Les enfants caches

La population juive en danger

Dès l’été 1941, la politique antisémite (contre les juifs) menée par le régime nazi s’intensifie partout en Europe. En juillet 1942, les autorités allemandes décident d’organiser de grandes rafles dans différents pays. En France, 9 000 policiers et gendarmes parisiens participent à l’opération. Ils fournissent un fichier détaillé des juifs de la capitale, fichier qui avait été établi dès 1940.

Dans la nuit du 16 juillet 1942, 12 884 juifs sont arrêtés. Certaines personnes, qui avaient eu la chance d’être prévenues, réussissent à s’enfuir. Parmi elles, un grand nombre d’enfants.

La rafle du Vel d'Hiv

Après leur arrestation, la moitié des personnes raflées sont conduites en bus vers le camp de transit de Drancy, au nord de Paris. Les autres sont emmenées au Vélodrome d’Hiver (appelé aussi Vel d’Hiv). Ils sont environ 7 000, et pendant 5 jours, ils vont rester là, sans nourriture et presque sans eau. Ils partiront ensuite pour Drancy, Beaune-la-Rolande et Pithiviers. Les autorités françaises décident de déporter aussi les enfants vers les camps d’extermination d’Auschwitz-Birkenau en Pologne alors même que les consignes allemandes ne l’avaient pas prévu.

A partir de cette date, en France, les familles juives comprennent que leurs enfants sont en danger. Seuls ou avec l’aide d’un proche parent, d’un voisin, d’un réseau de sauvetage, ces parents vont tout faire pour sauver leurs enfants.

On cache les enfants

Durant la guerre, des milliers d’enfants ont pu échapper au nazisme et donc aux arrestations exigées par Hitler. Ces enfants et ces adolescents ont pu éviter les rafles en se cachant dans des égouts, des grottes, des placards, des greniers (comme Anne Frank en Hollande). Des réseaux de sauvetage ont été créés pour aider les enfants et les placer dans différents refuges, s’assurant de leur sécurité.

Les familles d'accueil

En premier lieu, les réseaux ont placé les enfants dans des familles non juives qui ont accepté de les garder dans le plus grand secret. En général, ces familles se trouvaient loin des villes, à la campagne, ce qui réduisait le risque de se faire contrôler par les SS ou la milice française.

Les enfants travaillaient à la ferme, s’occupaient du bétail, de l’agriculture et exerçaient des métiers manuels. Ces enfants, comme le disent les survivants, sont devenus de vrais petits paysans. Chaque enfant a vécu des situations différentes dans ces familles qui acceptaient de les cacher par générosité… ou pour de l’argent. Certaines familles considéraient ces enfants juifs comme leurs propres enfants, d’autres les considéraient au contraire comme une charge.

Se cacher sous une fausse identité

Les réseaux de sauvetage ont également placé les enfants dans des instituts catholiques et protestants, des couvents, des pensionnats, des maisons d’accueil, mais aussi des colonies de vacances.

Quel que soit l’endroit de leur « cachette », les enfants généralement séparés de leur famille, ont dû se reconstruire sous une autre identité, avec de nouvelles personnes qu’ils devaient parfois appeler « papa » et « maman », ils ont dû oublier leur propre vie, ne plus penser à leur religion et aux traditions dans lesquelles ils ont été élevés. Ils ont été forcés d’oublier leur langue maternelle comme le yiddish pour ceux qui venaient d’Europe de l’Est, pour apprendre le français. Ils ont vécu avec la peur constante d’être découverts.

Beaucoup ont été transportés de famille en famille, de ville en ville, par des personnes différentes qu’ils ne connaissaient pas… C’était le prix à payer pour rester en vie.

Grâce à la résistance de plusieurs organisations et de familles, un grand nombre d’enfants a ainsi pu échapper aux nombreuses arrestations.

La maison d' Izieu

La maison d’Izieu est un autre exemple de sauvetage. Ses fondateurs, Miron et Sabin Zlatin la faisaient passer pour une colonie de vacances. En réalité, cette maison accueillait des enfants juifs. Certains avaient perdu leurs parents, déportés à Auschwitz.

La maison se trouvait dans l’Ain (près de Lyon). Elle a commencé à accueillir des enfants en mai 1943. En tout, cette maison a abrité 105 enfants pris en charge par des éducateurs qui essayaient, malgré tout, de leur faire passer de bons moments en leur proposant de nombreuses activités. Une institutrice enseignait à ceux qui avaient l’âge d’aller à l’école. Les paysans des alentours leur apportaient de la nourriture.

Au début du mois d’avril 1944, ils étaient 44. Le 6 avril, les troupes de la Gestapo (police allemande), commandées par Klaus Barbie, font route vers la maison d’Izieu. Ils arrêtent les 44 enfants et les 7 adultes qui les encadraient. Sabine Zlatin, la directrice de la colonie, était absente ce jour-là. Elle a consacré le restant de sa vie à la mémoire de ces enfants.

Cachés en forêt...

Enfin, certains enfants ont eu la chance de ne pas être séparés de leur famille et se sont cachés avec leurs parents dans des endroits insalubres ou dangereux pour échapper aux arrestations tel que les égouts, les montagnes ou encore les forêts.

Serge Merowka en témoigne. Après avoir subi les lois discriminant les juifs en Allemagne, les parents de Serge décident de partir pour la France. Arrivés à Nice, ils tentent de recommencer à vivre. Son père entre dans la résistance mais il est arrêté. Par chance, il réussit à s’évader. En 1942, la famille décide de se cacher dans la forêt de Saint Paul à Vence. Serge était alors âgé de 15 ans. De nombreuses familles se cachaient déjà dans cette forêt. La vie était rude, Serge allait chercher la nourriture dans le village le plus proche. Les rations étaient très faibles.

Serge avait réussi à se procurer de faux papiers d’identité, il s’appelait désormais Maurel Félicien. La mère de Serge faisait des cauchemars toutes les nuits, l’angoisse était permanente. Cet enfer dura jusqu’à l’arrivée des Américains.

Entre 60 et 70 000 enfants furent soustraits au plan nazi de déportation et d'extermination. Plusieurs organismes contribuèrent à dissimuler ces enfants sous une fausse identité dans des familles et des foyers d'accueil. Un réseau extrêmement bien organisé s'était constitué avec l'aide de l'Œuvre de secours aux enfants, les Éclaireurs israélites de France, des organisations communistes juives telles que l'Union des juifs pour la résistance et l'entraide (UJRE), mais également des réseaux chrétiens tant catholiques que protestants.

L’Œuvre de secours aux enfants (OSE) est une association destinée au secours des enfants et à l'assistance médicale aux Juifs persécutés. Elle a secouru plusieurs milliers d'enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les éclaireuses et éclaireurs israélites de France ou EEIF sont une association scoute française d'éducation juive, reconnue d'utilité publique. La devise du mouvement est : « pour le Bien, toujours prêts! », son slogan : « Bâtisseurs d'identités depuis 1923, une aventure à vivre et à transmettre... ».

L'Union des Juifs pour la résistance et l'entraide (UJRE) est une organisation juive née dans la Résistance, liée à la Main-d'œuvre immigrée (MOI).

Certains témoigneront de leur passé d'enfant caché comme Boris Cyrulnik, Serge Klarsfeld, Saul Friedländer, Claude B. Levenson, André Glucksmann, Jean Ferrat, Sacha Distel et d’autres...

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