La cellule familiale

La cellule familiale rom est traditionnellement dirigée par le père. On attend de la mère qu’elle donne beaucoup d’enfants. Plus une famille est nombreuse, plus elle est considérée comme bénie de Dieu. On se marie, mais pas forcément à l’Église ou à la mairie.


Les roulottes

Avec leur petite cheminée, fenêtres et volets, elles sont apparues seulement au XIXe siècle. Elles ont été remplacées ensuite par de grandes caravanes accrochées à de puissantes automobiles. Auparavant, les Roms nomades circulaient à bord de chariots bâchés que tiraient des chevaux ou des bœufs. Lors des étapes, ils logeaient sous des tentes ou dans des grottes.


Adeptes du christianisme

Dans leur majorité, les Roms ont au cours de leur histoire adopté la religion des pays dans lesquels ils circulaient ou s’installaient. On a cependant noté que dans les Balkans, lors de l’occupation ottomane, les nomades étaient musulmans et les sédentaires chrétiens orthodoxes – ce qu’ils sont toujours. Manouches, sintis et gitans sont catholiques – beaucoup se retrouvent chaque année en mai aux Saintes-Maries-de-la-Mer en Camargue, afin de célébrer Sainte Sarah. Depuis le XXe siècle, l’évangélisme pentecôtiste fait de grands progrès dans les communautés roms.


Les métiers

Ils sont souvent en rapport avec la chose militaire, occupation qui fut importante aux premiers temps de la présence rom en Europe, selon les chroniqueurs du passé. Organisés en compagnies, des Roms se sont illustrés sur tous les champs de bataille pendant environ deux siècles au cours des conflits européano-ottomans, des guerres de religion entre catholiques et protestants, au service de tel ou tel prince… Bref, ceux-là étaient des sortes de mercenaires.

Parmi les occupations civiles, le dressage et le commerce des chevaux ont été importants dans la vie sociale et économique des Roms, notamment dans les Balkans occupés par les Ottomans. De ce côté du monde, certains restèrent attachés à de grandes familles en tant que domestiques.

La métallurgie est aussi une activité tenant une place considérable chez les Roms. Par exemple, beaucoup furent forgerons, chaudronniers, étameurs, maréchaux-ferrants, professions pouvant se pratiquer aisément lorsqu’on est nomade. Sédentarisés, certains se sont spécialisés dans la récolte et le traitement de la ferraille. Il y eut aussi des colporteurs, des orpailleurs, des rempailleurs de chaises, des vanniers, des ouvriers agricoles saisonniers. Mais, à la différence de beaucoup de peuples voyageurs, les Roms n’ont jamais été ni bergers, ni conquérants.


Le spectacle

Dans tous les sens du terme, il a été et reste une activité très visible.

Que sont les diseuses de bonne aventure, très recherchées lors des foires ou même sur le bord d’une simple route, si ce n’est des artistes du beau langage, et souvent fines psychologues ? Elles vous touchaient la main et regardaient droit dans vos yeux pour y lire ce qu’elles devaient raconter.

Variante : les praticiennes de la divination par les cartes de tarot.

Autant de pratiques condamnées par les Églises catholiques et protestantes.

On compta également de nombreux lutteurs et montreurs d’ours ou de singes chez les gens du voyage. L’art du cirque est né en grande partie en milieu rom, chez les sinti d’Italie. En France, on connaît bien les familles Bouglione et Zavatta. Nombre de Roms sont également devenus forains.


Les danses et musiques

Elles ont été et restent les meilleurs passeports des gipsys. On s’est souvent posé la question de savoir s’il existait une musique typique de l’entité rom. En réalité, on ne peut que constater que les artistes tsiganes ou gitans se sont en fait adaptés aux traditions des pays d’accueil. Ils ont mélangé ces dernières à d’autres, entendues ailleurs, et certainement à un vieux fonds indien conservé de génération en génération.

Les genres les plus connus se sont développés là où des Roms se sont installés à demeure. L’association danse-rythme-musique est essentielle. Que l’on songe simplement au flamenco. Il n’est pas de musique rom sans partage, sans que l’assistance ne se fasse d’une manière ou d’une autre participante. Les contrastes sont saisissants : lenteur, rapidité, douceur, fureur. Les voix sont toujours éraillées et plaintives.


La musique tsigane trouve son origine dans les vieilles traditions balkaniques, ottomanes, slaves et hongroises. C’est dans ce terreau mouvant que l’on a poussé les premières complaintes qui font aujourd’hui les délices des amateurs éclairés de musiques du monde. L’engouement a commencé très tôt auprès des princes et des compositeurs (des romantiques comme Lizst aux modernes du XXe siècle tels que Bartok) qui se pâmaient d’admiration devant les nombreux violonistes virtuoses tsiganes. Les musiciens tsiganes se sont répandus dans toute l’Europe de l’Est et en Russie. Se produisant dans les cabarets, les solistes, orchestres et danseuses ont charmé des millions de spectateurs.

Aujourd’hui encore, ce sont des Tsiganes qui animent les soirées des grandes villes de même que les bals, mariages et enterrements des campagnes. À noter : le cousinage qui lie musiques tsiganes et klezmer, le folklore des juifs d’Europe orientale.

