Gitans, Tsiganes, Roms, Manouches, Gens du Voyage

On en parle quotidiennement. Mais sait-on qu’ils forment la minorité la plus importante d’Europe ? Sait-on qu’ils ont une langue, une culture ?

La connaissance que nous en avons passe à travers le filtre de préjugés qui se sont sédimentés au cours de mille ans d’histoire et viennent inspirer puis justifier les actions menées à leur égard.


Leur rejet, multiséculaire, s’est construit sur des idées fausses, un imaginaire fantasmé dès leur arrivée en Europe au XIVe siècle.

On évoque souvent leur nomadisme, encore faut-il préciser que ce n’est pas une tradition chez eux, mais une nécessité pour s’adapter au rejet et aux persécutions.

La difficulté de les nommer

Dans la plupart des cas, « on » ne les nomme pas comme ils se nomment eux.

Qui sont ces « Caraques », ces « Piches », ces « Noïs », ces « Boumians », ces « Camps volants » … ?

Aucun terme ne semble approprié pour recouvrir la multiplicité des trajectoires de ces individus et familles françaises, encore trop souvent victimes de discrimination et d’un racisme ordinaire.

De nombreux mots ont servi à les nommer sans jamais parvenir à en saisir la diversité. Les catégories et les identités ne sont en effet jamais figées : elles se recomposent sans cesse et s’articulent aux héritages familiaux, historiques et géographiques.

En France, le terme Gens du voyage (certains d’entre eux préfèrent se nommer « Voyageurs ») désigne ces trois groupes, mais en plus les Yéniches, population d’origine germanique qui a adopté le même mode de vie itinérant au XVIIe.

Ce terme « Gens du voyage », spécificité française, entretient une confusion entre une identité culturelle et un mode d’habitat. Cela s’explique par la non-reconnaissance dans notre constitution du concept de « minorité culturelle, nationale ou ethnique» en raison de l’indivisibilité de la République. Malheureusement l’utilisation de ce terme permet beaucoup d’abus et de confusions, notamment dans les médias.


On constate aussi des glissements de sens, les termes employés un certain temps devenant trop péjoratifs (Romanichels qui voulait dire « peuple Rom ») ou bien le terme employé pour un groupe particulier prenant un sens général (par exemple « Gitans »).


  • Bohémiens : terme utilisé parce que le roi de Bohème leur avait accordé un passeport de circulation. Cette appellation ancienne est abandonnée progressivement au XIXe siècle.


  • Gens du Voyage : catégorie administrative française définie par la loi du 3 janvier 1969.


  • Gitans : vient de l’espagnol « gitanos » (Egyptiens) et désigne les Kalé (de la langue kaló) issus de la péninsule ibérique.


  • Manouches : vient du sanscrit et signifie « être humain », il désigne le groupe des Sinti, présents notamment en Belgique et dans le pourtour méditerranéen (Italie et France).


  • Nomades : appellation fréquente dans de nombreux pays aux XIXe et XXe siècles, catégorie administrative française définie par la loi du 16 juillet 1912.


  • Romanichels : désignation populaire issue de l’expression « romaní chavé », (les enfants des Roms) en langue romani (la langue des Roms), terme employé par extension pour tous les groupes roms.


  • Roms : signifie « homme » en Hindi et désigne les groupes issus d’Europe centrale et orientale, ainsi que l’ensemble des groupes romani.


  • Tsiganes (ou Tziganes) : désignation générique à la fois savante et populaire, qui vient du terme Cigan employé en Méditerranée à la fin du Moyen Âge. En France, ce terme passe pour relativement neutre et fait référence à l’aspect culturel (musique, danse, contes), mais en Allemagne, il renvoie à la période nazie. La lettre « Z » désignait les « Zigeuner » comme l’étoile jaune désignait les Juifs et les a conduits dans des camps d’extermination.

En Europe orientale, ce terme est nettement dépréciatif et injurieux.


  • Yéniches : terme désignant des groupes semi-nomades d’origine Européenne, principalement basés en Allemagne, Suisse, Autriche, France et Belgique.


  • Gadjo, Gadjé (pl.) : terme désignant les personnes n’appartenant pas à la communauté tsigane.

Peuple composé de trois grands groupes

En France, le terme Gens du voyage (certains d’entre eux préfèrent se nommer « Voyageurs ») désigne ces trois groupes, mais en plus les Yéniches, population d’origine germanique qui a adopté le même mode de vie itinérant au XVIIe.

Ce terme « Gens du voyage », spécificité française, entretient une confusion entre une identité culturelle et un mode d’habitat. Cela s’explique par la non-reconnaissance dans notre constitution du concept de « minorité culturelle, nationale ou ethnique» en raison de l’indivisibilité de la République. Malheureusement l’utilisation de ce terme permet beaucoup d’abus et de confusions, notamment dans les médias.

- Les Sintis ou Manouches (en France) : installés en Allemagne et en Italie dès leur arrivée en Europe au XVe siècle. Après les guerres franco-prussiennes une partie s’est installée en France.

- Les Gitans ou Kalés vinrent jusqu’en Espagne à la fin du XVe siècle, mais les persécutions puis la grande pauvreté et enfin la guerre civile ont poussé une partie des gitans à s’installer dans le sud de la France.

- Les Roms ou Rroms de loin le groupe majoritaire, sont fixés en plus grand nombre dans les pays d’Europe de l’Est. Depuis le XIXe siècle à la fin du maintien en esclavage en Roumanie, des groupes de Roms sont venus vers l’Europe de l’Ouest. Certains se sont fixés ici, puis d’autres sont venus par vagues successives.


Depuis 1971, les délégués d’un premier congrès tsigane adoptent le terme Rom pour désigner l’ensemble du peuple tsigane, ils se donnent un drapeau. Leur langue, la langue romani, a traversé les siècles même si suivant les pays où les groupes se sont fixés, elle a pris différents aspects : teinté d’allemand chez les Sintis et les Manouches, d’espagnol ou de catalan chez les Gitans.

Quel que soit leur nom, toutes ces communautés sont originaires du Sud-Ouest de l’Inde où ils exerçaient des métiers définis comme impurs par la société brahmanique : ferrailleurs, fossoyeurs, saltimbanques. Les personnes exerçant ces métiers étaient interdites de sédentarisation.

Vers 1200, des centaines d’entre eux migrent vers l’Asie centrale pour se mettre au service des Mongols (Gengis Khan) moins regardants sur leurs professions.

Au XIVème siècle ils s’installent en Europe de l’Est où ils se sédentarisent et se mettent au service des grands domaines agricoles.

D’autres poussent jusqu’en France. D’autres s’installent en Espagne en passant par l’Egypte.

Il existe de nombreuses sous-divisions des communautés Roms se rapportant aux professions qu’exerçaient leurs ancêtres .