Plaques en hommage des pendus du 2 mars 1944

Boulevard Talabot / Route de Beaucaire


2 mars 1944 : quinze pendus pour l’exemple à Nîmes

 

Face à la résistance des maquisards, la riposte allemande a été spectaculaire.

C'est le bouche à oreille qui a mené les Nîmois devant le pont de chemin de fer de la route d'Uzès ce 2 mars 1944. "C'était un après-midi, juste après la sortie de l'école. J'étais avec un groupe d'amis et un de mes voisins est venu nous voir en disant : Il paraît que les Allemands sont en train de faire un mauvais coup. Ils ont bouclé le quartier. Il paraît qu'ils vont pendre des otages. Alors on s'y est précipité à vélo", se souvient Raymond Guillaud, 16 ans à l'époque.

"Une image horrible" (Raymond Guillaud)

Sur place, la rumeur se révèle juste. Six corps, corde au cou, pendent accrochés au pont. L'un d'entre eux porte un écriteau sur la poitrine où les spectateurs médusés peuvent lire "Ainsi seront jugés tous les terroristes de France." "Une image horrible, affligeante, que je ne suis pas prêt d'oublier." Beaucoup de Nîmois ont fait le déplacement et assistent silencieusement à cette exécution. "Les Allemands contenaient la foule et obligeaient les gens à regarder. Tout le monde était figé. Les femmes étaient en pleurs. Les hommes avaient des larmes dans les yeux et les dents serrées de rage et d'impuissance."

Route de Beaucaire et avenue Jean-Jaurès

Le même spectacle macabre s'est déroulé, ce jour-là, à deux autres endroits de la ville : au niveau de la route de Beaucaire, où trois hommes ont subi le même sort, et sur la route de Montpellier, près du Pont Oblique, où ils seront six à trouver la mort, accrochés aux arbres de l'avenue Jean-Jaurès.

Ce 2 mars 1944, quinze hommes seront pendus pour l'exemple aux trois entrées de Nîmes. Treize d'entre eux avaient été arrêtés dans le Gard par les soldats de la Wehrmacht quelques jours auparavant, les 28 et 29 février, lors d'une opération menée dans le but de détruire les maquis des Cévennes.

Sculpture de la scène par Jean-Charles Lallemand

Louis Walter Carle, Émile Eckhardt, Désir Jeanjean et Hénoc Nadal ont été faits prisonniers à Ardaillers. Quatre Polonais l'ont été à Lasalle. Il s'agissait de Joseph Damaszewicz, Jan Jankowski, Stanislas Kasjanowicz et Jean Lukawski. Quatre autres ont été pris à Driolle : Miguel Ordines et son fils Jean Ordines, Jean-Louis Baudoin et Roger Mathieu. René Kieffer, lui, a été pris en otage à Saint-Hippolyte-du-Fort. Les deux derniers, Fortuné Donati et René Leveque, blessés dans la même commune mais transportés clandestinement à Nîmes pour être soignés, ont été dénoncés et emmenés sur le lieu de leur exécution par les SS.

De ces scènes, il ne reste que les témoignages des Nîmois présents. Il n'existe aucune photo, juste une représentation, immortalisée par le sculpteur Jean-Charles Lallemand au monument à la mémoire des martyrs de la Résistance du Gard érigé en 1947 sur l'avenue Jean-Jaurès.

 

Les martyrs du 2 Mars 1944

Les pendus de Nîmes. Les nazis, traquent les maquisards en Cévennes. Bredouilles, ils arrêtent arbitrairement 15 personnes puis les ramènent à Nîmes. Le 2 mars au soir, commence une nuit maudite. Les Allemands font monter les prisonniers dans un camion et entreprennent un “tour de ville”. Premier arrêt : le pont du chemin de fer, route d’Uzès. Six otages sont précipités dans le vide depuis le haut du viaduc, une corde au cou. Une des six cordes casse, l’otage est achevé d’un coup de revolver. Deuxième arrêt : le viaduc, route de Beaucaire. 3 hommes sont pendus de la même façon. Troisième arrêt : De nouveau un viaduc situé au début de la route de Montpellier (Tout au bout de l’avenue Jean Jaurès). 6 hommes sont pendus aux arbres. Les nazis, ivres de rage ou de folie riaient et criaient lors des exécutions. Autour du cou des victimes, ils avaient apposé une pancarte avec cette inscription : “Ainsi sont traités les terroristes”. Les cordes sont restées en place jusqu’au 24 août 1944, jour de la libération de Nîmes.

Analyse média

Cette gravure sur linoléum, imprimée dans le numéro 8 de l'Assaut du 4 septembre 1944, traduit l'horreur de cet acte avec ces corps suspendus, immobiles. Par la profondeur artistique donnée à sa représentation de la scène, Lorraine donne l'impression de maîtriser les trois dimensions. 

En 1943, la riposte au Service du Travail Obligatoire (STO) induit la multiplication des maquis et des actions de guérilla. Début 1944, l'occupant croit pouvoir stopper le phénomène par de sanglantes opérations de représailles pour terroriser les populations. Le 2 mars 1944, des éléments de la division SS Hohenstaufen obligent la population présente à assister à la pendaison, sous les ponts de Nîmes, de 14 otages arrêtés les jours précédents parmi les résistants cévenols soupçonnés d'aider les maquis ainsi que deux maquisards blessés sortis d'un hôpital et quatre réfugiés polonais prélevés au hasard dans un centre d'hébergement. Ce crime féroce a profondément marqué la mémoire collective et n'a pas manqué d'inspirer divers poètes et artistes tel Robert Petit Lorraine.

