La Résistance en France

Introduction

L'histoire de la résistance en France suscite encore des débats et alimente des controverses.
Qui et combien étaient les résistants ?
Quelles étaient leurs motivations ?
Quand et pourquoi se sont-ils engagés ?
Comment la résistance intérieure s'est-elle organisée ?
Quels étaient ses rapports avec la résistance extérieure et le général de Gaulle, avec les Alliés ?
Quelle stratégie a-t-elle adoptée ?
Comment et quand s'est-elle unifiée ?
Quel a été son rôle dans la libération et la reconstruction de la France, ainsi que dans la victoire alliée de 1945 ?

I. Diversité, complexité, spécificité de la résistance française

1. Qui étaient les résistants ?
Les résistants étaient des hommes et des femmes de tous âges mais souvent jeunes voire très jeunes.
Moins nombreuses que les hommes, les femmes y étaient souvent cantonnées dans des rôles subalternes.
Ils étaient issus de toutes les couches sociales.
Toutes les sensibilités politiques de gauche comme de droite, toutes les sensibilités philosophiques et religieuses étaient représentées au sein de la résistance.
Des étrangers ont combattu aux côtés des résistants français : antifascistes italiens, antinazis allemands et républicains espagnols réfugiés en France ; immigrés polonais et arméniens ; juifs apatrides.
Volontaires engagés dans l'action clandestine, les résistants risquaient à tout moment d'être dénoncés, arrêtés, torturés, emprisonnés, exécutés ou déportés.
Ils constituaient une toute petite minorité courageuse, qui a suscité à la fin de l'Occupation un mouvement social beaucoup plus vaste, entraînant l'adhésion de la majorité des Français.
2. Quand se sont-ils engagés, avec quelles motivations et pourquoi faire ?
L'engagement dans la résistance a été plus ou moins précoce, dès 1940-1941 ou au contraire plus tardif, en 1943-1944.
Les motivation des résistants étaient diverses : refus de la défaite et de l'occupation allemande, refus du régime de Vichy et de la collaboration, refus de la répression et des mesures antisémites, volonté de combattre pour libérer la France.
La résistance a revêtu des formes multiples qui allaient de l'attentisme prudent ou l'écoute de la BBC, jusqu'à la l'action directe ( attentats, sabotages ) ou la lutte armée dans les maquis, en passant par les manifestations patriotiques, le renseignement, la diffusion de la presse clandestine, la participation à des réseaux d'évasion, le refus du Service du travail obligatoire ( STO ) mis en place à la fin de 1942 et au début de 1943.
3. Quelles difficultés ont-ils dû surmonter ?
Les résistants étaient isolés.
Ils ne pouvaient guère compter sur la population accablée par la défaite, soucieuse d'assurer d'abord sa survie et terrorisée par les menaces de représailles, ni sur l'aide des Alliés qui a tardé à venir et est restée limitée.
Ils ont dû surmonter leurs propres divisions :
- cohabitation conflictuelle entre communistes, non communistes et anticommunistes, entre partisans du général de Gaulle et antigaullistes de différentes sensibilités, en particulier ceux qui n'avaient pas rompu avec le régime de Vichy ;
- désaccord sur le plan stratégique entre ceux qui préconisaient le sabotage et la lutte armée immédiate, en particulier les communistes avec l'Organisation spéciale ( OS ), puis les Francs tireurs et partisans français ( FTPF ) et leurs groupes de la Main- d'oeuvre immigrée ( MOI ), et ceux qui privilégiaient le renseignement, la propagande, l'aide aux pilotes alliés abattus au-dessus du territoire français et aux prisonniers évadés, dans l'attente des troupes alliées ;
- opposition enfin, entre ceux qui entendaient combattre pour des changements profonds et ceux qui souhaitaient simplement un retour à la situation d'avant-guerre.

II. L'organisation et l'unification de la résistance

1. Des débuts difficiles, un développement séparé dans les deux zones
Les rares Français qui se sont engagés dans la résistance dès 1940 l'ont fait à titre individuel ou au sein de petits groupes isolés, agissant de façon spontanée, sans mots d'ordre, sans liens entre eux.
D'autres se sont mis au service des réseaux britanniques du Special Operation Executive ( SOE ) du major Buckmaster et des réseaux de la France libre, mis en place par le Bureau central de recherche et d'action ( BCRA ).
Ce n'est que progressivement que des liens se sont établis, que le recrutement s'est étoffé, que des mouvement structurés se sont constitués dans les deux zones séparées par une ligne de démarcation contrôlée par les troupes d'occupation allemandes :
- d'abord en zone Sud non occupée, qualifiée de « zone libre » ( Combat, Libération, Franc-Tireur, Témoignage chrétien, Armée secrète, Groupes francs, Organisation de résistance de l'armée ou ORA... ) ;
- puis en zone Nord occupée ( Libération-Nord, Défense de la France, Organisation civile et militaire, Ceux de la résistance ou CDLR, Ceux de la libération ou CDLL, Résistance-Fer ... ) ;
Dans les deux zones, les communistes ont mis en place, à partir de mai 1941, le Front national de lutte pour l'indépendance de la France.
2. Les facteurs de son développement
Quatre facteurs extérieurs à la résistance ont favorisé son développement :
• En juin 1941, l'attaque allemande contre l'Union soviétique a levé les équivoques qui pouvaient subsister chez certains militants communistes depuis le pacte germano-soviétique d'août 1939, et a renforcé la détermination des résistants communistes qui constituaient, depuis 1940, la cible privilégiée de la répression nazie et vichyste.
• En septembre 1942, l'établissement du Service du travail obligatoire ( STO ) a poussé les réfractaires à rejoindre les maquis.
• En novembre 1942,l'invasion de la zone Sud par la Wehrmacht a discrédité le régime de Vichy incapable de s'y opposer, anéanti le mythe d'un « Vichy-bouclier », État indépendant et souverain jouant le double-jeu pour le plus grand intérêt de tous les Français, et elle a uniformisé les conditions de la résistance dans les deux zones.
• En février 1943, la capitulation de la VIe Armée allemande à Stalingrad a fait s'effondrer le mythe de l'invincibilité de la Wehrmacht et de la victoire définitive du Reich hitlérien auquel le régime de Vichy avait adhéré.
3. Les étapes de l'unification de la résistance
La France libre avait besoin de se faire reconnaître par la résistance intérieure et la résistance intérieure avait besoin de l'aide de la France libre.
En janvier 1942, de Gaulle a envoyé Jean Moulin en France avec pour mission d'unifier la résistance intérieure.
Au printemps 1943, les mouvements de la zone Sud ont fusionné dans les Mouvements unis de résistance ( MUR ), et ceux de la zone Nord ont commencé à coordonner leur action.
Un Conseil national de la résistance ( CNR ) a été créé où siégaient les représentants des mouvements des deux zones, des partis politiques et des syndicats.
Présidé par Jean Moulin puis après son arrestation en juin 1943, par Georges Bidault, le CNR a élaboré un programme qui a été adopté en mars 1944.
Ce programme fixait les conditions de la lutte immédiate pour la libération du territoire français et les mesures à appliquer après la Libération pour rétablir la légalité républicaine et promouvoir de profondes réformes sur le plan économique et social.
Au début de 1944, a été créé le Mouvement de libération nationale ( MLN ) qui regroupait les MUR et plusieurs mouvements de la zone Nord.

