L’internement des Nomades en zone libre

Pour les familles nomades se déplaçant dans la zone libre avant la guerre, l’assignation à résidence reste la norme. La grande majorité des Nomades internés en zone libre viennent des espaces alsaciens et mosellans. Expulsés par les Allemands en juillet 1940, ces réfugiés nomades, pour la plupart de nationalité française, sont internés, à l’instar des familles juives expulsées et des milliers d’étrangers fuyant l’avancée allemande. Les deux seuls camps réservés aux Nomades en zone libre sont créés par le régime de Vichy : il s’agit de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) et Saliers (Bouches-du-Rhône).



Auvergne-Rhône-Alpes

Fort Barraux (Isère)

Bourgogne-Franche-Comté

· Camp de Moloy (Côte-d'Or)

· Camp de Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes (Yonne)

· Camp de la forêt de la Chaux à Étrepigney (Jura)

· Camp d'Arc-et-Senans (Doubs)

Bretagne

· Camp de Plénée-Jugon (Côtes-du-Nord)

· Camp de Toulboubou à Pontivy (Morbihan)

· Camp de Coray (Finistère)

· Camp de la rue Le Guen de Kérangal à Rennes (Ille-et-Vilaine)

Centre-Val-de-Loire

· Camp de la Morellerie à Avrillé-les-Ponceaux (Indre-et-Loire)

· Camp de Jargeau (Loiret)

Grand Est

Camp de Peigney (Haute-Marne)

Hauts-de-France

Camp de Royallieu à Compiègne (Oise)

Île-de-France

Camp de Linas-Montlhéry (Seine-et-Oise)

Normandie

· Camp de la Cité de la Mine à Barenton (Manche)

· Camp de Louviers (Eure)

· Camp de Darnétal (Seine-Maritime)


Nouvelle-Aquitaine

· Camp de Mérignac à Mérignac (Gironde)

· Camp du Sablou à Fanlac (Dordogne) (zone libre)

· Camp de Gurs (Basses-Pyrénées) (zone libre)

· Camp de Boussais (Deux-Sèvres)

· Camp de la route de Limoges à Poitiers (Vienne)

· Camp des Alliers à Angoulême (Charente)

Occitanie

· Camp de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard)

· Camp de Langlade (Gard)

· Camp de Garrigues (Gard)

· Camp du Mas-Boulbon à Nîmes (Gard)

· Camp d'Agde (Hérault)

· Camp d'Argelès (Pyrénées-Orientales)

· Camp du Barcarès (Pyrénées-Orientales)

· Camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales)

· Camp de Lannemezan (Hautes-Pyrénées)

Pays de la Loire

· Camp de la Forge à Moisdon-la-Rivière (Loire-Atlantique)

· Camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique)

· Camp de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire)

· Camp de la Mauditière à Grez-en-Bouère (Mayenne)

· Camp de la Chauvinerie à Montsûrs (Mayenne)

· Camp de la Pierre à Coudrecieux (Sarthe)

· Camp de Mulsanne (Sarthe)

· Camp de Monsireigne (Vendée)

Provence-Alpes-Côte d’Azur

· Camp de Saliers à Arles (Bouches du Rhône)


L’internement des Nomades en zone libre

Pour les familles nomades se déplaçant dans la zone libre avant la guerre, l’assignation à résidence reste la norme. La grande majorité des Nomades internés en zone libre viennent des espaces alsaciens et mosellans. Expulsés par les Allemands en juillet 1940, ces réfugiés nomades, pour la plupart de nationalité française, sont internés, à l’instar des familles juives expulsées et des milliers d’étrangers fuyant l’avancée allemande. Les deux seuls camps réservés aux Nomades en zone libre sont créés par le régime de Vichy : il s’agit de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) et Saliers (Bouches-du-Rhône).


L’internement en zone occupée : une décision allemande appliquée par les autorités françaises

Le 4 octobre 1940, l’administration militaire allemande charge les préfets de la zone occupée d’organiser l’internement des Zigeuner dans des camps pris en charge par les autorités françaises.

Les archives montrent des divergences et des confusions dans la traduction du terme Zigeuner.

Les préfets publient des arrêtés préfectoraux intimant à la gendarmerie d’arrêter les Nomades se trouvant dans leur département et déjà assignés à résidence. Mais des familles foraines se trouvent parfois explicitement visées par les préfectures et sont internées dans les camps. Bien que la décision de l’internement soit une initiative allemande, les arrestations des familles nomades ou foraines sont menées par les forces de police et de gendarmerie françaises.

