Jacqueline APELBAUM

Mes parents avaient une propriété, un grand Mazet, en haut de la côte de l’Eau Bouillie (Nîmes). Ils faisaient partie d’un réseau qui faisait beaucoup de biens et qui cachait. La nuit, mon père étant carrossier, on lui amenait dans son mazet les voitures volaient aux Allemands, aux « Boschs » comme disaient mon père. Mon père disait, nous enfants, que ce n’était pas bien de dire ça. Mais mon frère le disait et lui ce n’était pas pareil… Dans le Mazet, y ‘avait un cercle de Résistance, ça s’appelait l’Eau Bouillie. 

C’était en haut de la côte près du bistrot de la Route d’Alès. La nuit, il trafiquait. On remettait les voitures des allemands pour le maquis.  Les enfants, il ne fallait rien dire. Mon frère il n’arrêtait pas de dire « Les Boches » et on avait peur de se faire dénoncer. Et puis, dans ma bande d’amis est venu Serge. Il était juif. Je l’ai présenté à mes parents. Il a été accepté de suite. Il a été accepté de suite dans ma famille car c’était qu’un qui était pour la Résistance. Les gens étaient méchants à cette époque-là. La dénonciation était facile. J’avais des grands parents qu’habitaient dans les Cévennes. Les protestants et les catholiques se frictionnaient beaucoup. Les protestants faisaient beaucoup de bien à la communauté juive en les cachant. Mon père en cachait dans son mazet. Il avait peur de rien … lui. Et Serge est rentré dans cette famille protestante. Il a été accepté même dans les Cévennes. Vous saviez les Cévennes c’est des durs. Le grand père là-bas quand on lui a présenté, il lui a tapé la main sur l’épaule. C’est comme ça qu’on hébergeait les juifs chez nous. Ce n'était pas des bêtes.

Chacun était caché, y ‘en a eu qui était en Suisse. Ils étaient éparpillés. Le plus terrible, c’est ceux qui ont été aux fours crématoires dans la famille. Serge, le pauvre, ça a trinqué. Une sœur a réussi à survivre, les autres sont allés aux fours crématoires. C’était une rescapé d’Auschwitz, Bella Marcovichi. Dans la famille, il y ‘a eu des tristesses et des joies comme dans toutes les familles. Ils partaient plus ou moins jeunes. Beaucoup d’Apelbaum sont enterrés au cimetière Protestant pour pouvoir « faire leur belote ensemble ».

Propos recueillis par David STORPER dans le cadre du travail de recueil de témoignages entrepris par le Collectif Histoire et Mémoire.