III. Le rôle de la résistance dans la libération de la France

1. L'action des maquis et les combats de la Libération
Dès septembre 1943, les résistants corses ont déclenché une insurrection qui a libéré leur île avec l'aide de commandos venus d'Afrique du Nord.
Au début de 1944, les groupements armés issus des différents mouvements de résistance ont été unifiés au sein des Forces françaises de l'intérieur ( FFI ) placées sous le commandement du général Kœnig.
À partir de juin 1944, FFI et FTP ont participé activement à la libération des autres départements français.
Pour retarder l'arrivée des renforts allemands au lendemain du débarquement de Normandie, les forces armées de la résistance ont mis en oeuvre les plans de sabotage des moyens de communication : Plan vert pour les voies ferrées, Plan violet pour les lignes téléphoniques et Plan bleu pour les installations électriques.
Dans le même temps, elles ont été mobilisés dans l'application du Plan Paul, qui visait à détruire les dépôts allemands de munitions et de carburants, à harceler les renforts allemands et à préparer l'arrivée des troupes alliées.
Elles ont subi l'assaut de la Wehrmacht appuyée par la Milice française au cours de batailles meurtrières livrées dans les Alpes sur le Vercors et le plateau des Glières, dans le Massif-Central au Mont Mouchet, et en Bretagne à Saint-Marcel.
Elles ont déclenché l'insurrection parisienne qui a libéré Paris le 25 août 1944 avec l'appui de la 2ème Division blindée du général Leclerc
Elles ont libéré la plus grande partie du sud-ouest et du centre de la France, et facilité dans le sud-est la progression de la 1ère Armée française du général de Lattre de Tassigny débarquée en Provence en août 1944.
2. Le rétablissement de la légalité républicaine
Dans la France libérée ont été mis en place partout des Comités départementaux et locaux de libération ( CDL et CLL ) constitués par des résistants, comités qui se sont substitués à l'administration de Vichy et ont rétabli la légalité républicaine.
Des cours de justice et des chambres civiques ont été créées avec la participation des résistants, pour mettre fin ou éviter les exécutions sommaires et les règlements de compte qui ont accompagné les journées libératrices, et installer les instruments de l'épuration légale des collaborateurs.
CDL, CLL et milices patriotiques ont constitué parfois, en particulier dans les départements où la résistance communiste était en position de force, une menace de contre-pouvoir face aux commissaires de la République et aux préfets nommés par le gouvernement provisoire de la République française restaurée, qui se sont rapidement imposés partout.
3. Le bilan de l'action de la résistance
Lorsque s'achève la libération de la France au printemps 1945, avec la réduction des dernières poches tenues par les Allemands, le bilan est lourd : 20 000 FFI ou FTP tués au combat, 30 000 fusillés, plus de 60 000 déportés, dont près de la moitié sont morts dans les camps.
Mais le sacrifice des résistants n'a pas été inutile et l'action de la résistance, même si elle n'a été qu'une force d'appoint, a bien servi la France.
cette action a été reconnue par le commandant en chef des armées alliées en Europe, le général Eisenhower, et a contribué ainsi à épargner à la France d'être soumise à l'AMGOT ( Allied Military Government for Occupied Territories - Administration militaire alliée des territoires occupés ).
Après la Libération, les résistants qui se sont engagés dans la nouvelle armée française reconstituée et qui ont poursuivi le combat aux côtés des Alliés, ont permis d'associer la France à la victoire de 1945 sur l'Allemagne nazie.
Enfin, le Résistance est parvenue à réaliser l'union la plus large, à rétablir la République et à amorcer un renouveau.

Conclusion

Au lendemain de la guerre, beaucoup de résistants ont été déçus parce que le rétablissement par la IVe République, en 1946, du régime d'assemblée ne correspondait pas à l'idéal de changement profond qui avait motivé leur engagement dans la Résistance.
Confrontés à la reconstitution des partis traditionnels, les résistants ne sont pas parvenus à créer un grand parti de la résistance, mais ils ont cependant joué un rôle important dans la reconstruction administrative, politique, économique et sociale de la France.
La vie politique française allaient être durablement marquée par l'héritage de la résistance, et dans l'immédiat, le programme du CNR s'est en partie concrétisé avec l'instauration du vote des femmes, la nationalisation des secteurs clés de l'économie et la création de la Sécurité sociale.