Dans un premier temps, les Nomades sont rassemblés dans des lieux hétéroclites : une carrière, un château abandonné, une usine désaffectée, un cinéma, souvent à l’écart des bourgs.

Les conditions de vie sont très précaires : habitat insalubre, ravitaillement inexistant, surveillance plus ou moins étroite de la gendarmerie.

Passée l’urgence, les familles sont transférées dans des camps plus grands et mieux organisés.

Les familles s’entassent dans des baraquements en bois ou en dur, entourés de fils barbelés, gardés par des gendarmes, des douaniers, parfois par des militaires des troupes coloniales, obéissant à un directeur recruté parmi des militaires en congé d’armistice ou des policiers, le tout placé sous l’autorité du préfet.

Début 1941, environ 1700 personnes sont regroupées dans dix camps d’internement pour Nomades.

Dans l’est de la France, des camps sont établis à partir d’avril 1941.


La sortie des camps : une libération inachevée

La fin du régime d’Occupation et la Libération n’entraînent pas la fin de l’internement pour les Nomades. En août 1944, le gouvernement provisoire de la République française ordonnait pourtant la libération de tous les prisonniers, sans distinction, détenus sur décision allemande. Mais, en novembre, le ministre de l’Intérieur, Adrien Tixier, apporte quelques nuances en adressant une circulaire aux commissaires régionaux de la République, où il précise que les Nomades ne seront pas libérés avant que chaque cas ne soit étudié individuellement.

Les derniers internés sortent du camp de Jargeau (Loiret) le 31 décembre 1945. Le maintien des Nomades dans les camps après l’été 1944 répond à une double logique explicitement formulée par le gouvernement provisoire. D’une part, les Nomades sont toujours considérés comme de potentiels ennemis intérieurs. Le même argument qui a motivé la décision du 6 avril 1940 est donc repris, justifiant ainsi la prolongation de l’internement administratif. D’autre part, les autorités françaises considèrent l’internement des Nomades comme une première étape vers la sédentarisation des familles et voient alors l’occasion de mettre fin à l’itinérance.

À leur libération, en 1946, le ministre de l’Intérieur informe les préfets que les Nomades doivent toujours être assignés à résidence. Le dernier interné est libéré le 1er juin 1946 du camp des Alliers, près d’Angoulême. Toutes les formes de contrôle associées à la loi de 1912 et au carnet anthropométrique d’identité reprennent sous les gouvernements successifs sans aucune modification jusqu’en 1969.


Bilan : abandon, survie, discriminations

De 1940 à 1946, près de 7000 personnes ont été internées en France parce qu’elles étaient identifiées comme Nomades par les autorités françaises. Lors des arrestations, les Nomades ont tout perdu : chevaux, roulottes, stands forains et des outils de travail parfois coûteux. L’argent et les biens ne seront jamais restitués. Ils n’ont reçu aucune indemnisation pour ces spoliations et aucune aide à la sortie des camps. Certaines familles sont plongées dans une extrême pauvreté et rencontrent à nouveau l’hostilité des populations locales.

Après la guerre, un nombre réduit d’anciens internés accomplissent les formalités qui leur permettent d’accéder au statut d’« interné politique », seul statut permettant de faire reconnaître une invalidité consécutive aux années de privation et ainsi de percevoir une pension. Par ailleurs, si des Nomades ont été internés dans des camps français, ce n’est nullement en raison de leurs activités politiques mais bien parce qu’ils appartenaient, aux yeux des autorités allemandes, à un groupe désigné suivant les principes d’une discrimination raciale.

Le régime des Nomades est remplacé le 3 janvier 1969 par celui des « Gens du voyage ». Les carnets anthropométriques laissent place aux carnets et livrets de circulation. Ce nouveau dispositif, moins contraignant, est tout aussi discriminant sur un plan juridique. Le Conseil constitutionnel reconnaît d’ailleurs tardivement que le carnet est contraire aux principes de la Constitution. Plusieurs actions en justice entraînent la suppression du carnet de circulation en 2012.


Sur les trente communes d’implantation des camps où 7000 personnes furent internées en tant que Nomades, quinze stèles, apposées à des dates tardives, entre 1985 et 2018, rendent hommage aux Tsiganes persécutés.