Le flamenco est apparu à la fin du XVIIIe siècle en Andalousie. Un cri modulé en lamentations d’hommes et de femmes accompagnés de guitaristes et de percussionnistes usant parfois d’un marteau et d’une enclume… Les puristes nomment cette musique « canto jondo » (chant profond). Elle est le fruit d’une combinaison de plusieurs traditions : celle des origines indiennes, les pratiques judéo-arabo-berbères-andalouses et l’art de la romance venu du Nord de l’Espagne, notamment les villancicos.

C’est dans les cafés cantantes des gitanerias, quartiers gitans, que se sont fait connaître les premiers artistes du genre. Des danses presque statiques sont le complément indispensable de cette musique. Celle-ci bouleverse surtout lorsque se fait sentir le duende, cet état d’âme indéfinissable proche de la transe. Aussi, la polémique est dès le départ présente. Le flamenco en tant que spectacle rémunéré est considéré comme nul par les aficionados purs et durs. Pourtant, si le genre, longtemps mal perçu, s’est finalement imposé au plus grand nombre, ce fut grâce à des vedettes comme Carmen Amaya ou Camaron, ainsi que grâce à la reconnaissance de musiciens savants tels que Manuel de Falla.


La rumba gitane est souvent confondue avec le flamenco. Il s’agit d’un mélange de rythmes afro-cubains et de traditions andalouses inventé au milieu du XXe siècle dans les quartiers gitans de Madrid, Barcelone et Perpignan. Les Gipsy Kings, groupe des années 1980, en ont été les plus dynamiques propagateurs à travers le monde.

Le jazz manouche

Django Reinhardt est la figure majeure de ce genre, éclos dans les années 1930 à Paris. Guitariste issu d’une famille manouche de l’Est de la France, il se passionne pour le jazz, en même temps que d’autres guitaristes Roms, tels que les frères Ferret, des gitans catalans. Ces adeptes du swing rencontrent des artistes du genre musette, comme les accordéonistes Jo Privat et Gus Viseur ou des interprètes formés à la musique classique à l’instar du violoniste Stéphane Grappelli.

L’héritage du guitariste est toujours très vivace. Ses descendants, ainsi que de nombreux manouches, authentiques ou d’adoption, perpétuent son style dans toute l’Europe du Nord, sans compter de nombreux autres musiciens...

Au cinéma (films)

Si la figure du « bohémien », souvent caricaturale, est fort répandue dans le cinéma depuis ses débuts, il a fallu attendre près d’un siècle avant que le Rom devienne un personnage à part entière.

L’un des premiers films respectueux fut « J'ai même rencontré des tziganes heureux » tourné en Yougoslavie par Alexandre Petrovic (1967).

De la même région est apparu le délirant Emir Kusturica dont au moins deux films mettant en scène des tsiganes sont mémorables : « Le temps des gitans » (1989) puis « Chat noir, chat blanc » (1998).

Le français Tony Gatlif, lui-même Rom a traité plus d’une fois des drames et des joies de son peuple dans des films de fiction et documentaires (il mélange souvent les deux genres). En 1982, « Les Princes » évoque le problème de la sédentarisation, en 1992 « Latcho Drom » fait le tour du monde des musiques rom, en 1997 tourné en Roumanie « Gadjo dilo » projette un jeune français dans un village tsigane, « Vengo » en 2000 s’intéresse au flamenco et « Swing » en 2001 au jazz manouche.


Le Mythe des Bohémiens dans la littérature et les arts

La Petite Gitane de Cervantès constitue la matrice d'un mythe qui, se développant dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, se répand dans la littérature et les arts à l'époque romantique. A l'opposé de l'image stéréotypée de ceux qu'on appelait des « Egyptiens », encore qualifiés par la plupart des élites « éclairées » de voleurs, libertins et de superstitieux, les Bohémiens idéalisés du XIXe siècle incarnent la liberté en marche sous toutes ses formes.

On connaît l'Esmeralda de Hugo et la Carmen de Mérimée. Mais on sait moins que, au-delà de ces deux figures féminines de la passion amoureuse, les écrivains et artistes contemporains (de George Borrow en Angleterre au poète tchèque Macha, en passant par Lamartine, Liszt, Valerio...) se passionnent pour un peuple nomade apparemment rebelle à toute obéissance aux lois de la société et dont la marginalité même lui confère une dignité nouvelle.

La « vie de bohème », telle du moins, qu'on se la représente, devient même un mode de contestation anti-bourgeois pour un certain nombre de jeunes artistes dans les années 1830. Mais dès le Second Empire, cette intériorisation de l'altérité bohémienne est elle-même dénoncée comme un mythe trompeur. Le discours « civilisateur » peut alors triompher et stigmatiser ces

" vagabonds " auxquels le XXe siècle réservera un sort terrible.

Dans la littérature européenne émerge le personnage de la bohémienne, jeune femme d'une grande beauté, fougueuse, aux charmes de laquelle succombent des hommes non-roms qu'elle entraîne vers un destin extraordinaire, souvent tragique. Mais telle qu'elle est dépeinte, elle a sans doute peu de rapport avec la vie des véritables femmes roms…

Voici quelques-uns de ces personnages de bohémiennes créés dans la littérature européenne :

- Cervantès : Preciosa (La Gitanilla, 1613) ;

- Pouchkine : Zemfira (Les Bohémiens, 1825) ;

- Victor Hugo : Esmeralda (Notre-Dame de Paris, 1831) ;

- Prosper Mérimée : Carmen (1845), repris en 1875 dans l'opéra de Bizet.