1940 ENTRER EN Résistance

Les événements survenus en 1940 font, de cette année, l’une des plus noires de l’histoire de la France à l’époque contemporaine. Une défaite militaire qui tourne en débâcle et l’exode, la faillite des élites et le choix de l’armistice, l’occupation du territoire et l’avènement d’un régime autoritaire qui collabore avec le vainqueur. La défaite, l’effondrement et l’avènement du régime de Vichy se sont pourtant accompagnés de formes de résistance et d’opposition importantes au cours de l’année 1940 qui, selon leurs caractéristiques et leur intentionnalité, incarnent trois comportements différents : comprendre, refuser, résister.

Accéder au document de la Fondation de la Résistance


Les femmes dans la Résistance

La place des femmes dans la résistance a été reconnue tardivement dans l'historiographie de la Seconde Guerre mondiale. En effet, c'est à partir du moment où la communauté scientifique s’est penchée sur la résistance quotidienne, loin des luttes armées, que l'importance du rôle des femmes a réellement émergé.

Cacher, héberger, nourrir, approvisionner : telles étaient les missions que la majorité d'entre elles exerceraient dans la clandestinité. Au sein des réseaux, elles assuraient les travaux de secrétariat, étaient agents de liaison ou officiaient dans les services sociaux. Elles se faisaient aussi trublions dans les manifestations publiques. D’autres avaient rejoint les unités de la France Libre, comme médecins, infirmières, aviatrices.

Leur engagement a été peu valorisé à la Libération, ce que traduisent les chiffres : on ne compte que 6 femmes parmi  les 1059 Compagnons de la Libération; de même, seulement 10% des Médaillés de la Résistance sont des femmes.

Mais l’année 1975 marque une tournant: dans la foulée de la vague féministe, un colloque organisé par l’Union des femmes françaises leur est consacré, premier du genre à mettre en avant leur rôle important dans la Résistance. Les publications et les travaux universitaires sur le sujet vont peu à peu se multiplier.

Décrypter les spécificités de la Résistance féminine revient à remettre en cause un schéma convenu de « La Résistance», de ses rouages, ce qui peut expliquer la frilosité des historiens à s’être penchés plus tôt sur ce volet « opaque », mais pourtant authentique, de l’histoire de la Résistance.

Les résistantes ont pu contribuer de leur côté à cette désaffection, en martelant une image « attendue » de la féminité, teintée de modestie et de discrétion.

L’histoire de cette période ne saurait pourtant s’écrire sans elles, héroïques au même titre que leurs homologues masculins. Les jeunes générations ne s’y trompent pas, qui se passionnent pour le sujet.


Les femmes et la Résistance: une histoire oubliée

Depuis quelques années nous nous posons la question de l’importance des femmes dans la Résistance et leur rôle dans la lutte contre l’occupant allemand. En général, nous pouvons parler d’occultation des femmes dans l’historiographie sur la Résistance. La participation des femmes à la Résistance a été un phénomène longtemps occulté à l’exception de quelques figures élevées au rang d’héroïnes ou de martyres. Mais aujourd'hui différentes sources nous montrent que les femmes ont joué un rôle important. Les historiens de la période de la Seconde Guerre mondiale et de l’Occupation sont confrontés depuis de nombreuses années aux problèmes posés par la relation aux témoins, par les multiples discours et l’usage des mémoires

Document : Les femmes et la Résistance: une histoire oubliée


Les femmes « Compagnons de la Libération »

Deuxième ordre national français après la Légion d'honneur, l'ordre de la Libération a été institué pendant la Seconde Guerre mondiale par le général de Gaulle, chef des Français libres. L'ordonnance n°7 qui institue l'Ordre, a été signée à Brazzaville (Congo) le 16 novembre 1940.

L'Ordre, destiné « à récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l'œuvre de libération de la France et de son Empire », ne comporte qu'un seul grade. Ses titulaires ont droit au titre de compagnon de la Libération. Le général de Gaulle, fondateur de l'Ordre en a été le seul grand maître.

L'insigne de l'Ordre est la croix de la Libération, un écu de bronze rectangulaire portant un glaive, surchargé d'une croix de Lorraine et portant au revers la devise : " PATRIAM SERVANDO VICTORIAM TULIT " (En servant la Patrie, il a remporté la Victoire). Le ruban de la décoration symbolise l'état de la France en 1940 et allie le noir du deuil au vert de l'espérance.

Le nombre définitif des personnes titulaires de cette haute distinction s'élève à 1 038.

1 038 à des hommes ou femmes.
18 à des unités militaires de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la marine des Forces françaises libres.
5 à des communes françaises : Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'île de Sein.

Parmi les 1038 membres de l'ordre de la Libération, 65 ont été tués avant le 8 mai 1945, alors qu'ils étaient déjà Compagnons, et 271 ont reçu cette distinction à titre posthume. Si bien qu’un peu plus de 700 seulement ont survécu à la guerre.

Sur 1059 Compagnons de la Libération, six femmes seulement ont reçu la croix de la Libération :

  - Berty Albrecht, co-fondatrice du mouvement Combat, morte à la prison de Fresnes en 1943

  - Laure Diebold, agent de liaison du réseau Mithridate et secrétaire de Jean Moulin, déportée

  - Marie Hackin, chargée de mission avec son mari, disparue en mer en février 1941

  - Marcelle Henry, du réseau d'évasion VIC, morte à son retour de déportation

  - Simone Michel-Lévy, de la résistance P.T.T., morte en déportation

  - Emilienne Moreau-Evrard, héroïne de la guerre 1914-18, agent du réseau Brutus

Berty Albrecht

Alias : Victoria

Berty Albrecht - Wild de son nom de jeune fille - est née le 15 février 1893 à Marseille, dans une famille bourgeoise et protestante d'origine suisse.

