L'odyssée des 800 déportés du train fantôme

Jusqu'en 1990 l'histoire du Train Fantôme est restée dans l'oubli. Les habitants de Châteauneuf-du-Pape et de Sorgues avaient vu passer les déportés dans leur village, le 18 août 1944. Parmi eux trois enfants, Charles Teissier, Louis Augier et Jacqueline Simon ne les ont pas oubliés. Bouleversés, ils s'étaient demandé qui étaient ces gens, quels crimes ils avaient pu commettre pour être traités avec tant de barbarie. Mais, quelques jours plus tard, les troupes alliées arrivaient à Sorgues. La liesse succédait à la peur, la France sortait du cauchemar. L'image non résolue disparaissait de leur mémoire et restait enfouie des années durant.

Ce n'est que quarante-cinq ans plus tard qu'ils entreprennent des recherches pour savoir d'où venaient ces gens, où ils allaient et qui ils étaient. Le hasard met alors Robert Silve, un ami de Charles Teissier, en présence d'Antoine Cayuela (photo ci-dessus), Sorguais originaire d'Espagne, détenu à Dachau. Il lui raconte qu'il a vu arriver le train à la fin de l'été 1944 et qu'il se souvient de la présence d'Espagnols avec qui il a pu échanger quelques mots : leur convoi est passé à Sorgues où une grande partie de la population a manifesté son soutien aux déportés en leur portant de l'eau et des fruits. La première question trouve ainsi sa réponse : le périple du Train Fantôme s'est donc bien terminé en Allemagne, à Dachau. Ce récit sera le fil ténu qui mènera les Sorguais jusqu'à la formation du train au camp du Vernet d'Ariège, puis à la synagogue de Bordeaux avant de repartir vers la vallée du Rhône en direction de l'Allemagne avec un passage en Haute Marne où se sont échappés un grand nombre de déportés. Robert et Edith Silve découvrent également l'existence du livre de Francesco Nitti : " chevaux 8 hommes 70 " évadé du Train Fantôme, publié en 1945. Le puzzle commence à prendre forme.

Après un an d'enquête auprès des associations d'anciens déportés, des appels à témoins passés dans la presse, une cinquantaine de rescapés prennent contact avec Robert Silve. Une quarantaine de témoins du passage du convoi dans la vallée du Rhône est également retrouvée par les chercheurs Sorguais. Le 18 août 1990 les sorguais invitent les rescapés à venir commémorer leur passage dans la petite ville du Vaucluse. Quarante-six ans après, les anciens du Train Fantôme retrouvent ceux qui les avaient vus marcher le 18 août 1944 et qui leur avait porté de l'eau et des fruits et qui avaient aidé à l'évasion d'une vingtaine de détenus. Ils se rendent également à Roquemaure sur le pont endommagé qu'ils avaient traversé à pied et à Châteauneuf-du-Pape. La rencontre est émouvante, on promet de revenir…
Finalement une Amicale des anciens du Train Fantôme est constituée, composée de rescapés mais également de témoins du passage du convoi. Une plaque est apposée, un mémorial est édifié devant la gare de Sorgues et une commémoration est organisée chaque année, le 18 août En 1991, les nombreux témoignages recueillis par les chercheurs donnent naissance à un ouvrage intitulé " Le Train Fantôme " sous la direction de l'historienne Maryse Bouix Présidente des Etudes Sorguaises, auquel participent Robert et Edith Silve, Jean et Jacqueline Simon, Charles Teissier, Jacqueline Nertz et Max Bertrand.