Alain Martinot

Contexte historique

Né en 1920 à Nancy, Robert Petit est issu d’une famille de patriotes catholiques fervents. Grâce à son père, ferronnier d’art, il bénéficie très jeune d’une importante culture artistique et, dès 1935, il entre comme apprenti dans l’atelier du maître verrier Janin à Nancy.

Sa famille est forcée de quitter Nancy pendant l’exode de 1940. Elle échoue en Ardèche, d'abord à Saint-Cirgues-en-Montagne puis à Saint-Privat avant la signature de l’armistice franco-allemand. De juillet 1941 à février 1942, Robert Petit appartient au groupement 13 des Chantiers de jeunesse de Cavaillon (Vaucluse). Contrairement à sa famille qui retourne à Nancy après plus de deux ans d'exil, il décide de rester en Ardèche, attiré par la lumière et les paysages de ce département. Après bien des difficultés dans sa recherche d'emploi (formation de peintre en vitraux d'église et quelques problèmes de santé), il devient agent d'assurances. Il est alors hébergé à "la Châtaigneraie" à Aubenas, véritable lieu de culture animé par les propriétaires Louise et Rose Chaussabel, institutrices de la Loire à la retraite et leur amie enseignante et musicienne, Eugénie Gagnaire. Il y rencontre quelques personnes qui développent chez lui de nouvelles valeurs humanistes et laïques, très différentes de son héritage familial.

Une première exposition de ses dessins à la plume est présentée à Vals-les-Bains en août 1942. Suite à la mise en place du Service du Travail Obligatoire (STO), après avoir été recensé et avoir passé la visite médicale le 4 mars 1943, il entre en clandestinité dès le lendemain. Il change souvent de cachette sur Aubenas : la Châtaigneraie mais aussi Saint-Louis-de-Ferrières, voire l'Immaculée Conception, maisons des frères maristes. Lorsque le danger se précise, il rejoint le plateau ardéchois et ses fermes-refuges, comme celle de «la Grande Borie», près de la Chartreuse de Bonnefoy sur le plateau ardéchois et prend comme nom de résistant «Lorraine» en référence à sa région natale, fortement marquée par les rapports conflictuels entre la France et l'Allemagne.

Pendant cette période, il continue de dessiner et réalise manuellement plusieurs affiches pour la Résistance qui sont placardées dans Aubenas afin d’appeler la population à résister. Vers le milieu de l'année 1944, Robert Petit rejoint les Francs-Tireurs et Partisans. Sous le pseudonyme de "Lorraine", il devient à partir du numéro 6 du 21 août 1944, le dessinateur attitré du journal des FTP : L’Assaut, jusqu'au numéro 14 du 9 octobre 1944. L'imprimerie typographique Mazel située à Largentière qui sort le journal ne disposant pas d’équipement en photogravure, Petit Lorraine réalise ses clichés d’illustration en gravant des plaques de linoléum (1). Il est ensuite l'illustrateur du bandeau du titre de l'hebdomadaire FFI Valmy qui remplace l'Assaut et La IVe République, organes des FTP et de l'Armée Secrète suite à leur unification. La signature de Lorraine n'apparaît au bas des caricatures dessinées au trait que dans les trois premiers numéros de l'hebdomadaire Valmy entre le 14 et le 28 octobre 1944. Pendant cette période, Robert Petit Lorraine crée une série de remarquables affiches appelant au combat patriotique. A partir de septembre 1944, il a désormais la possibilité d’utiliser les services de grandes imprimeries lyonnaises spécialisées.

Ses affiches sont souvent accompagnées d'une légende, comme si Lorraine voulait, par les notes picturale et littéraire, toucher le public le plus large possible. Cette partition à deux temps se retrouve dans sa peinture avec sa gamme en noir et blanc, ses lavis. Le vocabulaire de Lorraine véhicule les valeurs pour lesquelles il combat artistiquement : justice, liberté, dignité de l'Homme, bonheur, espérance d'un monde nouveau. Mais l'artiste n'oublie pas le contexte historique : celui de la guerre, d'où la violence des mots et des expressions : "vengeance, châtier les traîtres, balayer les boches, les profiteurs..."

Après la guerre, Lorraine continue de fréquenter des milieux intellectuels et artistiques et de peindre désormais sous le nom de «Robert Petit Lorraine». Après avoir été l'ami et l'illustrateur de Saint-John Perse, il consacre la dernière partie de sa vie d'artiste à la résistance Cathare. Malgré de nombreux voyages, Robert Petit-Lorraine reste très attaché à l’Ardèche, département où il meurt en 2006. 

(1) Ces linogravures, précieuses oeuvres d’art, sont présentées en vitrine au Musée de la Résistance et de la Déportation en Ardèche, 15, rue du Travail 07 400 LE TEIL.

 

Pour frapper fort les esprits et décourager la résistance à l'occupant, de plus en plus active,

les Autorités Allemandes désignent arbitrairement 15 otages.


Ils seront pendus en divers points de la Ville de Nîmes : Boulevard Jaurès, Route de Beaucaire et Route d'Uzès. Exposés longuement aux regards de la population.


Six jeunes résistants sont donc pendus sous l'arche du pont de chemin de fer Nîmes-Alès. En leur mémoire ce pont est dorénavant connu sous le nom de « Pont des Pendus ».

Le Comité de Quartier fit poser la plaque qu'on y voit toujours.