Après des études classiques à Marseille puis à Lausanne, elle passe un diplôme d'infirmière en 1912.

Jeune diplômée, elle part pour Londres à la veille de la grande Guerre comme surveillante dans une pension de jeunes filles. Après le déclenchement des hostilités, Berty rentre à Marseille où elle exerce dans les hôpitaux militaires.

Après l'armistice, elle épouse un banquier hollandais, Frédéric Albrecht, et habite la Hollande, puis Londres à partir de 1924. Là, elle commence à s'intéresser à la condition féminine.

Revenue à Paris en 1931, elle devient membre de la Ligue des Droits de l'Homme, et crée, en 1933, une revue, le Problème sexuel, dans laquelle elle défend notamment le droit des femmes à l'avortement libre.

Elle s'occupe également des réfugiés allemands fuyant le nazisme (juifs et opposants politiques), puis des Espagnols républicains exilés en France.

En octobre 1936, elle devient surintendante d'usine. En 1938, elle est affectée aux usines Barbier-Bernard et Turenne, fabrique d'instruments d'optique pour la Marine.

Après l'armistice de juin 1940, Berty Albrecht entre aux Usines Fulmen à Vierzon et profite de cette situation, dès l'été 1940, pour faire passer la ligne de démarcation à des prisonniers évadés.

Début 1941, elle commence à dactylographier les premiers bulletins de propagande du Mouvement de Libération nationale (MLN) créé par Henri Frenay qu'elle connaît depuis 1934 et dont elle a été la compagne. Elle recrute pour le mouvement les premiers adhérents et collecte les premiers fonds.

En mai 1941 elle emménage à Lyon étant chargé de mission par le Ministère de la Production Industrielle et du Travail pour l'ensemble des problèmes du chômage féminin dans le Lyonnais. Berty fait ouvrir des ateliers de couture pour les chômeuses.

Parallèlement elle découvre à Villeurbanne, où se trouvent les locaux du Commissariat au Chômage, le premier imprimeur qui tire le journal Les Petites Ailes à 2 000 ou 3 000 exemplaires puis le journal Vérités, à partir de septembre 1941.

En décembre 1941, de la fusion du MLN et du mouvement Liberté de François de Menthon, naît "Combat", qui se développe sous la direction d'Henri Frenay avec la participation active de Berty Albrecht. Poursuivant sa lutte contre les Allemands, elle établit de précieuses liaisons entre les deux zones au profit du mouvement. Les bureaux de Villeurbanne deviennent rapidement ceux du mouvement et Berty s'efforce aussi de mettre en place un service social de "Combat" pour venir en aide aux camarades du mouvement emprisonnés et à leurs familles.

Les allées et venues dans les bureaux du Commissariat au Chômage attirent l'attention de la Police qui arrête Berty Albrecht une première fois à la mi-janvier 1942 ; relâchée au bout de trois jours, elle est rapidement contrainte à la démission.

Arrêtée à son domicile fin avril 1942, elle est internée administrativement et arbitrairement à Vals-les-Bains en mai 1942. Elle exige d'être jugée. Devant le refus des autorités, elle fait une grève de la faim pendant 13 jours avec quelques-uns de ses codétenus, parmi lesquels Emmanuel Mounier, fondateur de la revue Esprit. Elle obtient alors d'être transférée à la prison Saint-Joseph à Lyon et est finalement jugée et condamnée à six mois de prison ferme.

L'invasion par les Allemands de la zone sud, le 11 novembre 1942, risque de compliquer un peu plus encore l'avenir des prisonniers politiques et résistants. Berty Albrecht décide alors de simuler la folie. Envoyée à l'asile psychiatrique de Bron le 28 novembre, elle est libérée par un commando de "Combat" mené par André Bollier, le 23 décembre 1942, grâce également à l'aide de sa fille Mireille et de son médecin traitant.

Refusant de passer en Angleterre, elle reprend immédiatement ses activités clandestines et, au début de février 1943, rejoint Henri Frenay à Cluny.

Arrêtée à Mâcon le 28 mai 1943 par la Gestapo au cours d'un faux rendez-vous, elle est torturée et transférée à la prison du Fort Monluc à Lyon puis à Fresnes où elle est incarcérée le 31 mai à 0H15 et placée dans une cellule du quartier des droits communs. Echappant ainsi à la surveillance réservée aux "politiques", elle se donne la mort par pendaison dans la nuit.

Le 31 mai 1943, les Allemands font connaître à la Préfecture de Mâcon et à l'ambassade des Pays-Bas à Londres le décès de Berty Albrecht sans que l'on en connaisse, alors, réellement les circonstances. En mai 1945, son corps est retrouvé dans le jardin potager de la prison de Fresnes. Berty Albrecht est inhumée dans la crypte du Mémorial de la France combattante au Mont Valérien à Suresnes.

• Compagnon de la Libération - décret du 26 août 1943
• Médaille Militaire
• Croix de Guerre avec palme
• Médaille de la Résistance avec rosette


Laure Diebold

 

Alias : Mona - Mado

Laure Diebold, de son nom de jeune fille Laure Mutschler, est née le 10 janvier 1915 à Erstein (Bas-Rhin) dans une famille alsacienne très patriote.

Après des études secondaires, elle devient, avant la guerre, secrétaire sténodactylo bilingue français-allemand, à Sainte-Marie-aux-Mines (1934-1935) puis de 1935 à 1939 aux usines Elastic à Saint-Louis.

Pendant la Drôle de Guerre elle est secrétaire d'un industriel à Saint-Dié. Après l'armistice, elle demeure en Alsace et rejoint une organisation de passeurs pour les prisonniers évadés.

Repérée par l'occupant, elle quitte l'Alsace à la veille de Noël 1941 et parvient à Lyon, cachée dans une locomotive.

Elle y retrouve son fiancé, Eugène Diebold, prisonnier évadé, qui la fait embaucher comme secrétaire au service des réfugiés d'Alsace-Lorraine.