C’est dire que l’oubli des persécutions infligées aux Nomades pendant la Seconde Guerre mondiale a prévalu durablement au sein de la société française. Ainsi, la commune de Mérignac n’a pas échappé à ce déni puisque la stèle inaugurée le 24 décembre 1985 sur l’emplacement de l’ancien camp de Beau-désert (321 Nomades par familles entières y furent internés le 17 novembre 1940) ne mentionnait pas les Tsiganes. Le mot « Tsiganes », coupé maladroitement (Tsiga-nes), n’a été ajouté sur la plaque qu’en juin 2005, sans que la date de 1941 ait été modifiée. Une nouvelle plaque, érigée en avril 2016, a corrigé la date et révisé le texte.

Remarquons par ailleurs que les manuels scolaires les plus diffusés de nos jours au sein des classes de Première et de Terminale (éditions Hachette Éducation, Hatier, Magnard, Bordas, etc.), comme ceux parus après la fin de la guerre, ne disent rien au sujet de l’internement des Nomades en France. À l’exception du manuel d’histoire de Terminale L, publié chez Nathan en 2012.


« Porrajmos » LE GÉNOCIDE DES TSIGANES

Tout comme les Juifs, les Tsiganes furent l’un des groupes persécutés pour des raisons raciales par le régime nazi et ses alliés dans toute l'Europe entre 1939 et 1945.

Les Nazis considéraient les Tsiganes comme « racialement inférieurs » et s’appuyaient sur les préjugés sociaux de nombreux Allemands, non nazis, à leur encontre. En de nombreux points, le sort des Tsiganes s’apparentait à celui des Juifs. Sous le régime nazi, les Tsiganes subirent des internements arbitraires, furent soumis au travail forcé et assassinés en masse. Les autorités allemandes exterminèrent des dizaines de milliers de Tsiganes dans les territoires occupés par les Allemands. Des milliers d’autres furent tués dans les camps de mise à mort d'Auschwitz-Birkenau, Chelmno, Belzec, Sobibor et Treblinka. Ils furent également incarcérés dans les camps de concentration de Bergen-Belsen, Sachsenhausen, Buchenwald, Dachau, Mauthausen et Ravensbrück.


Les déportations vers l’Allemagne depuis la France

Au cours de la guerre, la politique nazie envers les Zigeuner se radicalise et conduit à la déportation et au meurtre de masse.

Le nombre de victimes du génocide des Roms et Sinti en Europe est estimé à plus de 200000 personnes.

Pendant l’Occupation en France, ces persécutions ne sont pas appliquées dans la zone occupée où les autorités allemandes délèguent aux Français la mise en œuvre de l’internement. Pour autant, certains Nomades connaissent la déportation depuis le camp de Poitiers (Vienne) dans le cadre d’une opération de répression.

Le convoi Z du 15 janvier 1944

Le Nord et le Pas-de-Calais, rattachés au Haut Commandement militaire allemand de Bruxelles, connaissent une situation différente du reste de la France. Les familles dites « tsiganes » ne sont ni assignées à résidence, ni internées. Mais le 16 décembre 1942 (Décret de Himmler ordonnant la déportation des Tziganes vers Auschwitz) donne le signal de la déportation de masse de tous les Zigeuner présents dans le Reich, il est élargi le 29 mars 1943 aux Tsiganes du nord de la France, de Belgique et des Pays-Bas.

Le 15 janvier 1944, le convoi Z part de Malines à destination d’Auschwitz.

Il compte 351 personnes identifiées comme Zigeuner, dont plus de 75% de femmes et d’enfants de moins de 15 ans. Parmi elles, 145 Français, 109 Belges, 20 Norvégiens et 18 Hollandais.

C’est le seul convoi de déportation collective de ce type à destination d’Auschwitz-Birkenau en provenance des pays occupés d’Europe de l’Ouest avec celui de Westerbork (Pays-Bas) parti le 19 mai 1944.

Les déportés du convoi Z sont internés à Birkenau, dans la seule section du camp destinée à des familles, le Zigeunerlager, qui se transforme en un véritable mouroir.


Dès 1936, les Tziganes d’Allemagne, considérés comme des « non-personnes », furent envoyés dans des camps de concentration, dans ce pays et en Autriche. Les femmes y furent stérilisées de force - elles « ne méritaient pas de se reproduire » - puis la « destruction des vies inutiles » commença. Le « gibier » (Freiwild ), chassé dans toute l’Europe occupée en trois grandes vagues (1939, 1941, 1943), fut exterminé dans les camps polonais.

