Estelle DECALO (née ATTAS)

Le 7 Avril 1944, j'ai été arrêté par les Français, par la Milice française. Malheureusement. A Marseille même oui.


Vous avez été arrêtée comment ? 


Nous avons été dénoncés. D'abord, on a arrêté mon père et puis, on est venu me chercher à mon lieu de travail en me disant que mon père avait eu un accident. Et naturellement je n'ai pas pu dire non. Et la personne chez qui je travaillais. Je travaillais chez un dentiste à l'époque il a dit :«Laissez cette jeune fille tranquille, faites comme si vous l'aviez pas vu ! » Il a dit « Monsieur, si vous continuez, on vous emmène vous aussi ! ». Alors j'ai dit à Monsieur Blanc « Écoutez, laissez-moi tant pis, je vais rejoindre mon père s'il a eu un accident. Puis il lui a demandé les papiers et c'est là que nous avons vu que c'était des miliciens. Ils étaient habillé très simplement comme des ouvriers, on m'amenait chez moi. A l'époque, j'habitais 27 rue Adolphe Thiers. Et quand je suis arrivé, il y avait deux personnes qui gardaient mon père. Tiens, bon, j'ai vu que mon père n'était pas blessé, rien du tout. Mais je lui dit : « Mais qu'est ce qu'il arrive Papa ? ». Il me dit « C'est rien ma fille, n'ai pas peur ». Alors un monsieur m'a dit « Mademoiselle, Faites une petite valise, ramasser du linge pour vous, votre père et votre maman » . « Mais je n'ai pas de mère » . J'ai voulu mentir vous comprenez. Je voulais sauver au moins ma mère. « Mais si, si, mademoiselle, vous avez votre mère, ne mentez pas sinon je vous envoie une gifle ! ». Il m'a fait signe de m'envoyer une gifle. Alors je lui ai dit, allez-y, « Allez-y, monsieur, vous êtes un bon français ! » Je n'avais pas peur. J'ai fait ce qu'il m'a dit. J'ai pris quelques affaires pour mes parents et moi-même. Nous avons attendu maman. Si de là, nous avons fermé la porte et on nous a amené à la Gestapo, rue Paradis. Et là, je suis resté plus de 20 jours, avec ma mère. Et puis, je voudrais qu'on aille un peu plus loin. Je suis allé à Drancy. Alors là, j'ai retrouvé mon père. Nous sommes resté quelques jours et de Drancy, on nous a amené à Auschwitz dans des wagons plombés. Vous savez ce que c'est, vous y rentrez sept chevaux, on mettait soixante-cinq personnes. C'était invivable, on étouffait. Vous C'était invivable, on étouffait. 


Vous avez survécu miraculeusement. 


Moi, monsieur, j'ai survécu. On a fait d'abord descendre les hommes. Je n'ai pas eu le temps de voir partir mon père. Mais, je suis descendue avec maman qui voulait récupérer sa valise. Alors, on nous a dit : « vous les récupérerez après ! ». Et puis, alors vous savez, quand vous descendez là-bas à Auschwitz, vous êtes abruti par les aboiements des chiens, les cris des Allemands, les coups, on savait plus où on était alors je vais partir ma mère. Et, on nous partageait un de côté, un de l'autre. Et moi, j'étais, comme je pourrais vous dire, hypnotisée. J'ai regardé partir ma mère, et puis, après, je me suis enfui et je lui ai couru après, voulant aller avec elle. Mais malheureusement, je n'avais plus de voix, je pouvais pas l'appeler. Et peut-être que j'ai une chance, un Allemand est venu derrière moi. Il m'a attrapé par le collet et m'a fait retourner. Et j'ai retrouvé mes camarades d'Auschwitz. 


Évidemment, vous n'avez jamais revu votre mère. 


Jamais. Et alors, c'est là qu'on nous tatouait. Parce que j'ai un tatouage à mon bras. Vous vous souvenez du numéro ? Certainement A5456. Je l'aurai jusqu'à ma mort. Je la fais pas enlever ça. Vous savez une déportée ne veut pas être heureuse.  C'est très dur parce que ça ne s'oublie pas et vraiment ça ne peut pas se décrire exactement il y a certaines choses qu'on peut pas pourquoi tant de haine envers nous tant de méchanceté. Envers des innocents, des enfants, des vieillards, pourquoi qu'est-ce que nous avons fait ? Je, vous savais, j'ai très peur pour notre jeunesse actuelle.

Interview réalisé dans reportage de la télévision publique