Jeune mariée, elle entre à partir de mai 1942 au réseau de renseignements "Mithridate", où, en qualité d'agent de liaison et d'évasion, catégorie P1, elle recueille des informations qu'elle code et fait passer sous forme de courrier à Londres.

Laure Diebold est arrêtée une première fois le 18 juillet 1942 par la police judiciaire deux jours avant son mari ; n'ayant rien dit, ils sont relâchés le 24 juillet faute de preuves. Elle se réfugie à Aix-les-Bains, passe dans la clandestinité la plus totale et devient "Mona".

A la mi-août 1942, elle rencontre Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin, par l'intermédiaire de Madame Moret qui travaille comme elle au service des réfugiés d'Alsace-Lorraine. Engagée aux Forces françaises libres, immatriculée au Bureau central de renseignements et d'action (BCRA) sous le nom de "Mado", elle est affectée aux services de Jean Moulin, représentant du général de Gaulle et délégué du Comité national français, en qualité d'agent P.2 avec le grade de lieutenant.

Laure Diebold fait preuve d'une activité extraordinaire, travaillant jour et nuit, à son domicile de la banlieue de Lyon, pour la Délégation générale dont elle est la dactylo. Pendant plusieurs semaines, le secrétariat de la Délégation générale fonctionne uniquement avec Daniel Cordier, Laure Diebold et Hugues Limonti.

En janvier 1943, elle s'installe dans un bureau près de la place des Terreaux, ce qui facilite le travail du secrétariat de la Délégation.

Fin mars 1943, sur décision de Jean Moulin qui souhaite installer ses services dans la Capitale, elle s'installe à Paris avec Cordier et Limonti.

Après l'arrestation de Jean Moulin, en juin 1943, elle demeure à Paris où s'est installée la Délégation générale et continue le même travail aux côtés de Claude Bouchinet-Serreulles et de Georges Bidault. La difficulté de trouver un local la contraint à travailler dans sa chambre, chez son beau-frère, à Fontenay-aux-Roses pendant quelques semaines avant de pouvoir s'installer à Paris, rue Vavin.

Elle qui n'ignore presque rien de l'organisation de la Résistance est à nouveau arrêtée en compagnie de son mari, à Paris, rue de Grenelle, le 24 septembre 1943 et conduite à Fresnes ; elle réussit à convaincre la Gestapo qu'elle n'a fait que servir de boîte aux lettres et échappe ainsi à la torture.

Le 17 janvier 1944, Laure Diebold est dirigée vers Sarrebruck puis internée à Strasbourg du 28 janvier au 13 juin 1944. Déportée ensuite au camp de sûreté de Schirmeck, elle est internée successivement à Mulhouse, Berlin puis au camp de Ravensbrück. Transférée près d'Altenburg, au kommando de Meuselwitz qui dépend de Buchenwald, elle est affectée à partir du 6 octobre 1944, au kommando de Taucha (près de Leipzig) dépendant aussi de Buchenwald.

Gravement malade, promise au four crématoire, elle est sauvée par un médecin tchèque du laboratoire du camp qui escamote sa fiche à deux reprises.

Libérée en avril 1945 par les Américains, très affaiblie, elle arrive à Paris un mois plus tard et, conduite à l'Hôtel Lutetia, elle a le bonheur d'y retrouver son mari, également de retour de déportation.

En dépit d'une santé très altérée par les épreuves subies en déportation, elle recommence aussitôt à travailler, à Paris dans les services de la Direction générale des Etudes et Recherches (DGER) puis, à partir de 1957, à Lyon dans une entreprise où elle est successivement secrétaire puis bibliothécaire.

Laure Diebold meurt subitement le 17 octobre 1965 à Lyon et est inhumée en Alsace, à Sainte-Marie-aux-Mines, dans le Haut-Rhin.

• Chevalier de la Légion d'Honneur
• Compagnon de la Libération - décret du 20 novembre 1944
• Croix de Guerre 39/45
• Médaille des Services Volontaires dans la France Libre

Marie Hackin


Marie Hackin, Parmentier de son nom de jeune fille, est née le 7 septembre 1905 à Rombas en Moselle annexée par l'Allemagne dans une famille de cinq enfants. Son père, Jean Parmentier, luxembourgeois, y avait émigré en 1892 pour y trouver un emploi de chef de triage.

La famille déménage ensuite à Ars-sur-Moselle où Jean Parmentier devient cafetier.

Marie Hackin fait des études d'archéologie à Paris à l'Ecole du Louvre. En septembre 1928, elle épouse Joseph Hackin, archéologue et philologue, conservateur au musée Guimet depuis 1923 et reçoit alors la nationalité française.

Dès lors, elle est étroitement et remarquablement associée aux recherches de son mari, aussi bien dans le cadre de ses missions en Orient que dans ses travaux scientifiques au Musée Guimet.

De 1929 à 1940, ils participent à de nombreuses fouilles en Afghanistan où les campagnes se succèdent. Elle dirige notamment -sous la direction de son mari- un des deux chantiers de fouilles du site de Begram à 60 km de Kaboul lors du premier semestre 1937. Elle réalise également un film documentaire sur les sites et les paysages afghans.

En septembre 1939, Joseph Hackin est mobilisé comme capitaine, puis, comme commandant, attaché à la légation de France à Kaboul.

Refusant l'armistice, après avoir adressé, le 6 juillet 1940, un message d'adhésion au général de Gaulle, les époux Hackin quittent Bombay à destination de Londres, où ils parviennent en octobre 1940.

Engagée dans les Forces françaises libres, le 26 décembre 1940, avec le grade de sous-lieutenant, Marie Hackin prend part à l'organisation du Corps féminin de la France libre.

Désignée pour accompagner son mari, chargé du Département des Affaires extérieures, dans une longue mission en Inde, elle embarque le 20 février 1941.

