bialystok venant de Theresienstadt, dont 1 260 enfants et adolescents, a été directement gazé à son arrivée.

Comme pour les Tziganes du secteur BIIe, les Juifs internés au camp des familles furent un temps moins mal traités que les autres détenus : si les hommes et les plus grands garçons étaient détenus dans des blocks distincts de ceux des femmes, des filles et des petits garçons et ne pouvaient se rencontrer que pendant une heure avant l’appel du soir, l’ensemble des détenus n’était pas soumis aux sélections des plus faibles pour les chambres à gaz, le secteur contenait un « hôpital » (Blocks 30 et 32 et une « école et jardin d’enfants » (Block 31), le travail se faisait à l’intérieur du secteur BIIb lui-même et une correspondance avec l’extérieur était possible. Les nouveau-nés n’étaient pas tués dès leur naissance. Cette situation dura six mois. Mais début mars 1944, les SS imposèrent aux Juifs de Theresienstadt d’envoyer de bonnes nouvelles à leurs proches ou à leurs amis par la distribution de cartes portant la date du 25 mars 1944. Puis 3800 des détenus arrivés en septembre 1943, hommes femmes, enfants furent envoyés dans le secteur de quarantaine (BIIa) d’où ils devaient soi-disant être envoyés dans un autre camp. Ils ont été assassinés dans la nuit du 8 au 9 mars. Seuls les jumeaux furent momentanément épargnés pour les expériences du docteur Josef Mengele. De nouveaux déportés de Theresienstadt arrivèrent alors dans le camp des familles en mai 1944 qui finit par détenir 11000 personnes.

Le 2 juillet, une première sélection a concerné 3500 hommes et femmes jeunes et valides envoyés dans des camps de travail extérieurs et une centaine d’adolescents qui, internés au camp des hommes, rejoignirent un kommando de 500 adolescents qui s’y trouvait déjà. Puis les 11 et 12 juillet les 7000 détenus qui restaient dans le camp des familles, parfaitement conscients du sort qui les attendaient, ont été assassinés dans les chambres à gaz.

Un passage inoubliable du film Shoah de Claude Lanzmann décrit la vie et la mort des Juifs de Theresienstadt à Birkenau en s’appuyant sur les témoignages de Rudolf Vrba et Filip Müller. En particulier, Vrba fait revivre la figure exceptionnelle d’un Juif allemand d’une trentaine d’année, Freddy Hirsch qui s’était occupé de l’éducation des enfants et était devenu « en quelque sorte le chef spirituel du camp des familles ». Lorsque l’ordre de la liquidation du camp arriva à la connaissance de Freddy Hirsch, celui-ci ne put se décider à participer à une révolte craignant pour le sort des enfants dont il était comme le « père ». Ainsi que le montre de manière pathétique dans Shoah, Raul Hilberg pour Adam Czerniaków qui, dans le ghetto de Varsovie, ne put se résoudre à l’assassinat des enfants et, déchiré, choisit la mort volontaire, Hirsch s’est également suicidé quand il a pris conscience de la mort inéluctable des enfants.

A partir de mars 1943, les Juifs grecs arrivèrent à Auschwitz. Jusqu’en août 1943, sur les 55000 personnes déportées, on compte 13000 enfants et adolescents qui furent pour la plupart assassinés à leur arrivée.

Sur les 7400 Juifs italiens, on compte 2000 enfants et adolescents assassinés à leur arrivée.

Mais le groupe le plus important est constitué par les Juifs de Hongrie où le nombre d’enfants étaient particulièrement élevé : 90000 enfants et adolescents sur 438000 déportés. Mais le rythme d’arrivée par rapport à la capacité d’assassinat d’Auschwitz fut tel que certains convois ne subirent pas de sélection et furent envoyés dans les camps de transit, les garçons avec les hommes dans le secteur BIIe (l’ancien camp des Tziganes), les filles avec les femmes dans le secteur BIIc et dans le camp inachevé « Mexiko ». Les victimes des sélections furent surtout les enfants dans les camps de transit de Birkenau.

Au cours de l’année 1944 les enfants juifs venant des camps liquidés de Lituanie et d’Estonie ou de camps dans le Reich arrivèrent aussi à Auschwitz. Pour certains convois, tous les enfants furent massacrés, pour d’autres ils furent enregistrés dans le camp. Les enfants survivants du camp de Plaszów à Cracovie furent aussi tués à Birkenau.


Si les adolescents furent employés comme les adultes au travail forcé, en principe, les enfants de moins de quatorze ans ne devaient pas être affectés à un kommando de travail. On les retrouvait utilisés comme domestiques à tout faire (appelés pipel dans le jargon du camp) par les chefs de block ou les kapos.

On sait que le docteur Mengele recherchait particulièrement les jumeaux dont il s’occupait avec une apparente humanité avant de les assassiner pour ses expériences. Il s’agissait surtout d’enfants tziganes et juifs. Il reste encore à Birkenau des traces de la baraque de 350 jumelles et jumeaux juifs de Mengele qui s’est livré sur eux à toutes sortes d’expériences de radiologie et de chirurgie.
Nombre d’enfants ont été déportés seuls, séparés de leurs parents et de leurs proches.
A Auschwitz, désespérés, sans soutien, sans la force physique et intellectuelle nécessaire au combat pour leur survie, la plupart des enfants et adolescents qui avaient échappé à la sélection n’ont pas survécu.