En général, la police allemande déportait les Tsiganes du Reich à Auschwitz-Birkenau, où un camp avait été conçu spécialement pour eux : "le camp des familles tsiganes". Des familles entières y étaient incarcérées : Tsiganes, et Sinti y furent déportés. Au moins 19000 des 23000 Tsiganes déportés à Auschwitz y périrent.


A l’instar du capitaine SS, le Dr Josef Mengele, des chercheurs en médecine nazis furent affectés au complexe d’Auschwitz et reçurent l’autorisation, afin de mener des expériences médicales pseudo-scientifiques, de choisir leurs sujets parmi les prisonniers.

Environ 3500 adultes et adolescents tsiganes furent déportés dans les camps de concentration allemands. Des médecins nazis utilisèrent des prisonniers tsiganes détenus dans les camps de Ravensbrück, Natzweiller-Struthof (France) et Sachsenhausen pour leurs expériences, ou bien directement sur les sites ou dans des instituts à proximité.

L’armée allemande et les unités de la SS et de la police exécutèrent également au moins 30000 Tsiganes dans les pays baltes et en Union soviétique occupée, où les Einsatzgruppen et d'autres unités mobiles d'extermination massacraient les Tsiganes en même temps qu'ils exterminaient les Juifs et les responsables communistes.

On ne connaît pas exactement le nombre de Tsiganes assassinés au cours de la Shoah. Les historiens estiment que les Allemands et leurs alliés auraient exterminé environ 25% des Tsiganes européens. Sur un peu moins d'un million de Tsiganes vivant en Europe avant la guerre, jusqu'à 220000 auraient ainsi été tués.


La révolte du 16 mai 1944 à Birkenau

Le 16 mai 1944 au soir, à Auschwitz-Birkenau apprenant l'imminente "liquidation" du camp par les nazis, les déportés tsiganes se révoltent Les baraques sont encerclées par une soixantaine de SS armés. Quand l’ordre est donné aux prisonniers Z de sortir, ils refusent et se défendent armés des montants des châlits. Ils tentent de saisir les mitraillettes des SS lorsqu’ils rentrent dans les baraques. Les SS abandonnent, ce soir-là.

Cette victoire fut de courte durée. Ils furent tous exterminés par le travail ou gazés, envoyés dans d’autres camps comme Buchenwald ou Ravensbrück.

Il reste autour de 2 900 « Tziganes », des enfants, des femmes, des malades, des vieillards, qui sont tous gazés dans la nuit du 2 au 3 août 1944.

La révolte du zigeuner familien läger est la seule action de Résistance connue avec celle du Sonderkommando au sein de l’enfer d’Auschwitz.

Comme l’a rappelé le président allemand, Johannes Rau, les Sinti et les Roma, par cette action de résistance, ont reconquis leur dignité dont ils avaient été privés par les lois et décrets nazis.

« Le génocide des Sinti et Roma, a été exécuté sur la base même du motif de la folie raciale avec la même intention et la même volonté de l’extermination planifiée et définitive que celui des juifs. Ils ont été assassinés dans l’ensemble de l’aire d’influence du national-socialisme, systématiquement, par famille, du bébé au vieillard. »

Roman Herzog chef de l’État de la République fédérale d’Allemagne

Sur 40000 Sinti et Roma allemands, 25000 ont été tués. Le génocide de 500000 Sinti et Roma en Europe a été refoulé après 1945 de la mémoire publique.

Les Sinti et Roma ont aussi participé à des actions de résistance armée en Europe occupée. Ils n’étaient pas que des victimes.

Après la guerre, la discrimination contre les Tsiganes continua à travers l'Europe centrale et orientale. La République fédérale d'Allemagne décida que toutes les mesures prises contre les Tsiganes avant 1943 étaient des mesures officielles légitimes prises contre des personnes ayant commis des infractions pénales, et non le résultat d'une politique inspirée par des préjugés raciaux. Cette décision ferma la porte à tout dédommagement pour des milliers de victimes tsiganes qui avaient été incarcérées, stérilisées de force et expulsées d'Allemagne alors qu'elles n'avaient commis aucun délit. La police criminelle bavaroise reprit même les dossiers de recherche du régime nazi, y compris le fichier des Tsiganes ayant résidé dans le Grand Reich allemand.

C'est seulement à la fin de 1979 que le parlement de RFA reconnut le caractère raciste de la persécution des Tsiganes par les Nazis, ce qui permettait à la plupart des Tsiganes de demander réparation pour les souffrances et les pertes subies sous le régime nazi. A cette date, cependant, beaucoup de ces victimes étaient déjà décédées.

Na bisterdom tumare anava!

Ne les oublions pas!