Le cargo qui les transporte, le Jonathan Holt, est torpillé le 24 février 1941. Les époux Hackin disparaissent en mer, dans les parages des îles Féroé.

• Compagnon de la Libération - décret du 13 mai 1941
• Croix de Guerre 1939/45 avec palme
• Médaille Commémorative 39-45

Publication : • Avec Ahmad Ali Kohzad, « Légendes et coutumes afghanes », publications du Musée Guimet, Presses universitaires de France, 1953.

Marcelle Henry

Marcelle Henry est née le 7 septembre 1895 à Angers (Maine-et-Loire) où son père est alors inspecteur départemental du Travail dans l'industrie.

Après des études secondaires au lycée de jeunes filles de Limoges puis au cours secondaire du 15e arrondissement à Paris (1908-1912), elle intègre le lycée Victor Duruy, deux ans après la mort de son père.

Bachelière, licenciée en Histoire-Géographie, possédant par ailleurs un bon niveau en anglais, elle enseigne pendant trois ans de 1915 à 1919, d'abord au collège de garçons de Chatillon sur Seine (Côte d'Or) puis au collège de Langres (Haute-Marne).

En septembre 1919, Marcelle Henry, suivant la tradition paternelle, entre au ministère du Travail où elle est d'abord auxiliaire temporaire puis secrétaire auxiliaire. En 1920, elle passe brillamment le concours de rédacteur et est titularisée en 1922.

Après le décès de sa mère en 1925, elle se retrouve chargée de famille et doit prendre entièrement à sa charge son frère aîné, Victor, qui, atteint depuis son jeune âge d'une maladie incurable, est inapte au travail.

Promue sous-chef de bureau en 1931 elle dirige, au ministère, place de Fontenoy, à partir de 1937, le bureau de l'hygiène et de la sécurité des travailleurs de la Direction du Travail.

Catholique fervente, elle prend position contre la collaboration dès les lendemains de l'armistice et développe une atmosphère de résistance au sein du ministère. Elle entre en liaison avec la Résistance et constitue, chez elle, dans sa maison d'Athis-Mons, des dépôts de tracts qu'elle distribue dans les usines.

En même temps, elle amène plusieurs de ses collègues à la lutte active et use de ses fonctions publiques pour couvrir les agissements clandestins de ses subordonnés. Elle donne également asile à des réfugiés poursuivis. A partir de 1942, en plus de ses fonctions professionnelles, elle est placée à la tête du Service central et du Secrétariat de la Direction du Travail. Elle reçoit systématiquement une notation administrative très élevée et fait en outre l'objet d'appréciations élogieuses de la part de ses chefs qui la considèrent comme un élément précieux possédant une culture étendue et faisant preuve de qualités d'organisation et d'initiative.

En septembre 1943, elle est incorporée aux Forces françaises combattantes, au titre du BCRA (Bureau central de renseignements et d'action), les services secrets de la France Combattante. Elle travaille alors, comme agent de liaison, au circuit d'évasion VIC que dirige Henri Levin. Ce réseau prend en charge les officiers français et alliés. Agent P.1 à partir du 1er novembre 1943, elle assure l'hébergement des évadés lors de leur passage à Paris et travaille sous les ordres du commandant Jacques Mitterrand, alias "Julien".

La Gestapo l'arrête le 4 juillet 1944 à son domicile parisien du boulevard Saint-Michel, croyant y trouver "Julien", vraisemblablement à la suite des aveux d'un membre du réseau. Durant de cruels interrogatoires, elle parvient à ne pas parler sinon pour décharger plusieurs de ses collaboratrices, également arrêtées.

Internée à Fresnes, Marcelle Henry est condamnée à mort au moment où elle est promue sous-lieutenant des Forces françaises combattantes (agent P. 2) et ne doit son salut qu'au désarroi allemand du mois d'août 1944, son dossier étant probablement égaré. L'approche des Alliés fait qu'elle est déportée le 15 août 1944 par le dernier convoi de 2 200 résistants et aviateurs alliés quittant Paris.

Arrivée le 21 août 1944 au camp de concentration de Ravensbrück elle est envoyée à Torgau, kommando de Buchenwald, où les détenus travaillent pour une usine de fabrication de munitions et d'explosifs. Il semble qu'elle refuse de travailler pour l'industrie allemande ce qui lui vaut de subir des privations supplémentaires.

En janvier 1945, le kommando est évacué sur Ravensbrück où Marcelle Henry est libérée par la Croix-Rouge le 9 avril 1945.

Rapatriée en France le 14 avril par l'intervention de la Croix-Rouge, elle décède le 24 avril 1945 à Paris, à l'hôpital Claude Bernard des suites des privations et des mauvais traitements. Elle est inhumée au cimetière parisien à Bagneux (Hauts-de-Seine).

Proposée en 1943 pour une inscription au tableau de sous-directeur ou de directeur adjoint, son arrestation en juillet 1944 a empêché cette promotion. Ce n'est qu'à titre posthume que, par arrêté du 10 janvier 1946, Marcelle Henry est nommée sous-directeur honoraire au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, récompensant des titres résistants éminents mais aussi une carrière d'exception.

• Chevalier de la Légion d'Honneur
• Compagnon de la Libération - décret du 27 avril 1945
• Croix de Guerre 39/45 avec palme
• Officier du Mérite Social à titre posthume

Publication : « Les Problèmes du chômage », Presses universitaires de France, 1942


Simone Michel-Lévy

 

Alias : Emma - Françoise - Madame Royale - Mademoiselle Flaubert - Madame Bertrand

Simone Michel-Lévy est née le 19 janvier 1906 à Chaussin (Jura). Son père était plâtrier.

Après le brevet élémentaire, elle déménage avec ses parents à Chauny dans l'Aisne où elle entre à seize ans et demi dans l'administration des PTT.

En 1939, elle est contrôleur-rédacteur au département "Commutation" de la Direction des Recherches et du Contrôle technique, rue du général Bertrand à Paris.

Dès l'Armistice, elle s'élève contre la capitulation de la France et entre dans la Résistance en décembre 1940.

En 1941, elle participe avec Maurice Horvais, à la création du réseau "Action PTT", sous la direction d'Ernest Pruvost, collègue rencontré lorsqu'elle était en poste à Chauny. Le réseau a pour but, en profitant des possibilités professionnelles des PTT, d'étendre sur toute la France une ramification de cellules de renseignements et de transmissions.

Dans un premier temps, Simone Michel-Lévy met toute son énergie à développer un système de "boîte aux lettres" pour les communications clandestines.

Ses missions d'adjoint, responsable du secteur "radio", la conduisent à se déplacer fréquemment pour organiser l'"hébergement" de postes émetteurs, notamment dans le Sud-ouest, en Bretagne, et en Normandie. A Caen, elle assure ainsi, fin janvier 1942, sous le pseudonyme de Madame Flaubert, la première liaison avec le groupe local de la résistance PTT d'Henri Le Veillé, à qui elle amène, début mars, deux opérateurs radio équipés de leur poste.

A l'automne 1942, le réseau "Action PTT", qui s'est développé, prend contact avec la "Confrérie Notre-Dame" (CND) du colonel Rémy et l'"Organisation civile et militaire" (OCM) du colonel Touny. Pour la CND, Simone Michel-Lévy met en place, Gare de Lyon, une centrale permettant le transport du courrier clandestin et de postes émetteurs, par voitures postales et sacs plombés, en s'appuyant sur les "ambulants" des PTT dirigés par Edmond Debeaumarché. Un dépôt identique existe à la Gare Montparnasse pour les expéditions vers l'ouest.

Elle réalise ainsi, sous les pseudonymes de "Françoise" et de "Madame Royale", un excellent système d'acheminement du courrier à travers la France, qui marche à la perfection, soit par voie maritime, c'est-à-dire jusqu'aux chalutiers, soit par voie aérienne, et cela dans les deux sens.

Dès les premières heures du Service du Travail obligatoire (STO) en 1943, elle établit plus de cent cartes professionnelles des PTT à des jeunes réfractaires. En janvier 1943, Simone Michel-Lévy devient agent P1 (régulier) puis agent P2 (permanent). Elle mène donc une véritable double-vie, extrêmement harassante et anxiogène. Son chef de service Gaston Letellier, qui ferme les yeux sur ses absences et ses retards, indique qu'à cette époque : « Après des nuits de veille, des voyages épuisants, au retour de missions périlleuses de parachutage, on revoit Simone à sa table de travail, les traits tirés, mais souriante. Rien ne pouvait entamer son ardeur et la véritable flamme qui l'animait ».

La trahison de "Tilden", chef-opérateur radio de la CND, qui est à l'origine du démantèlement de la CND, met fin brutalement à son action. Au soir du 5 novembre 1943, Emma est appelée d'urgence par ce dernier dans un café proche de son bureau, le "François Coppée", boulevard du Montparnasse. C'est un piège. Elle est immédiatement arrêtée et conduite 101 avenue Henri Martin, dans les locaux de Georges Delfanne, alias Masuy, auxiliaire français de la Gestapo. Abominablement torturée par Masuy, Simone Michel-Lévy ne parle pas et est livrée à la Gestapo de la rue des Saussaies.

Internée à Fresnes puis au camp de Royallieu (Compiègne), Simone Michel-Lévy quitte la gare de Compiègne le 31 janvier 1944 dans le convoi des "27 000". Elle arrive le 3 février au camp de Ravensbrück où, pendant la quarantaine, elle aide une camarade musicienne à organiser une magnifique chorale qui fait un moment oublier leurs peines aux prisonnières.

En avril 1944, elle est envoyée en Tchécoslovaquie, au kommando de Holleischen, dépendant du camp de Flossenbürg, pour travailler dans une usine d'armement qui fabrique des munitions anti-aériennes. Elle y continue son action de résistante en sabotant.

Affectée à l'atelier 131 A de l'usine, elle est chargée de faire passer sous une énorme presse des chariots de cartouches remplies de poudre. Avec deux autres déportées, Hélène Lignier et Noémie Suchet, elle ralentit la chaîne, la désorganise, ce qui se solde parfois, pour la production du Grand Reich, par un manque de 10 000 cartouches. Elles font fonctionner la presse à vide, ce qui l'endommage et constitue, pour elles-mêmes, un danger immédiat malgré la protection d'une tour en maçonnerie. C'est ainsi que finalement la presse saute et qu'un rapport de sabotage visant les trois femmes est rédigé et envoyé à Berlin via Flossenbürg.

La réponse d'Himmler revient plusieurs mois après, dans le courant d'avril 1945, alors que tonnent déjà alentour les canons américains. Entre-temps, elles ont été condamnées à la bastonnade, sentence de 25 coups de bâtons exécutée en présence du commandant du camp et devant leurs camarades déportées.

Le 10 avril 1945, Simone Michel-Lévy, Hélène Lignier et Noémie Suchet doivent partir immédiatement pour le camp de Flossenbürg, où elles sont pendues par les Allemands, le 13 avril, 10 jours seulement avant la libération du camp.

• Chevalier de la Légion d'Honneur
• Compagnon de la Libération - décret du 26 septembre 1945
• Croix de Guerre 39/45 avec palme
• Médaille de la Résistance
• Croix du Combattant Volontaire de la Résistance
• Médaille des Blessés
• Médaille commémorative de la Guerre 39/45 avec barrette "Engagé volontaire"
• Médaille de la Déportation et de l'Internement pour faits de Résistance


Emilienne Moreau-Evrard

 

Alias : Jeanne Poirier, Emilienne la Blonde

Emilienne Moreau est née le 4 juin 1898 à Wingles (Pas-de-Calais). Son père, mineur en retraite, ouvre en juin 1914 une épicerie-mercerie à Loos-en-Gohelle à quelques kilomètres de Lens.

Emilienne Moreau se destine à la carrière d'institutrice lorsqu’éclate la Grande Guerre. A Loos, elle subit l'occupation allemande à partir d'octobre 1914. Son père meurt en décembre 1914 pendant l'occupation du village.

En février 1915, elle crée, dans une cave, une école improvisée pour les enfants de Loos.

Le 25 septembre 1915, alors que les Ecossais du Black Watch contre-attaquent pour reprendre la ville, Emilienne qui n'a que 17 ans, s'empresse de se porter à leur rencontre pour leur communiquer les positions ennemies installées sur un fortin quasi inexpugnable.

Grâce à ces indications, les Britanniques contournent et réduisent ce nid de résistance avec des pertes minimes. Immédiatement, Emilienne, avec un médecin écossais, organise dans sa propre maison un poste de secours, s'employant pendant vingt-quatre heures à y transporter les blessés et à leur prodiguer des soins.

Pour sauver un soldat anglais pris sous la mitraille, elle n'hésite pas à sortir de chez elle, armée de grenades, et parvient, avec l'aide de quelques soldats anglais à mettre hors d'état de nuire deux soldats allemands, embusqués dans une maison voisine. Un peu plus tard, alors que la maison est cernée, elle se saisit d'un revolver et abat à travers la porte deux fantassins ennemis. Finalement la ville est reprise par les Britanniques.

Evacuée, elle est décorée de la Croix de Guerre avec palme sur la place d'Armes à Versailles, et est titulaire de la Croix du Combattant. Les Britanniques lui décernent la Military Medal, la Royal Red Cross (first class) et l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem, cette dernière décoration n'étant que très exceptionnellement attribuée à une femme.

Ayant passé ses diplômes de l'enseignement, Emilienne Moreau termine la guerre comme institutrice dans une école de garçons à Paris.

Après l'armistice, elle retourne vivre dans le Pas-de-Calais et épouse en 1932 Just Evrard, secrétaire général adjoint de la fédération socialiste du Pas-de-Calais. Elle devient secrétaire générale des femmes socialistes du Pas-de-Calais en 1934.

Au moment de la déclaration de guerre de septembre 1939, le couple Evrard et les deux enfants de Just, Raoul et Roger, vivent à Lens. Après un exode de courte durée et en ordre dispersé, la famille se retrouve à Lens au lendemain de l'Armistice de juin 1940. Mais Emilienne Moreau-Evrard, connue des Allemands pour son action de la Première Guerre mondiale, est immédiatement placée en résidence surveillée, chez sa mère, à Lillers.

Autorisé à rejoindre sa famille à Lens, elle commence, avec elle, par distribuer des tracts et des brochures contre la capitulation et le maréchal Pétain. La famille Evrard prend contact avec l'Intelligence Service à qui elle fournit de précieux renseignements. Avec son mari, Emilienne Moreau constitue fin 1940 la section socialiste clandestine de Lens.

Just Evrard est arrêté en septembre 1941 et, libéré en avril 1942, passe en zone sud. Emilienne l'y rejoint et à Thonon, puis à Lyon, elle devient agent de liaison du réseau Brutus, fondé par Pierre Fourcaud et alors dirigé par l'avocat André Boyer.

Emilienne Moreau est connue alors dans la Résistance sous le nom de Jeanne Poirier ou "d'Emilienne la Blonde". Elle assure les liaisons avec la Suisse pour Brutus et le Comité d'Action socialiste (CAS) et exécute diverses missions vers Paris.

Puis elle entre au mouvement la France au Combat fondé en octobre 1943 par André Boyer ; elle travaille avec Augustin Laurent, André Le Troquer et Pierre Lambert.

A Lyon, elle échappe de justesse à l'arrestation lors de l'affaire du 85 de l'Avenue de Saxe où dix-sept de ses camarades sont arrêtés par la Gestapo fin mars 1944.

Toujours à Lyon, en mai 1944, elle échappe de nouveau à une série de rafles qui déciment la France au Combat ; les Allemands qui l'attendent chez elle dans le quartier de la Guillotière, la mitraillent et la manquent. Elle s'enfuit par les caves.

traquée, elle est désignée pour siéger à l'Assemblée consultative provisoire d'Alger et doit être évacuée. Après plusieurs tentatives, elle part finalement pour Londres par une opération aérienne le 7 août 1944.

Elle rentre en France en septembre 1944 et aide son mari à reformer les sections socialiste du Pas-de-Calais. Incarnant une seconde fois la résistance féminine française mais aussi l'engagement des "sans-grades" de la Résistance, elle est décorée de la Croix de la Libération par le général de Gaulle à Béthune le 11 août 1945.

Membre du comité directeur du parti socialiste 1945 à 1963, conseiller honoraire de l'Assemblée de l'Union française de 1947 à 1958, Emilienne Moreau-Evrard est également présidente de la fédération du Pas-de-Calais des anciens combattants républicains.

Emilienne Moreau-Evrard est décédée le 5 janvier 1971 à son domicile de Lens. Elle a été inhumée au cimetière de l'Est à Lens.
• Officier de la Légion d'Honneur
• Compagnon de la Libération - décret du 11 août 1945
• Croix de Guerre 1914-1918 avec palme
• Croix de Guerre 1939-45
• Croix du Combattant 14/18
• Croix du Combattant Volontaire de la Résistance
• Military Medal (GB)
• Royal Red Cross - first class - (GB)
• Ordre de Saint Jean de Jérusalem (GB)

Publication : « La Guerre buissonnière. Une famille française dans la Résistance », Solar, Paris 1970